The Writings of Maria Valtorta

285. Lazare offre un refuge à Jean d’En-Dor et à Syntica.

285. Lazarus offers John of Endor and Syntyche a secret

285.1

« Lazare, mon ami, je te demande de venir avec moi, dit Jésus en apparaissant sur le seuil de la salle où Lazare se trouve à demi-couché sur un lit, en train de lire un rouleau.

– Tout de suite, Maître. Où allons-nous ? demande Lazare en se levant immédiatement.

– Dans la campagne. J’ai besoin d’être seul avec toi. »

Troublé, Lazare le regarde et demande :

« As-tu de tristes nouvelles à me donner secrètement ? Ou bien… Non, je ne veux pas y penser…

– Non, j’ai à prendre conseil auprès de toi, et l’air lui-même ne doit pas savoir ce que nous dirons. Commande le char parce que je ne veux pas te fatiguer. Quand nous serons en pleine cam­pagne, je te parlerai.

– Alors c’est moi qui conduis. Ainsi même le serviteur ne saura pas ce que nous aurons dit.

– Oui, c’est d’accord.

– J’y vais tout de suite, Maître. Je suis bientôt prêt. »

Il sort. Puis Jésus sort lui aussi, après être resté, l’air un peu pensif, au milieu de la pièce richement ornée. Tout en réfléchissant, il a déplacé machinalement deux ou trois objets, ramasse le rouleau tombé par terre et enfin, en le remettant en place sur une étagère, par cet instinct inné de l’ordre qui est si fort en Jésus, il reste, les bras levés, à regarder des objets d’un art pour le moins étrange, différent de l’art courant en Palestine, alignés sur l’étagère. Il s’agit d’amphores et de coupes très anciennes, semble-t-il, en métal repoussé, ornées de dessins reproduisant des frises de temples de la Grèce antique, ainsi que des urnes funéraires. Ce qu’il voit au-delà de l’objet lui-même, je l’ignore… Il sort et se rend dans la cour intérieure où se trouvent les apôtres.

« Où allons-nous, Maître ? demandent-ils, en voyant Jésus mettre son manteau.

– Nulle part. Moi, je sors avec Lazare. Quant à vous, restez ici à m’attendre, tous ensemble. Je serai bientôt de retour. »

Les douze se regardent … Ils ne sont pas très contents… Pierre dit :

« Tu pars seul ? Fais attention…

– Ne crains rien. En m’attendant, ne restez pas oisifs. Instruisez encore Hermastée afin qu’il connaisse toujours mieux la Loi et soyez de bons compagnons. Pas de disputes ni d’impolitesses. Soyez gentils, aimez-vous. »

Il se dirige vers le jardin et tous le suivent. Bientôt arrive un char léger et couvert, sur lequel se trouve déjà Lazare.

« Tu pars en char ?

– Oui, pour que Lazare ne se fatigue pas les jambes. Adieu, Marziam. Sois gentil. Paix à vous tous. »

Il monte sur le char qui, en faisant grincer le gravier du chemin, sort du jardin et prend la grand-route.

« Tu vas à la Belle Eau, Maître ? lui crie par derrière Thomas.

– Non. Je vous dis encore une fois : soyez bons. »

285.2

Le cheval part rapidement au trot. La route qui va de Béthanie à Jéricho passe à travers la campagne qui se dépouille et on remarque la mort de la nature au fur et à mesure que l’on descend vers la plaine.

Jésus réfléchit. Lazare, occupé seulement à la conduite du cheval, se tait. Quand ils sont bien dans la plaine – une plaine fertile déjà toute prête à nourrir la semence du futur grain, aux vignobles déjà tout endormis comme une femme qui vient de mettre au jour son fruit et se repose de sa douce fatigue –, Jésus lui fait signe d’arrêter. Obéissant, Lazare s’arrête et conduit le cheval sur un petit chemin secondaire qui mène à des maisons éloignées… et il explique :

« Ici nous serons encore plus tranquilles que sur la grand-route. Ces arbres nous cachent à la vue de beaucoup. »

En effet, un bouquet d’arbres bas et feuillus fait office de paravent contre la curiosité des passants. Et Lazare se tient debout devant Jésus, en attente.

« Lazare, il faut que j’éloigne Jean d’En-Dor et Syntica. Tu vois que la prudence le conseille, et aussi la charité. Pour l’un comme pour l’autre, ce serait une épreuve dangereuse et une souffrance inutile de connaître les persécutions lancées contre eux… et qui pourrait, au moins pour l’un d’eux, provoquer des surprises très pénibles.

– Chez moi…

– Non. Pas même chez toi. Ils ne seraient pas, peut-être, touchés matériellement. Mais ils seraient moralement humiliés. Le monde est cruel. Il brise ses victimes. Or je ne veux pas que ces deux belles énergies se perdent ainsi. Par conséquent, comme j’ai uni un jour le vieil Ismaël à Sara, je vais unir mon pauvre Jean à Syntica. Je veux qu’il meure en paix et qu’il ne soit pas seul, et avec l’illusion d’être envoyé ailleurs non parce que c’est “ l’ancien galérien ”, mais parce que c’est le disciple prosélyte qu’on peut envoyer ailleurs pour prêcher le Maître. Et Syntica l’aidera… Syntica est une belle âme et sera une grande force dans l’Eglise future et pour l’Eglise future.

285.3

Peux-tu me conseiller où les envoyer ? Pas en Judée ni en Galilée, ni même dans la Décapole, là où je vais et avec moi les apôtres et les disciples. Pas dans le monde païen. Où, alors ? Où, pour qu’ils soient utiles et en sécurité ?

– Maître… moi… Te conseiller !

– Non, non. Parle. Tu m’aimes bien, tu ne trahis pas. Tu aimes ceux que j’aime, tu n’as pas de pensées étriquées comme d’autres.

– Moi… Oui. Je te conseillerais de les envoyer là où j’ai des amis. A Chypre ou en Syrie. Choisis. A Chypre, j’ai des personnes sûres. Et en Syrie !… J’ai encore là-bas une petite maison dirigée par un intendant, plus fidèle qu’une brebis. Notre vieux Philippe ! Pour moi, il fera tout ce que je dis. Et, si tu me le permets, eux, qu’Israël persécute et qui te sont chers, pourront se dire mes hôtes dès maintenant, en sécurité dans la maison… Oh ! Ce n’est pas un palais ! C’est une maison où Philippe habite seul avec un petit-fils qui s’occupe des jardins d’Antigonius. Les jardins que ma mère aimait. Nous les avons gardés en souvenir d’elle. Elle y avait apporté des plantes de ses jardins de Judée, c’étaient des essences rares… Maman… Grâce à elles, que de bien elle faisait aux pauvres… C’était son fief secret… Ma mère… Maître, j’irai vite lui dire : “ Réjouis-toi, bonne mère. Le Sauveur est sur la terre. ” Elle t’attendait… »

Il y a deux traces de larmes sur le visage souffrant de Lazare. Jésus le regarde et sourit.

285.4

Lazare se ressaisit :

« Mais parlons de toi. L’endroit te paraît-il convenir ?

– Oui. Et une fois de plus, je te remercie pour moi et pour eux. Tu m’enlèves un grand poids…

– Quand partiront-ils ? Je le demande pour préparer une lettre pour Philippe. Je dirai que ce sont deux de mes amis d’ici qui ont besoin de paix. Et cela suffira.

– Oui, cela suffira. Cependant, je t’en prie, que l’air lui-même ne sache pas tout cela. Tu le vois : je suis espionné…

– Je le vois. Je n’en parlerai pas même à mes sœurs. Mais comment feras-tu pour les conduire là-bas ? Tu as les apôtres avec toi…

– je vais maintenant remonter jusqu’à Aéra sans Judas, Thomas, Philippe et Barthélemy. Pendant ce temps, j’instruirai à fond Syntica et Jean… pour qu’ils partent avec une grande provision de Vérité. Puis je descendrai au lac Mérom et de là à Capharnaüm. Et là… et là je renverrai encore ces quatre apôtres avec d’autres missions, et c’est alors que je ferai partir Jean et Syntica pour Antioche. J’y suis obligé…

– A devoir craindre des tiens. Tu as raison… Maître, je souffre de te voir tourmenté…

– Mais ta bonne amitié me réconforte tellement… Lazare, je te remercie… Après-demain, je pars et j’emmène tes sœurs. J’ai besoin de nombreuses femmes disciples pour que Syntica se confonde avec elles. Jeanne, femme de Kouza, vient aussi. De Mérom, elle ira à Tibériade parce qu’elle y passera l’hiver. C’est ce que veut son mari pour l’avoir plus près de lui. Car Hérode revient à Tibériade pour quelque temps.

– Il sera fait comme tu le désires. Mes sœurs sont à toi, comme je le suis, moi, mes maisons, mes serviteurs, mes biens. Tout t’appartient, Maître. Sers-t’en pour le bien. Je te préparerai la lettre pour Philippe. Il vaut mieux que tu l’aies directement.

– Merci, Lazare.

– C’est tout ce que je puis faire… Si j’étais en bonne santé, je viendrais… Guéris-moi, Maître, et je viendrai.

– Non, mon ami, j’ai besoin de toi comme tu es.

– Même si je ne fais rien ?

– Même. Oh ! Mon Lazare ! »

Jésus l’étreint et l’embrasse.

285.5

Ils remontent sur le char et reviennent. C’est maintenant Lazare qui est très silencieux et pensif, et Jésus lui en demande la raison.

« Je pense que je perds Syntica. J’étais attiré par sa science et sa bonté…

– C’est Jésus qui l’acquiert…

– C’est vrai, c’est vrai… Quand te reverrai-je, Maître ?

– Au printemps.

– Pas avant le printemps ? L’an dernier, tu étais chez moi pour les Encénies…

– Cette année, je vais satisfaire les apôtres. Mais l’an prochain, je serai beaucoup avec toi. Je te le promets. »

Béthanie apparaît sous le soleil d’octobre. Ils sont sur le point d’arriver lorsque Lazare arrête le cheval pour dire :

« Maître, tu fais bien d’éloigner l’homme de Kérioth. J’ai peur de lui. Il ne t’aime pas. Il ne me plaît pas. Il ne m’a jamais plu. C’est un sensuel et un avide. C’est pourquoi il est capable d’en arriver à n’importe quel péché : Maître, c’est lui qui t’a dénoncé…

– En as-tu les preuves ?

– Non.

– Alors ne juge pas. Tu n’es pas très expert en fait de jugement. Rappelle-toi que tu jugeais ta Marie inexorablement perdue… Ne dis pas que c’est grâce à moi. C’est elle qui m’a d’abord cherché.

– C’est vrai aussi. Mais, enfin, méfie-toi de Judas. »

Peu après, ils entrent dans le jardin où les apôtres les attendent avec curiosité.

285.6

L’absence des quatre apôtres et surtout de Judas rend plus intime et plus épanoui le groupe de ceux qui restent. C’est vraiment une famille, dont les chefs sont Jésus et Marie, qui tourne le dos à Béthanie en une sereine matinée d’octobre pour se diriger vers Jéricho et passer sur la rive opposée du Jourdain. Les femmes se groupent autour de Marie et il ne manque qu’Annalia au groupe des femmes disciples, c’est-à-dire les trois Marie, Jeanne, Suzanne, Elise, Marcelle, Sarah et Syntica. Autour de Jésus sont groupés Pierre, André, Jacques et Jude, fils d’Alphée, Matthieu, Jean et Jacques, fils de Zébédée, Simon le Zélote, Jean d’En-Dor, Hermastée et Timon, tandis que Marziam, sautant comme un cabri, fait la navette entre les deux groupes qui avancent à quelques mètres l’un de l’autre. Chargés de sacs pesants, ils marchent joyeusement sur la route doucement ensoleillée, dans le repos solennel de la campagne.

285.7

Jean d’En-Dor avance péniblement sous le poids qui charge ses épaules. Pierre s’en aperçoit et dit :

« Donne-le donc, puisque tu as voulu reprendre ces choses inutiles ! Tu en avais la nostalgie ?

– C’est le Maître qui me l’a ordonné.

– Oui ? Ah par exemple ! Pourquoi donc ?

– Je ne sais pas. Hier soir, il m’a dit : “ Reprends tes livres et suis-moi avec eux. ”

– Ah ! Très bien, très bien !… si c’est lui qui l’a dit, c’est sûrement une bonne chose. Peut-être est-ce pour cette femme. Elle en sait des choses, hein ? Tu les connais toi aussi ?

– A peu près autant qu’elle. Elle est très cultivée.

– Mais tu ne peux pas continuer à nous suivre avec ce fardeau, hein ?

– Oh, je ne crois pas, mais je l’ignore. Mais je peux encore le porter…

– Non, mon ami. Je tiens à ce que tu ne sois pas malade. Tu es bien mal en point, tu sais…

– Je le sais, je me sens mourir.

– Pas de blagues ! Laisse-nous au moins arriver à Capharnaüm. On est si bien, maintenant que nous sommes entre nous sans ce… Maudite langue ! J’ai encore manqué à la promesse faite au Maître !…

285.8

Maître ! Maître !

– Que veux-tu, Simon ?

– J’ai dit du mal de Judas et je t’avais promis de ne plus le faire. Pardonne-moi.

– Oui, essaie de ne plus le faire.

– J’ai encore 489 fois à avoir ton pardon…

– Mais que dis-tu, mon frère ? » demande André, étonné.

Et Pierre, avec un éclair de malice sur son bon visage, et le cou de travers sous le poids du sac de Jean d’En-Dor :

« Tu ne te souviens pas qu’il nous a dit de pardonner soi­xante-dix fois sept fois ? Par conséquent, j’ai encore 489 pardons à recevoir. Je tiendrai soigneusement les comptes… »

Tout le monde rit, Jésus même est obligé de sourire. Mais il répond :

« Tu ferais mieux de tenir les comptes de toutes les fois où tu sais être bon, grand enfant que tu es. »

Pierre va près de lui et de son bras droit il entoure la taille de Jésus en disant :

« Mon Maître chéri ! Comme je suis heureux d’être avec toi sans… Allons ! Tu es content toi aussi… Et tu comprends ce que je veux dire. Nous sommes entre nous. Il y a ta Mère. Il y a l’enfant. On va à Capharnaüm. La saison est belle… Cinq raisons d’être heureux. Ah ! C’est vraiment beau de venir avec toi ! On s’arrête où, ce soir ?

– A Jéricho.

– L’an dernier, nous y avons vu la femme voilée. Mais qui sait ce qu’elle est devenue… Je serais curieux de le savoir… Et nous avons trouvé celui des vignes… »

L’éclat de rire de Pierre est contagieux tant il est bruyant. Tout le monde rit en repensant à la scène de la rencontre avec Judas de Kérioth.

« Mais tu es incorrigible, Simon ! Lui reproche Jésus.

– Je n’ai rien dit, Maître. Mais je n’ai pu m’empêcher de rire en pensant à la tête qu’il a faite quand il nous a trouvés là… dans ses vignes… »

Pierre rit de si bon cœur qu’il doit s’arrêter pendant que les autres continuent, riant malgré eux.

285.9

Pierre est rejoint par les femmes. Marie lui demande doucement :

« Qu’est-ce que tu as, Simon ?

– Ah ! Je ne peux pas le dire car je manquerais une autre fois à la charité. Mais… voilà, Mère, dis-moi un peu, toi qui es sage. Si je fais une insinuation ou, pire encore, une calomnie, je pèche, naturellement. Mais si je ris d’une chose connue de tous, d’un fait que tous connaissent, d’un fait qui fait rire comme par exemple de rappeler la surprise d’un menteur, son embarras, ses excuses, et se remettre à rire comme nous avons ri alors, est-ce encore mal ?

– C’est une imperfection de la charité. Ce n’est pas un péché comme la médisance et la calomnie et même comme l’insinuation, mais c’est quand même un manquement à la charité. C’est comme un fil enlevé dans un tissu. Ce n’est pas une vraie déchirure, ce n’est pas non plus une usure de l’étoffe ; mais c’est toujours une chose qui atteint l’intégrité de l’étoffe et sa beauté, quelque chose qui prépare des déchirures et des trous. Tu ne crois pas ? »

Un peu mortifié, Pierre se frotte le front et dit :

« Oui. Je n’y avais jamais pensé.

– Penses-y maintenant et ne le fais plus. Il y a des éclats de rire qui blessent la charité plus que des gifles. Quelqu’un a-t-il péché ? L’avons-nous pris à mentir ou à commettre une autre faute ? Eh bien ? Pourquoi le rappeler ? Et y faire penser les autres ? Jetons un voile sur les fautes d’un frère, en pensant toujours : “ Si j’étais le coupable, est-ce que j’aimerais qu’un autre rappelle cette faute ou y fasse penser ? ” Il y a des choses qui font rougir intérieurement, Simon, qui font tant souffrir. Ne hoche pas la tête. Je sais ce que tu veux dire… Mais les coupables aussi en souffrent, crois-le. Pars toujours de cette pensée : “ Aimerais-je cela pour moi ? ” Tu verras que tu ne pécheras plus jamais contre la charité et tu auras toujours une grande paix en toi. Regarde là Marziam, avec quelle joie il saute et il chante. C’est parce que, lui, il n’a aucune pensée dans le cœur. Lui, il n’a pas à penser à des itinéraires, à des dépenses, à des paroles à dire. Il sait que d’autres y pensent pour lui. Toi aussi, agis de même. Abandonne tout à Dieu, même le jugement sur les personnes. Tant que tu peux être comme un enfant que le bon Dieu conduit, pourquoi vouloir te charger du poids de décider et de juger ? Le moment viendra où tu devras être juge et arbitre, et alors tu diras : “ Ah ! Comme c’était plus facile avant, et moins dangereux ! ” ; et tu te traiteras de sot pour avoir voulu te charger avant le temps de telles responsabilités. Juger ! Quelle chose difficile ! Tu as entendu ce qu’a dit Syntica, il y a quelques jours ? “ Ce que l’on re­cherche par les sens est toujours imparfait. ” Elle a tout à fait raison. Bien des fois nous jugeons d’après les réactions de nos sens, avec une très grande imperfection, par conséquent. Ne juge pas…

– Oui, Marie. A toi, je le promets vraiment.

285.10

Mais toutes ces belles choses que sait Syntica, je ne les connais pas ! »

Syntica intervient :

« Et tu t’en affliges, homme ? Ne sais-tu pas que, moi, je veux m’en débarrasser pour prendre seulement ce que tu sais ?

– Vraiment ? Pourquoi ?

– Parce qu’avec la science tu peux te conduire sur la terre, mais c’est avec la sagesse que tu conquiers le Ciel. J’ai la science, tu as la sagesse.

– Mais avec ta science, tu as su venir à Jésus ! C’est donc une bonne chose !

– Mêlée à beaucoup d’erreurs dont je voudrais me dépouiller pour me revêtir de la seule sagesse. Loin de moi les vêtements parés et inutiles. Que mon vêtement soit le vêtement sévère et sans apparence extérieure de la sagesse, qui revêt d’un vêtement impérissable non ce qui est corruptible, mais ce qui est immortel. La lumière de la science tremble et vacille. La lumière de la sagesse resplendit de façon uniforme et invariablement constante comme le Divin qui l’engendre. »

Jésus a ralenti pour écouter. Il se retourne et dit à la grecque :

« Tu ne dois pas aspirer à te dépouiller de tout ce que tu sais, mais tu dois choisir dans ce que tu connais ce qui est un atome de l’Intelligence éternelle, conquis par des esprits d’une valeur indéniable.

– Ces esprits ont donc réalisé en eux-mêmes le mythe du feu dérobé aux dieux ?

– Oui, femme. Mais ils ne l’ont pas dérobé, ils ont su le recueillir quand 1a Divinité les effleurait de ses feux, en les caressant comme des exemples, répandus dans une humanité déchue, de ce qu’est l’homme, cet être doué de raison.

– Maître, tu devrais m’indiquer ce que je dois garder et ce que je dois laisser. Moi, je ne serais pas bon juge et puis, pour combler les vides, tu devrais mettre les lumières de ta sagesse.

– C’est ce que j’ai l’intention de faire. Je t’indiquerai jusqu’à quel point la pensée que tu connais est sage et je la prolongerai, à partir de ce point jusqu’au bout de l’idée vraie. Pour que tu saches. Ce sera bon aussi pour ceux qui sont destinés à avoir à l’avenir beaucoup de contacts avec les païens.

– Nous n’y comprendrons rien, Seigneur, gémit Jacques fils de Zébédée.

– Peu de chose pour le moment. Mais un jour vous comprendrez et les instructions présentes et leur nécessité. Et toi, Syntica, expose-moi les points qui sont pour toi les plus obscurs. Pendant les haltes, je te les éclaircirai.

– Oui, mon Seigneur. C’est le désir de mon âme qui s’unit à ton désir. Moi, comme disciple de la Vérité et toi, comme le Maître. C’est le rêve de toute ma vie : posséder la Vérité. »

285.1

«Lazarus, My dear friend, I ask you to come with Me» says Jesus appearing at the door of the hall where Lazarus is reading a roll, half reclining on a little bed.

«I will come at once, Master. Where are we going?» asks Lazarus getting up immediately.

«Into the country. I need to be all alone with you.»

Lazarus looks at Him with a worried expression and asks: «Have You sad news to give me secretly? Or… No, I do not even want to think of that…»

«No, I only wish to seek advice from you and not even the air must be aware of what we shall say. Order a wagon, because I do not want you to get tired. When we are out in the open country I will speak to you.»

«In that case I will drive it myself. So no servant will know what we say.»

«Yes, do that.»

«I am going at once, Master. I’ll soon be ready» and he goes out.

Jesus also goes out after standing somewhat pensive in the middle of the magnificent hall. While engrossed in thought, He mechanically moves two or three objects and picks up a roll which had fallen onto the floor, and when putting it in its place in a cabinet, because of His inborn instinct for order, which is so deeply rooted in Jesus, He remains with His arm raised, looking at the strange art of some objects lined up in the cabinet, which are different from the current art in Palestine. By the embossed work and design imitating the ornaments of the temples of ancient Greece and of funeral urns, they appear to be very old amphoras and cups. What He sees beyond the articles themselves, I do not know… He leaves the hall and goes into the inner yard, where the apostles are.

«Where are we going, Master?» they ask when they see Jesus tidy His mantle.

«Nowhere. I am going with Lazarus. You will stay here and wait for Me. I shall soon be back.»

The Twelve look at one another. They are not very happy…

Peter says: «Are You going alone? Be careful…»

«Do not be afraid. While waiting, do not be idle. Teach Ermasteus, that he may have a better knowledge of the Law and be good company to one another, without arguments or rudeness. Bear with and love one another.»

He sets out towards the garden and they all follow Him. A closed cart soon arrives with Lazarus in it.

«Are You going in that cart?»

«Yes, so that Lazarus may not tire his legs. Goodbye, Marjiam. Be good. Peace to you all.»

He climbs into the cart, which grinding the pebbles of the avenue leaves the garden and turns into the main road.

«Are You going to the Clear Water, Master?» Thomas shouts after Him.

«No, I am not. Once again I tell you to be good.»

285.2

The horse starts at a steady trot. The road going from Bethany to Jericho runs through the country, which is becoming bare. The more they descend towards the plain, the more the fading of the greenery in the fields becomes noticeable.

Jesus is pensive. Lazarus is silent and intent only on driving the cart. When they are down in the plain, a fertile plain, which is ready to nourish the seed of future corn, and where all the vineyards seem to be asleep, like a woman who has recently given birth to her fruit and is resting after her pleasant labour, Jesus beckons Lazarus to stop. Lazarus stops at once and leads the horse into a side road, which takes to houses far away… and he explains: «We shall be safer here than on the main road. These trees will conceal us from the eyes of many people.» In fact a thicket of low trees acts as a screen against the curiosity of passers-by. Lazarus is standing before Jesus, waiting.

«Lazarus, I must send away John of Endor and Syntyche. You can see that both prudence and charity advise Me to do so. It would be a dangerous test and useless grief for both of them to be aware of the persecutions set in motion against them… and which, for at least one of them, could bring about most grievous surprises.»

«In my house…»

«No. Not even in your house. Perhaps they would not be troubled materially. But they would be humiliated morally. The world is cruel. It crushes its victims. I do not want those two beautiful and powerful souls to get lost like that. So, as one day I joined old Ishmael to Sarah, I will now join My poor John to Syntyche. I want him to die in peace, I do not want him to be left alone, and he must go away feeling that he is being sent elsewhere, not because he was formerly a galley-man, but because he is the proselyte disciple who can be sent away to announce the Master. And Syntyche will help him… She is a beautiful soul and will be a great strength in the future Church and for the future Church.

285.3

Can you advise Me where to send them? I do not want them to stay in Judaea or in Galilee and not even in the Decapolis, where I go with My apostles and disciples. Nor in the heathen world. So, where? Where, so that they may be safe and useful?»

«Master… I… how can I give You advice!»

«No, tell Me. You love Me, you do not betray Me, you love those whom I love, you are not narrow-minded like the others.»

«I… well… I would advise You to send them where I have some friends. To Cyprus or to Syria. Make Your choice. I have trustworthy people in Cyprus. And even more in Syria!… I have also a little house, watched over by a manager, who is as faithful as a pet lamb. Our old Philip! For my sake he will do anything I tell him. And, if You do not mind, those who are persecuted by Israel and are dear to You, will be my guests as from now on, and will be safe in the house… Oh! It is not a palace! It is a house where Philip lives alone with a nephew, who looks after the gardens at Antigonium. The beloved gardens of my mother. We have kept them as a remembrance of her. She had taken there the plants of her Judaean gardens… plants of rare essences… Mother!… How much good she did to the poor with them… It was her secret domain… My mother… Master, I will soon be going to say to her: “Rejoice, my good mother. The Saviour is on the earth”. She was expecting You…» Tears stream down Lazarus’ drawn face. Jesus looks at him and smiles.

285.4

Lazarus recovers his strength: «But let us speak of You. Do You think it is a good place?»

«I think it is. And I thank you once again, also on their behalf. You have relieved Me of a heavy burden…»

«When will they leave? I am asking so that I may prepare a letter for Philip. I will say that they are two friends of mine, from here, in need of peace. And that will suffice.»

«Yes, that is enough. But, I beg you, not even the air is to be aware of this. You can see that yourself. They are spying upon Me…»

«I know. I will not mention it even to my sisters. But how will You take them there? You have the apostles with You…»

«I will now go up as far as Aera without Judas of Simon, Thomas, Philip and Bartholomew. In the meantime I will teach Syntyche and John thoroughly, so that they may go with large provisions of Truth. I will then go down to lake Merom and later to Capernaum. And when I am there, I will send the four apostles away once again, on some other mission, and in the meantime I will send the two off to Antioch. That is what they are compelling Me to do…»

«To be afraid of Your own people. You are right… Master, it grieves me to see You worried…»

«But your kind friendship is of great comfort to Me… Lazarus, I thank you… I am leaving the day after tomorrow and I will be taking your sisters away. I need many women disciples to conceal Syntyche amongst them. Johanna of Chuza also is coming. From Merom she will go to Tiberias, where she will be spending the winter months. Her husband has decided so to have her close to him, because Herod is going back to Tiberias for some time.»

«It will be done as You wish. My sisters are Yours, as I am, as my houses, servants and belongings are. Everything is Yours, Master. Make use of it to do good. I will prepare Your letter for Philip. It is better if I give it to You personally.»

«Thank you, Lazarus.»

«That is all I can do… If I were well… Cure me, Master, and I will come.»

«No, My dear friend… I need you as you are.»

«Even if I do not do anything?»

«Yes, even so. Oh! My Lazarus!» and Jesus embraces and kisses him.

285.5

They get on the cart and go back.

Lazarus is now silent and engrossed in thought and Jesus asks him why.

«I was thinking that I am going to lose Syntyche. I was attracted by her science and goodness…»

«Jesus will gain her…»

«That is very true. When shall I see You again, Master?»

«In spring.»

«Shall I not see You again until spring? Last year You were here with me for the feast of the Dedication.»

«This year I will satisfy the apostles. But next year I will be with you quite a lot. It is a promise.»

Bethany appears in the October sunshine. They are about to arrive when Lazarus stops the horse to say: «Master, You are right in sending away the man from Kerioth. I am afraid of him. He does not love You. I do not like him. I never liked him. He is sensual and greedy. And thus he may commit any sin. Master, it was he who denounced You.»

«Have you any proof?»

«No, I have not.»

«Well, in that case, do not judge. You are not very clever at judging. Remember that you considered your Mary as inexorably lost… Do not say that it was My merit. She sought Me first.»

«That is true, too. However, beware of Judas.»

Shortly afterwards they enter the garden, where the apostles are curiously awaiting them.

285.6

The absence of four apostles, and above all of Judas, makes the remaining group more intimate and happy. The group which leaves Bethany on a clear October morning on its way to Jericho to cross to the other side of the Jordan, is just like a family, the heads of which are Jesus and Mary. The women are gathered around Mary, only Annaleah is absent from the group of the women disciples that comprises the three Maries, Johanna, Susanna, Eliza, Marcella, Sarah and Syntyche. Peter, Andrew, James and Judas of Alphaeus, Matthew, John and James of Zebedee, Simon Zealot, John of Endor, Ermasteus and Timoneus, are grouped around Jesus, while Marjiam jumping about like a little kid goes to and fro from one group to the other, which are only a short distance apart. Although laden with heavy bags, they proceed joyfully in the mild sunshine, through the country so solemn in its rest.

285.7

John of Endor proceeds with some difficulty under the weight hanging from his shoulders.

Peter notices it and says: «Give your useless load to me since you have decided to carry it round. Were you missing it?»

«The Master told me to bring it.»

«Did He? How lovely! Why?»

«I don’t know. Yesterday evening He said to me: “Pack your books again and follow Me with them”.»

«Lovely indeed!… But if He told you, it must be for a good reason. Perhaps it is for that woman. How accomplished she is! Are you as learned?»

«Almost as much as she is. She is very clever.»

«But you are not going to follow us with this load all the time, eh?»

«Oh! I don’t think so. I don’t know. But I can carry it myself.»

«No, my dear friend. I don’t want you to be taken ill. You are looking very poorly, you know?»

«I know. I feel as if I were dying.»

«Don’t be silly! At least wait until We arrive in Capernaum. It is so lovely now that we are by ourselves without that… Curse my tongue! I have failed once again in my promise to the Master!…

285.8

Master? Master?»

«What do you want, Simon?»

«I have spoken ill of Judas, and I had promised You that I would not do it anymore. Forgive me.»

«Yes, I do. But try not to do it again.»

«I still have 489 times to be forgiven by You…»

«What are you talking about, brother?» asks Andrew who is obviously utterly amazed.

And Peter, whose placid countenance is humorously bright, twisting his neck under the weight of John of Endor’s bag, exclaims: «Don’t you remember that He said that we have to forgive seventy times seven. So I am still to be forgiven 489 times and I must keep an accurate account of them…»

They all laugh; Jesus cannot help smiling either. But He replies: «You had better keep count of all the times you are capable of being good, you big boy.»

Peter approaches Him and embracing with his right arm Jesus’ waist he says: «My dear Master! How happy I am to be with You without… Come on, admit it! You are happy, too… And You know what I mean. We are all friendly here. Your Mother is here. There is also the boy. We are going towards Capernaum. The season is beautiful… Five good reasons to be happy. Oh! And it is beautiful to travel with You! Where are we staying tonight?»

«At Jericho.»

«Last year we met the Veiled woman there. I wonder what has happened to her… I am rather curious to know… And we found also the man of the vineyards…» Peter’s laughter is so loud that it is contagious. They all laugh remembering the scene of the meeting with Judas of Kerioth.

«You are really terrible, Simon!» remarks Jesus reproachingly.

«I did not say anything, Master. But I had to laugh remembering his countenance when he found us there… in his vineyards…» Peter laughs so wholeheartedly that he is compelled to stop, while the others carry on laughing against their will.

285.9

Peter is joined by the women. Mary asks him kindly: «What is the matter with you, Simon?»

«Ah! I cannot tell You or I will be lacking in charity once more. But, Mother, tell me, since You are so wise. If I throw out innuendos against someone, or worse still, if I utter slander about someone, I obviously commit a sin. But if I laugh at something, at an event, which is known to everybody, something which makes people laugh, for instance, if we remember the surprise, the embarrassment and excuses of a liar when he was found out and we laugh again as we did in the past, is that still wrong?»

«It is an imperfection against charity. It is not a sin like backbiting, or slander or innuendo, but it is still lack of charity. It is like a thread pulled out of a piece of cloth. It does not tear or wear the cloth out, but it affects the firmness and beauty of the fabric and makes it subject to tears and holes. Do you not think so?»

Peter rubs his forehead and feeling rather humiliated he replies: «I do. I had never thought of that.»

«Think about it now and do not do it anymore. Laughter may be more offensive to charity than slaps in the face. Has someone made a mistake? We have found someone guilty of lying or of other faults? So? Why remember it? Why remind other people? Let us cover with a veil the faults of our brother, saying: “If I were the culprit, would I like another person to remember my fault or remind other people of it?”. There are people who blush in their inmost heart, Simon, and suffer so much because of it. Do not shake your head. I know what you want to say. But, believe Me, also guilty people may blush thus. You must always think: “Would I like that done to me?”. You will then see that you will no longer sin against charity. And you will always have so much peace in your heart. Look how happily Marjiam is jumping and singing, because his heart is not worried. He does not have to think about itineraries, expenses or what to say. He knows that someone else takes care of all that on his behalf. Do the same yourself. Abandon everything to God. Also judgement on other people. As long as you can be like a child led by God, why take upon yourself the burden of deciding and judging? The day will come when you must be judge and arbitrator and then you will say: “Oh! How easier and less dangerous it was formerly” and you will say that you were foolish in burdening yourself before the time with so much responsibility. How difficult it is to judge other people! Did you hear what Syntyche said some days ago? “A research through senses is never perfect”. She is quite right. We very often judge according to the reactions of our senses. That is, with the utmost imperfection. Give up judging…»

«Yes, Mary. I sincerely promise You.

285.10

But I do not know all the beautiful things Syntyche knows!»

«And are you worried about that, man? Do you not know that I want to get rid of all that, in order to have only what you know?»

«Do you? Why?»

«Because science may support you on the earth, but through wisdom you gain Heaven. Mine is science, yours is wisdom.»

«But by means of your science, you were able to come to Jesus! So it is a good thing.»

«It is mixed with so many errors, that I would like to divest myself of it and clothe myself with wisdom only. I do not want ornate vain dresses. Let the severe inconspicuous dress of Wisdom be mine, as it clothes like an everlasting garment not what is corruptible, but what is immortal. The flame of Science flickers and quivers, The flame of Wisdom shines unvaryingly and steadily and is like the Divinity from which it originates.»

Jesus has slackened His pace in order to hear. He turns around and says to the Greek woman: «You must not yearn to divest yourself of everything you know. But you must select from your knowledge what is a particle of eternal Intelligence conquered by minds of undeniable value.»

«Have, therefore, those minds repeated within themselves the myth of the fire stolen from the gods?»

«Yes, woman. But it was not stolen in this case. They were able to pick it when the Divinity grazed them with its fire, caressing them as specimens spread among decayed mankind of what man is, gifted with reason.»

«Master, You should tell me what I must keep and what I must leave. I would not be a good judge. And then You ought to fill, with the light of Your Wisdom, the spaces left empty.»

«That is what I intend doing. I shall point out to you to what extent is wise what you know and I will develop it from that point to the end of the true idea. So that you may know for certain. And that will also be useful to those who are destined to have many contacts with the Gentiles in future.»

«We shall not understand anything, my Lord» moans James of Zebedee.

«You will understand little, for the time being, but one day you will understand both the present lessons and their necessity. And you, Syntyche, will expound to Me those points which are most obscure to you. And I will clarify them when we stop to rest.»

«Yes, my Lord. It is the desire of my soul which merges in Your desire. I am the disciple of the Truth, You the Master. It is the dream of all my life: to possess the Truth.»