The Writings of Maria Valtorta

100. A Nazareth, dans la maison d’Alphée, vieux et malade. La vie d’un apôtre n’est guère facile.

100. In Nazareth, in the house of the old and sick

100.1

Jésus se trouve avec les siens dans les belles collines de Galilée. Le soleil est encore haut sur l’horizon bien que le crépuscule arrive. Pour lui échapper, les voyageurs marchent sous les arbres, presque toujours des oliviers.

« Après cette montée, c’est Nazareth, dit Jésus. Mais à l’arrivée, nous allons nous séparer. Jude et Jacques iront aussitôt chez leur père, comme leur cœur le désire. Pierre et Jean feront l’aumône aux pauvres qui se tiendront certainement près de la fontaine. Les autres et moi, nous irons à la maison pour le repas, puis nous penserons au repos.

– Nous, nous irons chez le bon Alphée, fils de Sarah. Nous le lui avons promis la dernière fois. Mais j’irai seulement pour le saluer. Je cède mon lit à Matthieu, qui n’est pas encore habitué à coucher à la dure, dit Philippe.

– Non, non, pas toi qui es âgé. Je ne le permets pas. J’ai eu un lit confortable jusqu’à présent. Mais quels sommeils infernaux j’y faisais ! Crois-moi : maintenant je suis si bien en paix que j’ai l’impression de dormir sur des plumes même si je couche sur des cailloux. C’est la conscience qui vous donne un bon sommeil ou non ! » répond Matthieu.

Une véritable émulation de charité s’allume alors entre les disciples Thomas, Philippe, et Barthélemy. Si je comprends bien, ce sont eux qui étaient la dernière fois dans la maison de cet Alphée (qui n’est sûrement pas le père de Jacques, car celui-ci parle avec André et lui dit : « Il y aura toujours une place pour toi comme la dernière fois, même si le père est plus malade »).

C’est Thomas qui triomphe :

« Je suis le plus jeune du groupe. C’est moi qui cède le lit. Laisse-moi faire, Matthieu, tu t’habitueras petit à petit. Tu crois que cela me coûte ? Non. Je suis comme un amoureux qui pense : “ Je coucherai à la dure, mais je serai tout proche de mon amour. ” »

Thomas, un homme dans les trente-huit ans, part d’un rire jovial et Matthieu cède.

Voici maintenant, à quelques mètres, les premières maisons de Nazareth.

« Jésus… nous partons, dit Jude.

– Allez, allez. »

Les deux frères partent presque au pas de course.

« Ah, un père c’est un père, murmure Pierre. Même s’il boude, c’est toujours notre sang et le sang, ça vous tient plus fort qu’un cordage. Et puis… ils me plaisent, tes cousins. Ils sont très bons.

– Ils sont très bons, oui. Et ils sont humbles, assez pour ne pas mesurer à quel point ils le sont. Ils se croient toujours en faute, car leur esprit voit le bien chez tous, sauf chez eux. Ils feront beaucoup de chemin… »

100.2

Les voici arrivés à Nazareth. Des femmes voient Jésus et le saluent, des hommes et des enfants également. Mais on n’entend pas ici, comme dans les autres bourgades, les acclamations au Messie : ce sont des amis qui saluent, plus ou moins chaleureusement, l’Ami qui revient. Chez beaucoup je remarque une curiosité ironique à la vue du groupe hétéroclite qui accompagne Jésus. Cela ne ressemble vraiment pas à une cour de dignitaires royaux ni à un cortège pompeux de prêtres. En sueur, couverts de poussière, vêtus très modestement, sauf Judas, Matthieu, Simon et Barthélemy – je les ai mis par ordre décroissant d’élégance –, ils ressemblent plus à un groupe d’hommes du peuple en voyage qui se rendent à un marché qu’à la suite d’un roi. Ce Roi n’a pour lui que l’ascendant de la taille et celui de son aspect.

Ils font quelques mètres, puis Pierre et Jean s’éloignent sur la droite, tandis que Jésus et les autres s’avancent jusqu’à une petite place remplie d’enfants qui crient autour d’une vasque pleine d’eau où les mères vont puiser.

100.3

Un homme aperçoit Jésus et fait un signe de joyeux étonnement. Il se hâte vers lui et le salue :

« Bon retour ! Je ne t’attendais pas si tôt ! Tiens : embrasse mon dernier petit-enfant. C’est le petit Joseph. Il est né en ton absence. »

Et il lui tend un bébé qu’il tient dans les bras.

« Tu l’as appelé Joseph ?

– Oui, je ne l’oublie pas, lui qui était un peu de ma parenté. Plus qu’un parent, c’était pour moi un grand ami. J’ai donné à mes petits-enfants les noms qui m’étaient les plus chers : Anne, mon amie de ma petite enfance, et Joachim. Puis Marie… Ah ! Quelle fête à sa naissance ! Je me souviens qu’ils me l’ont donnée à embrasser en disant : “ Tu vois ce bel arc-en-ciel ? C’est le pont par lequel elle est descendue du ciel. C’est le chemin que prennent les anges ” et, c’est vrai, elle ressemblait à un petit ange tant elle était belle… Maintenant voici Joseph. Si j’avais su que tu revenais si tôt, je t’aurais attendu pour la circoncision.

– Je te remercie de ton amour pour mes grands-parents et pour mon père et ma mère. C’est un bel enfant. Qu’il soit juste pour l’éternité comme Joseph le Juste. »

Jésus berce le petit qui lui fait des risettes pleines de lait.

« Si tu m’attends, je viens avec toi. J’attends que les amphores soient pleines. Je ne veux pas que ma fille Marie se fatigue. Et même, regarde ce que je fais. Je donne les brocs à tes disciples, s’ils veulent les prendre, et je parle un peu seul à seul avec toi.

– Mais bien sûr que nous les prenons ! Nous ne sommes pas des rois assyriens, s’exclame Thomas, saisissant aussitôt un broc.

– Alors, attention. Marie, femme de Joseph, n’est pas à la maison. Elle est chez son beau-frère, sais-tu ? Mais la clé est chez moi. Faites-la-vous remettre pour entrer dans la maison, dans l’atelier, je veux dire.

– Oui, oui, entrez même dans la maison, je viendrai plus tard. »

Les apôtres s’en vont et Jésus reste avec Alphée, fils de Sarah.

« Je voulais te dire… Je suis vraiment ton ami… Quand on est un vrai ami, plus âgé, et de la même ville, on peut parler. Je crois que je dois parler… Moi… je ne veux pas te donner de conseil. Tu sais mieux que moi. Je veux seulement t’avertir que… oh, je ne veux pas faire l’espion, ni te faire voir ta famille sous un mauvais jour. Mais je crois en toi, Messie et… et cela me fait de la peine, voilà, de voir qu’ils disent que tu n’es pas toi, je veux dire pas le Messie, que tu es un malade, que tu ruines la famille et ta parenté. La ville… Tu sais, Alphée est très estimé et la ville les écoute eux aussi, et maintenant il est malade et il fait pitié… Parfois la pitié elle-même pousse à des actes injustes. Vois, j’y étais, le soir où Jude et Jacques t’ont défendu, toi et la liberté de te suivre… Oh, quelle scène ! Je ne sais comment ta Mère y résiste ! Et cette pauvre Marie, femme d’Alphée ? Les femmes sont toujours victimes dans certaines situations de famille.

– En ce moment, mes cousins sont chez leur père…

– Chez leur père ? Ah, je les plains ! Ce vieillard est vraiment hors de lui et, c’est sûrement l’âge et la maladie, mais il se conduit comme un fou. S’il n’était pas fou, il me ferait encore davantage pitié car… il y perdrait son âme.

– Penses-tu qu’il va maltraiter ses fils ?

– J’en suis certain. Je le regrette pour eux et pour les femmes… Où vas-tu ?

– A la maison du vieil Alphée.

– Non, Jésus ! Ne te fais pas manquer de respect !

– Mes cousins m’aiment plus qu’eux-mêmes, et il est juste que je leur montre un égal amour… Et il y a là-bas deux femmes qui me sont chères… J’y vais. Ne me retiens pas. »

Jésus se hâte vers la maison d’Alphée, pendant que l’autre reste, pensif, au milieu de la rue.

100.4

Jésus marche rapidement. Je le vois atteindre la bordure du jardin d’Alphée. Il est rejoint par les pleurs d’une femme et les hurlements incohérents d’un homme. Jésus parcourt encore plus vite les derniers mètres qui le séparent de la maison, à travers le jardin tout vert.

Il va arriver sur le seuil de la maison, quand sa Mère apparaît à la porte et voit son fils.

« Maman !

– Jésus ! »

Deux cris d’amour.

Jésus va entrer, mais Marie dit :

« Non, mon Fils. »

Et elle se met sur le seuil, les bras ouverts, les mains serrées aux montants de la porte, une vraie barrière de chair et d’amour, et elle répète :

« Non, mon Fils, ne fais pas cela.

– Laisse, Maman, il ne va rien se passer. »

Jésus est très calme, même si la grande pâleur de Marie doit sûrement le troubler. Il saisit son fin poignet, détache sa main de l’huisserie, et passe.

Dans la cuisine sont répandus sur le sol les œufs réduits à l’état de pâtée visqueuse, les grappes de raisin, le pot de miel apportés de Cana.

D’une autre pièce parvient la voix plaintive d’un vieillard qui jure, accuse, se lamente, dans une de ces colères séniles si injustes, si impuissantes, pénibles à voir et douloureuse à subir :

« Ma maison est détruite, elle est devenue la fable de tout Nazareth, et me voilà ici, seul, sans aide, blessé au cœur, atteint dans mon respect, dans mes besoins ! Voilà ce qu’il te reste, Alphée, pour avoir agi en vrai fidèle ! Et pourquoi ? Pourquoi ? Pour un fou. Un fou qui rend fous mes imbéciles de fils. Ah ! Ah ! Quelles souffrances ! »

Et la voix de Marie, femme d’Alphée, en larmes, qui supplie :

« Sois bon, Alphée, sois bon ! Tu ne vois pas que tu te fais du mal ? Viens, que je t’aide à te coucher… Toi qui as toujours été bon, toujours juste… Pourquoi, maintenant, te montres-tu comme ça avec toi, avec moi, avec ces pauvres enfants ?…

– Non, non ! Ne me touche pas ! Je ne veux pas ! Bons, mes fils ? Ah oui, vraiment ! Ce sont deux ingrats ! Ils m’apportent du miel après m’avoir rempli d’amertume. Ils m’apportent des œufs et des fruits après m’avoir mangé le cœur ! Va-t’en, je te dis ! Va-t’en. Je ne veux pas de toi. Je veux Marie. Elle, elle sait comment faire. Où est maintenant cette faible femme qui ne sait pas se faire obéir de son Fils ? »

Chassée, Marie, femme d’Alphée, entre dans la cuisine au moment où Jésus est sur le point d’entrer dans la chambre d’Alphée. Elle le voit et s’écroule sur lui, en sanglotant de désespoir, tandis que la Vierge Marie, humble et patiente, se rend auprès du vieillard colérique.

« Ne pleure pas, ma tante. J’y vais à mon tour.

– Non ! Ne te fais pas insulter ! Il semble fou. Il a son bâton. Non, Jésus, non. Il a frappé même ses fils.

– Il ne me fera rien. »

Doucement mais fermement, Jésus écarte sa tante et entre.

100.5

« Paix à toi, Alphée. »

Le vieillard, qui allait se coucher avec mille plaintes et reproches adressés à Marie sous prétexte qu’elle ne sait pas s’y prendre (alors qu’il venait de dire qu’elle seule savait comment faire), se retourne brusquement.

« Toi ici ? Tu viens te moquer de moi ? Même ça ?

– Non. Je viens t’apporter la paix. Pourquoi es-tu aussi inquiet ? Tu te fais du mal. Maman, laisse. C’est moi qui vais le soulever. Je ne te ferai pas mal et tu n’auras pas d’effort à faire. Maman, soulève les couvertures. »

Jésus prend délicatement ce petit tas d’os râlant, flasque, méchant, pleurant, misérable et l’allonge avec beaucoup de précautions, comme s’il s’agissait d’un nouveau-né, sur le lit.

« Voilà, comme ça. Comme je le faisais pour mon père. Plus haut, ce coussin. Il te tiendra soulevé et tu respireras mieux. Maman, mets-lui sous les reins ce petit coussin. Il sera plus moelleux. Arrangeons la lumière, maintenant, pour qu’elle ne lui blesse pas les yeux, mais laisse passer l’air pur. Voilà qui est fait. Maintenant… j’ai vu une décoction sur le feu. Apporte-la, Maman. Et bien sucrée. Tu transpires et tu es en train de prendre froid. Cela va te faire du bien. »

Obéissante, Marie sort.

« Mais moi… mais moi… Pourquoi es-tu bon avec moi ?

– Parce que je t’aime, tu le sais.

– Moi, je t’en voulais… mais maintenant…

– Maintenant te ne m’en veux plus. Je le sais. Mais moi je t’aime bien, et cela me suffit. Plus tard, tu m’aimeras.

– Et alors… aïe, quelles souffrances ! Et alors, s’il est vrai que tu m’aimes, pourquoi faire offense à mes cheveux blancs ?

– Je ne t’offense pas, Alphée, en aucune façon. Je t’honore.

– Tu m’honores ? Je suis la fable de Nazareth, voilà.

– Pourquoi parler ainsi, Alphée ? En quoi est-ce que je fais de toi la fable de Nazareth ?

– A propos de mes enfants. Pourquoi sont-ils rebelles ? Pour toi. Pourquoi se moque-t-on ? A cause de toi.

– Dis-moi : si, à Nazareth, on faisait ton éloge en raison du sort de tes fils, est-ce que tu éprouverais la même douleur ?

– Dans ce cas, non ! Mais Nazareth ne fait pas mon éloge. Elle le ferait si tu étais réellement un conquérant. Mais m’abandonner pour un homme qui n’est pas loin d’être un fou et qui va de par le monde en s’attirant haines et railleries, pauvre parmi les pauvres ! Ah ! Qui ne rirait ! Ma pauvre maison ! Pauvre maison de David, comment tu finis ! Et je devrais vivre assez longtemps pour voir ce malheur ? Te voir, toi le dernier rejeton de cette race glorieuse, sombrer dans la folie par trop de servilité ? Ah ! Malheur sur nous à partir du jour où mon faible frère s’est laissé unir à cette femme insipide et pourtant autoritaire, qui a eu tout pouvoir sur lui. Je l’avais bien dit, alors : “ Joseph n’est pas fait pour le mariage. Il sera malheureux. ” Et il l’a été. Lui, il savait comme elle était, et en fait de mariage il n’avait jamais rien voulu savoir. Malédiction à la loi des orphelines héritières [1]! Malédiction au destin. Malédiction sur ce mariage. »

La “ Vierge héritière ” est revenue avec la décoction, à temps pour entendre les jérémiades de son beau-frère. Elle est encore plus pâle, mais sa grâce patiente n’en est pas troublée. Elle s’approche d’Alphée et, avec un doux sourire, l’aide à boire.

« Tu es injuste, Alphée. Mais tu as si mal qu’on te pardonne tout, dit Jésus qui lui soulève la tête.

– Ah oui, j’ai bien mal ! Tu prétends être le Messie ! Tu fais des miracles. C’est ce qu’on dit. Au moins, pour me payer des fils que tu m’as pris, guéris-moi. Guéris-moi… et je te pardonnerai.

– C’est à toi de pardonner à tes fils. Comprends leur âme, et je te soulagerai. Si tu as de la rancune, je ne peux rien faire.

– Pardonner ? »

Le vieillard fait un saut qui, naturellement, exaspère ses souffrances, et cela le rend de nouveau furieux.

« Pardonner ? Jamais ! Va-t’en ! Va-t’en, si c’est cela que tu dois me dire ! Va-t’en ! Je veux mourir sans qu’on me trouble davantage. »

Jésus fait un geste de résignation.

« Adieu, Alphée. Je m’en vais… Dois-je vraiment partir ? Mon oncle… dois-je vraiment partir ?

– Si tu ne me satisfais pas, oui, va-t’en. Et dis à ces deux serpents que leur vieux père meurt avec de la rancune contre eux.

– Non, pas cela. Ne perds pas ton âme. Ne m’aime pas si tu veux, ne crois pas que je suis le Messie, mais ne hais pas. Ne hais pas, Alphée. Ridiculise-moi, dis que je suis fou, mais ne hais pas.

– Mais pourquoi m’aimes-tu, si je t’insulte ?

– Parce que je suis Celui que tu ne veux pas reconnaître : je suis l’Amour. Maman, je vais à la maison.

– Oui, mon Fils, je vais venir dans quelque temps.

– Je te laisse ma paix, Alphée. Si tu me veux, envoie-moi chercher, à n’importe quelle heure, et je viendrai. »

Jésus sort, calme comme si rien ne s’était passé. Il est seulement plus pâle.

« Oh ! Jésus, Jésus, pardonne-lui, gémit Marie, femme d’Alphée.

– Mais oui, Marie. Il n’est même pas nécessaire de le faire. On pardonnne tout à une personne qui souffre. Il est déjà plus calme, maintenant. La Grâce travaille à l’insu des cœurs. Et puis il y a tes larmes, et certainement la souffrance de Jude et de Jacques, ainsi que leur fidélité à leur vocation. Que la paix vienne dans ton cœur angoissé, ma tante. »

Il l’embrasse et sort dans le jardin pour aller à la maison.

100.6

Au moment où il sort dans la rue, voici qu’entre Pierre et derrière lui Jean, essoufflés après avoir couru.

« Maître ! Mais qu’est-il donc arrivé ? Jacques m’a dit : “ Cours chez moi. Qui sait comment Jésus est traité ? ” Mais, non, je me trompe. Alphée, celui de la fontaine, est entré et il a dit à Jude : “ Jésus est chez toi. ” C’est alors que Jacques a dit cela… Tes cousins sont atterrés. Moi je n’y comprends rien, mais je te vois… et je suis rassuré.

– Ce n’est rien, Pierre. Un pauvre malade que les souffrances rendent intolérant. Maintenant, tout est fini.

– Ah ! Je m’en réjouis ! Et toi, pourquoi es-tu ici ? »

Pierre interpelle Judas qui accourt lui aussi. Le ton n’est pas très doux.

« toi aussi, tu es là, il me semble.

– On m’a prié d’y venir et j’y suis venu.

– Moi aussi, je suis venu. Si le Maître était en danger, dans sa patrie, moi, qui l’ai déjà défendu en Judée, je peux aussi le défendre en Galilée.

– Pour cela, nous y suffisons. Mais en Galilée ce n’est pas nécessaire.

– Ah ! En effet, sa patrie le rejette comme une nourriture indigeste. C’est bien. J’en suis content pour toi qui t’es scandalisé d’un petit incident survenu en Judée, où il est inconnu. Ici, en revanche !… »

Sur ces mots, Judas sifflote d’un air moqueur.

« Ecoute, mon garçon. Je suis peu en humeur de te supporter. Arrête donc, si tu tiens à… quelque chose. Maître, ils t’ont fait du mal ?

– Mais non, mon Pierre. Je te l’assure.

100.7

Hâtons-nous d’aller con­soler mes cousins. »

Ils partent et entrent dans le grand atelier. Jude et Jacques se tiennent près du grand établi de menuisier, Jacques debout, Jude assis sur un tabouret, le coude appuyé sur le banc, la tête posée sur la main.

Jésus s’avance vers eux en souriant, pour leur témoigner tout de suite son affection :

« Alphée est plus tranquille, maintenant. Les douleurs se calment et la paix revient tout à fait. Soyez tranquilles, vous aussi.

– Tu l’as vu ? Et maman ?

– J’ai vu tout le monde. »

Jude demande :

« Même nos frères ?

– Non, ils n’étaient pas là.

– Si, ils étaient là ! Ils n’ont pas voulu se montrer à toi. Mais à nous, oui. Ah ! Si nous avions commis un crime, ils ne nous auraient pas traités de la sorte. Et nous qui venions de Cana, volant par la joie de le revoir et de lui apporter des choses qui lui plaisent ! Nous l’aimons et… et il ne nous comprend plus… il n’a plus confiance en nous. »

Jude plie son bras et pleure, la tête sur le banc. Jacques est plus fort, mais son visage reflète un vrai martyre intérieur.

« Ne pleure pas, Jude. Et toi, ne t’abandonne pas à la souffrance.

– Oh Jésus ! Nous sommes ses fils et… il nous a maudits. Mais malgré notre déchirement, non, nous ne revenons pas en arrière ! Nous sommes à toi, et c’est avec toi que nous demeurerons, même si, pour nous en détacher, on nous menace de mort ! S’écrie Jacques.

– Et tu te prétendais incapable d’héroïsme ? Moi, je le savais. Mais toi, tu le dis de toi-même. En vérité tu seras fidèle même devant la mort. Et toi aussi. »

Jésus les caresse, mais eux souffrent. Les pleurs de Jude résonnent sous la voûte de pierre.

100.8

Et là, j’ai l’occasion de mieux voir l’âme des disciples.

Pierre, avec son honnête visage attristé, s’écrie :

« Eh oui ! C’est une souffrance… Quelle tristesse ! Mais, mes enfants (il les secoue affectueusement), il n’est pas donné à tous de mériter ces mots… Moi… moi je me rends compte que je suis chanceux, par l’appel que Jésus m’a fait. Cette brave femme qu’est mon épouse ne cesse de me seriner : “ C’est comme si j’étais répudiée, puisque tu n’es plus à moi. Mais je dis : ‘ Heureuse répudiation ! ’ ” Dites-le, vous aussi. Vous perdez un père, mais vous gagnez Dieu. »

Etant orphelin, le berger Joseph ignore qu’un père puisse être occasion de peine, si bien qu’il s’étonne :

« Je croyais être le plus malheureux, parce que sans père. Mais je m’aperçois qu’il vaut mieux le pleurer mort qu’ennemi. »

Jean se borne à embrasser et caresser ses compagnons.

André soupire et se tait. Il brûle de parler, mais sa timidité lui serre la gorge.

Thomas, Philippe, Matthieu et Nathanaël parlent doucement dans un coin, avec le respect qu’on éprouve devant une vraie douleur.

Jacques, fils de Zébédée, prie, à voix basse, pour que Dieu donne sa paix.

Quant à Simon le Zélote, comme son attitude me plaît ! Il quitte son coin et s’approche des deux disciples en peine. Il pose une main sur la tête de Jude, l’autre bras enserre la taille de Jacques et il dit :

« Ne pleure pas, mon fils. Jésus nous l’avait dit, à toi et à moi : “ Je vous unis : toi, qui, pour moi, perds un père, et toi qui as un cœur de père sans avoir d’enfant. ” Nous n’avions pas compris combien ces paroles étaient prophétiques. Mais lui le savait. Voilà : je vous en prie. Je suis âgé et j’ai toujours rêvé qu’on m’appelle “ père ”. Acceptez-moi comme tel, et moi, comme père, je vous bénirai matin et soir. Je vous en prie, acceptez-moi comme père. »

Les deux acquiescent en sanglotant plus fortement.

100.9

Marie la Très-Sainte entre et accourt près des deux affligés. Elle caresse la chevelure d’ébène de Jude et la joue de Jacques. Elle est blanche comme un lys.

Jude lui prend la main, la baise et demande :

« Que fait-il ?

– Il dort, mon fils. Votre maman vous envoie son baiser » et elle les embrasse tous les deux.

La voix rauque de Pierre explose :

« Allons, viens ici un moment, je veux te dire quelque chose. »

Je vois Pierre saisir de sa robuste main un bras de Judas et l’emmener dehors, dans la rue. Puis il revient seul.

« Où l’as-tu envoyé ? demande Jésus.

– Où ? Prendre l’air. Car si l’air ne l’avait pas calmé, moi, je le lui aurais donné d’une autre façon… ce n’est qu’à cause de toi que je ne l’ai pas fait. Ah ! Maintenant, ça va mieux. Celui qui rit devant la souffrance est une vipère, et moi, les serpents, je les chasse… Oui, heureusement que tu es là… je l’ai seulement envoyé au clair de lune. Il se pourrait… mais moi je deviendrais plutôt un scribe, chose que Dieu seul est capable de faire de moi qui ai tout juste conscience d’être au monde­ ; mais lui, même avec l’aide de Dieu, je doute qu’il devienne bon. C’est Simon, fils de Jonas, qui te l’assure, et je ne me trompe pas. Non ! Ne t’en fais pas ! Il a été heureux de sortir et de ne pas partager notre peine. Son cœur est plus sec qu’un caillou sous le soleil d’août. Allons, les enfants ! Il y a là une Mère plus douce qu’il n’en pourrait y avoir au Ciel. Il y a là un Maître meilleur que tout le paradis. Il y a là bien des cœurs honnêtes qui vous aiment sincèrement. Les averses, ça fait du bien : ça fait tomber la poussière. Demain, vous serez plus frais que des fleurs, plus légers que des oiseaux pour suivre notre Jésus. »

Et c’est sur ces simples et bonnes paroles de Pierre que tout se termine.

100.10

Jésus dit ensuite :

« Après cette vision, tu mettras celle que je t’ai donnée au printemps 1944, celle où je demandais à ma Mère ses impressions sur les apôtres. Désormais, leur physionomie morale a été suffisamment mise en lumière pour qu’on puisse placer ici cette vision, sans créer de scandale pour personne. Je n’avais pas besoin de conseils, mais quand nous étions seuls, pendant que les disciples étaient dispersés dans des familles amies ou dans les bourgades voisines, durant mes séjours à Nazareth, comme il m’était doux de parler à cette douce amie qu’est ma Mère, et de lui demander conseil pour m’entendre confirmer, par sa bouche pleine de grâce et de sagesse, tout ce que, déjà, j’avais vu. Avec elle, je n’ai jamais été autre chose que “ le Fils ”. Et, de tous les enfants des femmes, il n’y a jamais eu de mère plus “ mère ” qu’elle, avec toute la perfection des vertus maternelles, humaines et morales, et il n’y a jamais eu de fils plus “ fils ” que moi en fait de respect, de confiance, d’amour.

100.11

Et maintenant que vous avez un minimum de renseignements sur les Douze, sur leurs vertus, leurs défauts, leur caractère, leurs efforts, y a-t-il encore quelqu’un pour prétendre qu’il me fut facile de les unir, de les élever, de les former ? Et y a-t-il encore quelqu’un pour penser que la vie de l’apôtre est facile et pour juger avoir droit, sous prétexte qu’il est un apôtre – ou souvent s’imagine l’être –, à une vie facile, sans souffrances, sans heurts, sans échecs ? Y a-t-il encore quelqu’un qui, parce qu’il me sert, puisse me demander d’être son serviteur et d’accomplir en sa faveur des miracles à jet continu, et de faire de sa vie un tapis fleuri, agréable, humainement glorieux ? Mon chemin, mon travail, mon service, c’est la croix, la souffrance, le renoncement, le sacrifice. J’y suis passé, moi. Que ceux qui veulent se dire “ mes disciples ” fassent de même ! Je ne dis pas cela pour le “ Jean ”, mais pour les docteurs mécontents et exigeants.

100.12

Et, toujours pour les chicaneurs, j’ajoute que j’ai employé les termes “ oncle ” et “ tante ”, qui n’existent pas dans les langues de Palestine, pour apporter des éclaircissements et mettre un point final à une question irrespectueuse sur ma condition de fils unique de Marie, et sur la virginité de ma Mère, avant et après l’enfantement, sur la nature spirituelle et divine de l’union dont j’ai reçu la vie. Je le répète encore, ma Mère n’a pas connu d’autre union ni eu d’autres enfants. Chair inviolée, que même moi n’ai pas déchirée, fermée sur le mystère d’un sein tabernacle, trône de la Trinité et du Verbe incarné. »

100.1

Jesus is on the beautiful hills of Galilee with His disciples. To escape the sun which is still high in the sky, although beginning to set, they walk under trees, mainly olive-tress.

«Beyond that edge there is Nazareth» says Jesus. We shall soon be there. I now tell you that at the entrance to the town, we will part. Judas and James will go at once to see their father, as their hearts desire. Peter and John will give alms to the poor people, who will certainly be near the fountain. The others and I will go home for supper and then we will think about resting.

«We will go back to good Alphaeus. We promised him the last time. But I will come only to say hello to him. I give my bed to Matthew who is not yet accustomed to hardships and privations» says Philip.

«No, not you, you are old. I will not allow that. I have had very comfortable beds so far, but I suffered the pains of hell in them! Believe me: I am enjoying so much peace now, that even if I lie down on stones, I seem to be resting on feathers. Oh! It’s your conscience that makes you sleep or not!» replies Matthew.

A charity competition starts among the disciples Thomas, Philip, Bartholomew and Matthew who are obviously the ones who the last time stayed in the house of this Alphaeus (who is certainly not James’ father, because James speaking to Andrew says: «There will always be room for you, as the last time, even if his father’s health has got worse»).

Thomas wins: «I am the youngest in the group. I am giving my bed. Never mind, Matthew. Little by little you will get used to it. Do you think that I will be put to a lot of trouble? No. I am like a young man in love who says: “I may be lying on a hard bed, but I am near my love”.» Thomas, about thirty eight years old, laughs happily and Matthew gives in to him.

The first houses of Nazareth are now only a few yards away.

«Jesus… we are going» says Judas.

«Yes, go.»

The two brothers almost run away.

«Eh! A father is a father» whispers Peter. «Even if he is sulky with us, he is always our same blood, and blood is thicker than water. In any case… I like Your cousins. They are very good.»

«Yes, they are very good. And they are humble, so humble that they do not even try to ascertain how humble they are. They always think that they are at fault, because they see good in everybody except themselves. They will go a long way…»

100.2

They are now in Nazareth. Some women see Jesus and greet Him, also men and children do likewise. But there is not the excitement for the Messiah as in other places: here it is friends greeting a friend who has come back. And they greet Him more or less effusively. In many I see an ironic curiosity while they watch the heterogenous group of Jesus’ disciples, which is certainly not a train of regal dignitaries or stately priests. Hot, dusty, modestly dressed as they are, with the exception of Judas Iscariot, Matthew, Simon and Bartholomew — I have mentioned them in a descending order of smartness — they look more like a crowd of country folk going to a market, than followers of a king. Which king has of His own only His imposing stature and above all His stately countenance.

They walk for a few yards, then Peter and John leave and go to the right, whereas Jesus and the others proceed as far as a little square crowded with children shouting round a basin full of water, from which their mothers are drawing supplies.

100.3

A man sees Jesus and he makes a gesture of pleasant surprise.

He rushes towards Him and greets Him: «You are welcome! I was not expecting You so soon! Here: kiss my last grandson. He is little Joseph. He was born during Your absence» and he hands Him the little baby he is holding in his arms.

«Have you named him Joseph?»

«Yes. I cannot forget him who was almost a relative of mine, and even more than a relative, my great friend. Now I have given all the dearest names also to my grandchildren: Anne, my friend when I was a little boy, and Joachim. Then Mary… oh! what a celebration when she was born! I remember when they gave me her to kiss and they said to me: “See? That beautiful rainbow was the bridge on which she came down from Heaven. The angels use that road there” and she really looked like a little angel, she was so beautiful… Now here is Joseph. If I had known that You were coming back so soon, I would have awaited You for his circumcision.»

«I thank you for your love for My grandparents, My father and My Mother. He is a beautiful child. May he be forever as just as the just Joseph.» Jesus tosses the baby who smiles at Him babyishly.

«If You wait for me, I’ll come with You. I am waiting for the amphoras to be filled. I don’t want my daughter Mary to get tired. Or better still, this is what I will do. I’ll give the amphoras to Your disciples, if they will take them, and I’ll speak to you for a little while, all by ourselves.»

«Of course we will take them! We are not Assyrian kings» exclaims Thomas, who is the first to take hold of an amphora.

«Well then, look. Mary of Joseph is not at home. She is at Her brother-in-law’s, you know. But the key is in my house. Ask them to give it to you, so that you may enter the house, the workshop, I mean.»

«Yes, go. You may also go into the house, I will come later.»

The apostles go away and Jesus is left with Alphaeus.

«I wanted to tell You… I am a true friend of Yours… And when one is a true friend, and is older, and is from the same place, one may speak. I think that one ought to speak… I… I do not want to give You any advice. You know better than I do. I only want to warn You that… Oh! I do not want to play the spy, neither do I wish to place Your relatives in an unfavourable light. But I believe in You, the Messiah, and… and it hurts me to hear them say that You are not Him, that is the Messiah, that You are unsound, that you are the ruin of the family, and of Your relatives. The town… You know, Alphaeus is held in high esteem and so people listen also to them, and he is now ill and I feel sorry for him… Also sufferings at times cause people to do wrong things. See, I was there that evening when Judas and James defended You and their liberty to follow You… Oh! what a row! I don’t know how Your Mother can stand it! And that poor woman Mary of Alphaeus? Women are always the victims in certain family situations.»

«My cousins are now at their father’s…»

«At their father’s? Oh! I feel sorry for them! The old man is beside himself, it must be his age and his illness, but he is behaving like a madman. If he were not mad, I would feel even more sorry for him because… he would ruin his soul.»

«Do you think that he will treat his sons badly?»

«I am sure he will. I am sorry for them and for the women… Where are You going?»

«To Alphaeus’ house.»

«Don’t, Jesus. Don’t let them be disrespectful to You!»

«My cousins love Me more than themselves and it is fair that I should reward them with equal love… There are two women there, who are dear to Me. I am going. Do not keep Me back.» And Jesus hurries towards Alphaeus’ house, whereas the other man remains pensive in the street.

100.4

Jesus is walking fast. There He is, at the entrance to Alphaeus’ kitchen garden. He hears the crying of a woman and the unbecoming shouting of a man. Jesus walks faster the few yards that separate the street from the house, across the very green kitchen garden. He is almost on the threshold of the house when His Mother looks out of the door and sees her Son.

«Mother!»

«Jesus!»

Two cries of love.

Jesus is going to enter, but Mary says: «No, Son.» And She stands on the threshold with Her arms stretched out, clasping the door jambs with Her hands: a barrier of body and love, and She repeats: «No, Son. Do not go in.»

«Let Me in, Mother. Nothing will happen.» Jesus is very calm, although Mary’s growing pallor is certainly upsetting Him. He takes Her slender wrist, moves Her hand away from the door jamb and goes in.

There are strewn on the kitchen floor, reduced to a slimy pulp the eggs, the grapes and the jar of honey brought from Cana. From another room a querulous voice is heard, that of an old man who is cursing, accusing, complaining in one of those senile fits of temper, so unfair, impotent and painful to be seen, and so sorrowful to endure. «…there you are, my house is ruined, we have become the laughing-stock of the whole of Nazareth, and I am here, alone, helpless, struck in my heart, in the respect due to me, in my needs!… That is what is left for you, Alphaeus, for behaving as a true believer! Why? Why? Because of a madman. A madman who has made my foolish sons insane. Ah! Ah! What pain!»

And Mary of Alphaeus’ tearful voice implores: «Be good, Alphaeus, be good! Don’t you see that you are hurting yourself? Come, let me help you to lie down… You are always good, always just… Why are you doing thus to yourself? To me? To the poor children?..»

«No! No! Don’t touch me! I don’t want you! The children are good? Ah! They certainly are! Two ungrateful sons! They brought me honey after filling me with bitterness. They brought me eggs and grapes, after feeding on my heart! Go away, I tell you. Away! I don’t want you. I want Mary. She knows how to do things. Where is that weak woman now, who can’t get Her Son to obey Her?»

Mary of Alphaeus, chased out, enters the kitchen while Jesus is about to go into Alphaeus’ room. She sees Him and collapses on Him, sobbing desperately, while Mary, the Virgin, goes humbly and patiently near the old angry man.

«Do not cry, aunt. I will go in now.»

«No, no! Don’t let him insult You! He seems to be mad. He has a stick. No, Jesus, no. He struck also his sons.»

«He will not do anything to Me» and Jesus, resolutely, though kindly, moves His aunt to one side and goes in.

100.5

«Peace to you, Alphaeus.»

The old man, who is on the point of lying down with endless complaints and reproaches to Mary, because She is not capable of doing anything (before he had said that only She knew how to do things) suddenly turns round. «You are here? Here to scoff at me? This too?»

«No. To bring you peace. Why are you so cross? You are making your condition worse. Mother, leave him. I will lift him. I will not hurt you and you will not have to make any effort. Mother, lift the blankets.» And Jesus carefully gets hold of the heavy-breathing, weak, wicked, weeping, miserable little heap of bones and lays him with great care, as if he were a new-born baby, on his bed. «There you are. As I used to do to My father. Let us lift this pillow. It will raise you up and you will breathe better. Mother, put that little one there, under his back. He will be more comfortable. And now the light like that, that it may not hurt his eyes, while letting in the fresh air. That is it. Now… I saw a decoction on the fire. Bring it to Me, Mother. And make it very sweet. You are all sweaty and you are getting cold. It will do you good.»

Mary goes out obediently.

«But I… but I… Why are You good to me?»

«Because I love you, you know that.»

«Before I loved You, too… but now…»

«Now you no longer love Me. I know. But I love you, and that is enough for Me. After… you will love Me…»

«Well then… Ah, ah,… how painful! then if it is true that You love me, why do You offend my grey hair?»

«I do not offend you, Alphaeus, in any way. I honour You.»

«Honour me? I am the laughing stock of Nazareth.»

«Why do you say so, Alphaeus? In what way have I made you a laughing stock?»

«With regard to my sons. Why are they rebels? Because of You. Why am I mocked at? Because of You.»

«Tell Me: if Nazareth should praise you because of the destiny of your sons, would you feel the same pain?»

«In that case, I would not! But Nazareth does not praise me. They would praise me if You were a conqueror. But that they should leave me on account of one who is little less than an insane man who roams about the world, drawing upon himself hatred and derision, a poor man amongst the poor! Ah! Who would not laugh? My poor home! What has come of you, poor house of David! And I was to live so long to see this misfortune? To see You, the last shoot of the glorious family, become corrupt with insanity because of excessive servility! Ah! Misfortune has befallen us since the day my faint-hearted brother agreed to be united to that insipid yet overbearing woman who had full control over him. I then said: “Joseph is not cut out for marriage. He will be unhappy!” And he was. He knew what it was like, and he never wanted to have anything to do with marriage. Cursed be the Law of orphan heiresses! Cursed be fate. Cursed be that wedding.»

The «Virgin heiress» has come back with the decoction in time to hear Her brother-in-law’s jeremiad. She is even more pale. But Her patient gracefulness is not upset. She goes near Alphaeus and with a gentle smile helps him to drink.

«You are unfair, Alphaeus. But you are so ill, that you are forgiven everything» says Jesus, Who is holding up is head.

«Oh! Yes! Very ill! You say that You are the Messiah! You work miracles. So they say. If at least You cured me, to compensate me for the sons You have taken. Cure me… and I will forgive You.»

«Forgive your sons. Endeavour to understand their souls, and I will give you relief. If you have still a grudge against them, I can do nothing.»

«Forgive them?» The old man has an outburst of rage, which, of course, sharpens his agonies of pain and that makes him enraged again. «Forgive them? Never! Go away! Away, if that is what You have to tell me! Go away! I want to die without being troubled any further.»

Jesus makes a gesture of resignation. «Goodbye, Alphaeus, I am going away… Must I really go? Uncle… must I really go?»

«If You are not going to satisfy me, yes, go away. And tell those two serpents that their old father is dying with a grudge agains them.»

«No. Do not do that. Do not lose your soul. Do not love Me, if you wish so. Do not believe that I am the Messiah. But do not hate. Do not hate, Alphaeus. Scoff at Me. Call Me insane. But do not hate.»

«But why do You love me, if I insult You?»

«Because I am He Whom you do not want to acknowledge. I am the Love. Mother, I am going home.»

«Yes, My Son. I will not be long.»

«I leave My peace with you, Alphaeus. If you want Me, send for Me, at any time, and I will come.»

Jesus goes out, as calm as if nothing had happened. He only looks paler.

«Oh! Jesus, Jesus, forgive him» moans Mary of Alphaeus.

«Of course, Mary. There is not even any need to forgive him. Who suffers, is forgiven everything. Now he is already calmer. Grace works also unknown to one’s heart. And then there are your tears, and certainly Judas’ and James’ sufferings, and their loyalty to their vocations. May peace be in your anguished heart, aunt.» He kisses her and goes out into the kitchen garden to go home.

100.6

When He is about to set foot on the road, Peter comes in, and behind him John, panting as if they had been running. «Oh! Master! What’s the matter? James said to me: “Run to my house. I wonder how Jesus is being treated!” No, I’m wrong. Alphaeus came in, the man of the fountain, and he said to Judas: “Jesus is in your house” and then James said so. Your cousins are distressed. I don’t understand what it is all about. But I see You… and I take heart.»

«It is nothing, Peter. A poor invalid, made intolerant by pain. It is all over now.»

«Oh! I am glad! And why are you here?» Peter asks the Iscariot, who has rushed there too, and his tone is not very kind.

«You are here too, are you not?»

«I was asked to come and I came.»

«I came too. If the Messiah was in danger, and in His own fatherland, I, having already defended Him in Judaea, can defend Him also in Galilee.»

«We are quite capable of that. But there is no need in Galilee.»

«Ha! Ha! Ha! Indeed! His fatherland is ejecting Him like heavy food. Well. I’m glad for you, who were scandalised by a little incident, which took place in Judaea, where He is unknown. Here, instead!…» and Judas ends whistling a tune which is a masterpiece of a satire.

«Listen, boy. I am not in the right mood to put up with you. Stop it, therefore… if… something is dear to you. Master, did they hurt You?»

«No, My dear Peter. I can assure you.

100.7

Let us walk faster to comfort My cousins.»

They go and enter the large workshop. Judas and James are near the big carpenter’s bench. James is standing, Judas is sitting on a stool, his elbow on the bench, his head resting on his hand. Jesus goes towards them, smiling, to reassure them at once that His heart loves them: «Alphaeus is calmer, now. His pains are subsiding and everything is peaceful again. You must be calm, too.»

«Did You see him? And mother?»

«I saw everybody.»

Judas asks: «Also our brothers?»

«No, they were not in.»

«They were there. They did not want to be seen by You. But with us! Oh! If we had committed a crime, we would not have been treated like that. And we flew from Cana for the joy of seeing him again and bringing him what he is fond of! We love him… but he no longer understands us… he no longer believes us.» Judas bends his arm and cries, his head resting on the bench. James is stronger. But his internal torture can be read on his face.

«Do not cry, Judas. And you… do not suffer.»

«Oh! Jesus! We are his children… and he cursed us. But even if that tears our hearts, no, we are not turning back! We belong to You and we will remain Yours, even if they threaten us with death to detach us from You!» exclaims James.

«And you said that you were not capable of heroism? I knew. But you have said it yourself. Really, you will be faithful also against death. And you, too» Jesus caresses them. But they are suffering. The stony vault resounds with Judas’ crying.

100.8

And it is thus possible for me to become better acquainted with the disciples’ souls.

Peter, whose honest face is sorrowful, exclaims: «Yes! It is painful… A sad situation. But, my dear boys (and he shakes them affectionately) not everybody deserves such words… I… I realise that I have been fortunate in my vocation. That good woman, my wife, always says to me: “It is as if I were repudiated, because you are no longer mine. But I say: ‘Oh! happy repudiation!’ “. You should say that, too. You lose your father but you gain God.»

The shepherd Joseph, an orphan, devoid of experience of family life is amazed that a father can be the cause of so many tears, and says: «I thought I was the most unhappy of all, because I am fatherless. But I see that it is better to moan over his death than to bewail him as an enemy.»

John kisses and caresses his friends.

Andrew sighs and is quiet. He is pining to speak but his shyness gags him.

Thomas, Philip, Matthew and Nathanael are speaking in low voices in a corner, with the respect due to real sorrow.

James of Zebedee is praying, just about understandably, that God may grant peace.

Simon Zealot, oh! how much I like his gesture! He leaves his corner and comes near the two distressed men, he lays one hand on Judas’s head and with his other arm he embraces James’ waist and says: «Don’t cry, son. Jesus did say to us, to you and to me: “I am uniting you: you who are losing your father because of Me, and you who have a father’s heart, without having any children”. And we did not understand how much of a prophesy there was in His words. But He knew. Now: I beg you. I am old and I always dreamt of being called “father”. Accept me as such, and I, as a father, will bless you every morning and evening. Please accept me as such.» The two brothers nod in assent sobbing more loudly.

100.9

Mary comes in and hastens towards the two sad men. She caresses Judas’ dark head and James’ cheeks. She is as pale as a lily. Judas takes Her hand, kisses it and asks: «What is he doing?»

«He is sleeping, son. Your mother sends you her kisses» and She kisses them both.

Peter’s harsh voice bursts out: «Listen, come here a moment, I want to tell you something» and I see Peter get hold of an arm of the Iscariot with his strong hand and take him out to the street. And then he comes back in alone.

«Where did you send him?» asks Jesus.

«Where? To get some fresh air, or I would have ended up by giving him some myself, but in a different way… and I did not do it only because of You. Oh! I feel better now. He who laughs in the presence of sorrow is an asp, and I crush snakes. You are here… and I only sent him out in the moonlight. It may well be… but I will become even a scribe, a change that only God can work in me, as I hardly know that I am in this world, but he… he will not become good, not even with the help of God. Simon of Jonas can assure You, and I am not mistaken. No! Don’t worry! He could not believe that he was getting away from a sad situation. He is more arid than a flint-stone in the sun in August. Come on, boys! There is a Mother here that not even Heaven has a sweeter one. There is a Master here Who is more loving than Paradise, and there are so many hearts that sincerely love you. Storms do a lot of good: they clear away the dust. Tomorrow you will be fresher than flowers, swifter than birds, to follow our Jesus.»

And it all ends on these simple good words of Peter.

100.10

Then Jesus says:

«After this vision you will put the one I gave you in spring 1944, the one in which I asked My Mother Her impression on the apostles. By now their moral characters are sufficiently clear to allow that vision to be put here without scandalising anybody. I did not need anybody’s advice. But when we were alone, and the disciples were scattered among friendly families or in nearby villages, when I stopped in Nazareth, how pleasant it was to speak to and ask advice of My kind Friend: My Mother, and have confirmation from Her graceful wise lips of what I had already seen. I have never been anything but “Her Son” with Her. And among those born of woman there was never a mother more “mother” than She, in all the perfections of human and moral motherly virtues, neither was there a son more “son” than I in terms of respect, confidence and love.

100.11

And now that you also have had at least a little knowledge of the Twelve, of their virtues, faults, characters, struggles, is there still anyone who believes that it was an easy task for Me to keep them together, elevate and perfect them? And is there still anyone who considers the life of an apostle to be easy, and that to be an apostle or, as very often is the case, to consider oneself such, one is entitled to an easy life, free from sorrows, contrasts, defeats? Is there still anybody who, only because he serves Me, expects Me to be his servant and to work miracles uninterruptedly in his favour, making his life as beautiful as a flowery carpet, easy and glorious from a human point of view? My way, My work, My service is the cross, sorrow, abnegation, sacrifice. I did that. Let those who say that they are “My” friends do the same. The above is not for the Johns, but for discontended and difficult doctors.

100.12

And also for doctors of captious objections I say that I made use of the words: uncle and aunt, which are unusual in Palestinian languages, to clarify and settle a disrespectful question concerning My condition of only-begotten Son of Mary and the Virginity of My Mother pre and post-partum; She in fact had Me through spiritual divine union, and let Me repeat it once again, She knew no other union, neither did She give birth to any other child: Inviolate Flesh, which even I did not rend, closed on the mystery of a tabernacle-womb, the throne of the Trinity and of the Incarnate Word.»


Notes

  1. loi des orphelines héritières (ou de la fille héritière, selon l’expression de 13.2) est ratifiée en Nb 27, 8 et comporte (comme nous l’avons vu en 11.3) l’obligation pour la jeune fille héritière de se marier à une personne de sa tribu, comme l’établit Nb 36, 8-9.