The Writings of Maria Valtorta

181. La parabole du bon grain et de l’ivraie.

181. The parable of the wheat and of the darnel.

181.1

Une aube claire fait briller comme des perles les eaux du lac et enveloppe les collines d’une brume légère. A travers ce voile de mousseline, les oliviers et les noyers, les maisons et les villages, juchés sur les sommets arrondis qui environnent le lac, appa­raissent embellis. Les barques glissent tranquillement et sans bruit en direction de Capharnaüm. Mais, à un certain moment, Pierre tourne la barre du gouvernail si brusquement que la barque penche d’un côté.

« Que fais-tu ? demande André.

– Je vois la barque d’un hibou ! Elle sort maintenant de Capharnaüm. J’ai de bons yeux et, depuis hier soir, un flair de fin limier. Je ne veux pas qu’ils nous voient. Je retourne au fleuve. Nous irons à pied. »

L’autre barque a elle aussi suivi la manœuvre, mais Jacques, qui tient la barre, demande à Pierre :

« Pourquoi as-tu fait cela ?

– Je te le dirai. Suis-moi. »

Jésus, qui est assis à la poupe, se réveille quand il est presque à la hauteur du Jourdain.

« Mais que fais-tu, Simon ? lui demande-t-il.

– On descend ici. Il y a un chacal en vue. On ne peut pas aller à Capharnaüm aujourd’hui. Je vais y aller, moi d’abord, pour me rendre compte. Simon et Nathanaël viennent avec moi : trois personnes dignes contre trois indignes… si du moins les indignes ne sont pas plus nombreux.

– Ne vois pas des pièges partout, maintenant ! N’est-ce pas la barque de Simon le pharisien ?

– C’est bien elle.

– Il n’était pas à la capture de Jean.

– Moi, je n’en sais rien.

– Il est toujours respectueux à mon égard.

– Je n’en sais rien.

– Tu me fais paraître lâche.

– Je n’en sais rien. »

Bien que Jésus n’ait pas envie de rire, il doit sourire devant ce saint entêtement de Pierre.

« Mais nous devrons quand même aller à Capharnaüm. Si ce n’est pas aujourd’hui, ce sera plus tard…

– Je t’ai dit que j’y allais d’abord, moi, et je me rendrai compte et… le cas échéant… je ferai encore cette… ce sera une belle couleuvre à avaler… mais je le ferai par amour pour toi… J’irai… j’irai chez le centurion lui demander sa protection…

– Mais non, il ne faut pas ! »

La barque s’arrête sur une petite plage déserte en face de Bethsaïde. Tous descendent.

« Venez, vous deux. Viens toi aussi, Philippe. Vous, les jeunes, restez ici, Nous aurons vite fait. »

Elie, le nouveau disciple, supplie :

« Viens chez moi, Maître. Je serais si heureux de te donner l’hospitalité…

– Je viens. Simon, tu me rejoindras chez Elie. Adieu, Simon. Va. Mais sois bon, prudent et miséricordieux. Viens, que je t’embrasse et te bénisse. »

Pierre ne promet pas d’être bon, ni patient, ni miséricordieux. Il se tait et échange un baiser avec son Maître. Simon le Zélote, Barthélemy et Philippe échangent eux aussi un baiser d’adieu et les deux groupes se séparent en prenant deux directions opposées.

181.2

A leur entrée dans Chorazeïn, l’aurore a fait place au grand jour. Il n’est pas une plante qui ne brille de joyaux de rosée. Les oiseaux chantent de tous côtés. Il y a un air pur, frais, qui semble même avoir un goût de lait, d’un lait végétal plutôt qu’animal, et l’odeur des grains de blé qui se forment dans les épis, des amandiers chargés de fruits… une odeur que j’ai sentie pendant les fraîches matinées dans les champs fertiles de la plaine du Pô.

Ils arrivent très vite à la maison d’Elie. Mais, à Chorazeïn, beaucoup de gens savent déjà que le Maître est arrivé et, au moment où Jésus s’apprête à en franchir le seuil, une mère accourt en criant :

« Jésus, fils de David, pitié pour mon enfant ! »

Elle tient dans ses bras une fillette d’une dizaine d’années, au teint cireux et très amaigrie. Plus que cireux, son teint est jaunâtre.

« Qu’a ta fille ?

– Les fièvres. Elle les a attrapées aux pâturages le long du Jourdain, car nous sommes les bergers d’un homme riche. J’ai été appelée par son père auprès de la petite malade. Actuellement, il est reparti à la montagne. Mais toi, tu sais qu’avec cette maladie on ne peut aller en altitude. Comment puis-je rester ici ? Le maître m’a laissée jusqu’à présent. Mais moi, je suis à la laine et à la mise bas. Le temps du travail arrive pour nous, les bergers. Nous serons renvoyés ou séparés si je reste ici. Et je verrai mourir ma fille si je monte sur l’Hermon.

– As-tu foi que je peux le faire ?

– J’en ai parlé à Daniel, le berger d’Elisée. Il m’a dit : “ Notre Enfant guérit toute maladie. Va trouver le Messie. ” je suis venue d’au-delà de Mérom à ta recherche en la portant dans mes bras. J’aurais toujours marché jusqu’à ce que je te trouve…

– Ne marche plus que pour retourner chez toi, à ton paisible travail. Ta fille est guérie, car je le veux. Va en paix. »

La femme regarde sa fille et Jésus tour à tour. Peut-être espère-t-elle voir l’enfant redevenir à l’instant même potelée et avec de belles couleurs. Voilà que la fillette écarquille ses yeux fatigués, qu’auparavant elle tenait fermés, en regardant Jésus et elle sourit.

« Ne crains rien, femme. Je ne te trompe pas. Sa fièvre a disparu pour toujours. De jour en jour, elle va reprendre meilleure mine. Laisse-la marcher. Elle ne chancellera plus et ne sentira pas la fatigue. »

La mère pose par terre sa fille qui se tient bien droite et sourit d’un air toujours plus joyeux. A la fin, elle gazouille de sa voix argentine :

« Bénis le Seigneur, maman ! Je suis bien guérie ! Je le sens. »

Et, dans sa simplicité de pastourelle et de fillette, elle s’élance au cou de Jésus et lui donne un baiser. La mère, réservée comme l’âge l’enseigne, se prosterne et baise le vêtement du Seigneur en le bénissant.

« Allez. Souvenez-vous du bienfait que vous avez obtenu de Dieu et soyez bonnes. Que la paix soit avec vous. »

181.3

Mais la foule s’attroupe dans le petit jardin de la maison d’Elie et réclame la parole du Maître. Et, bien que Jésus n’ait guère envie de parler, affligé comme il l’est par la capture de Jean-Baptiste et par la façon dont elle est survenue, il cède et, à l’ombre des arbres, il commence à parler.

« En cette belle période où les épis de blés se forment, je veux vous proposer une parabole empruntée au grain de blé. Ecoutez.

Le Royaume des Cieux est semblable à un homme qui a semé du bon grain dans son champ. Mais, pendant que l’homme et ses serviteurs dormaient, son ennemi est arrivé et a semé des graines d’ivraie sur les sillons puis s’en est allé. Personne, au début, ne s’aperçut de rien. L’hiver vint, apportant pluies et givre. A la fin du mois de Tébet[1], le grain germa, et l’on vit apparaître le vert tendre des petites herbes qui pointaient à peine. Dans leur enfance innocente, elles paraissaient toutes semblables. Vint le mois de Shebat puis celui d’Adar. Les plantes grandirent et les épis formèrent leurs grains. On vit alors que le vert n’était pas que du grain, mais qu’il y avait aussi de l’ivraie bien enroulée avec ses vrilles fines et tenaces sur les tiges du blé.

Les serviteurs du maître allèrent chez lui et lui dirent : “ Seigneur, quelles graines as-tu semées ? Est-ce que ce n’étaient pas des graines de choix qui n’étaient pas mélangées à d’autres semences ?

– Bien sûr que si ! J’en ai choisi les grains, tous de même qualité. Et j’aurais bien vu s’il y avait eu d’autres semences.

– Alors pourquoi autant d’ivraie a-t-elle poussé parmi ton bon grain ? ”

Le maître réfléchit, puis il répondit : “ C’est un ennemi qui m’a fait cela pour me nuire. ”

Les serviteurs demandèrent alors : “ Veux-tu que nous passions au milieu des sillons et que, patiemment, nous dégagions les épis de l’ivraie en arrachant cette dernière ? Si tu l’ordonnes, nous le ferons. ”

Mais le maître répondit : “ Non. En le faisant, vous risqueriez d’arracher aussi le bon grain et presque certainement d’abîmer les épis encore tendres. Laissez-les pousser ensemble jusqu’à la moisson. Alors, je dirai aux moissonneurs : ‘Fauchez tout ensemble ; puis, avant de lier les gerbes, maintenant que la sécheresse a rendu friables les vrilles de l’ivraie et que les épis serrés sont plus robustes et plus durs, séparez l’ivraie du bon grain et faites-en des bottes à part. Vous les brûlerez ensuite, cela formera une fumure pour le sol. Quant au bon grain, vous le porterez dans les greniers et il servira à faire un excellent pain, à la honte de l’ennemi qui n’y aura rien gagné d’autre que d’être méprisable aux yeux de Dieu à cause de sa méchanceté.’ ”

Maintenant, réfléchissez en votre for intérieur : combien de fois et avec quelle abondance l’Ennemi sème-t-il dans vos cœurs ? Et comprenez comme il faut veiller avec patience et constance afin que peu d’ivraie se mélange au grain choisi. Le sort de l’ivraie, c’est de brûler. Voulez-vous brûler ou devenir citoyens du Royaume ? Vous dites que vous voulez être citoyens du Royaume. Eh bien, sachez l’être ! Le bon Dieu vous donne la Parole. L’ennemi veille pour la rendre nuisible, car la farine de grain mélangée à de la farine d’ivraie donne un pain amer et nocif pour les intestins. S’il y a de l’ivraie dans votre âme, sachez, par votre bonne volonté, la mettre à part pour la jeter, afin de ne pas être indignes de Dieu. Allez, mes enfants, que la paix soit avec vous. »

181.4

Les gens se dispersent lentement. Il ne reste dans le jardin que les huit apôtres, plus Elie, son frère, sa mère et le vieil Isaac qui se nourrit l’âme à regarder son Sauveur.

« Venez autour de moi et écoutez. Je vous explique le sens complet de cette parabole, qui a encore deux aspects en plus de celui que j’ai montré à la foule.

Dans son sens universel, la parabole s’explique de la façon suivante : le champ, c’est le monde. La bonne semence, ce sont les fils du Royaume de Dieu semés par Dieu dans le monde en attendant d’arriver à leur fin et d’être coupés par la Faucheuse et amenés au Maître du monde pour qu’il les engrange dans ses greniers. L’ivraie, ce sont les fils du Malin répandus, à leur tour, sur le champ de Dieu dans l’intention de faire de la peine au Maître du monde et de nuire aussi aux épis de Dieu. Par un sortilège, l’Ennemi de Dieu les a semés exprès, car vraiment le diable dénature l’homme jusqu’à en faire une créature qui soit sienne, et il la sème pour corrompre les autres qu’il n’a pas pu asservir autrement. La moisson, ou plutôt la formation des gerbes et leur transport dans les greniers, c’est la fin du monde et ce sont les anges qui en sont chargés. Il leur a été ordonné de rassembler les créatures après la fenaison et de séparer le bon grain de l’ivraie ; et de même que, dans la parabole, on brûle cette dernière, ainsi, au Jugement dernier, les damnés seront brûlés dans le feu éternel.

Le Fils de l’homme enverra ses anges pour extirper de son Royaume tous les artisans de scandale et d’iniquité. Car alors le Royaume se trouvera sur la terre et au Ciel, et aux citoyens du Royaume sur la terre seront mêlés de nombreux fils de l’Ennemi. Ceux-ci atteindront, comme l’annoncent[2] les prophètes, la perfection du scandale et de l’abomination dans toute leur activité terrestre et ils causeront de terribles tracas aux fils de l’esprit. Dans le Royaume de Dieu, aux Cieux, on aura déjà expulsé les corrompus, car la corruption n’entre pas au Ciel. Donc, en passant la faux dans les rangs de la dernière récolte, les anges du Seigneur faucheront et sépareront le bon grain de l’ivraie ; ils jetteront cette dernière dans la fournaise ardente où il n’y a que pleurs et grincements de dents, et ils emmèneront les justes, le grain de choix, dans la Jérusalem éternelle où ils resplendiront comme autant de soleils dans le Royaume de mon Père, qui est aussi le vôtre.

181.5

Voilà donc le sens universel. Mais pour vous, il y en a un autre qui répond à des questions que vous vous êtes posées plusieurs fois, en particulier depuis hier soir. Vous vous demandez : “ Mais, dans la masse des disciples, il peut donc y avoir des traîtres ? ” et en votre cœur vous frémissez d’horreur et de peur. Il peut y en avoir. Il y en a certainement.

Le semeur répand le bon grain. Dans ce cas, plus que répandre on pourrait dire : “ choisit ”, car le Maître, que ce soit moi ou Jean-Baptiste, avait choisi ses disciples. Comment donc se sont-ils dévoyés ? Non, ce n’est pas cela qu’il faut dire. Je me suis mal exprimé en parlant de “ semence ” pour les disciples. Vous pourriez mal comprendre. Mieux vaut dire : “ champ ”. Autant de disciples autant de champs, choisis par le Maître pour former l’aire du Royaume de Dieu, les biens de Dieu. Le Maître ne ménage pas ses efforts pour les cultiver afin qu’ils produisent cent pour cent. Il leur donne tous les soins, tous. Avec patience. Avec amour. Avec sagesse. Avec effort. Avec constance. Il voit aussi leurs mauvaises tendances, leur aridité et leur avidité. Il voit leurs entêtements et leurs faiblesses. Mais il espère toujours, et il fortifie son espérance par la prière et la pénitence, car il veut les amener à la perfection.

Mais les champs sont ouverts. Ce ne sont pas des jardins bien clos, entourés de murailles, dont le maître est le seul propriétaire et où il est seul à pouvoir entrer. Ils sont ouverts, placés au milieu du monde, dans le monde. Tous peuvent s’en approcher, tous peuvent y pénétrer. Tous et tout. Ah ! Il n’y a pas que de l’ivraie comme mauvaise semence ! L’ivraie, ce pourrait être le symbole de la légèreté amère de l’esprit du monde. Mais voilà que, jetées par l’ennemi, toutes les autres semences y germent : voici les orties, le chiendent, la cuscute, le liseron, voici enfin la ciguë et les herbes toxiques. Pourquoi ? Pourquoi ? De quoi s’agit-il ?

Les orties, ce sont les esprits piquants, indomptables, qui blessent par surabondance de venin et causent tant de désagrément. Le chiendent, ce sont les parasites qui épuisent le maître et qui ne savent que ramper et sucer, profitant de son travail et faisant du tort aux personnes de bonne volonté qui tireraient vraiment davantage de fruit si le maître n’était pas troublé et dérangé par les soins qu’exige le chiendent. Le liseron inerte, ce sont ceux qui ne s’élèvent de terre qu’en profitant des autres. Les cuscutes, ce sont ceux qui causent du tourment sur le chemin déjà pénible du maître et pour les disciples fidèles qui le suivent. Ils s’accrochent, s’enfoncent, déchirent, griffent, créent méfiance et souffrance. Quant aux herbes toxiques, ce sont les disciples criminels, ceux qui en arrivent à trahir et à éteindre la vie comme la ciguë et les autres plantes vénéneuses. Avez-vous déjà vu comme elles sont belles, avec leurs petites fleurs qui deviennent autant de petites boules blanches, rouges, bleu-violet ? Qui pourrait croire que cette corolle étoilée, blanche ou à peine rosée, avec son petit cœur d’or, qui pourrait croire que ces coraux multicolores si semblables aux autres baies qui font les délices des oiseaux et des enfants peuvent, une fois arrivés à maturité, donner la mort ? Personne. Et les innocents se font piéger. Ils les croient bons comme eux-mêmes… ils les cueillent et en meurent.

Les bons croient les autres aussi bons qu’eux-mêmes ! Ah, quelle vérité qui élève le maître et condamne celui qui le trahit ! Comment ? La bonté ne désarme-t-elle pas ? Ne rend-elle pas inoffensif l’homme malveillant ? Non. Elle ne le rend pas tel, car l’homme tombé, devenu la proie de l’Ennemi, est insensible à tout ce qui est supérieur. A ses yeux, tout ce qui est supérieur change d’aspect. La bonté devient une faiblesse qu’il est permis de fouler aux pieds et qui exacerbe sa malveillance comme, chez un fauve, la volonté d’égorger est exacerbée par l’odeur du sang. Le maître lui-même est toujours un innocent… et il laisse le traître l’empoisonner car il ne veut et ne peut laisser penser aux autres qu’un homme puisse être le meurtrier d’un innocent.

181.6

les ennemis viennent chez les disciples, ces champs du Maître. Ils sont très nombreux. Le premier, c’est Satan. Les autres, ses serviteurs, à savoir les hommes, les passions, le monde et la chair. Pour eux, le disciple le plus facile à atteindre est celui qui ne reste pas tout près du Maître, mais qui se tient à mi-chemin entre le Maître et le monde. Il ne sait pas et ne veut pas se séparer de ce qui est jouissance, pour être tout entier à celui qui l’amène à Dieu. Les démons répandent sur lui leurs semences : l’or, la puissance, la femme, l’orgueil, la peur d’être mal jugé par le monde, l’esprit d’arrivisme. “ Les grands sont les plus forts. Je les sers pour m’en faire des amis. ” C’est ainsi qu’on devient criminel et qu’on se damne pour ces misérables vanités…

Pourquoi le Maître, qui voit l’imperfection de son disciple, même s’il ne veut pas se rendre à la pensée : “ Celui-ci me donnera la mort ”, ne le renvoie-t-il pas immédiatement de sa suite ? C’est ce que vous vous demandez.

Parce qu’il est inutile de le faire. S’il le faisait, cela ne l’empêcherait pas de l’avoir pour ennemi, doublement ennemi et d’autant plus acharné, à cause de la rage ou de la douleur d’être découvert ou d’être chassé. La douleur, oui, car parfois le disciple ne se rend pas compte qu’il est mauvais. L’œuvre du démon est tellement subtile qu’il ne le remarque pas. Il devient un démon sans soupçonner qu’il subit cette transformation. La rage aussi, oui : il enrage d’être connu pour ce qu’il est quand il est conscient de l’œuvre en lui de Satan et de ses adeptes, autrement dit de ceux qui profitent des faiblesses du faible pour lui faire supprimer le saint qui les offense, quand ils comparent sa bonté à leur propre noirceur.

Quant au saint, il prie et s’abandonne à Dieu. “ Que soit fait ce que tu permets qu’il se fasse ”, dit-il. Il ajoute seulement cette réserve : “ pourvu que cela serve à tes fins. ” Le saint sait que l’heure viendra où la mauvaise ivraie sera séparée de sa moisson. Par qui ? Par Dieu lui-même, qui ne permet pas que l’on s’oppose, plus qu’il n’est utile, au triomphe de sa volonté d’amour.

181.7

– Mais si tu admets que les coupables sont toujours Satan et ses adeptes… il me semble que la responsabilité du disciple en est amoindrie, objecte Matthieu.

– Ne pense pas cela. Si le Mal existe, le Bien existe aussi, et l’homme a la faculté de discerner, donc la liberté de choisir.

– Tu dis que Dieu ne permet pas que l’on s’oppose, plus qu’il n’est utile, au triomphe de sa volonté d’amour[3]. Donc cette erreur elle-même est utile, s’il la permet, et elle sert au triomphe de la volonté divine, ajoute Judas.

– Et tu en déduis, comme Matthieu, que cela justifie le crime du disciple. Dieu avait créé le lion sans férocité et le serpent sans venin. Maintenant, l’un est féroce, l’autre est venimeux. Mais Dieu les a séparés de l’homme pour cette raison. Médite là-dessus et fais-en l’application. Entrons dans la maison. Le soleil est déjà fort, trop fort, comme pour un début d’orage, et vous êtes fatigués par une nuit sans sommeil.

– En haut de la maison se trouve une pièce grande et fraîche. Vous pourrez vous y reposer » dit Elie.

Ils montent par l’escalier extérieur. Mais seuls les apôtres s’étendent sur les nattes pour se reposer. Jésus sort sur la terrasse, dont un coin est ombragé par un rouvre très haut et il s’absorbe dans ses pensées.

181.1

A clear dawn causes the lake to sparkle like pearls and envelops the hills in a mist as light as a muslin veil, through which olive and walnut-trees, houses and the background of villages look prettier than usual. Boats are sailing smoothly and quietly towards Capernaum. All of a sudden Peter turns the tiller of the rudder, so abruptly that the boat heels to one side.

«What are you doing?» asks Andrew.

«There is the boat of an owl[1]. It is leaving Capernaum now. My eyes are good and since yesterday evening I have the scent of a hound. I do not want them to see us. I am going back to the river. We will go on foot.»

Also the other boat has followed the manouevre, but James, who is holding the rudder, asks Peter: «Why are you doing that?»

«I will tell you later. Follow me.»

Jesus, Who is sitting astern, rouses when they are almost off the Jordan. «What are you doing, Simon?» He asks.

«We are getting off here. There is a jackal about. It is not possible to go to Capernaum today. I want to go and find out what is happening first. I will go with Simon and Nathanael. Three worthy people against three unworthy ones… if the unworthy ones are not more.»

«You must not see traps everywhere, now! Is that not the boat of Simon the Pharisee?»

«It is just that one.»

«He was not present at John’s arrest.»

«I don’t know.»

«He has always shown respect to Me.»

«I don’t know.»

«You make Me appear a coward.»

«I don’t know.»

Although Jesus does not feel like laughing, He cannot help smiling at Peter’s holy obstinacy. «But, after all, we must go to Capernaum. If not today, later…»

«I told You that I am going first, to see… and if necessary… I will also go… it will be a bitter pill to swallow… but I will do it for Your sake… I will go… to the centurion and ask his protection…»

«No! It is not necessary!»

The boat grounds on the little desert shore opposite Bethsaida. They all go ashore.

«You two come with me. You too, Philip. You younger ones, stay here. We will not be long.»

Elias, the new disciple, begs Jesus: «Come to my house, Master. I will be so happy to give You hospitality…»

«Yes, I will come. Simon: you will meet Me at Elias’ house. Goodbye, Simon. Go. But be good, wise and merciful. Come here that I may kiss you and bless you.»

Peter does not guarantee that he will be good, patient and merciful. He is silent and kisses Jesus while being kissed by Him. Also the Zealot, Bartholomew and Philip kiss Jesus goodbye and the two groups go in opposite directions.

181.2

They enter Korazim when it is broad daylight. All the stems twinkle with dewy gems. Birds are singing everywhere. The air is pure and cool, it seems to savour of milk, of a vegetable milk rather than animal milk. The scent of the corn coming into ears, of the almond-groves laden with fruit… is the scent I could smell in cool mornings in the rich fields in the Po Valley.

They soon reach Elias’ house. Many people in Korazim already know that the Master has arrived, and while Jesus is about to enter the house, a mother rushes towards Him shouting: «Jesus, Son of David, have mercy on my daughter!» She is carrying in her arms a little girl, about ten years old, who is very thin and waxen, or yellowish rather than waxen.

«What is the matter with your daughter?»

«She is feverish. She caught a disease at the pastures along the Jordan. Because we are the shepherds of a rich man. Her father sent for me when she was taken ill. He has gone back to the mountains. But You know that with this kind of disease one cannot stay up in high places. But how can I stay here? Our master has allowed me so far. But I look after the wool and the litters. This is the busy season for shepherds. If I stay here we shall be dismissed or separated. And if I go back to the Hermon I will see my daughter die.»

«Do you believe that I can cure her?»

«I have spoken to Daniel, Elisha’s shepherd. He said to me: “Our Child cures all diseases. Go to the Messiah”. I have come from beyond Merom carrying her in my arms and looking for You. I was going to walk until I found You…»

«You need walk no farther, but go home, to your peaceful work. Your daughter is cured because that is what I want. Go in peace.»

The woman looks at her daughter and at Jesus. She is perhaps hoping to see her daughter become fat and rosy all at once. Also the girl stares at Jesus with her tired eyes wide open and smiles.

«Do not be afraid, woman. I am not deceiving you. Her fever has gone forever. Day by day she will become a healthy girl. Let her go. She will no longer stagger neither will she feel tired.»

The mother puts the child down and she stands upright. She becomes more and more cheerful and at last she trills in her silvery voice: «Bless the Lord, mother! I am cured! I can feel it» and with the naivety of a little shepherd girl, she throws her arms around Jesus’ neck and kisses Him. Her mother, reserved as her age demands, prostrates herself and kisses His tunic blessing the Lord.

«Go. Remember the gift of God and be good. Peace be with you.»

181.3

The crowds gather in Elias’ little kitchen garden requesting Jesus to speak to them. And although He is not inclined to do so, sad as He is because of the Baptist’s capture and the way it happened, He yields and begins to speak in the shade of the trees.

«As we are still in the lovely season when the corn bursts into ears, I wish to tell you a parable taken from the corn. Listen.

The Kingdom of Heaven may be compared to a man who sowed good seed in his field. But while the man and his servants were asleep, his enemy came and sowed darnel seeds among the wheat and went away. At first no one noticed anything. Winter came with rain and frost, the end of the month of Tebeth came and the corn sprouted. The tiny little green leaves which had just come up, looked all alike in their innocent early days. The months of Shebat and Adar came and the plants grew and the spikes seeded. They then saw that it was not all wheat, and that there was also darnel, twisted with its thin strong bearbines round the corn stalks.

The servants of the master went to his house and said: “Lord, what seed did you sow? Was it not selected seed, free from every other seed?”.

“It was certainly so. I picked all the grain and they were all of the same quality. I would have noticed any other seed”.

“If so, why has so much darnel grown among your corn?”.

The landlord became pensive and said: “Some enemy has done that to harm me”.

The servants then asked: “Do you want us to go into the field and free the corn from the darnel, weeding it out patiently? Tell us and we will do it”.

But the master said: “No. Because you might weed out also the corn and almost certainly you would damage the ears which are still tender. Let them both grow till the harvest. Then I will say to the reapers: ‘Cut everything together, but before tying the sheaves, since the bearbines of the darnel are withered and friable, whereas the closed ears are stronger and harder, pick the darnel from the wheat and tie it into separate bundles. You will burn them and they will fertilize the soil. Take instead the good corn into the granaries and it will be used to bake good bread, to the great shame of my enemy who will have only gained to become despicable to God because of his envious malice’ “.

Consider now how often and how plentifully the Enemy sows in your hearts. And you must understand that it is necessary to watch patiently and constantly to ensure that little darnel is mixed with the chosen wheat. The fate of the darnel is to be burnt. Do you wish to be burnt or to become citizens of the Kingdom? You say that you want to become citizens of the Kingdom. Well, endeavour to be so. The good God gives you the Word. The enemy is vigilant to make it harmful, because the flour of wheat if mixed with the flour of darnel makes a bitter bread, which is harmful to the stomach. If there is darnel in your souls, pick it with goodwill and throw it away, so that you may not be unworthy of God.

Go, My children. Peace be with you.»

181.4

The crowds slowly disperse. The eight apostles, Elias, his brother and mother, old Isaac, whose soul rejoices seeing his Saviour, stay in the kitchen garden.

«Gather around Me and listen. I will explain the full meaning of the parable to you, as it has two more meanings, besides what I told the crowd.

In the universal sense the purport of the parable is as follows: the field is the world. The good seed is the children of the Kingdom of God sown by God in the world, while they wait to reach their end and be cut by the Mower and be taken to the Master of the world Who will store them in His granaries. The subjects of the Evil one are the darnel, which has also been spread in the field of God for the purpose of causing grief to the Master of the world and damage to the corn of God. The enemy of God has sown them deliberately, through witchcraft, because the demon really perverts the nature of man making him a creature of his own and then sows it to lead astray other people whom he has not been able to enslave otherwise. The harvest, that is the tying of the sheaves and carrying them to the granaries, is the end of the world and that is accomplished by the angels. They are given instructions to gather together the creatures which have been cut, to separate the corn from the darnel, and as in the parable the darnel is burnt, so the damned will be burnt in the eternal fire, at the Last Judgement.

The Son of man will have all scandalmongers and performers of iniquity removed from His Kingdom. Because the Kingdom then will be on the earth and in Heaven and many sons of the Enemy will be mixed among the citizens of the Kingdom on Earth. And, as prophesied also by Prophets, they will reach the perfection of scandal and abomination in every ministry on the earth and will be of great annoyance to the children of the spirit. The corrupt will have already been driven out of the Kingdom of God in Heaven, because no corruption will enter Heaven. And now the angels of the Lord, brandishing their sickles among the group of the last harvest, will mow down and separate the corn from the darnel and will throw the latter into the burning furnace, where there will be weeping and grinding of teeth. The just, instead, the chosen seed, will be taken to the eternal Jerusalem, where they will shine like the sun in the Kingdom of My Father and yours.

181.5

That is the universal sense. But there is another sense, which is the answer to the question which you have been asking yourselves many times and particularly since yesterday evening. Your question is: “Can there be traitors in the mass of disciples?” and your hearts tremble with horror and fear. Yes, there may be some. There are certainly some.

The Sower sows the good seed. In this case, instead of sowing, we could say that He “picks”. Because the master, whether it is I or the Baptist, choses his disciples. How were they, therefore, led astray? No, I did not use the right word saying that the disciples are the “seed”. You may misunderstand. I will call them “field”. As many disciples as fields, chosen by the master to form the area of the Kingdom of God, the wealth of God. The master tires himself cultivating them so that they may yield one hundred per cent. He takes care of everything with patience, love, wisdom, hard work and perseverance. He also sees their wicked inclinations, their barrenness and avidity, their stubbornness and weakness. But he hopes all the time, corroborating his hope through prayer and penance, because he wishes to lead them to perfection.

But the fields are open. They are not gardens enclosed in walls of protection, of which the only owner is the master, who is the only one who can go in. They are open. Placed as they are in the centre of the world, among the world, anyone can go near them and into them. Everybody and everything. Oh! darnel is not the only bad seed sown! Darnel could be the symbol of the bitter frivolity of the worldly spirit. But all the other seeds, scattered by the Enemy, come up in them. There are nettles, couch-grass, dodder, bearbines, and finally hemlock and poisonous herbs. Why? What are they?

Nettles: stinging untameable spirits which hurt through their excess of poison and cause so much trouble. Couch-grass: parasites who wear out the master as they can only creep and suck, taking advantage of his work and injuring the willing ones, who would make much more profit if the master were not upset and distracted by the cares required by the couch-grass. The sluggish bearbines rise from the ground only by making use of the efforts of other people. Dodders: they are a torture on the already painful road of the master and a torment to the faithful disciples who follow him. They twist, pierce, tear to pieces, scratch, cause mistrust and pain. The poisonous ones: the criminal disciples, who go as far as betraying and killing as hemlock and other poisonous plants do. Have you noticed how beautiful they are with their little flowers which later become white, red, blue-violet berries? Who would say that the white or pinkish star-shaped corolla, with its little gold heart, or the many-coloured corals, so much like other little fruits which are the delight of birds and children, can cause death, once they are ripe? No one. And the innocent ones fall into the trap. They believe that everybody is as good as they are… they pick and die.

They believe that everybody is as good as they are! Oh! The truth that makes the master sublime and condemns his traitor! How? Does goodness not disarm wickedness? Does it not make ill-will harmless? No, it does not, because the man who has fallen prey to the Enemy is indifferent to what is superior. And what is superior changes apperance, as far as he is concerned. Kindness becomes weakness on which it is lawful to tread and it stimulates his ill-will as the scent of blood stimulates a beast to slaughter.

Also the master is always innocent… and he lets his traitor poison him, because he cannot possibly believe that a human being can murder an innocent person.

181.6

The enemies come into the fields of the Master, that is to His disciples. They are many and Satan is the first one. The others are his servants, that is, men, passions, the world and the flesh. The disciple who is more easily struck by them is the one who is not entirely close to the Master, but is between the Master and the world. He is not capable and does not want to part completely with the world, the flesh, passions and demons, to belong entirely to Him Who wants to take him to God. And the world, flesh, passions and the demon scatter their seed in him: gold, power, women, pride, the fear of an unfavourable opinion of the world, the spirit of utilitarianism. “The great ones are the strongest. I will serve them so that they will be friendly to me”. And they become criminals and damned for such miserable things!…

Why does the Master, Who sees the imperfection of a disciple, not cast him away at once, even if He is not prepared to submit to the thought: “He will be My murderer”? That is what you are asking yourselves. Because it is useless to do so. If He did so he would not avoid having him as an enemy, a double and more dangerous enemy, because of his anger and his sorrow at being found out or at being found out or at being driven away. Yes, because of his sorrow. Because sometimes a bad disciple does not realise that he is such. The demon’s action is so subtle that he is not aware of it. He becomes wicked without even suspecting that he is subject to such action. And because of his anger, He is enraged at being known for what he is, when he is aware of Satan’s work and of his followers: the men who tempt weak people in their weak points, to remove from the world a saint who offends them, wicked as they are, when compared with his goodness. The saint then prays and trusts in God. “Let what You allow be done” he says. He adds only the clause: “providing it serves Your purpose”. The saint knows that the time will come when the wicked darnel will be rejected from the harvest. By God Himself Who does not allow more than what is useful to the triumph of His loving will.»

181.7

«If You maintain that Satan and his followers are always to be blamed… it seems to me that the responsibility of the disciple diminishes» says Matthew.

«Do not believe that. If there is Good there is also Evil and man is gifted with discernment and freedom.»

«You say that God does not allow more than what is useful to the triumph of His loving will. Therefore such an error is useful too, if He allows it, and it serves the triumph of the divine will» says the Iscariot.

«And you infer, as Matthew does, that that justifies the disciple’s crime. God created the lion without ferocity and the snake without poison, now one is ferocious and the other poisonous. That is why God separated them from man. Ponder over that and draw conclusions. Let us go to the house. The sun is already too warm. It looks as if there is going to be a storm. And you are tired because of the sleepless night.»

«The rooms in the house are high, large and cool. You will be able to rest» says Elias.

They go up the outside staircase. But only the apostles lie down on the mats to rest. Jesus goes out onto the terrace, a corner of which is shaded by a very tall oak-tree, and becomes engrossed in thought.


Notes

  1. A la fin du mois de Tébet : début janvier ; Shebat correspond à janvier/février, Adar à février/mars.
  2. comme l’annoncent par exemple : Dn 9, 27 ; 11, 31.36 ; 12, 11.
  3. Dieu ne permet pas que l’on s’oppose, plus qu’il n’est utile, au triomphe de sa volonté d’amour : Sur un feuillet inséré dans la copie dactylographiée, Maria Valtorta a écrit une note qui se termine comme ceci : “ Même si Dieu permet que l’homme accomplisse ce qu’il choisit de son plein gré d’accomplir, et cela pour le jauger et le confirmer en grâce ou bien juger qu’il mérite un châtiment, rien n’amoindrit la culpabilité de l’homme. Car, s’il est vrai que l’homme, à l’incitation de Dieu ou à l’instigation de Satan, peut faire le bien ou le mal, il n’en reste pas moins vrai que l’homme devrait suivre Dieu seul et ses invitations d’amour, car c’est de lui qu’il a reçu tous ces dons naturels, moraux et surnaturels capables de faire de lui un enfant de Dieu, héritier du Royaume. ” Sur le même sujet, on consultera les discours de Jésus en 174.8 et 176.4, et la discussion entre les apôtres en 243.9.

Notes

  1. The owl is considered the bird of evil-omen.