C’est par la même route – la seule, d’ailleurs, de ce village qui ressemble à un nid d’aigle au sommet d’un pic solitaire –, qu’ils repartent le lendemain, poursuivis par un temps pluvieux et froid qui gêne la marche.
Même Jean d’En-Dor doit descendre du char, car le chemin effectué en descente est encore plus dangereux qu’à la montée, et si l’âne par lui-même ne risquerait rien, le poids du char que la pente de la route pousse en avant fait que la pauvre bête se trouve très mal. Il en va de même pour ses conducteurs qui doivent, aujourd’hui, non plus transpirer pour pousser, mais plutôt pour retenir le véhicule qui pourrait s’emballer en provoquant des malheurs ou, au moins, la perte du chargement. La route est ainsi horrible jusqu’à un tiers environ de sa longueur, le dernier vers la vallée, puis elle bifurque et une de ses branches se dirige vers l’ouest et devient plane et plus praticable.
Ils s’arrêtent pour se reposer et essuyer leur transpiration, et Pierre récompense le bourricot, qui halète en frémissant et qui secoue ses oreilles en s’ébrouant, certainement absorbé dans une méditation profonde sur la pénible condition des ânes et sur les caprices des hommes qui choisissent certaines routes. Du moins, c’est à ces considérations que Simon-Pierre attribue l’expression pensive de la bête ; pour améliorer son humeur, il lui passe au cou un sac rempli de féveroles et pendant que le baudet broie son dur repas avec un plaisir plein d’avidité, les hommes eux aussi mangent du pain et du fromage et boivent le lait dont ils ont rempli les cruches.
Le repas est fini, mais Pierre veut abreuver son Antoine – qui, dit-il, “ mérite plus d’honneurs que César ” –, et avec un seau qu’il a sur le char il va chercher de l’eau à un torrent qui coule vers la mer.