Los Escritos de Maria Valtorta

346. Première annonce de la Passion, et reproche à Simon-Pierre.

346. Primer anuncio de la Pasión

346.1

Jésus a dû quitter la ville de Césarée de Philippe dès les premières lueurs du matin, car elle est déjà loin avec ses montagnes, et la plaine sert de nouveau de cadre à ceux qui se dirigent vers le lac de Mérom pour aller ensuite vers celui de Génésareth. Jésus marche avec tous les apôtres et les disciples qui étaient à Césarée. Mais une caravane si nombreuse sur la route n’étonne personne, car on rencontre bien d’autres groupes en chemin vers Jérusalem, des caravanes de juifs ou de prosélytes qui arrivent de toute la Diaspora et qui désirent rester quelque temps dans la Cité sainte pour entendre les rabbis et respirer longuement l’air du Temple.

Ils avancent rapidement, sous un soleil déjà haut sur l’horizon, mais qui ne gêne pas encore car c’est un soleil de printemps qui joue avec les feuilles nouvelles et les branches fleuries et qui fait naître une multitude de fleurs de tous côtés. La plaine qui précède le lac n’est qu’un tapis fleuri, et l’œil qui se tourne vers les collines qui l’entourent les voit couvertes des touffes blanches, légèrement rosées, ou franchement roses, ou encore roses presque rouges, des différents arbres fruitiers ou bien, en passant près des rares maisons des paysans ou près des maréchaleries çà et là le long de la route, il se réjouit de voir les premiers rosiers fleuris dans les jardins, le long des haies ou contre les murs des maisons.

« Les parterres de Jeanne doivent être tout épanouis, fait remarquer Simon le Zélote.

– Le jardin de Nazareth lui aussi doit ressembler à un panier plein de fleurs. Marie en est la douce abeille qui va d’un rosier à l’autre, et de ceux-ci aux jasmins qui ne vont pas tarder à fleurir, aux lys dont les boutons paraissent déjà sur les tiges, et elle cueillera le rameau d’amandier comme elle le fait toujours, ainsi que le rameau du poirier ou du grenadier pour le mettre dans l’amphore dans sa petite pièce. Quand nous étions enfants, nous lui demandions chaque année : “ Pourquoi gardes-tu toujours un rameau de l’arbre en fleurs au lieu d’y mettre les premières roses ? ” Et elle répondait : “ Parce que sur ces pétales je vois écrit un ordre qui m’est venu de Dieu et que je sens l’odeur pure de la brise céleste. ” Tu t’en souviens, Jude ? demande Jacques, fils d’Alphée, à son frère.

– Oh ! Et comment ! Et je me rappelle que, devenu adulte, j’attendais le printemps avec impatience pour voir Marie aller et venir dans son jardin sous les nuées de ses arbres en fleurs et à travers les haies des premières roses. Je n’ai jamais vu de spectacle plus beau que celui de cette éternelle jeune fille glissant parmi les fleurs, au milieu des vols de colombes…

346.2

– Ah ! Allons vite la voir, Seigneur ! Que moi aussi je voie tout cela ! Supplie Thomas.

– Nous n’avons qu’à accélérer la marche et nous reposer un peu moins la nuit, pour arriver à temps à Nazareth, répond Jésus.

– Tu me fais ce plaisir, Seigneur ?

– Oui, Thomas. Nous irons tous à Bethsaïde, puis à Caphar­naüm, et là nous nous séparerons, nous pour aller en barque à Tibériade et ensuite à Nazareth. De cette façon, nous tous, sauf vous les Judéens, nous prendrons des vêtements plus légers. L’hiver est fini.

– Oui, et nous allons dire[1] à la Colombe : “ Lève-toi vite, ma bien-aimée, et viens car l’hiver est passé, la pluie est finie, il y a des fleurs sur la terre… Debout, mon amie, et viens, colombe qui restes cachée, montre-moi ton visage, et fais-moi entendre ta voix. ”

– Bravo, Jean ! On dirait un amoureux qui chante sa chanson à sa belle ! S’émerveille Pierre.

– Je le suis. Je le suis de Marie. Je ne vois pas d’autre femme qui éveille mon amour. Il n’y a que Marie, que j’aime de tout mon cœur.

– Je le disais moi aussi, il y a un mois. N’est-ce pas, Seigneur ? dit Thomas.

– Je crois que nous sommes tous remplis d’amour pour elle. Un amour si élevé, si céleste ! Seule cette femme peut l’inspirer. Et l’âme aime complètement son âme, l’esprit aime et admire son intelligence, l’œil l’admire et se complaît dans sa grâce pure qui donne une affection sans trouble, tout comme quand on regarde une fleur… Marie, la beauté de la terre et, je crois, la beauté du Ciel… dit Matthieu.

– C’est vrai ! C’est vrai ! Tous, nous voyons en Marie ce qu’il y a de plus doux dans la femme. A la fois l’enfant pure et la mère très douce. Et on ne sait pas si on l’aime plus pour l’une ou l’autre de ces grâces… dit Philippe.

– On l’aime parce que c’est “ Marie ”. Voilà tout ! » déclare Pierre sentencieusement.

346.3

Jésus les a entendus parler et dit :

« Vous avez tous bien parlé. Simon-Pierre a tout à fait raison. On aime Marie parce que c’est “ Marie ”. Je vous ai dit, en allant à Césarée, que seuls ceux qui uniront une foi parfaite à un amour parfait arriveront à connaître le vrai sens des mots : “ Jésus, le Christ, le Verbe, le Fils de Dieu et le Fils de l’homme. ” Mais j’ajoute maintenant qu’il y a un autre nom lourd de sens. Et c’est celui de ma Mère. Seuls ceux qui uniront une foi parfaite à un amour parfait arriveront à connaître le vrai sens du nom “ Marie ”, de la Mère du Fils de Dieu. Et ce vrai sens commencera à apparaître clairement aux vrais croyants ainsi qu’à ceux qui aiment vraiment à une heure redoutable de déchirement, quand celle qui a enfanté sera suppliciée avec celui qui est né d’elle, quand la Rédemptrice rachètera avec le Rédempteur, aux yeux de tout le monde et pour tous les siècles des siècles.

– Quand donc ? demande Barthélemy tandis qu’ils se sont arrêtés sur les bords d’un gros ruisseau où boivent de nombreux disciples.

– Arrêtons-nous ici pour partager le pain. Le soleil est au plus haut. Ce soir, nous serons au lac de Mérom et nous pourrons raccourcir notre route grâce à de petites barques » répond évasivement Jésus.

Tous s’asseyent sur l’herbe, tendre et tiédie par le soleil, des bords du ruisseau, et Jean dit :

« C’est dommage d’abîmer ces petites fleurs si gentilles. On croirait des morceaux de ciel tombés ici sur les prés. »

Il y a des centaines et des centaines de myosotis.

« Elles renaîtront plus belles demain » dit Jacques à son frère pour le consoler. « Elles ont fleuri afin de faire au-dessus des mottes une salle de banquet pour le Seigneur. »

Jésus offre et bénit la nourriture et tous se mettent à manger allègrement. Les disciples, comme autant de tournesols, regardent tous vers Jésus, qui est assis au milieu de la rangée de ses apôtres.

346.4

Le repas est vite fini, assaisonné de sérénité et d’eau pure. Mais, comme Jésus reste assis, personne ne bouge. Les disciples s’approchent eux aussi pour écouter Jésus, que ses apôtres interrogent encore sur ce qu’il vient de dire au sujet de sa Mère.

« Oui. Parce qu’être ma Mère selon la chair, c’est déjà grandiose. Pensez que l’on se rappelle Anne d’Elqana en tant que mère du prophète Samuel. Or il n’était qu’un prophète, et pourtant on se souvient de sa mère parce qu’elle l’a engendré. Par conséquent, le souvenir de Marie serait accompagné des plus grands éloges pour avoir donné au monde Jésus le Sauveur. Mais ce serait peu par rapport à ce que Dieu exige d’elle pour compléter la mesure requise pour la rédemption du monde. Marie ne décevra pas le désir de Dieu. Elle ne l’a jamais déçu. De la requête d’un amour total à celle d’un sacrifice total, elle s’est donnée et elle se donnera. Et quand elle aura consommé le plus grand sacrifice, avec moi, pour moi, et pour le monde, alors les vrais fidèles, et ceux qui l’aiment vraiment, comprendront le sens véritable de son nom. Et dans les siècles des siècles, il sera accordé à tout véritable fidèle, à tous ceux qui l’aiment vraiment de connaître le Nom de la Mère sublime, de la sainte Nourrice qui allaitera dans les siècles des siècles les enfants du Christ par ses pleurs, pour les faire croître à la Vie des Cieux.

– Ses pleurs, Seigneur ? ta Mère doit pleurer ? demande Judas.

– Toute mère pleure, et la mienne pleurera plus que toute autre.

– Mais pourquoi ? J’ai fait quelquefois pleurer ma mère parce que je ne suis pas toujours un bon fils. Mais toi ! Tu ne feras jamais souffrir ta Mère.

– Non. En effet je ne la fais pas souffrir en tant que Fils, mais en tant que Rédempteur. Il y en aura deux qui feront verser à ma Mère des pleurs sans fin : moi pour sauver l’humanité, et l’humanité par son continuel péché. Tout homme qui a vécu, vit ou vivra coûte des larmes à Marie.

– Mais pourquoi ? demande Jacques, fils de Zébédée, étonné.

– Parce que tout homme me coûte des tortures pour le racheter.

– Mais comment peux-tu dire cela de ceux qui sont morts ou pas encore nés ? Les vivants, les scribes, les pharisiens, les sadducéens, te feront souffrir par leurs accusations, leurs jalousies, leurs méchancetés, mais rien de plus, affirme, sûr de lui, Barthélemy.

– Jean-Baptiste aussi a été tué… et ce n’est pas le seul prophète qu’Israël ait tué, et le seul prêtre de la Volonté éternelle, tué parce qu’il était mal vu de ceux qui désobéissent à Dieu.

– Mais toi, tu es plus qu’un prophète et plus que Jean-Baptiste lui-même, ton Précurseur. Tu es le Verbe de Dieu. La main d’Israël ne se lèvera pas sur toi, dit Jude.

– Tu crois cela, mon frère ? Tu te trompes, lui répond Jésus.

– Non. C’est impossible ! Cela ne peut pas arriver ! Dieu ne le permettra pas ! Ce serait avilir pour toujours son Christ ! »

Jude est si agité qu’il se lève.

Jésus l’imite et regarde fixement son visage pâle, ses yeux sincères.

« Et pourtant il en sera ainsi » dit-il en abaissant son bras droit, qu’il tenait levé comme pour jurer.

346.5

Tous se lèvent et se serrent encore davantage autour de lui, formant une couronne de visages affligés, mais plus encore incrédules, et des murmures circulent dans le groupe :

« Certainement… si ça devait se passer… Jude aurait raison.

– Ce qui est arrivé à Jean-Baptiste, c’est mal. Mais cela a exalté l’homme, héroïque jusqu’à la fin. Si cela arrivait au Christ, il en serait diminué.

– Le Christ peut être persécuté, mais pas avili.

– L’onction de Dieu est sur lui.

– Qui pourrait croire encore, s’il te voyait à la merci des hommes ?

– Nous ne le permettrons pas. »

Le seul à se taire, c’est Jacques, fils d’Alphée. Son frère s’en prend à lui :

« Tu ne dis rien? Tu ne réagis pas ? Tu n’entends pas ? Défends le Christ contre lui-même ! »

Jacques, pour toute réponse, porte les mains à son visage et il s’écarte un peu en pleurant.

« Quel simplet ! Déclare son frère.

– Peut-être moins que tu ne le penses » lui répond Hermastée, avant de poursuivre : « Hier, en expliquant la prophétie, le Maître a parlé d’un corps décomposé qui se recompose et d’un corps qui ressuscite tout seul. Je pense que quelqu’un ne peut ressusciter à moins de mourir avant.

– Mais il peut être mort de mort naturelle, de vieillesse. Et c’est déjà beaucoup pour le Christ ! » réplique Jude.

Plusieurs lui donnent raison.

« Oui, mais alors ce ne serait pas un signe donné à cette génération qui est beaucoup plus vieille que lui, relève Simon le Zélote.

– Oui ! Mais il n’est pas dit qu’il parle de lui-même », réplique Jude, entêté dans son amour et dans son respect.

Isaac témoigne avec assurance :

« Personne, à moins d’être le Fils de Dieu, ne peut se ressusciter lui-même, de même que personne, s’il n’est pas le Fils de Dieu, ne peut être né comme il est né. C’est ce que je dis, moi qui ai vu la gloire de sa naissance »

Jésus, les bras croisés, les a écoutés parler en les regardant à tour de rôle. Puis il fait signe qu’il va parler :

« Le Fils de l’homme sera livré aux mains des hommes parce qu’il est le Fils de Dieu, et parce qu’il est aussi le Rédempteur de l’homme. Or il n’y a pas de rédemption sans souffrance. Ma souffrance atteindra le corps, la chair et le sang, pour réparer les péchés de la chair et du sang. Elle sera morale pour réparer les péchés de l’âme et des passions. Elle sera spirituelle pour réparer les fautes de l’esprit. Elle sera complète. Aussi, à l’heure fixée, je serai pris dans Jérusalem, et après avoir beaucoup souffert de la part des anciens et des grands-prêtres, des scribes et des pharisiens, je serai condamné à une mort infamante. Et Dieu laissera faire parce qu’il doit en être ainsi, car je suis l’Agneau qui expie pour les péchés du monde entier. Et dans une mer d’angoisse, que partagera ma Mère et quelques autres personnes, je mourrai sur le gibet. Trois jours après, par ma seule volonté divine, je ressusciterai pour une vie éternelle et glorieuse comme Homme et je serai de nouveau Dieu au Ciel[2] avec le Père et l’Esprit. Mais auparavant je devrai souffrir toutes sortes d’opprobres et avoir le cœur transpercé par le Mensonge et la Haine. »

346.6

Un chœur de cris horrifiés s’élève dans l’air tiède et parfumé du printemps.

Pierre, le visage effrayé, et horrifié lui aussi, saisit Jésus par le bras et l’emmène un peu à part en lui disant doucement à l’oreille :

« Oh, Seigneur ! Ne dis pas ça, ce n’est pas bien. Tu vois ? Ils sont scandalisés. Tu baisses dans leur estime. Pour aucune raison tu ne dois le permettre ; d’ailleurs, pareille chose ne t’arrivera jamais. Pourquoi donc l’envisager comme vraie ? Tu dois monter toujours davantage dans l’estime des hommes si tu veux t’affirmer, et tu dois terminer, peut-être, par un dernier miracle comme celui de réduire en cendres tes ennemis. Mais ne jamais t’humilier en te rendant pareil à un malfaiteur que l’on punit. »

Pierre ressemble à un maître ou à un père affligé, plein d’un amour angoissé, qui réprimande son fils qui a dit une sottise.

Jésus, qui s’était un peu penché pour écouter le murmure de Pierre, se redresse, l’air sévère, des éclairs dans les yeux – et des éclairs de courroux – et il crie fort pour que tous entendent et que la leçon serve à tous :

« Eloigne-toi de moi, toi qui en ce moment es un satan qui me conseille de manquer à l’obéissance envers mon Père ! Car c’est pour cela que je suis venu ! Pas pour les honneurs ! En me conseillant l’orgueil, la désobéissance, la dureté sans charité, tu tentes de m’amener au mal. Va ! Tu es pour moi objet de scandale ! Ne comprends-tu pas que la grandeur réside non dans les honneurs, mais dans le sacrifice et que ce n’est rien de paraître un ver aux yeux des hommes si Dieu nous considére comme un ange ? Toi, pauvre homme, tu ne comprends pas ce qui est grandeur pour Dieu et raison de Dieu et tu vois, juges, entends, parles avec ce qui est de l’homme. »

Le malheureux Pierre reste anéanti sous ce reproche sévère ; il s’écarte, humilié, et il pleure… et ce ne sont pas les larmes de joie de quelques jours auparavant, mais les larmes de désolation d’un impulsif qui comprend qu’il a péché et qu’il a fait souffrir celui qu’il aime.

Jésus le laisse pleurer. Il se déchausse, relève sa tunique et passe à gué le ruisseau. Les autres l’imitent en silence. Personne n’ose dire mot. En dernier se trouve un Pierre pitoyable qu’Isaac et Simon le Zélote essaient en vain de consoler.

346.7

André se retourne plusieurs fois pour le regarder, puis il murmure quelque chose à Jean, qui est tout attristé. Mais Jean secoue la tête en signe de refus. Alors André se décide. Il court en avant, rejoint Jésus, l’appelle doucement avec une crainte visible :

« Maître ! Maître !… »

Jésus le laisse appeler plusieurs fois. Finalement, il se retourne, l’air sévère et demande :

« Que veux-tu ?

– Maître, mon frère est tout abattu… il pleure…

– Il l’a bien mérité.

– C’est vrai, Seigneur. Mais lui, c’est toujours un homme… Il ne peut pas toujours bien parler.

– Effectivement, aujourd’hui il a très mal parlé » répond Jésus.

Mais il est déjà moins sévère et un éclair souriant lui adoucit les yeux.

André s’enhardit et prolonge sa plaidoirie en faveur de son frère :

« Mais tu es juste et tu sais que c’est son amour pour toi qui l’a poussé à l’erreur…

– L’amour doit être lumière et non pas ténèbres. Pierre a préféré les ténèbres et s’en est enveloppé l’esprit comme dans des bandes.

– C’est vrai, Seigneur. Mais on peut enlever les bandes quand on veut. Ce n’est pas comme si on avait l’esprit ténébreux. Les bandes, c’est l’extérieur. L’esprit, c’est l’intérieur, le noyau vivant… L’intérieur de mon frère est bon.

– Dans ce cas, qu’il enlève les bandes qu’il s’est mises.

– Il le fera à coup sûr, Seigneur ! Il y est déjà occupé. Retourne-toi et regarde comme il est défiguré par des larmes que tu ne consoles pas. Pourquoi es-tu si sévère à son égard ?

– C’est parce qu’il a le devoir d’être “ le premier ”, comme je lui ai fait l’honneur de le nommer. Qui reçoit beaucoup doit donner beaucoup…

– Oh, Seigneur ! C’est vrai, oui. Mais ne te souviens-tu pas de Marie, sœur de Lazare ? De Jean d’En-Dor ? D’Aglaé ? De la Belle de Chorazeïn ? De Lévi ? A eux tu as tout donné… or ils ne t’avaient présenté que l’intention de se racheter… Seigneur !… Tu m’as écouté pour la Belle de Chorazeïn et pour Aglaé… Ne m’écouterais-tu pas pour ton et mon Simon qui a péché par amour pour toi ? »

Jésus baisse les yeux sur le doux André qui se montre audacieux et pressant en faveur de son frère, comme il le fut, silencieusement, pour Aglaé et la Belle de Chorazeïn, et son visage resplendit de lumière :

« Va appeler ton frère, dit-il, et amène-le ici.

– Oh ! Merci, mon Seigneur ! J’y vais… »

Et il s’éloigne, en courant, rapide comme l’hirondelle en plein vol.

346.8

« Viens, Simon. Le Maître n’est plus en colère contre toi. Viens, il veut te le dire.

– Non, non. Moi, j’ai honte… Il y a trop peu de temps qu’il m’a fait des reproches… Il veut me voir pour m’en faire encore…

– Comme tu le connais mal ! Allons, viens ! Tu crois que je pourrais te conduire à lui pour te faire encore souffrir ? Si je n’étais pas certain que c’est une joie qui t’attend, je n’insisterais pas. Viens.

– Mais que vais-je lui dire ? » demande Pierre en se mettant en route comme à regret, freiné par ses sentiments humains, mais encouragé par son âme qui ne peut se passer de la bienveillance de Jésus et de son amour. « Que vais-je lui dire ? » continue-t-il à demander.

– Mais rien ! Montre-lui ton visage, et cela suffira » dit André pour encourager son frère.

Tous les disciples, à mesure que les deux frères les dépassent, les regardent et sourient, comprenant ce qui arrive.

Ils rejoignent Jésus. Mais Pierre s’arrête au dernier moment. André n’hésite pas : il le pousse énergiquement en avant comme il le fait à sa barque pour la conduire au large. Jésus s’arrête… Pierre lève la tête ; Jésus baisse les yeux… Ils se regardent… Deux grosses larmes roulent sur les joues toutes rougies de Pierre…

« Viens ici, grand enfant irréfléchi, que je te serve de père en essuyant ces larmes » dit Jésus.

Levant la main sur laquelle on voit encore la marque du coup de pierre de Giscala, il essuie de ses doigts ces deux larmes.

« Oh, Seigneur ! Tu m’as pardonné ? » demande Pierre, tout tremblant, en prenant la main de Jésus dans les siennes et en le regardant avec des yeux de chien fidèle qui veut se faire pardonner par son maître fâché.

– Je ne t’ai jamais condamné…

– Mais tout à l’heure…

– Je t’ai aimé. C’est amour de ne pas permettre qu’en toi prennent racine des déviations de sentiment et de sagesse. Tu dois être le premier en tout, Simon-Pierre.

– Alors… alors tu m’aimes encore ? Tu me veux encore avec toi ? Ce n’est pas que je veuille la première place, tu sais ? Il me suffit même d’avoir la dernière, mais être avec toi, à ton service… et mourir à ton service, Seigneur, mon Dieu ! »

Jésus lui passe le bras autour des épaules et le serre tout contre lui. Alors Simon, qui n’a pas lâché l’autre main de Jésus, la couvre de baisers… heureux. Et il murmure :

« Combien j’ai souffert !… Merci, Jésus.

– Remercie ton frère, plutôt. Et sache à l’avenir porter ton fardeau avec justice et héroïsme.

346.9

– Attendons les autres. Où sont-ils ? »

Ils se sont arrêtés où ils étaient quand Pierre a rejoint Jésus, pour laisser au Maître la liberté de parler à son apôtre humilié. Jésus leur fait signe d’avancer. Avec eux se trouvent quelques paysans qui avaient délaissé leur travail dans les champs pour venir interroger les disciples.

Jésus a toujours la main sur l’épaule de Pierre et dit :

« Par ce qui est arrivé, vous avez compris que c’est une affaire exigeante que d’être à mon service. C’est à lui que j’ai adressé ce reproche, mais il était pour tous, parce que les mêmes pensées étaient dans la plupart de vos cœurs, soit formées soit en germe. De cette façon je les ai brisées, et celui qui les cultive encore montre qu’il ne comprend pas ma doctrine, ma mission, ma Personne.

Je suis venu pour être le Chemin, la Vérité et la Vie. Je vous donne la Vérité par ce que j’enseigne. Je vous aplanis le chemin par mon sacrifice, je vous le trace, je vous l’indique. Mais la Vie, c’est par ma mort que je vous la donne. Et souvenez-vous que quiconque répond à mon appel et se met dans mes rangs pour coopérer à la rédemption du monde doit être prêt à mourir pour donner la Vie aux autres. Ainsi quiconque veut marcher à ma suite doit être prêt à renoncer à lui-même, à renier ce qu’il était avec ses passions, ses tendances, ses habitudes, ses traditions, ses pensées, et à me suivre avec son nouvel être.

Que chacun prenne sa croix comme moi je la prendrai. Qu’il la prenne, même si elle lui semble trop infamante. Qu’il laisse le poids de sa croix écraser son être humain pour libérer son être spirituel, à qui la croix ne fait pas horreur, mais au contraire est un point d’appui et un objet de vénération, car l’âme sait et se souvient. Et qu’il me suive avec sa croix. Est-ce qu’au bout du chemin une mort ignominieuse l’attendra comme elle m’attend ? Peu importe. Qu’il ne s’en afflige pas, mais au contraire qu’il se réjouisse, car l’ignominie de la terre se changera en une grande gloire au Ciel, alors que ce sera un déshonneur d’être lâche en face des héroïsmes spirituels.

Vous ne cessez de dire que vous voulez me suivre jusqu’à la mort. Suivez-moi donc, et je vous mènerai au Royaume par un chemin âpre mais saint et glorieux, au terme duquel vous conquerrez la vie qui ne change pas pour l’éternité. Ce sera “ vivre ”. Suivre, au contraire, les voies du monde et de la chair, c’est “ mourir ”. De cette façon quiconque veut sauver sa vie sur la terre la perdra, tandis que celui qui perdra sa vie sur la terre à cause de moi et par amour pour mon Evangile la sauvera. Mais réfléchissez : à quoi servirait-il à l’homme de gagner le monde entier s’il perd son âme ?

346.10

Et encore gardez-vous bien, maintenant et à l’avenir, d’avoir honte de mes paroles et de mes actions. Cela aussi serait “ mourir ”. En effet, quiconque aura honte de moi et de mes paroles au milieu de cette génération sotte, adultère et pécheresse dont j’ai parlé, et la flattera dans l’espoir d’en tirer protection et avantages en me reniant, moi et ma doctrine, et en jetant dans les gueules immondes des porcs et des chiens les perles qu’il aura reçues, pour obtenir en récompense des excréments en guise de paiement, celui-là sera jugé par le Fils de l’homme quand il viendra dans la gloire de son Père et avec les anges et les saints pour juger le monde. C’est lui alors qui rougira de tous ces adultères et fornicateurs, de ces lâches et de ces usuriers et il les chassera de son Royaume, parce qu’il n’y a pas place dans la Jérusalem céleste pour les débauchés, les cruels, les blasphémateurs et les voleurs. Et, en vérité, je vous dis que certains de mes disciples ici présents ne goûteront pas la mort avant d’avoir vu se fonder[3] le Royaume de Dieu, avec son Roi qui aura reçu la couronne et l’onction. »

Ils reprennent leur marche en parlant avec animation pendant que le soleil descend lentement dans le ciel…

346.1

Jesús debe haber dejado la ciudad de Cesarea de Filipo con las primeras luces de la mañana, porque ya queda lejos con sus montes y la llanura le rodea de nuevo. Se dirige hacia el lago de Merón para ir después hacia el de Genesaret. Van con Él los apóstoles y todos los discípulos que estaban en Cesarea. Pero una expedición tan numerosa por el camino no causa estupor a nadie, porque ya se ven otras, dirigidas a Jerusalén, de israelitas o prosélitos, procedentes de todos los lugares de la Diáspora, que desean pasar un tiempo en la Ciudad Santa para escuchar a los rabíes y respirar largamente el aire del Templo.

Caminan a buena marcha, bajo un Sol ya alto pero que todavía no molesta, porque es un Sol de primavera que juega con el follaje nuevo y las frondas florecidas, y suscita flores, flores, flores por todas partes. La llanura que precede al lago, toda ella, es una alfombra florecida. La mirada, volviéndose hacia los montes que la circundan, ve a éstos remendados con las matas cándidas, tenuamente róseas, o de color rosa intenso, o rosa casi rojo, de los diversos tipos de árboles frutales; y, al pasar cerca de las raras casas de campesinos o de los talleres de herrador esparcidos por el camino, la vista se alegra ante los primeros rosales florecidos en los huertos o a lo largo de los setos o contra las tapias de las casas.

«Los jardines de Juana deben estar todos en flor» observa Simón Zelote.

«También el huerto de Nazaret debe parecer un cesto lleno de flores. María es la dulce abeja que va de rosal en rosal; de los rosales a los jazmines, que pronto florecerán; a las azucenas, que ya tienen los capullos en el tallo; y tomará la rama del almendro, como hace siempre, es más, ahora tomará la del peral o del granado, para ponerla en el ánfora de su habitación. Cuando éramos niños le preguntábamos todos los años: “¿Por qué tienes siempre ahí una rama de árbol en flor y no metes en su lugar las primeras rosas?”. Y Ella respondía: “Porque en esos pétalos veo escrita una orden que me vino de Dios y siento el aroma puro del aura celeste”. ¿Te acuerdas, Judas?» pregunta Santiago de Alfeo a su hermano.

«Sí. Me acuerdo. Y recuerdo que, ya hombre, esperaba con ansia la primavera, para ver a María caminar por su huerto bajo las nubes de sus árboles en flor y entre los setos de las primeras rosas; nunca vi espectáculo más hermoso que esa eterna niña moviéndose evanescente entre las flores y entre vuelos de palomas…».

346.2

«¡Oh, vamos pronto a verla, Señor! ¡Yo también quiero ver todo eso!» suplica Tomás.

«Basta con que aceleremos el paso y hagamos paradas breves, por las noches, para llegar a Nazaret a tiempo» responde Jesús.

«¿Me das esta satisfacción verdaderamente, Señor?».

«Sí, Tomás. Iremos a Betsaida todos, y luego a Cafarnaúm. Allí nos separaremos: nosotros vamos en la barca a Tiberíades, y luego a Nazaret. Así cada uno, salvo vosotros judíos, vamos a tomar los indumentos más ligeros. El invierno ha concluido».

«Sí. Y nosotros vamos a decir a la Paloma: “Álzate[1], apresúrate, amada mía; ven, porque el invierno ha pasado, la lluvia ha terminado, las flores pueblan el suelo… Álzate, amiga mía; ven, paloma escondida, muéstrame tu faz y deja que oiga tu voz”».

«¡Sí señor, Juan! ¡Pareces un enamorado cantando su canción a su amada!» dice Pedro.

«Lo estoy. De María lo estoy. No veré a otras mujeres que despierten mi amor. Sólo María, la amada de todo mi ser».

«También lo decía yo hace un mes. ¿Verdad, Señor?» dice Tomás.

«Yo creo que estamos todos enamorados de Ella. ¡Un amor tan alto, tan celestial!… Como sólo esa Mujer puede inspirar. Y el alma ama completamente su alma, la mente ama y admira su intelecto, el ojo mira y se complace en su gracia pura, que embelesa sin producir agitación, como cuando se mira una flor… María, la Belleza de la tierra y, creo, la Belleza del Cielo…» dice Mateo.

«¡Es verdad! ¡Es verdad! Todos vemos en María cuanto de más dulce hay en la mujer: la niña pura y la madre dulcísima; y no se sabe por cuál de estas dos gracias se la ama…» dice Felipe.

«Se la ama porque es “María”. ¡Eso es!» sentencia Pedro.

346.3

Jesús los ha estado oyendo hablar y dice: «Todos habéis hablado bien, y Pedro muy bien. María se ama porque es “María”. Os dije, mientras íbamos a Cesarea, que solamente aquéllos que unan una fe perfecta a un amor perfecto llegarán a conocer el verdadero significado de las palabras: “Jesús, el Cristo, el Verbo, el Hijo de Dios y el Hijo del hombre”. Pero ahora os digo que hay otro nombre denso en significados. Y es el de mi Madre. Sólo aquellos que unan una perfecta fe a un perfecto amor llegarán a conocer el verdadero significado del nombre “María”, de la Madre del Hijo de Dios. Y el verdadero significado empezará a aparecer claro para los verdaderos creyentes y para los verdaderos amantes en una hora tremenda de tormento, cuando la Madre sea sometida a suplicio con su Hijo, cuando la Redentora redima con el Redentor, a los ojos de todo el mundo y por todos los siglos de los siglos».

«¿Cuándo?» pregunta Bartolomé mientras se detienen a orillas de un caudaloso arroyo, en el que están bebiendo muchos discípulos.

«Detengámonos aquí a compartir el pan. El Sol marca mediodía. Al caer de la tarde, estaremos en el lago Merón, y podremos acortar el camino con unas barcas» responde Jesús evasivamente.

Se sientan todos sobre la tierna hierbecita, tibia de sol, de las orillas del arroyo. Juan dice: «Es una pena echar a perder estas flores tan delicadas. Parecen pedacitos de cielo caídos aquí en los prados». Son cientos y cientos de miosotis.

«Renacerán más bonitas mañana. Han florecido para hacer del suelo una sala de banquetes para su Señor» le consuela Santiago, su hermano.

Jesús ofrece y bendice los alimentos y todos se ponen a comer alegremente. Los discípulos, todos, como si fueran girasoles, miran en dirección a Jesús, que está sentado en el centro de la fila de sus apóstoles.

346.4

La comida pronto termina, condimentada con serenidad y agua pura. Pero, dado que Jesús permanece sentado, ninguno se mueve. Es más, los discípulos se cambian de sitio para acercarse, para oír lo que dice Jesús como respuesta a los apóstoles, que siguen preguntando sobre lo que había dicho antes, de su Madre.

«Sí. Porque ser madre de mi carne ya sería una gran cosa. Fijaos que se recuerda a Ana de Elcaná como madre de Samuel, y él era sólo un profeta; pues bien, la madre es recordada por haberle engendrado. Por tanto ya María sería recordada, y con altísimas alabanzas, por haber dado al mundo a Jesús el Salvador. Pero ello sería poco, respecto a cuanto Dios exige de Ella para completar la medida requerida para la redención del mundo. María no defraudará el deseo de Dios. Jamás lo ha defraudado. Desde las demandas de amor total hasta las de sacrificio total. Ella se ha entregado y se entregará. Y, cuando haya consumado el máximo sacrificio, conmigo, por mí, en favor del mundo, los verdaderos fieles y los verdaderos amantes comprenderán el verdadero significado de su Nombre. Y, por todos los siglos, a todo verdadero fiel, a todo verdadero amante, le será condecido comprenderlo. El Nombre de la Gran Madre, de la Santa Nutriz que lactará por todos los siglos a los párvulos de Cristo con su llanto, para criarlos para la Vida de los Cielos».

«¿Llanto, Señor? ¿Debe llorar tu Madre?» pregunta Judas Iscariote.

«Todas las madres lloran. La mía llorará más que ninguna otra».

«¿Pero por qué? Yo he hecho llorar a la mía alguna vez, porque no soy siempre un buen hijo. ¡Pero Tú? No das nunca pesares a tu Madre».

«No. Efectivamente, como Hijo suyo, no le doy pesares. Pero le daré muchos como Redentor. Dos harán llorar con un llanto sin fin a mi Madre: Yo, salvando a la Humanidad; la Humanidad, con sus continuos pecados. Todo hombre que haya vivido, que vive, o que vivirá, cuesta lágrimas a María».

«¿Pero por qué?» pregunta, sorprendido, Santiago de Zebedeo.

«Porque todo hombre me cuesta torturas a mí para redimirle».

«¡¿Pero decir esto de los que ya han muerto o no han nacido todavía?! Te harán sufrir los vivos, los escribas, fariseos, saduceos, con sus acusaciones, sus celos, sus mezquindades; pero más no» afirma con tono seguro Bartolomé.

«También mataron a Juan Bautista… Israel no ha matado sólo a este profeta, ni es el único sacerdote de la Voluntad eterna matado por causa del odio de los que no obedecen a Dios».

«Pero Tú eres más que un profeta y que el mismo Bautista, tu Precursor. Tú eres el Verbo de Dios. Israel no levantará su mano contra ti» dice Judas Tadeo.

«¿Lo piensas así, hermano? Estás en un error» le responde Jesús.

«No. ¡No puede ser! ¡No puede suceder! ¡Dios no lo permitirá! ¡Sería degradar para siempre a su Cristo!». Judas Tadeo está tan agitado que se pone en pie.

Jesús también se levanta y le mira fijamente a la cara palidecida, a los ojos sinceros. Dice lentamente: «Y sin embargo así será» y baja el brazo derecho, que le tenía alzado, como jurando.

346.5

Todos se ponen en pie y se arriman aún más a Él: una corona de caras afligidas, y, más aún, incrédulas. Una serie de comentarios recorre el grupo:

«Si fuera así… tendría razón Judas Tadeo».

«Lo que le sucedió a Juan el Bautista fue una cosa mala, pero exaltó al hombre, heroico hasta el final; si le sucediera eso al Cristo sería disminuirle».

«Cristo puede ser perseguido, pero no degradado».

«Tiene la unción de Dios».

«¿Y quién podría ya creer, si te vieran en poder de los hombres?».

«No lo permitiremos».

El único que permanece en silencio es Santiago de Alfeo.

Su hermano arremete contra él: «¡No hablas? ¿No te mueves! ¿No oyes! ¡Defiende a Cristo contra sí mismo!».

Santiago, por toda respuesta, se lleva las manos a la cara, se separa bastante, y llora.

«¡Es un estúpido!» sentencia su hermano.

«Quizás menos de lo que crees» le responde Hermasteo. Y añade: «Ayer, explicando la profecía, el Maestro habló de un cuerpo deshecho que se reintegra y de uno que por sí mismo se resucita. Creo que uno no puede resucitar sin estar antes muerto».

«Pero puede haber muerto de muerte natural, de vejez. ¡Y ya sería mucho para el Cristo!» rebate Judas Tadeo, y muchos le dan la razón.

«Sí, pero entonces no sería una señal para esta generación, que es mucho más vieja que Él» observa Simón Zelote.

«Ya. Pero no está claro que hable de sí mismo» rebate Judas Tadeo, obstinado en su amor y respeto.

«Ninguno que no sea el Hijo de Dios puede resucitarse a sí mismo, como tampoco ninguno que no sea el Hijo de Dios puede nacer como nació Él. Yo lo digo, yo que vi su gloria natal» dice Isaac testimoniando firmemente.

Jesús, con los brazos cruzados, los ha escuchado mirándolos a medida que hablaban. Ahora es Él el que hace ademán de hablar, y dice: «El Hijo del hombre será entregado en manos de los hombres, porque es el Hijo de Dios, sí, pero también el Redentor del hombre; y no hay redención sin sufrimiento. Mi sufrimiento será corporal, de la carne y de la sangre, para reparar los pecados de la carne y de la sangre; moral, para reparación de los pecados de la mente y las pasiones; espiritual, para reparación de las culpas del espíritu. Será completo. Por tanto, a la hora establecida, me prenderán, en Jerusalén, y tras haber sufrido ya mucho por culpa de los Ancianos y de los Sumos Sacerdotes, de los escribas y fariseos, seré condenado a una muerte infamante. Y Dios no lo impedirá, porque así debe suceder, siendo Yo el Cordero de expiación por los pecados del mundo entero. Y, en un mar de angustia, compartida por mi Madre y por otras, pocas personas, moriré en el patíbulo; y tres días después, por mi voluntad divina, por ella sola, resucitaré a una vida eterna y gloriosa como Hombre y volveré a ser: Dios en el Cielo[2] con el Padre y el Espíritu. Pero antes tendré que padecer toda suerte de oprobios, y sentir mi corazón traspasado por la Mentira y el Odio».

346.6

Un coro de gritos se eleva en el aire tibio y perfumado de primavera.

Pedro — el rostro profundamente preocupado, y escandalizado como los demás — coge de un brazo a Jesús, le separa un poco y le dice en voz baja al oído: «¡Pero, Señor…! No digas esto. No está bien. Ya ves que se escandalizan. Decaes del concepto en que te tienen. Por nada del mundo debes permitir esto. Ya de por sí nunca te va a pasar nada semejante, ¿por qué pensarlo como si fuera verdadero? Debes subir cada vez más en el concepto de los hombres, si te quieres afirmar; debes terminar, por ejemplo, con un último milagro, como reducir a cenizas a tus enemigos. Pero nunca degradarte hasta aparecer como un malhechor castigado». Pedro parece un maestro o un padre afligido corrigiendo con amorosa angustia a un hijo que ha dicho una necedad.

Jesús, que estaba un poco agachado para escuchar el bisbiseo de Pedro, se yergue severo, con rayos en los ojos, pero rayos de amargura, y grita fuerte, para que todos oigan y la lección sirva para todos: «¡Aléjate de mí, tú que en este momento eres un diablo que me aconseja desistir de la obediencia a mi Padre! ¡Para esto he venido! ¡No para los honores! Tú, aconsejándome la soberbia, la desobediencia y el rigor sin caridad, tratas de seducirme al mal. ¡Vete! ¡Me escandalizas! ¿No comprendes que la grandeza no está en los honores sino en el sacrificio, y que nada importa aparecer a los ojos de los hombres como gusanos si Dios nos considera ángeles? Tú, hombre ignorante, no comprendes lo que es grandeza y razón según Dios, y ves, juzgas, sientes, hablas según el hombre».

El pobre Pedro queda anonadado por esta severa corrección; se separa, compungido, y rompe a llorar… No es el llanto gozoso de pocos días antes, sino el sollozo desolado de quien comprende que ha pecado y ha causado dolor a la persona amada.

Jesús le deja llorar. Se descalza, se remanga las vestiduras y vadea el arroyo. Los demás hacen lo mismo en silencio. Ninguno se atreve a decir una palabra. Al final de todos va el pobre Pedro, en vano consolado por Isaac y el Zelote.

346.7

Andrés se vuelve más de una vez y le mira, y luego susurra algo a Juan, que está muy afligido; pero Juan menea la cabeza en señal de negación. Entonces Andrés se decide. Se adelanta corriendo. Alcanza a Jesús. Le llama suavemente, con visible temor: «¡Maestro! ¡Maestro!…».

Jesús deja que le llame varias veces. Al final se vuelve, severo, y pregunta: «¿Qué quieres?».

«Maestro, mi hermano está compungido… llora…».

«Se lo ha merecido».

«Es verdad, Señor. Pero de todas formas es un hombre… No puede hablar bien siempre».

«Efectivamente, hoy ha hablado muy mal» responde Jesús. Pero ya se le ve menos severo, y un atisbo de sonrisa dulcifica la mirada divina.

Andrés se siente más seguro y aumenta la peroración en pro de su hermano. «Pero Tú eres justo, y sabes que el amor a ti ha sido lo que le ha hecho caer…».

«El amor debe ser luz, no tinieblas. Él lo ha hecho tinieblas y ha envuelto en ellas su espíritu».

«Es verdad, Señor. Pero las vendas se pueden quitar cuando se quiera. No es como tener el espíritu mismo tenebroso. Las vendas son lo externo; el espíritu es lo interno, el núcleo vivo… El interior de mi hermano es bueno».

«Que se quite entonces las vendas que se ha puesto».

«¡Lo hará, sin duda, Señor! Ya lo está haciendo. Vuélvete y mira lo desfigurado que está por ese llanto que no consuelas Tú. ¿Por qué tan severo con él?».

«Porque él tiene el deber de ser “el primero”, de la misma forma que le he dado el honor de serlo. Quien mucho recibe mucho debe dar…».

«¡Es verdad, Señor, sí! Pero, ¿no te acuerdas de María de Lázaro?, ¿de Juan de Endor?, ¿de Áglae?, ¿de la Beldad de Corazín? ¿de Leví? A éstos les diste todo… y ellos todavía te habían dado sólo la intención de redimirse… ¡Señor!… Atendiste mi súplica por la Beldad de Corazín y por Áglae… ¿No lo harías ahora por tu Simón y mi Simón, que ha pecado por amor a ti?».

Jesús baja su mirada hacia este hombre apacible que se vuelve intrépido y apremiante en favor de su hermano, como lo fue, silenciosamente, en favor de Áglae y de la Beldad de Corazín, y su rostro resplandece de luz: «Ve a llamar a tu hermano» dice «y tráemele aquí».

«¡Gracias, mi Señor! Voy…» y se echa a correr, raudo como una golondrina.

346.8

«Ven, Simón. El Maestro ya no está irritado contigo. Ven, que te lo quiere decir».

«No, no. Me da vergüenza… Hace demasiado poco que me ha corregido… Será que quiere que vaya para reprenderme otra vez…».

«¡Qué mal le conoces! ¡Venga, ven! ¿Piensas que yo te llevaría a otro sufrimiento? Si no estuviera seguro de que te espera allí una alegría, no insistiría. Ven».

«¿Y qué le voy a decir?» dice Pedro mientras se pone en marcha un poco recalcitrante, frenado por su humanidad, aguijado por su espíritu, que no puede estar sin la indulgencia de Jesús y sin su amor. «¿Qué le voy a decir?» sigue preguntando.

«¡Nada, hombre! ¡Será suficiente con que le muestres tu rostro!» le dice su hermano animándole.

Todos los discípulos, a medida que los dos hermanos los van adelantando, los miran y, comprendiendo lo que sucede, sonríen.

Llegan donde Jesús. Pero Pedro, al último momento, se detiene. Andrés no se anda con chiquitas. Con un enérgico envite, como los que da a la barca para empujarla al mar, le echa hacia adelante. Jesús se para… Pedro alza la cara… Jesús la baja… Se miran… Dos lagrimones se deslizan por las mejillas enrojecidas de Pedro…

«Ven aquí, niño grande irreflexivo, que te haga de padre enjugando este llanto» dice Jesús, y levanta su mano, en que es bien visible aún la señal de la pedrada de Yiscala, y seca con sus dedos esas dos lágrimas.

«¡Oh, Señor! ¿Me has perdonado?» pregunta Pedro lleno de temblor, agarrando la mano de Jesús con las suyas y mirándole con unos ojos como los de un perro fiel que desea obtener el perdón del amo resentido.

«Nunca te he condenado…».

«Pero antes…».

«Te he amado. Es amor no permitir que en ti arraiguen desviaciones de sentimiento y de pensamiento. Debes ser el primero en todo, Simón Pedro».

«¿Entonces… entonces me estimas todavía? ¿Me quieres contigo todavía? No es que yo quiera el primer puesto, ¡eh! Me conformo con el último, pero estar contigo, a tu servicio… y morir verdaderamente a tu servicio, Señor, mi Dios».

Jesús le pasa el brazo por encima de los hombros y le estrecha contra su costado.

Entonces Simón, que no ha dejado suelta en todo este tiempo la otra mano de Jesús, se la cubre de besos… dichoso. Y susurra: «¡Cuánto he sufrido!… Gracias, Jesús».

«Da las gracias más bien a tu hermano. Y en el futuro lleva bien tu carga con justicia y heroísmo.

346.9

Vamos a esperar a los otros. ¿Dónde están?».

Están parados en el lugar en que se encontraban cuando Pedro alcanzó a Jesús, para dejar libertad al Maestro de hablar a su apóstol humillado. Jesús les hace señas para que se acerquen. Con ellos hay un grupito de labriegos, que habían dejado de trabajar en los campos para venir a hacer preguntas a los discípulos.

Jesús, todavía con la mano en el hombro de Pedro, dice:

«Por lo que ha pasado habéis entendido que estar a mi servicio es una cosa severa. Le he reprendido a él. Pero la corrección era para todos. Porque los mismos sentimientos estaban en la mayoría de los corazones, o formados o en gestación. Así os los he truncado; y quien todavía los cultiva muestra que no comprende ni mi Doctrina ni mi Misión ni mi Persona.

He venido para ser Camino, Verdad y Vida. Os doy la Verdad con lo que enseño. Os aliso el Camino con mi sacrificio; os lo trazo e indico. Pero la Vida os la doy con mi Muerte. Y acordaos de que quien responde a mi llamada y se alista en mis filas para cooperar en la redención del mundo debe estar dispuesto a morir para dar a otros la Vida. Por tanto, quien quiera seguirme debe estar dispuesto a negarse a sí mismo, al viejo yo con sus pasiones, tendencias, costumbres, tradiciones, pensamientos, y seguirme con su nuevo yo.

Tome cada cual su cruz como Yo la tomaré. La tome, aunque le parezca demasiado infamante. Deje que el peso de su cruz triture a su yo humano para liberar al yo espiritual, al cual no produce horror la cruz; antes al contrario, le es apoyo y objeto de veneración, porque el espíritu sabe y recuerda. Y que me siga con su cruz. ¿Que al final del camino le esperará la muerte ignominiosa como me espera a mí? No importa. No se aflija; antes al contrario, exulte por ello, porque la ignominia de la tierra se transformará en grande gloria en el Cielo, mientras que será un deshonor la vileza frente a los heroísmos espirituales.

Siempre decís que queréis seguirme hasta la muerte. Seguidme, entonces, y os guiaré al Reino por un camino abrupto, pero santo y glorioso, al final del cual conquistaréis la Vida eternamente inmutable. Esto será “vivir”. Por el contrario, seguir los caminos del mundo y la carne es “morir”. De modo que quien quiera salvar su vida en esta tierra la perderá, mas aquel que pierda su vida en esta tierra por causa mía y por amor a mi Evangelio la salvará. Pensad esto: ¿de qué le servirá al hombre ganar todo el mundo, si luego pierde su alma?

346.10

Y otra cosa: guardaos bien, ahora y en el futuro, de avergonzaros de mis palabras y acciones. Eso también sería “morir”. Porque el que se avergüence de mí y de mis palabras delante de esta generación necia, adúltera y pecadora, de que he hablado, y, esperando recibir su protección y ganancia, la adule, renegando de mí y de mi Doctrina, arrojando a las bocas inmundas de los cerdos y perros las perlas recibidas, para recibir luego, como paga, excrementos en vez de dinero, será juzgado por el Hijo del hombre cuando venga en la gloria de su Padre, con los ángeles y santos, a juzgar al mundo. Él, entonces, se avergonzará de estos adúlteros y fornicadores, de estos villanos y usureros, y los arrojará fuera de su Reino; porque no hay sitio en la Jerusalén celeste para adúlteros, ruines, fornicadores, blasfemos y ladrones. Y os digo, en verdad, que algunos de mis discípulos y discípulas presentes no experimentarán la muerte antes de haber visto la fundación[3] del Reino de Dios, y ungido y coronado a su Rey».

Reprenden la marcha, hablando animadamente, mientras el Sol desciende lentamente en el cielo…


Notes

  1. dire : comme en Ct 2, 10-14.
  2. je serai de nouveau Dieu au Ciel, c’est-à-dire non plus Dieu sur terre (Fils resté uni au Père), mais Dieu au Ciel (Fils revenu dans le Père), comme cela est expliqué en note en 342.5. Cette expression est semblable à celle de Jn 16, 28 : « Je suis sorti du Père et je suis venu dans le monde, et maintenant je quitte le monde et je vais au Père » ; c’est conforme à la formulation du Credo : « Descendu du Ciel… monté au Ciel, il siège à la droite du Père. »
  3. se fonder, et s’affirmer ensuite, comme l’ajoute Maria Valtorta sur une copie dactylographiée, en notant en bas de page : Le Royaume de Dieu a commencé le ven­dredi saint grâce aux mérites du Christ, et il s’est affirmé ensuite par l’Eglise constituée. Mais tous ne l’ont pas vu s’affirmer toujours plus.

Notas

  1. Álzate... es cita de Cantar de los Cantares 2, 10-14.
  2. volveré a ser: Dios en el Cielo, es decir, ya no Dios en la tierra (Hijo que permanece unido con el Padre), sino Dios en el Cielo (Hijo que vuelve al Padre), como se ha explicado anteriormente, en la nota de la página 271. La expresión es similar a la reseñada en Juan 16, 28: “Salí del Padre y he venido al mundo, ahora dejo otra vez el mundo y voy al Padre”; y es conforme con la formulación del Credo: “bajó del Cielo, … subió al Cielo, y está sentado a la derecha del Padre”.
  3. Después de fundación, MV añade en una copia mecanografiada: y luego afirmación; y explica en una nota a pie de página: El Reino de Dios vio sus comienzos el Viernes Santo, por los méritos de Cristo, y luego se afirmó con la Iglesia constituida. Pero no todos vieron esta creciente afirmación.