The Writings of Maria Valtorta

182. Discours à des bergers, en présence de Zacharie, le petit orphelin.

182. The speach to some shepherds.

182.1

Pierre arrive seulement le matin suivant. Il est plus calme qu’au départ car il n’a trouvé qu’un bon accueil à Capharnaüm et la ville débarrassée d’Eli et de Joachim.

« Ce doit être eux, les auteurs du complot. J’ai en effet demandé à des amis quand ils sont partis, et j’ai compris qu’ils n’étaient plus revenus après avoir été chez Jean-Baptiste comme pénitents. Et je crois qu’ils ne reviendront pas de sitôt, maintenant que j’ai dit qu’ils étaient présents à l’arrestation… Cette arrestation de Jean-Baptiste provoque un grand émoi… Et je m’appliquerai à le faire savoir, même aux moustiques… C’est notre meilleure arme. J’ai également rencontré le pharisien Simon et… Mais s’il est tel qu’il m’a paru, il me semble bien disposé. Il m’a dit, en appuyant sur les mots : “ Conseille au Maître de ne pas longer le Jourdain par la vallée occidentale. L’autre côté est plus sûr. ” Et il a ajouté : “ Je ne t’ai pas vu. Je ne t’ai pas parlé. Rappelle-le-toi, et agis en conséquence pour mon bien, le tien et celui de tous. Dis au Maître que je suis son ami ”, et il regardait en l’air comme s’il parlait au vent. Même quand ils agissent bien, ils sont toujours faux et… et je dirais : étranges, pour ne pas encourir tes reproches. Cependant… cependant, je suis allé faire une petite visite au centurion. Comme cela… en lui demandant : “ ton serviteur va bien ? ” ; comme il me l’a confirmé, j’ai ajouté : “ Heureusement ! Veille à le garder en bonne santé, car on cherche à faire tomber le Maître dans un piège. Jean-Baptiste est déjà pris… ” Le romain a saisi au vol. L’homme est rusé ! Il m’a répondu : “ Là où il y aura une enseigne romaine, ce sera une sauvegarde pour lui et il y aura quelqu’un pour rappeler aux juifs que, sous les enseignes romaines, il n’est pas permis de comploter sans s’exposer à la mort ou à la galère. ” Ce sont des païens… mais je l’aurais embrassé. J’aime bien les gens qui comprennent et qui agissent ! Nous pouvons donc y aller.

– Allons-y. Mais tout cela n’était pas nécessaire, dit Jésus.

– Si, il le fallait, il le fallait ! »

Jésus prend congé de la famille qui lui a accordé l’hospitalité et aussi de son nouveau disciple, à qui il doit avoir donné des instructions.

182.2

Ils sont de nouveau seuls, le Maître avec ses apôtres, et ils marchent dans la fraîche campagne, sur une route que Jésus a prise, à l’étonnement de Pierre qui voulait en prendre une autre.

« Cela nous éloigne du lac…

– Nous arriverons bien à temps pour ce que je dois faire. »

Les apôtres ne parlent plus et se dirigent vers un petit village, quelques maisons dispersées dans la campagne.

Il y a un grand bruit de sonnailles de troupeaux qui montent vers les pâturages de montagne. Quand Jésus s’arrête pour laisser passer les animaux, les bergers se regroupent en se le désignant les uns aux autres. Ils se consultent, mais n’osent faire plus.

C’est Jésus qui rompt indécisions et incertitudes en traversant le troupeau qui s’est arrêté pour brouter l’herbe bien drue. Il va tout droit caresser un jeune berger qui se trouve au milieu de la masse laineuse et bêlante des brebis. Il lui demande :

« Elles sont à toi ? »

Jésus sait bien qu’elles ne sont pas à l’enfant, mais il veut le faire parler.

« Non, Seigneur. Je suis avec eux, et les troupeaux appartiennent à plusieurs maîtres. Nous sommes réunis à cause des bandits.

– Comment t’appelles-tu ?

– Zacharie, fils d’Isaac, mais mon père est mort et je suis entré en service parce que nous sommes pauvres et que Maman a trois autres enfants plus petits que moi.

– Il y a longtemps qu’il est mort ?

– Trois ans, Seigneur… et je n’ai plus ri, parce que Maman pleure toujours et je n’ai plus personne pour me faire une caresse… Je suis l’aîné et la mort de mon père a fait de moi un homme, alors que je n’étais qu’un enfant… Je ne dois pas pleurer mais gagner ma vie… Mais c’est si difficile ! »

Les larmes coulent sur son petit visage trop sérieux pour son âge.

Les bergers se sont approchés, ainsi que les apôtres : c’est un îlot d’hommes dans un océan de brebis.

« Tu n’es pas sans père, Zacharie. Tu as au Ciel un Père saint qui t’aime toujours si tu es bon, et ton père n’a pas cessé de t’aimer parce qu’il est dans le sein d’Abraham. Tu dois le croire et, en raison de cette foi, être toujours meilleur. »

Jésus parle doucement et caresse l’enfant.

182.3

Un berger ose demander :

« Tu es le Messie, n’est-ce pas ?

– Oui, je le suis. Comment me connais-tu ?

– Je sais que tu vas et viens en Palestine et je sais que tu parles saintement. C’est à cela que je te reconnais.

– Vous allez loin ?

– Sur les hautes montagnes. Les chaleurs arrivent… Tu nous parleras ? Là-haut, là où nous sommes, il n’y a que les vents qui nous parlent, et parfois le loup hurle et fait du carnage, comme pour le père de Zacharie. Nous avons désiré te voir pendant tout l’hiver, mais jamais nous ne t’avons trouvé.

– Venez à l’ombre de ce bosquet, je vais vous parler. »

Jésus s’y rend le premier, tenant par la main le jeune berger et caressant de l’autre main les brebis qui lèvent le museau en bêlant.

Les bergers rassemblent le troupeau sous le taillis et, pendant que les brebis se couchent pour ruminer, ou bien broutent et se frottent aux troncs, Jésus parle.

182.4

« Vous avez dit : “ Là-haut, là où nous sommes, il n’y a que le vent qui nous parle, et parfois le loup hurle et fait du carnage. ” Ce qui arrive là-haut arrive dans les cœurs par l’œuvre de Dieu, de l’homme et de Satan. Vous pouvez donc avoir là-haut ce que vous auriez partout.

Avez-vous une connaissance suffisante de la Loi pour connaître ses dix commandements ? Toi aussi, mon enfant ? Dans ce cas, vous en savez assez. Si vous pratiquez avec fidélité ce que Dieu a indiqué par ses commandements, vous serez saints. Ne vous plaignez pas d’être loin du monde. Vous êtes ainsi préservés d’une grande corruption. Et Dieu n’est pas loin de vous, mais plus proche dans cette solitude où sa voix parle par les vents qu’il a créés, par les plantes et les eaux plus qu’au milieu des hommes. Ce troupeau vous enseigne une grande, une très grande vertu : il est doux et obéissant ; il se contente de peu et il est reconnaissant pour ce qu’il a ; il sait aimer et reconnaître celui qui le soigne et l’aime. Faites de même en disant : “ Dieu est notre Berger et nous sommes ses brebis. Son œil est sur nous. Il nous protège et nous procure non ce qui est source de vice, mais ce qui est nécessaire à la vie. ”

Gardez le loup loin de votre cœur. Les loups, ce sont les hommes mauvais qui peut-être vous séduisent pour vous engager à commettre de mauvaises actions sur l’ordre de Satan ; c’est aussi Satan lui-même qui vous incite au péché pour vous déchiqueter. Soyez vigilants. Vous, les bergers, vous connaissez les habitudes du loup. Il est astucieux autant que les brebis sont simples et innocentes. Il s’approche sans bruit après avoir observé d’en haut les habitudes du troupeau, il se glisse entre les buissons et, pour ne pas attirer l’attention, il se tient immobile comme une pierre. Ne ressemble-t-il pas à une grosse masse arrondie au milieu de l’herbe ? Mais ensuite, quand il est sûr que personne ne veille, il bondit et saisit l’agneau entre ses crocs. C’est ainsi qu’agit Satan : il vous surveille pour connaître vos points faibles, il rôde autour de vous, il paraît inoffensif et absent, tourné dans une autre direction, alors qu’il vous tient à l’œil, puis bondit à l’improviste pour vous entraîner dans le péché ; et il y parvient parfois.

Mais vous avez auprès de vous un médecin et un ami compatissant : Dieu et votre ange gardien. Si vous êtes blessés, si vous êtes tombés malades, ne vous éloignez pas d’eux comme le fait un chien devenu enragé. Au contraire, criez-leur en pleurant : “ A l’aide ! ” Dieu pardonne à celui qui se repent et votre ange gardien est tout disposé à supplier Dieu pour vous et avec vous.

182.5

Aimez-vous et aimez ce jeune garçon. Chacun de vous doit se sentir un peu père de l’orphelin. Que la présence d’un enfant parmi vous modère tous vos actes par le frein saint du respect de l’enfant. Que votre présence à ses côtés supplée ce que la mort lui a enlevé. Il faut aimer son prochain. Cet enfant est le prochain que Dieu vous confie d’une manière toute spéciale. Rendez-le par votre éducation bon et croyant, honnête et sans vice. Il vaut bien plus que l’une de ces brebis. Maintenant, si vous prenez soin d’elles parce qu’elles appartiennent au maître qui vous punirait si vous les laissiez périr, combien plus vous devez prendre soin de cette âme que Dieu vous confie en son nom et au nom de son père mort. Sa condition d’orphelin est bien triste. Ne la lui rendez pas plus difficile, ne profitez pas de sa jeunesse pour le maltraiter. Pensez que Dieu voit les actes et les larmes de chacun et qu’il tient compte de tout pour récompenser comme pour punir.

Quant à toi, mon enfant, rappelle-toi que tu n’es jamais seul. Dieu te voit, et l’âme de ton père également. Quand quelque chose te trouble et te porte au mal, dis : “ Non. Je ne veux pas être orphelin pour l’éternité. ” Tu le serais si tu damnais ton cœur par le péché.

Soyez bons. Je vous bénis pour que tout le bien soit en vous. Si nous avions suivi la même route, je vous aurais encore parlé longuement. Mais le soleil se lève et vous devez partir, tout comme moi. Vous pour mettre les brebis à l’abri de l’ardeur du soleil, moi pour arracher des cœurs à une autre ardeur plus redoutable. Priez pour qu’ils reconnaissent en moi le Berger. Adieu, Zacharie. Sois bon. Paix à vous. »

Jésus embrasse le jeune berger, il le bénit et, pendant que le troupeau s’éloigne lentement, il le suit du regard, puis reprend sa route.

182.6

« Tu as dit que nous allons arracher des cœurs à une autre ardeur… Où allons-nous ? demande Judas.

– Pour l’instant, à cet endroit plus ombragé où il y a un ruisseau. Nous déjeunerons là, et ensuite vous saurez où nous nous rendons. »

Jésus dit :

« Vous insérerez ici le second moment de la guérison de Marie de Magdala que tu as vu l’an dernier, le 12 août 1944 (sous le titre : “ Pierre, ne l’insulte pas. Prie pour les pécheurs ”). »

182.1

Peter comes back only the following morning. And he is calmer than when he left, because he was made welcome at Capernaum and the town had been cleared of Eli and Joachim.

«They must have taken part in the plot. Because I asked some friends when they had left, and I understood that they had not come back after going to the Baptist as penitents. And I do not think that they will come back so soon, now that I mentioned that they were present at the arrest… There is much turmoil because of the Baptist’s capture… I will ensure that the whole world knows about it… It is the best weapon we have. I also met Simon, the Pharisee… But if he really is what he appeared to me, I think he is favourably disposed towards us. He said to Me: “Tell the Master not to follow the Jordan along the western valley. The other side is safer” he said stressing the words. And he ended: “I have not seen you. I have not spoken to you. Don’t forget. And mind what you do in mine, yours and everybody’s interest. Tell the Master that I am a friend” and he kept looking up, as if he were speaking to the wind. They are always false, even when doing good things and… and I will say “strange”, so that You will not reproach me. But… ehi!… but I went and I had a little chat with the centurion. Just… to ask: “Is your servant well?”, and when I was told that he was, I said: “That is good! Make sure you keep him healthy because they are laying snares for the Master. The Baptist has already been captured…” and the Roman grasped the idea immediately. A cunning fellow he is! He replied: “Where there is a vexillum, there will be a guard for Him, and there will be someone reminding the Jews that no plot is allowed under the sign of Rome, death or the galley being the punishment”. They are heathens, but I could have kissed him. I like people who understand and take action! So we can go.»

«Let us go. But all that was not necessary» says Jesus.

«It was… it was necessary indeed!» Jesus says goodbye to the hospitable family and also to the new disciple, to whom He must have given some instructions.

182.2

They are alone once again: the Master with His apostles and they walk along the cool country, along a road which Jesus has taken much to Peter’s surprise, as he wanted to take a different one. «We are going away from the lake…»

«We will still arrive in time for what I have to do.»

The apostles become silent and go towards a little village, a handful of houses, spread out in the country. A loud ding-dong of sheep-bells can be heard as the flocks are driven towards the pastures on the mountains.

When Jesus stops to let a large herd pass, the shepherds point Him out and gather together. They consult with one another but dare no more. Jesus puts an end to their doubts by walking through the herd, which has stopped to graze the thick grass. He goes straight to caress a little shepherd, who is standing towards the centre of the woolly bleating mass of sheep. He asks the boy: «Are they yours?» Jesus knows very well that they are not the boy’s, but He wants him to speak.

«No, Lord. I am with those men. And the herds belong to many owners. We are all together for fear of the bandits.»

«What is your name?»

«Zacharias, the son of Isaac. But my father died and I work as a servant because we are poor and my mother has three more sons younger than I am.»

«Has your father been long dead?»

«Three years, Lord… and since then I have never smiled because my mother always weeps and I have no one who caresses me any more… I am the first born and my father’s death has made a man of me, while I was still a child… But I must not weep but earn some money… But it is so difficult!» Tears stream down his face which is too serious for his age.

The shepherds have drawn near and so have the apostles. A group of men in the midst of moving sheep.

«You are not fatherless, Zacharias. You have a holy Father in Heaven, Who always loves you, if you are good, and your father has not ceased loving you because he is in Abraham’s bosom. You must believe that. And because of such faith you must endeavour to become better and better.» Jesus speaks kindly and caresses the boy.

182.3

A shepherd dares to ask: «You are the Messiah, are You not?»

«Yes, I am. How do you know?»

«I know that You are about in Palestine and I know that You speak holy words. That is why I recognised You.»

«Are you going far?»

«Up to the high mountains. The hot weather is coming… Will You not speak to us? Up there, where we are, only the winds speak, and sometimes the wolf speaks and it slaughters… as it happened to Zacharias’ father. During the whole winter we were hoping to see You, but we never found You.»

«Let us go under the shade of that thicket and I will speak to you.» And Jesus goes ahead of them, holding the little shepherd by the hand and caressing with the other hand the little lambs which raise their heads, bleating.

The shepherds gather the flock under a coppice and while the sheep lie down ruminating or grazing or rubbing themselves against tree trunks, Jesus speaks.

182.4

«You said: “Up there, where we are, only the winds speak, and sometimes the wolf speaks and slaughters”. What happens up there, happens in men’s hearts through the work of God, of men and of Satan. You may, therefore, have up there what you would have in any other place.

Do you know the Law well enough and its ten commandments? And you, too, boy? In that case you know enough. If you faithfully practise what God commanded, you will be holy. Do not complain of being far from the world. That will preserve you from much corruption. And God is not far from you, but closer in that solitude, where you can hear His voice in the winds, which He created, in the herbs and in the water, whereas you would not hear it among men. Your flock teaches you a great virtue, or rather, many great virtues. It is meek and obedient. It is satisfied with little and grateful for what it has. It loves and knows those who take care of it and love it. Do likewise saying: “God is our Shepherd and we are His sheep. He watches us. He protects us and grants us not what is the source of vice, but what is necessary to live”. And keep wolves away from your hearts. Wicked men are wolves: they seduce you and incite you to evil actions by Satan’s order and it is Satan himself who induces you to sin so that he may tear you to pieces.

Be watchful. You shepherds know the habits of wolves. They are shrewd, as sheep are simple and innocent. They steal close to you, after watching from above the habits of the herd, they sneak closer through bushes and lie as still as stones to avoid drawing your attention. Do they not look like huge stones which have rolled down on to the meadows? Then, when they are sure that no one is watching, they spring and bite. That is how Satan behaves. He watches you to find out your weak points, he roams about you, he seems harmless and absent, concerned with something else whereas he is watching you, and then he suddenly leaps to induce you to sin, and sometimes he is successful.

But close to you there is a doctor and a compassionate spirit. God and your angel. If you are wounded, if you have been taken ill, do not go away from them, as a dog which has become rabid does. On the contrary, while weeping shout to them: “Help!”. God forgives those who repent and your angel is ready to implore God with you and for you.

182.5

Love one another and love this boy. Each of you must feel as if he were somehow the father of the orphan. The presence of a child amongst you should influence every action of yours through the holy restraint of respect for a child. And let your company make up for what death deprived him of. We must love our neighbour. This boy is the neighbour entrusted to you by God in a special manner. Teach him to be good, a faithful believer, honest and free from vices. He is worth much more than one of these sheep. Now, if you take care of the sheep because they belong to their owner, who would punish you if you should let them perish, how much more care you must take of this soul which God entrusts to you for Himself and for his dead father. His situation as an orphan is a sad one indeed. Do not make it more painful by taking advantage of him and vexing him because he is only a youngster. Remember that God sees the deeds and tears of every man and takes everything into account, in order to reward or punish.

And you, My boy, remember that you are never alone. God sees you and so does the spirit of your father. When something upsets you and induces you to do wrong, say: “No, I do not want to be an orphan forever and ever”. You would be, if you damned your soul by sinning.

Be good. I bless you so that all goodness may be with you. If we were going the same way, I would continue to speak to you for a long time. But the sun is rising and you must go, and so must I. Your task is to protect the sheep from the heat, Mine to relieve men of another ardour, a more dreadful one, the passions of their hearts. Pray that they may consider Me as their Shepherd. Goodbye, Zacharias. Be good. Peace be with you.»

Jesus kisses the little shepherd and blesses him and while the flock moves slowly away, His eyes follow him. He then carries on along His way.

182.6

«You said that we are going to relieve hearts of another ardour… Where we going?» asks the Iscariot.

«For the time being as far as that shady spot, where the stream is. We will have something to eat there and then you will be told where we are going.»

Jesus says: «Insert here the vision of the second moment of Mary Magdalene’s conversion, which you had last year, on the 12th of August 1944.»