The Writings of Maria Valtorta

346. Première annonce de la Passion, et reproche à Simon-Pierre.

346. The Passion and Resurrection foretold to the apostles.

346.1

Jésus a dû quitter la ville de Césarée de Philippe dès les premières lueurs du matin, car elle est déjà loin avec ses montagnes, et la plaine sert de nouveau de cadre à ceux qui se dirigent vers le lac de Mérom pour aller ensuite vers celui de Génésareth. Jésus marche avec tous les apôtres et les disciples qui étaient à Césarée. Mais une caravane si nombreuse sur la route n’étonne personne, car on rencontre bien d’autres groupes en chemin vers Jérusalem, des caravanes de juifs ou de prosélytes qui arrivent de toute la Diaspora et qui désirent rester quelque temps dans la Cité sainte pour entendre les rabbis et respirer longuement l’air du Temple.

Ils avancent rapidement, sous un soleil déjà haut sur l’horizon, mais qui ne gêne pas encore car c’est un soleil de printemps qui joue avec les feuilles nouvelles et les branches fleuries et qui fait naître une multitude de fleurs de tous côtés. La plaine qui précède le lac n’est qu’un tapis fleuri, et l’œil qui se tourne vers les collines qui l’entourent les voit couvertes des touffes blanches, légèrement rosées, ou franchement roses, ou encore roses presque rouges, des différents arbres fruitiers ou bien, en passant près des rares maisons des paysans ou près des maréchaleries çà et là le long de la route, il se réjouit de voir les premiers rosiers fleuris dans les jardins, le long des haies ou contre les murs des maisons.

« Les parterres de Jeanne doivent être tout épanouis, fait remarquer Simon le Zélote.

– Le jardin de Nazareth lui aussi doit ressembler à un panier plein de fleurs. Marie en est la douce abeille qui va d’un rosier à l’autre, et de ceux-ci aux jasmins qui ne vont pas tarder à fleurir, aux lys dont les boutons paraissent déjà sur les tiges, et elle cueillera le rameau d’amandier comme elle le fait toujours, ainsi que le rameau du poirier ou du grenadier pour le mettre dans l’amphore dans sa petite pièce. Quand nous étions enfants, nous lui demandions chaque année : “ Pourquoi gardes-tu toujours un rameau de l’arbre en fleurs au lieu d’y mettre les premières roses ? ” Et elle répondait : “ Parce que sur ces pétales je vois écrit un ordre qui m’est venu de Dieu et que je sens l’odeur pure de la brise céleste. ” Tu t’en souviens, Jude ? demande Jacques, fils d’Alphée, à son frère.

– Oh ! Et comment ! Et je me rappelle que, devenu adulte, j’attendais le printemps avec impatience pour voir Marie aller et venir dans son jardin sous les nuées de ses arbres en fleurs et à travers les haies des premières roses. Je n’ai jamais vu de spectacle plus beau que celui de cette éternelle jeune fille glissant parmi les fleurs, au milieu des vols de colombes…

346.2

– Ah ! Allons vite la voir, Seigneur ! Que moi aussi je voie tout cela ! Supplie Thomas.

– Nous n’avons qu’à accélérer la marche et nous reposer un peu moins la nuit, pour arriver à temps à Nazareth, répond Jésus.

– Tu me fais ce plaisir, Seigneur ?

– Oui, Thomas. Nous irons tous à Bethsaïde, puis à Caphar­naüm, et là nous nous séparerons, nous pour aller en barque à Tibériade et ensuite à Nazareth. De cette façon, nous tous, sauf vous les Judéens, nous prendrons des vêtements plus légers. L’hiver est fini.

– Oui, et nous allons dire[1] à la Colombe : “ Lève-toi vite, ma bien-aimée, et viens car l’hiver est passé, la pluie est finie, il y a des fleurs sur la terre… Debout, mon amie, et viens, colombe qui restes cachée, montre-moi ton visage, et fais-moi entendre ta voix. ”

– Bravo, Jean ! On dirait un amoureux qui chante sa chanson à sa belle ! S’émerveille Pierre.

– Je le suis. Je le suis de Marie. Je ne vois pas d’autre femme qui éveille mon amour. Il n’y a que Marie, que j’aime de tout mon cœur.

– Je le disais moi aussi, il y a un mois. N’est-ce pas, Seigneur ? dit Thomas.

– Je crois que nous sommes tous remplis d’amour pour elle. Un amour si élevé, si céleste ! Seule cette femme peut l’inspirer. Et l’âme aime complètement son âme, l’esprit aime et admire son intelligence, l’œil l’admire et se complaît dans sa grâce pure qui donne une affection sans trouble, tout comme quand on regarde une fleur… Marie, la beauté de la terre et, je crois, la beauté du Ciel… dit Matthieu.

– C’est vrai ! C’est vrai ! Tous, nous voyons en Marie ce qu’il y a de plus doux dans la femme. A la fois l’enfant pure et la mère très douce. Et on ne sait pas si on l’aime plus pour l’une ou l’autre de ces grâces… dit Philippe.

– On l’aime parce que c’est “ Marie ”. Voilà tout ! » déclare Pierre sentencieusement.

346.3

Jésus les a entendus parler et dit :

« Vous avez tous bien parlé. Simon-Pierre a tout à fait raison. On aime Marie parce que c’est “ Marie ”. Je vous ai dit, en allant à Césarée, que seuls ceux qui uniront une foi parfaite à un amour parfait arriveront à connaître le vrai sens des mots : “ Jésus, le Christ, le Verbe, le Fils de Dieu et le Fils de l’homme. ” Mais j’ajoute maintenant qu’il y a un autre nom lourd de sens. Et c’est celui de ma Mère. Seuls ceux qui uniront une foi parfaite à un amour parfait arriveront à connaître le vrai sens du nom “ Marie ”, de la Mère du Fils de Dieu. Et ce vrai sens commencera à apparaître clairement aux vrais croyants ainsi qu’à ceux qui aiment vraiment à une heure redoutable de déchirement, quand celle qui a enfanté sera suppliciée avec celui qui est né d’elle, quand la Rédemptrice rachètera avec le Rédempteur, aux yeux de tout le monde et pour tous les siècles des siècles.

– Quand donc ? demande Barthélemy tandis qu’ils se sont arrêtés sur les bords d’un gros ruisseau où boivent de nombreux disciples.

– Arrêtons-nous ici pour partager le pain. Le soleil est au plus haut. Ce soir, nous serons au lac de Mérom et nous pourrons raccourcir notre route grâce à de petites barques » répond évasivement Jésus.

Tous s’asseyent sur l’herbe, tendre et tiédie par le soleil, des bords du ruisseau, et Jean dit :

« C’est dommage d’abîmer ces petites fleurs si gentilles. On croirait des morceaux de ciel tombés ici sur les prés. »

Il y a des centaines et des centaines de myosotis.

« Elles renaîtront plus belles demain » dit Jacques à son frère pour le consoler. « Elles ont fleuri afin de faire au-dessus des mottes une salle de banquet pour le Seigneur. »

Jésus offre et bénit la nourriture et tous se mettent à manger allègrement. Les disciples, comme autant de tournesols, regardent tous vers Jésus, qui est assis au milieu de la rangée de ses apôtres.

346.4

Le repas est vite fini, assaisonné de sérénité et d’eau pure. Mais, comme Jésus reste assis, personne ne bouge. Les disciples s’approchent eux aussi pour écouter Jésus, que ses apôtres interrogent encore sur ce qu’il vient de dire au sujet de sa Mère.

« Oui. Parce qu’être ma Mère selon la chair, c’est déjà grandiose. Pensez que l’on se rappelle Anne d’Elqana en tant que mère du prophète Samuel. Or il n’était qu’un prophète, et pourtant on se souvient de sa mère parce qu’elle l’a engendré. Par conséquent, le souvenir de Marie serait accompagné des plus grands éloges pour avoir donné au monde Jésus le Sauveur. Mais ce serait peu par rapport à ce que Dieu exige d’elle pour compléter la mesure requise pour la rédemption du monde. Marie ne décevra pas le désir de Dieu. Elle ne l’a jamais déçu. De la requête d’un amour total à celle d’un sacrifice total, elle s’est donnée et elle se donnera. Et quand elle aura consommé le plus grand sacrifice, avec moi, pour moi, et pour le monde, alors les vrais fidèles, et ceux qui l’aiment vraiment, comprendront le sens véritable de son nom. Et dans les siècles des siècles, il sera accordé à tout véritable fidèle, à tous ceux qui l’aiment vraiment de connaître le Nom de la Mère sublime, de la sainte Nourrice qui allaitera dans les siècles des siècles les enfants du Christ par ses pleurs, pour les faire croître à la Vie des Cieux.

– Ses pleurs, Seigneur ? ta Mère doit pleurer ? demande Judas.

– Toute mère pleure, et la mienne pleurera plus que toute autre.

– Mais pourquoi ? J’ai fait quelquefois pleurer ma mère parce que je ne suis pas toujours un bon fils. Mais toi ! Tu ne feras jamais souffrir ta Mère.

– Non. En effet je ne la fais pas souffrir en tant que Fils, mais en tant que Rédempteur. Il y en aura deux qui feront verser à ma Mère des pleurs sans fin : moi pour sauver l’humanité, et l’humanité par son continuel péché. Tout homme qui a vécu, vit ou vivra coûte des larmes à Marie.

– Mais pourquoi ? demande Jacques, fils de Zébédée, étonné.

– Parce que tout homme me coûte des tortures pour le racheter.

– Mais comment peux-tu dire cela de ceux qui sont morts ou pas encore nés ? Les vivants, les scribes, les pharisiens, les sadducéens, te feront souffrir par leurs accusations, leurs jalousies, leurs méchancetés, mais rien de plus, affirme, sûr de lui, Barthélemy.

– Jean-Baptiste aussi a été tué… et ce n’est pas le seul prophète qu’Israël ait tué, et le seul prêtre de la Volonté éternelle, tué parce qu’il était mal vu de ceux qui désobéissent à Dieu.

– Mais toi, tu es plus qu’un prophète et plus que Jean-Baptiste lui-même, ton Précurseur. Tu es le Verbe de Dieu. La main d’Israël ne se lèvera pas sur toi, dit Jude.

– Tu crois cela, mon frère ? Tu te trompes, lui répond Jésus.

– Non. C’est impossible ! Cela ne peut pas arriver ! Dieu ne le permettra pas ! Ce serait avilir pour toujours son Christ ! »

Jude est si agité qu’il se lève.

Jésus l’imite et regarde fixement son visage pâle, ses yeux sincères.

« Et pourtant il en sera ainsi » dit-il en abaissant son bras droit, qu’il tenait levé comme pour jurer.

346.5

Tous se lèvent et se serrent encore davantage autour de lui, formant une couronne de visages affligés, mais plus encore incrédules, et des murmures circulent dans le groupe :

« Certainement… si ça devait se passer… Jude aurait raison.

– Ce qui est arrivé à Jean-Baptiste, c’est mal. Mais cela a exalté l’homme, héroïque jusqu’à la fin. Si cela arrivait au Christ, il en serait diminué.

– Le Christ peut être persécuté, mais pas avili.

– L’onction de Dieu est sur lui.

– Qui pourrait croire encore, s’il te voyait à la merci des hommes ?

– Nous ne le permettrons pas. »

Le seul à se taire, c’est Jacques, fils d’Alphée. Son frère s’en prend à lui :

« Tu ne dis rien? Tu ne réagis pas ? Tu n’entends pas ? Défends le Christ contre lui-même ! »

Jacques, pour toute réponse, porte les mains à son visage et il s’écarte un peu en pleurant.

« Quel simplet ! Déclare son frère.

– Peut-être moins que tu ne le penses » lui répond Hermastée, avant de poursuivre : « Hier, en expliquant la prophétie, le Maître a parlé d’un corps décomposé qui se recompose et d’un corps qui ressuscite tout seul. Je pense que quelqu’un ne peut ressusciter à moins de mourir avant.

– Mais il peut être mort de mort naturelle, de vieillesse. Et c’est déjà beaucoup pour le Christ ! » réplique Jude.

Plusieurs lui donnent raison.

« Oui, mais alors ce ne serait pas un signe donné à cette génération qui est beaucoup plus vieille que lui, relève Simon le Zélote.

– Oui ! Mais il n’est pas dit qu’il parle de lui-même », réplique Jude, entêté dans son amour et dans son respect.

Isaac témoigne avec assurance :

« Personne, à moins d’être le Fils de Dieu, ne peut se ressusciter lui-même, de même que personne, s’il n’est pas le Fils de Dieu, ne peut être né comme il est né. C’est ce que je dis, moi qui ai vu la gloire de sa naissance »

Jésus, les bras croisés, les a écoutés parler en les regardant à tour de rôle. Puis il fait signe qu’il va parler :

« Le Fils de l’homme sera livré aux mains des hommes parce qu’il est le Fils de Dieu, et parce qu’il est aussi le Rédempteur de l’homme. Or il n’y a pas de rédemption sans souffrance. Ma souffrance atteindra le corps, la chair et le sang, pour réparer les péchés de la chair et du sang. Elle sera morale pour réparer les péchés de l’âme et des passions. Elle sera spirituelle pour réparer les fautes de l’esprit. Elle sera complète. Aussi, à l’heure fixée, je serai pris dans Jérusalem, et après avoir beaucoup souffert de la part des anciens et des grands-prêtres, des scribes et des pharisiens, je serai condamné à une mort infamante. Et Dieu laissera faire parce qu’il doit en être ainsi, car je suis l’Agneau qui expie pour les péchés du monde entier. Et dans une mer d’angoisse, que partagera ma Mère et quelques autres personnes, je mourrai sur le gibet. Trois jours après, par ma seule volonté divine, je ressusciterai pour une vie éternelle et glorieuse comme Homme et je serai de nouveau Dieu au Ciel[2] avec le Père et l’Esprit. Mais auparavant je devrai souffrir toutes sortes d’opprobres et avoir le cœur transpercé par le Mensonge et la Haine. »

346.6

Un chœur de cris horrifiés s’élève dans l’air tiède et parfumé du printemps.

Pierre, le visage effrayé, et horrifié lui aussi, saisit Jésus par le bras et l’emmène un peu à part en lui disant doucement à l’oreille :

« Oh, Seigneur ! Ne dis pas ça, ce n’est pas bien. Tu vois ? Ils sont scandalisés. Tu baisses dans leur estime. Pour aucune raison tu ne dois le permettre ; d’ailleurs, pareille chose ne t’arrivera jamais. Pourquoi donc l’envisager comme vraie ? Tu dois monter toujours davantage dans l’estime des hommes si tu veux t’affirmer, et tu dois terminer, peut-être, par un dernier miracle comme celui de réduire en cendres tes ennemis. Mais ne jamais t’humilier en te rendant pareil à un malfaiteur que l’on punit. »

Pierre ressemble à un maître ou à un père affligé, plein d’un amour angoissé, qui réprimande son fils qui a dit une sottise.

Jésus, qui s’était un peu penché pour écouter le murmure de Pierre, se redresse, l’air sévère, des éclairs dans les yeux – et des éclairs de courroux – et il crie fort pour que tous entendent et que la leçon serve à tous :

« Eloigne-toi de moi, toi qui en ce moment es un satan qui me conseille de manquer à l’obéissance envers mon Père ! Car c’est pour cela que je suis venu ! Pas pour les honneurs ! En me conseillant l’orgueil, la désobéissance, la dureté sans charité, tu tentes de m’amener au mal. Va ! Tu es pour moi objet de scandale ! Ne comprends-tu pas que la grandeur réside non dans les honneurs, mais dans le sacrifice et que ce n’est rien de paraître un ver aux yeux des hommes si Dieu nous considére comme un ange ? Toi, pauvre homme, tu ne comprends pas ce qui est grandeur pour Dieu et raison de Dieu et tu vois, juges, entends, parles avec ce qui est de l’homme. »

Le malheureux Pierre reste anéanti sous ce reproche sévère ; il s’écarte, humilié, et il pleure… et ce ne sont pas les larmes de joie de quelques jours auparavant, mais les larmes de désolation d’un impulsif qui comprend qu’il a péché et qu’il a fait souffrir celui qu’il aime.

Jésus le laisse pleurer. Il se déchausse, relève sa tunique et passe à gué le ruisseau. Les autres l’imitent en silence. Personne n’ose dire mot. En dernier se trouve un Pierre pitoyable qu’Isaac et Simon le Zélote essaient en vain de consoler.

346.7

André se retourne plusieurs fois pour le regarder, puis il murmure quelque chose à Jean, qui est tout attristé. Mais Jean secoue la tête en signe de refus. Alors André se décide. Il court en avant, rejoint Jésus, l’appelle doucement avec une crainte visible :

« Maître ! Maître !… »

Jésus le laisse appeler plusieurs fois. Finalement, il se retourne, l’air sévère et demande :

« Que veux-tu ?

– Maître, mon frère est tout abattu… il pleure…

– Il l’a bien mérité.

– C’est vrai, Seigneur. Mais lui, c’est toujours un homme… Il ne peut pas toujours bien parler.

– Effectivement, aujourd’hui il a très mal parlé » répond Jésus.

Mais il est déjà moins sévère et un éclair souriant lui adoucit les yeux.

André s’enhardit et prolonge sa plaidoirie en faveur de son frère :

« Mais tu es juste et tu sais que c’est son amour pour toi qui l’a poussé à l’erreur…

– L’amour doit être lumière et non pas ténèbres. Pierre a préféré les ténèbres et s’en est enveloppé l’esprit comme dans des bandes.

– C’est vrai, Seigneur. Mais on peut enlever les bandes quand on veut. Ce n’est pas comme si on avait l’esprit ténébreux. Les bandes, c’est l’extérieur. L’esprit, c’est l’intérieur, le noyau vivant… L’intérieur de mon frère est bon.

– Dans ce cas, qu’il enlève les bandes qu’il s’est mises.

– Il le fera à coup sûr, Seigneur ! Il y est déjà occupé. Retourne-toi et regarde comme il est défiguré par des larmes que tu ne consoles pas. Pourquoi es-tu si sévère à son égard ?

– C’est parce qu’il a le devoir d’être “ le premier ”, comme je lui ai fait l’honneur de le nommer. Qui reçoit beaucoup doit donner beaucoup…

– Oh, Seigneur ! C’est vrai, oui. Mais ne te souviens-tu pas de Marie, sœur de Lazare ? De Jean d’En-Dor ? D’Aglaé ? De la Belle de Chorazeïn ? De Lévi ? A eux tu as tout donné… or ils ne t’avaient présenté que l’intention de se racheter… Seigneur !… Tu m’as écouté pour la Belle de Chorazeïn et pour Aglaé… Ne m’écouterais-tu pas pour ton et mon Simon qui a péché par amour pour toi ? »

Jésus baisse les yeux sur le doux André qui se montre audacieux et pressant en faveur de son frère, comme il le fut, silencieusement, pour Aglaé et la Belle de Chorazeïn, et son visage resplendit de lumière :

« Va appeler ton frère, dit-il, et amène-le ici.

– Oh ! Merci, mon Seigneur ! J’y vais… »

Et il s’éloigne, en courant, rapide comme l’hirondelle en plein vol.

346.8

« Viens, Simon. Le Maître n’est plus en colère contre toi. Viens, il veut te le dire.

– Non, non. Moi, j’ai honte… Il y a trop peu de temps qu’il m’a fait des reproches… Il veut me voir pour m’en faire encore…

– Comme tu le connais mal ! Allons, viens ! Tu crois que je pourrais te conduire à lui pour te faire encore souffrir ? Si je n’étais pas certain que c’est une joie qui t’attend, je n’insisterais pas. Viens.

– Mais que vais-je lui dire ? » demande Pierre en se mettant en route comme à regret, freiné par ses sentiments humains, mais encouragé par son âme qui ne peut se passer de la bienveillance de Jésus et de son amour. « Que vais-je lui dire ? » continue-t-il à demander.

– Mais rien ! Montre-lui ton visage, et cela suffira » dit André pour encourager son frère.

Tous les disciples, à mesure que les deux frères les dépassent, les regardent et sourient, comprenant ce qui arrive.

Ils rejoignent Jésus. Mais Pierre s’arrête au dernier moment. André n’hésite pas : il le pousse énergiquement en avant comme il le fait à sa barque pour la conduire au large. Jésus s’arrête… Pierre lève la tête ; Jésus baisse les yeux… Ils se regardent… Deux grosses larmes roulent sur les joues toutes rougies de Pierre…

« Viens ici, grand enfant irréfléchi, que je te serve de père en essuyant ces larmes » dit Jésus.

Levant la main sur laquelle on voit encore la marque du coup de pierre de Giscala, il essuie de ses doigts ces deux larmes.

« Oh, Seigneur ! Tu m’as pardonné ? » demande Pierre, tout tremblant, en prenant la main de Jésus dans les siennes et en le regardant avec des yeux de chien fidèle qui veut se faire pardonner par son maître fâché.

– Je ne t’ai jamais condamné…

– Mais tout à l’heure…

– Je t’ai aimé. C’est amour de ne pas permettre qu’en toi prennent racine des déviations de sentiment et de sagesse. Tu dois être le premier en tout, Simon-Pierre.

– Alors… alors tu m’aimes encore ? Tu me veux encore avec toi ? Ce n’est pas que je veuille la première place, tu sais ? Il me suffit même d’avoir la dernière, mais être avec toi, à ton service… et mourir à ton service, Seigneur, mon Dieu ! »

Jésus lui passe le bras autour des épaules et le serre tout contre lui. Alors Simon, qui n’a pas lâché l’autre main de Jésus, la couvre de baisers… heureux. Et il murmure :

« Combien j’ai souffert !… Merci, Jésus.

– Remercie ton frère, plutôt. Et sache à l’avenir porter ton fardeau avec justice et héroïsme.

346.9

– Attendons les autres. Où sont-ils ? »

Ils se sont arrêtés où ils étaient quand Pierre a rejoint Jésus, pour laisser au Maître la liberté de parler à son apôtre humilié. Jésus leur fait signe d’avancer. Avec eux se trouvent quelques paysans qui avaient délaissé leur travail dans les champs pour venir interroger les disciples.

Jésus a toujours la main sur l’épaule de Pierre et dit :

« Par ce qui est arrivé, vous avez compris que c’est une affaire exigeante que d’être à mon service. C’est à lui que j’ai adressé ce reproche, mais il était pour tous, parce que les mêmes pensées étaient dans la plupart de vos cœurs, soit formées soit en germe. De cette façon je les ai brisées, et celui qui les cultive encore montre qu’il ne comprend pas ma doctrine, ma mission, ma Personne.

Je suis venu pour être le Chemin, la Vérité et la Vie. Je vous donne la Vérité par ce que j’enseigne. Je vous aplanis le chemin par mon sacrifice, je vous le trace, je vous l’indique. Mais la Vie, c’est par ma mort que je vous la donne. Et souvenez-vous que quiconque répond à mon appel et se met dans mes rangs pour coopérer à la rédemption du monde doit être prêt à mourir pour donner la Vie aux autres. Ainsi quiconque veut marcher à ma suite doit être prêt à renoncer à lui-même, à renier ce qu’il était avec ses passions, ses tendances, ses habitudes, ses traditions, ses pensées, et à me suivre avec son nouvel être.

Que chacun prenne sa croix comme moi je la prendrai. Qu’il la prenne, même si elle lui semble trop infamante. Qu’il laisse le poids de sa croix écraser son être humain pour libérer son être spirituel, à qui la croix ne fait pas horreur, mais au contraire est un point d’appui et un objet de vénération, car l’âme sait et se souvient. Et qu’il me suive avec sa croix. Est-ce qu’au bout du chemin une mort ignominieuse l’attendra comme elle m’attend ? Peu importe. Qu’il ne s’en afflige pas, mais au contraire qu’il se réjouisse, car l’ignominie de la terre se changera en une grande gloire au Ciel, alors que ce sera un déshonneur d’être lâche en face des héroïsmes spirituels.

Vous ne cessez de dire que vous voulez me suivre jusqu’à la mort. Suivez-moi donc, et je vous mènerai au Royaume par un chemin âpre mais saint et glorieux, au terme duquel vous conquerrez la vie qui ne change pas pour l’éternité. Ce sera “ vivre ”. Suivre, au contraire, les voies du monde et de la chair, c’est “ mourir ”. De cette façon quiconque veut sauver sa vie sur la terre la perdra, tandis que celui qui perdra sa vie sur la terre à cause de moi et par amour pour mon Evangile la sauvera. Mais réfléchissez : à quoi servirait-il à l’homme de gagner le monde entier s’il perd son âme ?

346.10

Et encore gardez-vous bien, maintenant et à l’avenir, d’avoir honte de mes paroles et de mes actions. Cela aussi serait “ mourir ”. En effet, quiconque aura honte de moi et de mes paroles au milieu de cette génération sotte, adultère et pécheresse dont j’ai parlé, et la flattera dans l’espoir d’en tirer protection et avantages en me reniant, moi et ma doctrine, et en jetant dans les gueules immondes des porcs et des chiens les perles qu’il aura reçues, pour obtenir en récompense des excréments en guise de paiement, celui-là sera jugé par le Fils de l’homme quand il viendra dans la gloire de son Père et avec les anges et les saints pour juger le monde. C’est lui alors qui rougira de tous ces adultères et fornicateurs, de ces lâches et de ces usuriers et il les chassera de son Royaume, parce qu’il n’y a pas place dans la Jérusalem céleste pour les débauchés, les cruels, les blasphémateurs et les voleurs. Et, en vérité, je vous dis que certains de mes disciples ici présents ne goûteront pas la mort avant d’avoir vu se fonder[3] le Royaume de Dieu, avec son Roi qui aura reçu la couronne et l’onction. »

Ils reprennent leur marche en parlant avec animation pendant que le soleil descend lentement dans le ciel…

346.1

Jesus must have left the town of Caesarea Philippi at daybreak, because the town is now far behind with its mountains, and Jesus is once again in the plain going towards lake Merom, from where He will go to the lake of Gennesaret. His apostles are with Him together with all the disciples who were at Caesarea. But no one is surprised to see such a numerous caravan on the road, because there are many more caravans of Israelites or proselytes going to Jerusalem from all parts of the Diaspora, as they wish to remain some time in the Holy City to listen to the rabbis and breathe the air of the Temple for a long time.

They proceed quickly but although the sun is already high in the sky, it is not troublesome as springtime sunshine gently warms new leaves of trees in blossom and makes flowers open everywhere. The plain before the lake is like a flowery carpet, and the pilgrims looking at the hills surrounding it see them spotted with white, rosy, pink or almost red blossoms of the various fruit-trees, or on passing near the houses of farmers or forges on the roadside, they enjoy the sight of the first rose-bushes full of flowers in gardens, along hedges or against the walls of houses.

«Johanna’s gardens must be all in flower» remarks Simon Zealot.

«Also the garden in Nazareth must look like a basket full of flowers. Mary is the sweet bee that passes from one rose-bush to another, then to the jasmines, which will soon be blooming, to the lilies, which are already in bud, and She will pick a branch of the almond-tree, as She is wont to do, or better, now She may pick a branch of the pear-tree or of the pomegranate, to put it into the amphora in Her little room. When we were young boys, every year we used to ask Her: “Why do You always have a flowery branch there, and You do not put the early roses in it?”. And She replied: “Because on those petals I can see an order written, which came to Me from God and I smell the pure scent of celestial air”. Do you remember, Judas?» James of Alphaeus asks his brother.

«Yes. I do. And I remember that when I grew up I used to wait anxiously for springtime, so that I could see Mary walking in Her garden, under Her trees, the blossoms of which were like clouds, or among the bushes of the early roses. I never saw anything more beautiful than the eternal girl passing lightly among Her flowers while doves were flying around Her…»

346.2

«Oh! Let us go to Her soon, Lord! That I may see all that as well!» implores Thomas.

«All we need do is quicken our steps and rest less, at night, to arrive in Nazareth in good time» replies Jesus.

«Will You really take me there, Lord?»

«Yes, Thomas, I will. We shall all go to Bethsaida and then to Capernaum, where we shall part. We shall proceed to Tiberias by boat and then to Nazareth. Thus, with the exception of you Judaeans, we shall all be able to get lighter garments, as winter is now over.»

«Yes. And we shall go and say[1] to the Dove: “Rise, make haste, my beloved one, and come, for winter is past, the rains are over and gone, the flowers appear on the earth… Rise, my friend, and come, my dove hiding in the clefts of the rock, show me your face, let me hear your voice”.»

«Well done, John! You sound like a sweetheart singing a song to his girl!» says Peter.

«I am. I am full of love for Mary. I will never see other women excite my love. Except Mary, Whom I love with my wholeself.»

«I said the same a month ago, didn’t I, Lord?» says Thomas.

«I think that we are all full of love for Her. Such a noble celestial love!… As only that Donna can inspire. And our souls love Her soul completely, our minds love and admire Her intelligence, our eyes admire and delight in Her pure grace, which gives joy without any anxiety, as when one looks at a flower… Mary, the Beauty of the earth, and, I think, the Beauty of Heaven…» says Matthew.

«That is true! We all see in Mary what is sweetest in women: the pure girl, and the most sweet mother. And we do not know whether we love Her more for the former or the latter grace…» says Philip.

«We love Her because She is “Mary”. That’s it!» remarks Peter.

346.3

Jesus has been listening to them and He says: «You have all spoken very well. Simon Peter is quite right: one loves Mary because She is “Mary”. On our way to Caesarea I told you that only those who join perfect faith to perfect love will be successful in understanding the true meaning of the words: “Jesus, the Christ, the Word, the Son of God and the Son of man”. But I can now tell you that there is another name full of meaning. And it is the name of My Mother. Only those who add perfect faith to perfect love will succeed in understanding the true meaning of the name “Mary”, of the Mother of the Son of God. And the true meaning will begin to appear clearly to the true faithful and loving ones in a dreadful hour of torture, when the Mother is to be tortured with Her Son,when She co-redeems with the Redeemer, in the eyes of the whole world and forever and ever.»

«When?» asks Bartholomew, while they stop by the side of a large stream where many disciples drink.

«Let us stop here and eat our bread. It is midday. We shall be at lake Merom by evening and we shall be able to get boats and shorten our journey» replies Jesus evasively.

They all sit down on the tender grass on the bank of the stream, in the warm sunshine, and John says: «It is a pity to spoil these little flowers, which are so gentle. They look like little bits of the sky, which have fallen here, on these meadows.» There are hundreds and hundreds of myosotis.

«They will grow more beautifully tomorrow. They have bloomed to turn the earth into a dining room for their Lord» says his brother James to comfort him.

Jesus offers and blesses the food and they all eat happily. All the disciples, like sunflowers, are looking at Jesus, Who is sitting in the center of the row of His apostles.

346.4

The meal is soon over, it was made tasty by serenity and pure water. As Jesus remains sitting, no one moves. The disciples move a little to come closer and hear what Jesus is saying to the apostles who have asked Him questions on what He said before about His Mother.

«Yes. Because it would be a great thing indeed to be My Mother according to the flesh. You must consider that Anne of Elkanah is remembered as Samuel’s mother. And he was only a prophet. And yet his mother is mentioned because she bore him. Thus, Mary would be remembered with the greatest praise for giving Jesus, the Savior, to the world. But it would be too little, as compared with what God exacts from Her to fill the measure required for the redemption of the world. Mary will not disappoint God’s desire. She has never disappointed Him. She has given and will give Herself completely both with regards to requests of total love and to those of total sacrifice. And when She has accomplished the supreme sacrifice, with Me and for Me, and for the world, then the true faithful and loving believers will understand the real meaning of Her Name. And forever in the future each true faithful and Loving believer will be granted to know it. The Name of the Great Mother, of the Holy Nurse, Who will nourish all the children of Christ with Her tears, to bring them up for the Life in Heaven.»

«Tears, Lord? Must Your Mother weep?» asks the Iscariot.

«Every mother weeps. And Mine will weep more than any other.»

«Why? I made mine weep sometimes, because I have not always been a good son. But You! You never grieve Your Mother.»

«No. I do not grieve Her as Her Son. But I will deeply distress Her as Redeemer. There are two who will make My Mother weep endless tears: I, to save Mankind, Mankind by its continuous sinning. Every man who has lived, is living or will live, costs Mary tears.»

«Why?» asks James of Zebedee, who is obviously astonished.

«Because every man makes Me suffer to redeem him.»

«But how can You say that with regards to those who are already dead or not yet born? The living, the scribes, Pharisees, Sadducees may make You suffer through their charges against You, their jealousy, their wickedness. But nothing more than that» states Bartholomew confidently.

«John the Baptist was also killed… and he is not the only prophet killed by Israel, or the only priest of the eternal Will killed because he was disliked by those who disobeyed God.»

«But You are greater than a prophet than the Baptist himself, Your Precursor. You are the Word of God. The hand of Israel will not rise against You» says Judas Thaddeus.

«Do you think so, brother? You are wrong» replies Jesus.

«No. It cannot be! That cannot happen! God will not allow it! It would be a perpetual humiliation of His Christ!» Judas Thaddeus is so excited that he stands up.

Jesus also stands up and stares at his pale face and sincere eyes. He says slowly: «And yet, it will happen» and He lowers His right arm, which He had raised, as if He were swearing an oath.

346.5

They all stand up and press closer round Him: a circle of sad incredulous faces; voices can be heard whispering: «Of course… if it were really so… Thaddeus would be right.»

«What happened to the Baptist was wrong. But it extolled the man, a hero till the very last. If instead it should happen to the Christ, it would diminish His fame.»

«Christ can be persecuted, but not humiliated.»

«The unction of God is upon Him.»

«Who would continue to believe in You, if they saw You at the mercy of men?»

«We will not allow that.»

James of Alphaeus is the only one who makes no comment. His brother chides him: «Are you not saying anything? Are you not reacting? Have you not heard? Defend the Christ against Himself!»

James does not reply, but he covers his face with his hands and moves aside weeping.

«He is a fool!» utters his brother.

«Perhaps not such a fool as you think» replies Ermasteus. And he goes on: «Yesterday, when explaining the prophecy, the Master spoke of a decomposed body that is recomposed and of a body that will rise from death by itself. I think that one cannot rise again, unless one dies first.»

«But one may die a natural death, or die of old age. And even that would be too much for the Christ!» retorts Thaddeus, and many say that he is right.

«Yes, but in that case it would not be a sign given to this generation, which is much older than He is» remarks Simon Zealot.

«Of course not. But He did not necessarily speak of Himself» retorts Thaddeus, who is obstinate in his love and respect.

«No one but the Son of God can rise by oneself from the dead, as no one but the Son of God can be born as He was born. I maintain that, as I saw the glory of His birth» says Isaac as a fully confident witness.

Jesus has been listening to them, looking at each while he was speaking, with His arms folded on His chest. He now makes a gesture that He wants to speak and He says: «The Son of man will be handed over into the power of men because He is the Son of God, but He is also the Redeemer of man. And there is no redemption without suffering. My body, flesh and blood will suffer, to make amends for the sins of the flesh and of the blood. I will suffer morally to make amends for the sins of intentions and passions. And I will suffer spiritually for the sins of souls. My suffering will be complete. Therefore at the appointed time I will be captured in Jerusalem and after suffering grievously at the hands of the Elders and High Pontiffs, of the scribes and Pharisees, I will be sentenced to disgraceful death. And God will let them do so, because it must be so, as I am the Lamb Who is to expiate the sins of the whole world. And in deepest anguish, which My Mother and few more people will share with Me, I will die on the scaffold, and three days later, exclusively through My own divine will, I will rise again to eternal glorious life as Man and once again I will be God in Heaven with the Father and the Spirit. But I must first suffer all infamy and My heart is to be pierced by Falsehood and Hatred.»

346.6

A chorus of scandalized shouts spreads through the warm scented springtime air.

Peter, who is also daunted and scandalized, takes Jesus by the arm and pulls Him aside and whispers in His ear: «Oh! Lord! Don’t say that. It’s not right. See? They are scandalized. You lose their esteem. On no account You must allow that; in any case such a thing will never happen. So why speak of it as something real? You must rise higher and higher in the eyes of men, if You want to assert Your authority, and eventually end by working a last miracle, such as crushing Your enemies. But You must never lower Yourself to the level of a punished criminal.» And Peter looks like a master or a sorrowful father kindly reproaching a son who has said something silly.

Jesus, Who was lightly bent to hear Peter’s whispering, straightens Himself up and with a severe countenance and eyes blazing with anger, He shouts so that everybody may hear Him and learn the lesson: «Go away from Me, as you are now Satan advising Me to disobey My Father! But that is why I came! Not to be honored! By advising Me to be proud, disobedient and uncharitably severe you are spurring Me to evil things. Go away! You are scandalising Me! Do you not understand that greatness does not lie in honors but in sacrifice and that it is of no importance to be considered worms by men, if God considers us angels? You, foolish man, understand neither God’s greatness nor His reasons, and you see, judge, feel and speak according to what is purely human.»

Poor Peter is crushed by the severe reproach and feeling humiliated he moves aside and weeps… But his tears are not the tears of joy of a few days ago. He weeps his heart out because he realizes that he has sinned and has grieved the person whom he loves. And Jesus lets him weep. He takes off His sandals, pulls His clothes up and wades the stream.

The others follow Him silently. No one dare say a word. Poor Peter is the last in the group and in vain Isaac and the Zealot endeavor to console him.

346.7

Andrew turns around several times to look at him and then whispers something to John, who is utterly depressed. But John shakes his head in denial. Andrew then makes up his mind. He runs forward and reaches Jesus. He calls Him in a low trembling voice: «Master! Master!…»

Jesus lets him call several times. At last He turns around and with a severe countenance He asks: «What do you want?»

«Master, my brother is distressed… he is weeping…»

«He deserved it.»

«That is true, Master. But he is a man… One can make mistakes when speaking.»

«In fact what he said today was quite wrong» replies Jesus. But He is not quite so severe now and the sparkle of a smile mitigates His divine eyes.

Andrew takes heart again and redoubles his efforts in favor of his brother. «But You are just and You know that he erred through his love for You…»

«Love must be light, not darkness. He turned it into darkness and bandaged his soul with it.»

«That is true, Lord. But bandages can be removed if one wants. It is not as if the spirit itself were in darkness. Bandages are the outside. The spirit is the inside, the living nucleus… The inside of my brother is good.»

«Well, let him remove the bandages that he put on it.»

«He will certainly do so, Lord! He is already doing it. If You turn round You will see how disfigured his face is by tears, which You are not comforting. Why are You so severe with him?»

«Because it is his duty to be the “first”, as I gave him the honor to be so. He who received much, must give much…»

«Oh! Lord! Yes, that is true. But do You not remember Mary of Lazarus? Or John of Endor? Or Aglae? Or the Beautiful woman of Korazim? Or Levi? You gave them everything… and they had only shown You their intention of being redeemed… Lord!… You heard my entreaties on behalf of the Beautiful woman of Korazim and of Aglae… Would You not listen to my entreaties on behalf of Your Simon and mine, who erred through his love for You?»

Jesus looks at His mild apostle who has become bold and insistent in favor of his brother, as he was silently insistent for the beautiful woman of Korazim and Aglae, and His face shines brightly: «Go and call your brother» He says «and bring him here.»

«Oh! Thank You, my Lord! I will go at once…» and he runs away as swiftly as a swallow.

346.8

«Come, Simon. The Master is no longer angry with you. Come, because He wants to tell you.»

«No. I am ashamed… He rebuked me only a little while ago… He wants me to reproach me again…»

«How little you know Him! Come on! Do you think that I would take you to Him to make you suffer again? I would not insist if I were not sure that a great joy is expecting you there. Come.»

«But what shall I tell Him?» Peter asks, setting out somewhat reluctantly: he is restrained by his human nature, but at the same time he is urged by his soul that cannot bear to be without Jesus’ condescension and love. «What shall I say to Him?» he continues to ask.

«Nothing! Show Him your face and that will be sufficient» his brother says encouraging him.

All the disciples, as the two brothers overtake them, look at them smiling, as they understand what is happening.

They arrive where Jesus is. But at the last moment Peter stops. Andrew wastes no time. With a strong push, as he is wont to do when driving his boat into the lake, he hurls him forward. Jesus stops… Peter raises his face… Jesus lowers His… They look at each other… Two large tears stream down Peter’s flushed cheeks…

«Come here, My big rash boy, that I may act as a father and wipe your tears» says Jesus, and He raises the hand on which the scar made by the stone at Giscala is still visible and with His fingers He wipes the two tears.

«Oh! Lord! Have You forgiven me?» asks Peter: in a trembling voice, taking Jesus’ hand in his own and looking at Him with loving imploring eyes, as a faithful dog that wants to be forgiven by its angry master.

I never condemned you…»

«But before…»

«I loved you. It is love not to allow deviations of sentiments and wisdom to strike root in you. You must be the first in everything, Simon Peter.»

«So… so, You still love me? You still want me with You? Not because I want to be the first, You know. I am happy to be even the last one, providing I am with You, at Your service… and I die at your service, Lord, my God!»

Jesus puts His hand around Peter’s shoulders and draws him close to Himself.

And Peter, who has been holding the other hand of Jesus all the time, smothers it with kisses… He is happy and whispers: «How much I suffered!… Thank You, Jesus.»

«You had better thank your brother. And in the future make sure you carry your burden with justice and heroism.

346.9

Let us wait for the others. Where are they?»

They are standing where they were when Peter reached Jesus, to leave the Master free to speak to His mortified apostle. Jesus beckons them to come forward. With them there is a little group of peasants, who had left the work in the fields to come and speak to the disciples.

Jesus, still resting His hand on Peter’s shoulder, says:

«After what has happened, you have understood that it is a serious matter to be at My service. I reproached him. But My reproach applies to all of you. Because the same thoughts were in most of your hearts, either fully developed or in germ. I have thus demolished them for you, and he who still cherishes them proves that he does not understand My Doctrine, My Mission or My Person.

I have come to be Way, Truth and Life. I give you the Truth through My teaching. I mark out the road, I point it out and level it for you through My sacrifice. But I give Life to you through My Death. And remember that whoever answers My call and follows Me to cooperate in the redemption of the world must be prepared to die to give Life to other people. Thus, whoever wants to follow me must be prepared to deny himself, his old self with its passions, inclinations, customs, traditions and thoughts, and follow Me with his new self.

Let every man take his cross, as I will take Mine. He must take it even if it looks too defamatory to him. He must let the weight of his cross crush his human self to free his spiritual self, which the cross does not fill with horror, on the contrary it is a support and an object of veneration because the spirit knows and remembers. And let him follow Me with his cross. And at the end of his life will an ignominious death be waiting for him, as it is waiting for Me? It does not matter. He must not grieve over that, on the contrary let him rejoice because the ignominy of the earth will change into a great glory in Heaven, whereas it will be dishonorable to act in a cowardly way in front of spiritual heroism.

You always state that you are prepared to follow Me and face death with Me. Follow Me, then, and I will lead you to the Kingdom along a hard but holy glorious road, at the end of which you will attain the immutable Life forever. That is “to live”. To follow instead, the ways of the world and of the flesh is “to die”. So he who wants to save his life on the earth will lose it, whereas he who loses his life on the earth, for My sake and for the sake of My Gospel, will save it. But remember: of what avail will it be to man to conquer the whole world, if he loses his soul?

346.10

And be very careful, both now and in future, not to be ashamed of My words and My deeds. To do so would be “to die” as well. Because he who is ashamed of Me and of My words among this stupid, adulterous, sinful generation, of which I spoke to you, and in the hope of gaining protection and profit flatters it denying Me and My Doctrine and throwing My words to the foul mouths of pigs and dogs – the recompense of which will be excrement and not money – will be judged by the Son of Man, when He comes in the glory of His Father with angels and saints to judge the world. I will then be ashamed of those adulterers and fornicators, of those cowards and usurers and will expel them from His Kingdom, because in the celestial Jerusalem there is no room for adulterers, cowards, fornicators, blasphemers and thieves. And I solemnly tell you that some of those who are now present among my disciples and women disciples will not savor death before seeing the Kingdom of God being established and its King crowned and anointed.»

They take to the road again talking animatedly while the sun is slowly setting in the sky…


Notes

  1. dire : comme en Ct 2, 10-14.
  2. je serai de nouveau Dieu au Ciel, c’est-à-dire non plus Dieu sur terre (Fils resté uni au Père), mais Dieu au Ciel (Fils revenu dans le Père), comme cela est expliqué en note en 342.5. Cette expression est semblable à celle de Jn 16, 28 : « Je suis sorti du Père et je suis venu dans le monde, et maintenant je quitte le monde et je vais au Père » ; c’est conforme à la formulation du Credo : « Descendu du Ciel… monté au Ciel, il siège à la droite du Père. »
  3. se fonder, et s’affirmer ensuite, comme l’ajoute Maria Valtorta sur une copie dactylographiée, en notant en bas de page : Le Royaume de Dieu a commencé le ven­dredi saint grâce aux mérites du Christ, et il s’est affirmé ensuite par l’Eglise constituée. Mais tous ne l’ont pas vu s’affirmer toujours plus.

Notes

  1. say as in Song of Songs 2:10-14.