The Writings of Maria Valtorta

417. L’ancien lépreux Zacharie et la conversion de Zachée,

417. The ex leper Zacharias. The conversion of Zacchaeus,

417.1

Je vois une grande place — on dirait un marché —, ombragée de palmiers et d’autres arbres plus bas et feuillus. Les palmiers ont poussé çà et là, en désordre, et balancent leurs touffes de feuilles au rythme d’un vent chaud et élevé qui soulève une poussière rougeâtre comme s’il venait d’un désert, ou du moins de terres incultes rougeâtres. En revanche, les autres arbres forment une sorte de long portique sur les côtés de la place, un berceau d’ombre, sous lequel se sont réfugiés vendeurs et acheteurs en une cohue agitée et hurlante.

Dans un coin de la place, précisément là où débouche la rue principale, se trouve un comptoir important de collecteur d’impôts. Il y a des balances et des mesures, un banc sur lequel est assis un petit homme qui surveille, observe et encaisse. Tout le monde parle avec lui comme s’il était très connu. J’apprends que c’est Zachée, un chef de publicains, parce que beaucoup s’adressent à lui, les uns pour lui poser des questions sur les événements de la ville — ce sont les étrangers —, les autres pour lui verser leurs taxes. Plusieurs s’étonnent de le voir soucieux. Il paraît en effet distrait et absorbé dans ses pensées. Il répond par monosyllabes et parfois par signes. Cela surprend beaucoup de gens et on comprend que Zachée est d’habitude loquace. Quelqu’un lui demande s’il se sent mal, ou bien s’il a des parents malades. Mais il dit que non.

Il montre un vif intérêt à deux reprises seulement. La première, quand il interroge deux hommes en provenance de Jérusalem et qui parlent du Nazaréen en racontant ses miracles et ses prédications. Alors Zachée pose de nombreuses questions :

« Est-il vraiment bon comme on le dit ? Ses paroles correspondent-elles à ses actes ? Fait-il réellement preuve de la miséricorde qu’il prêche ? Pour tous ? Même pour les publicains ? Est-il vrai qu’il ne repousse personne ? »

Et il écoute, il réfléchit, il soupire.

La seconde fois, c’est quand on lui désigne un homme barbu qui passe sur son âne, chargé de meubles.

« Tu vois, Zachée ? Voici Zacharie, le lépreux. Depuis dix ans, il vivait dans un tombeau. Maintenant qu’il est guéri, il rachète du mobilier pour sa maison vidée par application de la Loi quand lui et les siens furent déclarés lépreux.

– Appelez-le. »

417.2

Zacharie s’approche.

« Tu étais lépreux ?

– Je l’étais, tout comme ma femme et mes deux enfants. La maladie a d’abord pris ma femme, et nous ne nous en sommes pas aperçus tout de suite. Les enfants l’ont attrapée en dormant sur leur mère, et moi en m’approchant de ma femme. Nous étions tous lépreux ! Quand les gens s’en sont aperçus, ils nous ont expulsés du village… Ils auraient pu nous laisser dans notre maison. C’était la dernière… tout au bout de la route. Nous ne leur aurions pas causé d’ennuis… Nous avions déjà laissé pousser très haut la haie pour n’être pas même vus. C’était déjà un tombeau… mais c’était notre maison… On nous en a chassés. Dehors ! Dehors ! Aucun village ne voulait de nous. C’était juste ! Même le nôtre refusait notre présence. Nous nous sommes installés près de Jérusalem, dans un tombeau vide. Il y a là beaucoup de malheureux. Mais les enfants, dans le froid de la caverne, sont morts. La maladie, l’hiver et la faim les ont vite tués… C’étaient deux garçons… ils étaient beaux et robustes avant de tomber malades, bruns comme deux mûres d’août, bouclés, éveillés. Ils n’étaient plus que deux squelettes couverts de plaies… Plus de cheveux, les yeux fermés par des croûtes, leurs pieds et leurs mains s’effritaient en squames blanches.

Mes enfants sont tombés en poussière sous mes yeux !… Ils n’avaient plus figure humaine, ce matin-là où ils sont morts à quelques heures d’intervalle… sous les cris de leur mère, je les ai ensevelis sous un peu de terre et beaucoup de pierres comme des charognes d’animaux… Quelques mois plus tard, ma femme est morte… et je suis resté seul… J’attendais la mort, et je n’aurais même pas eu une fosse creusée de mains d’homme…

417.3

J’étais déjà presque aveugle, quand un jour est passé le Nazaréen. De mon tombeau, j’ai crié :

“ Jésus, Fils de David, aie pitié de moi ! ”

Un mendiant, qui n’avait pas eu peur de m’apporter son pain, m’avait dit qu’il avait été guéri de sa cécité en appelant le Nazaréen par ce cri. Et il disait :

“ Il ne m’a pas seulement accordé la vue des yeux, mais celle de l’âme. J’ai vu que c’est lui, le Fils de Dieu, et je vois tout à travers lui. C’est pour cela que je ne te fuis pas, mon frère, mais que je t’apporte du pain et la foi. Va trouver le Christ : qu’il y ait quelqu’un de plus pour le bénir. ”

Je ne pouvais plus marcher. Mes pieds, ulcérés jusqu’à l’os, ne me le permettaient pas… D’ailleurs… j’aurais été lapidé si on m’avait vu. Je suis resté à attendre son passage, car il se rendait souvent à Jérusalem. Un jour, j’ai vu — comme je pouvais voir — un nuage de poussière sur la route, puis une foule, et j’ai entendu des cris. Je me suis traîné au sommet de la colline où se trouvaient les grottes sépulcrales et, quand il m’a semblé voir une tête blonde qui brillait, nue au milieu des autres couvertes, j’ai crié de toutes mes forces, par trois fois, jusqu’à ce qu’il m’entende.

Il s’est retourné, il s’est arrêté. Puis il s’est avancé, seul. Il est venu juste au-dessous de l’endroit où j’étais, et il m’a regardé. Il était beau, bon, et avec quelle voix, avec quel sourire !… Il m’a demandé :

“ Que veux-tu que je fasse pour toi ?

“ – Je veux être purifié.

“ – Crois-tu que je le puisse ? Pourquoi ? m’a-t-il demandé.

“ – Parce que tu es le Fils de Dieu.

“ – Tu le crois ?

“ – Je le crois ” ai-je répondu. “ Je vois le Très-Haut étinceler de toute sa gloire sur ta tête. Fils de Dieu, aie pitié de moi ! ”

Alors, avec un visage en feu, il a étendu une main. Ses yeux semblaient être deux soleils d’azur, et il a dit :

“ Je le veux. Sois purifié. ”

Et il m’a béni avec un de ces sourires !… Ah ! quel sourire ! J’ai senti une force entrer en moi comme une épée de feu qui courait chercher mon cœur, qui courait dans mes veines. Mon cœur, qui était si malade, avait retrouvé ses vingt ans ; mon sang, glacé, est redevenu chaud et vif. Plus de douleur, plus de faiblesse, mais une joie, une joie ! Il me regardait et, simplement par son sourire, il me rendait heureux. Puis il a dit :

“ Va te montrer aux prêtres. Ta foi t’a sauvé. ”

Alors, j’ai compris que j’étais guéri et j’ai regardé mes mains, mes jambes. Les plaies n’existaient plus. Là où l’os était à nu, il y avait une chair rosée et fraîche. J’ai couru à un ruisseau et je me suis regardé. Mon visage aussi était pur. J’étais pur ! J’étais pur après dix ans d’horreur !… Ah ! pourquoi n’était-il pas passé plus tôt, pendant les années où ma femme et mes enfants étaient vivants ? Il nous aurait tous guéris. Maintenant, tu vois ? Je fais des achats pour ma maison… Mais je suis seul !…

– Tu ne l’as pas revu ?

– Non. Mais je sais qu’il est dans les parages et je suis venu ici exprès. Je voudrais le bénir encore et qu’il me bénisse pour me donner de la force dans ma solitude. »

Zachée baisse la tête et se tait. Le groupe se disperse.

417.4

Le temps passe. L’heure devient chaude. Le marché se vide. Assis à son comptoir, le collecteur d’impôts, la tête appuyée sur la main, réfléchit.

« Voici le Nazaréen ! » crient des enfants en montrant la rue principale.

Femmes, hommes, malades, mendiants, tous s’empressent de courir à sa rencontre. La place s’est vidée. Seuls restent des mulets et des chameaux, attachés aux palmiers, et Zachée à son comptoir.

Puis il se lève et monte dessus. Il ne voit toujours rien, car beaucoup de gens ont détaché des branches et les agitent comme pour faire fête à Jésus, qui apparaît penché sur des malades. Alors Zachée enlève son vêtement et, ne gardant que sa tunique courte, il grimpe sur l’un des arbres. Il monte non sans peine sur le tronc gros et lisse qu’il enserre mal de ses jambes et de ses bras courts. Mais il y parvient, et s’assied à califourchon sur deux branches comme sur un perchoir. Ses jambes pendent de cette balustrade et il se plie en deux pour voir, comme quelqu’un qui est à une fenêtre et qui se penche pour regarder.

La foule arrive sur la place. Jésus lève les yeux et sourit au spectateur solitaire perché dans les branches.

« Zachée, descends immédiatement. Aujourd’hui, je demeure chez toi » ordonne-t-il.

Après un moment de stupeur, Zachée, le visage rougi par l’émotion, se laisse glisser à terre comme un sac. Il est agité et n’en finit pas de remettre son vêtement. Il ferme ses registres et sa caisse avec des gestes qu’il voudrait rapides et qui n’en sont que plus lents. Mais Jésus est patient et, en attendant, il caresse des enfants.

417.5

Enfin Zachée est prêt. Il s’approche du Maître et le conduit vers une belle maison entourée d’un vaste jardin, au centre du bourg. C’est une belle cité, et même une ville de peu inférieure à Jérusalem pour ses bâtiments, sinon pour son étendue.

Jésus entre et, en attendant que le repas soit préparé, il s’occupe des malades et des bien portants, avec une patience… dont lui seul est capable.

Zachée va et vient en se donnant beaucoup de mal. Il ne se tient plus de joie. Il voudrait parler avec Jésus, mais le Maître est toujours entouré d’une foule de gens.

Finalement, Jésus les congédie tous en disant :

« Revenez au coucher du soleil. Maintenant, rentrez chez vous. Paix à vous. »

Tout le monde se dispense, et l’on sert le repas dans une salle belle et fraîche qui donne sur le jardin. Zachée a très bien fait les choses. Je ne vois pas de gens de sa famille, aussi je pense qu’il était célibataire, entouré seulement de nombreux serviteurs.

417.6

A la fin du repas, quand les disciples s’éparpillent à l’ombre des buissons pour faire la sieste, Zachée reste avec Jésus dans la salle fraîche. Pendant un moment, Jésus reste même seul, car son hôte se retire comme pour lui permettre de se reposer. Puis il revient et écarte un peu le rideau pour regarder. Il voit que le Seigneur ne dort pas, mais réfléchit. Alors il s’approche. Il porte un coffre pesant qu’il pose sur la table, près de Jésus :

« Maître… on m’a parlé de toi, il y a un certain temps. Un jour, sur une montagne, tu as exposé nombre de vérités que nos docteurs ne savent plus dire. Elles me sont restées dans le cœur… et depuis lors, je pense à toi… Puis on m’a dit que tu es bon et que tu ne repousses pas les pécheurs. Moi, je suis pécheur, Maître. On m’a dit que tu guéris les malades. J’ai le cœur malade, parce que j’ai fraudé, parce que j’ai pratiqué l’usure, parce que j’ai été vicieux, voleur, dur envers les pauvres. Mais maintenant, me voilà guéri, parce que tu m’as parlé. Tu t’es approché de moi, et le démon de la volupté et de la richesse s’est enfui. Et moi, à partir d’aujourd’hui, je suis à toi, si tu ne me refuses pas. Et pour te prouver que je nais de nouveau en toi, je me dépouille de mes richesses mal acquises. Je te donne la moitié de mes biens pour les pauvres et l’autre moitié servira à restituer au quadruple ce que j’ai pris frauduleusement. Je sais qui j’ai escroqué. Et puis, après avoir rendu à chacun ce qui lui appartient, je te suivrai, Maître, si tu le permets…

– Je le veux. Viens. Je suis venu pour sauver et appeler à la lumière. Aujourd’hui, la lumière et le salut sont entrés dans la maison de ton cœur. Ceux qui, de l’autre côté du portail, murmurent parce que je t’ai racheté en m’asseyant à ton banquet, oublient que, comme eux, tu es un fils d’Abraham et que je suis venu sauver ce qui était perdu et donner la vie à ceux dont l’âme était morte. Viens, Zachée. Tu as compris ma parole mieux que beaucoup de ceux qui me suivent uniquement pour pouvoir m’accuser. Aussi, désormais, tu seras avec moi. »

La vision se termine ainsi.

Le 18 juillet 1944.

417.7

Jésus dit :

« Il y a levain et levain : celui du bien et celui du mal. Le levain du mal, ce poison satanique, fermente plus facilement que celui du bien, car il trouve une matière plus adaptée à son action dans le cœur de l’homme, dans sa pensée, dans sa chair, qui sont séduits tous les trois par une volonté égoïste, donc contraire à la volonté universelle, qui est celle de Dieu.

La volonté de Dieu est universelle car elle ne s’arrête jamais à une pensée personnelle : elle considère le bien de l’univers entier. Rien ne peut augmenter la perfection de Dieu d’aucune façon, car il a toujours parfaitement possédé tout ce qui existe. Par conséquent, il ne peut exister en lui de pensée d’intérêt propre pour mettre en œuvre quelque action que ce soit.

Quand on dit qu’on fait tel geste pour la plus grande gloire de Dieu, dans l’intérêt de Dieu, ce n’est pas que la gloire divine soit en elle-même susceptible de grandir, mais parce que tout ce qui se trouve dans la création porte une empreinte de bien et que toute personne qui accomplit le bien — et par conséquent mérite de le posséder — se pare du signe de la gloire divine. Elle rend ainsi gloire à la Gloire elle-même qui a glorieusement tout créé. C’est un témoignage, en somme, que personnes et choses rendent à Dieu en attestant par leurs œuvres l’Origine parfaite dont elles proviennent.

Il s’ensuit que, lorsque Dieu vous ordonne, vous conseille ou vous inspire une action, il n’est pas poussé par quelque intérêt égoïste, mais par une pensée altruiste, charitable, pour votre bien-être. Voilà pourquoi la volonté de Dieu n’est jamais égoïste, mais au contraire toute tournée vers l’altruisme, vers l’universalité. Elle est l’unique et vraie force du monde entier qui ait en vue le bien universel.

Le levain du bien, germe spirituel venu de Dieu, trouve au contraire dans sa croissance beaucoup d’oppositions et de difficultés ; il a beaucoup de mal à se développer, car il a contre lui les réactions favorables à l’autre levain : la chair, le cœur et la pensée de l’homme, envahis par un égoïsme, l’antithèse du bien, qui, lui, par son origine, ne peut être qu’Amour. Chez la plupart des hommes, la volonté du bien fait défaut ; c’est pourquoi il devient stérile et meurt, ou alors, il vit avec tant de mal qu’il ne lève pas : il stagne. Il n’y a pas de faute grave, mais il n’y a pas non plus d’effort pour faire mieux : l’esprit gît, inerte, non pas mort, mais infécond.

Faites attention à ceci : ne pas commettre le mal ne sert qu’à éviter l’enfer. Pour jouir tout de suite du beau paradis, il faut absolument faire le bien, dans la mesure où l’on y parvient, en luttant contre soi-même et contre les autres. C’est pour cette raison que j’ai dit[1] que j’étais venu mettre la guerre et non pas la paix entre père et enfants, entre frères et sœurs, quand cette guerre devait défendre la volonté de Dieu et sa Loi contre les oppositions des volontés humaines tournées dans des directions contraires à ce que veut Dieu.

417.8

En Zachée, la petite poignée de levain du bien avait produit une grande fermentation. A l’origine, seules quelques bribes étaient tombées dans son cœur : on lui avait rapporté mon discours de la Montagne, d’ailleurs incorrectement et certainement mutilé en grande partie, comme c’est souvent le cas.

Zachée était publicain et pécheur, mais non par mauvaise volonté. Il était comme un homme qu’un voile de cataracte sur les pupilles empêche de bien voir. Mais il sait que l’œil, dégagé de ce voile, retrouve une bonne vue et ce malade désire qu’on le lui enlève. C’était le cas de Zachée. Il n’était ni convaincu ni heureux : pas convaincu des pratiques pharisaïques qui désormais avaient remplacé la vraie Loi, et pas heureux de sa manière de vivre.

Il cherchait instinctivement la lumière, la vraie Lumière. Il en a reconnu une étincelle dans ce fragment de discours et il l’a enfermée dans son cœur comme un trésor. Parce qu’il l’aimait — remarque bien cela, Maria : parce qu’il l’aimait —, cette étincelle devint de plus en plus vive, intense, éblouissante, et l’amena à discerner nettement le bien et le mal, et à choisir avec sagesse, en coupant généreusement les tentacules qui auparavant — des richesses au cœur, et du cœur aux richesses — le retenaient emprisonné dans un filet qui l’avait sournoisement réduit en esclavage.

“ Parce qu’il l’aimait ” : voilà le secret du succès, grand ou moindre. On réussit quand on aime. On ne réussit que peu quand on aime chichement. On échoue quand on n’aime pas. C’est vrai dans tous les domaines, donc à plus forte raison dans les choses de Dieu où, bien que Dieu soit invisible aux sens corporels, il faut avoir un amour, j’ose dire parfait — dans la mesure où une créature peut atteindre la perfection — pour réussir dans une entreprise, et, ici, dans la sainteté.

Zachée, dégoûté du monde et de la chair, comme il était dégoûté du caractère mesquin des pratiques pharisaïques si habiles à couper les cheveux en quatre, intransigeantes pour les autres, trop complaisantes pour eux-mêmes, a aimé ce petit trésor que fut l’une de mes paroles, arrivée à lui par pur hasard, humainement parlant. Il l’a aimée comme la plus belle richesse que sa vie de quarante années ait possédée. Dès lors, il a centré son cœur et sa pensée sur ce point.

Le cœur de l’homme est là où se trouve son trésor ; cela ne con­cerne pas seulement le mal, mais aussi le bien. Le cœur des saints n’était-il pas, au cours de leur vie, là où était Dieu — leur trésor — ? Si. Et c’est pour cela qu’en regardant Dieu seul, ils surent passer sur la terre sans y corrompre leur âme dans la boue.

417.9

Si je n’étais pas arrivé, ce matin-là, j’aurais tout de même fait un prosélyte, car la conversation du lépreux avait parachevé la métamorphose de Zachée. A son comptoir de collecteur d’impôts, il n’était plus le publicain fraudeur et vicieux d’avant, mais l’homme qui se repentait de son passé et qui avait décidé de changer de vie. Si je n’avais pas paru à Jéricho, il aurait fermé son comptoir, pris son argent, et serait parti à ma recherche, car il ne pouvait demeurer sans l’eau de la vérité, sans le pain de l’amour, sans le baiser du pardon.

Cela, les censeurs habituels qui m’observaient pour me faire d’incessants reproches ne le voyaient pas et le comprenaient encore moins. C’est pourquoi ils s’étonnaient que je mange avec un pécheur. Ah ! si vous ne jugiez jamais, si vous en laissiez la charge à Dieu, pauvres aveugles que vous êtes, incapables de vous juger vous-mêmes !

Je ne suis jamais allé avec les pécheurs pour approuver leur péché. J’allais les soustraire au péché, souvent parce qu’à ce moment, ils n’avaient plus que l’extérieur du péché : leur âme contrite était déjà changée en une âme vivante, nouvelle, décidée à expier. Dans ce cas, est-ce que j’étais avec un pécheur ? Non : avec un racheté qui avait uniquement besoin d’être guidé pour se diriger dans sa faiblesse de ressuscité.

417.10

Combien de choses peut vous apprendre l’épisode de Zachée ! La puissance de l’intention droite qui suscite le désir, le vrai désir qui pousse à chercher une connaissance toujours plus grande du bien et à chercher Dieu continuellement jusqu’à ce qu’on l’ait trouvé, un réel repentir qui donne le courage du renoncement. Zachée avait l’intention sincère d’écouter des paroles de vraie Doctrine. Comme il en avait déjà entendu certaines, la droiture de son désir le pousse à un plus grand désir et donc à une recherche continuelle de cette Doctrine. La recherche de Dieu, caché dans la vraie Doctrine, le détache des idoles mesquines de l’argent et de la volupté et en fait un héros du renoncement.

“ Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu possèdes et suis-moi ”, ai-je dit[2] au jeune homme riche. Ce que lui n’a pas su faire, Zachée, bien que plus endurci dans l’avarice et la jouissance, le fait. Car à travers le peu de paroles qui lui avaient été rapportées, comme le mendiant aveugle et le lépreux que j’avais guéris, il avait vu Dieu.

Est-ce qu’une âme qui a vu Dieu pourrait trouver quelque attirance pour les pauvres plaisirs de la terre ? Le peut-elle donc, ma petite épouse ? »

417.1

I see a large square, which looks like a market and is shaded by palms and other lower leafy trees. The palm-trees grow here and there, without any order and their top leaves rustle in the warm upper breeze, which raises a reddish dust, as if it came from a desert or from uncultivated places of reddish earth. The other trees, instead, form shady porches along the sides of the square, and vendors and buyers have taken shelter under them, in a restless shouting din.

In a corner of the square, exactly where the main road leads into it, there is a primitive excise office. There are scales and measures, and a bench at which is sat a little man who oversees, watches and deals in cash and to whom everybody speaks, as if he were very well known. I know that he is Zacchaeus, the exciseman, as many people address him, some to ask about the events of the town, and they are mainly strangers, some to pay their taxes. Many are surprised at seeing him worried. He seems in fact absent-minded and engrossed in thought. He replies in monosyllables and at times with gestures, which amazes many, who know that Zacchaeus is usually talkative. Some ask him whether he is not feeling well or if any of his relatives is ill. But he says no.

Only twice he shows keen interest. The first time when he questions two people who have come from Jerusalem and are speaking of the Nazarene, of His miracles and teaching. Zacchaeus then asks many questions: «Is He really as good as they say? And do His words correspond to facts? Does He really make use of the mercy which He preaches? On behalf of everybody, also of publicans? Is it true that He does not reject anybody?» And he listens, thinks and sighs. The second time when someone points out to him a bearded man, who is, passing by with a little donkey laden with household goods. «See, Zacchaeus? That is Zacharias, the leper. He lived in a sepulchre for ten years. Now that he is cured, he has bought the furnishings for his house, which was emptied according to the Law, when he and his relatives were declared lepers.»

«Call him.»

417.2

Zacharias comes.

«Were you a leper?»

«I was and so were my wife and my two children. My wife was the first to be infected and we did not notice it at once. The children became infected sleeping with their mother, and I, when I approached my wife. We were all lepers! When it was found out, they sent us away from the village… They could have left us in our house, as it was the last one… at the end of the street. We would not have caused any trouble… I had already grown a very high hedge, so that we might not even be seen. It was already a sepulchre… but it was our home… They sent us away. Away! Away! No town wanted us. And quite rightly! Not even our own town had wanted us. We stayed near Jerusalem, in an empty sepulchre. Many poor wretches are there. But the children died, in the cold of the cave. The disease, cold and starvation soon killed them… They were two boys… they were beautiful before the disease. They were strong and beautiful, dark brown like two blackberries in August, curly and lively. They had become two skeletons covered with sores… They had no hair left, their eyes were sealed with scabs, their feet and hands were falling off in white scales. I watched the bodies of my children waste away!… They no longer looked like human beings the morning they died… one after the other within a few hours… I buried them under a little earth and many stones, like the carrion of animals, while their mother screamed… A few months later their mother died… and I was left alone… I was waiting to die and no one would dig a hole to bury me…

417.3

I was almost blind when one day the Nazarene passed by. From my sepulchre I shouted: “Jesus! Son of David, have mercy on me!” A beggar, who was not afraid to bring me his bread, had told me that he had been cured of his blindness, by shouting that invocation. And he said: “He did not only give me the sight of my eyes, but also of my soul. I saw that He is the Son of God and I see everyone through Him. That is why, brother, I do not shun you, but I bring you bread and faith. Go to the Christ. So that one more soul may bless Him”. I could not go. My feet, ulcerated to the bone, would not let me walk… in any case… I would have been stoned, if they saw me. I waited carefully for Him to pass. He often passed by coming to Jerusalem. One day I saw, as far as I could see, a cloud of dust on the road and many people and I heard shouts. I dragged myself to the brow of the hill, where the sepulchral caves were, and when I thought I could see a bare fair-haired head shine among other covered ones, I shouted aloud, at the top of my voice. I shouted three times, until my voice reached Him.

He turned around. He stopped. Then He came towards me: all alone. He came right under the spot where I was and He looked at me. He was handsome, kind, with a voice, a smile!… He asked: “What do you want Me to do for you?”.

“I want to be cleansed”.

“Do you believe that I can? Why?” He asked me.

“Because You are the Son of God”.

“Do you believe that?”.

“I believe it” I replied. “I see the Most High flash in His glory above Your head. Son of God, have mercy on me!”.

He then stretched out a hand and His face was ablaze. His eyes seemed two blue suns, and he said: “I want it. Be cleansed” and He blessed me with a smile!… Ah! What a smile! I perceived a strength enter me. Like a sword of fire which ran searching for my heart, it ran through my veins. My heart, which was so diseased, became as it was when I was twenty years old, and the ice-cold blood became warm and fast-flowing in my veins. No more pains, no more weakness, and a joy, what a joy!… He was looking at me; with His smile He made me blissful. He then said: “Go, show yourself to the priests. Your faith has saved you”.

I then realized that I had been cured and I looked at my hands and legs. There were no more sores. There was fresh rosy flesh where previously the bone was uncovered. I ran to a little stream and I looked at myself. My face also was clean. I was clean! Clean after being loathsome for ten years!… Oh! Why did He not pass by before? When my wife and children were alive? He would have cured us. Now, see? I am buying things for my house… But I am all alone!…»

«Have you not seen Him anymore?»

«No, but I know that He is in this area and that is why I have come. I would like to bless Him once again and be blessed by Him to have strength in my solitude.»

Zacchaeus lowers his head and is silent. The group breaks up.

417.4

Some time passes. It gets warmer. The market place empties. The exciseman with his head resting on one hand is pensive, sitting at his desk.

«Here is the Nazarene!» shout some children, pointing at the main road.

Women, men, sick people, beggars rush towards Him. The square is empty. Only some donkeys and camels, tied to the palm-trees, remain where they were, and Zacchaeus remains at his desk.

He then stands up and climbs on his desk. But he cannot see anything because many people have pulled off branches and are waving them joyfully and Jesus is bending over sick people. Zacchaeus then takes off his garment and having on only his short tunic he climbs one of the trees. He goes up the large smooth trunk with difficulty as his short arms and legs make climbing difficult. But he succeeds and sits astride two branches as on a perch. His legs hang from that kind of railing and from his waist upwards he leans out as if he were at a window and he watches.

The crowds arrive in the square. Jesus looks up and smiles at the solitary spectator perched on the branches. «Zacchaeus, come down at once. I am staying at your house today» He orders.

And Zacchaeus, after a moment of astonishment, his face purple with excitement, lets himself slide down on the ground like a sack. He is so excited that he is hardly able to put on his clothes. He closes his books and cash-desk with gestures which he would like to be very fast, but instead are very slow. But Jesus is patient: He caresses some children while waiting.

417.5

Zacchaeus is ready at last. He approaches the Master and leads Him to a beautiful house with a large garden around it, in the centre of the town. A beautiful town. Not much inferior to Jerusalem with regards to its buildings, if not to its size.

Jesus goes in and while waiting for the meal to be made ready, he takes care of sick and healthy people. With such patience… as He only is capable.

Zacchaeus comes and goes, busying himself. He is beside himself with joy. He would like to speak to Jesus. But Jesus is always surrounded by a crowd of people.

At last Jesus dismisses everybody saying: «Come back at sunset. Go to your homes now. Peace be with you.»

The garden empties and the meal is served in a beautiful cool hall facing the garden. Zacchaeus has done things in great style. I do not see any other relatives, so I think that Zacchaeus is single and lives only with many servants.

417.6

At the end of the meal, when the disciples scatter in the shade of bushes to rest, Zacchaeus remains with Jesus in the cool hall. In actual fact Jesus remains alone for a little while, because Zacchaeus withdraws to let Him rest. But he comes back and looks through a slit in the curtains. He sees that Jesus is not sleeping, but is pensive. He then approaches Him. He is carrying a heavy coffer, which he lays on the table near Jesus and says: «Master… they have spoken to me about You. For some time. One day on a mountain side You said so many truthful things, that our doctors cannot excel them. They remained in my heart… and since then I have been thinking of You… Then I was told that You are good and that You do not reject sinners. I am a sinner, Master. They told me that You cure sick people. My heart is diseased, because I defrauded, I practised usury, I have been a depraved fellow, a thief, hard on the poor. But now, I have been cured, because You spoke to me. You approached me and the demon of sensuality and riches fled. And as from today, I belong to You, if You do not reject me, and to prove to You that I am reborn in You, I divest myself of the ill-acquired riches and I give You half of my wealth for the poor and I will use the other half to give back, multiplied by four, what I got by fraud. I know whom I cheated. Then, after handing back to each of them what belongs to them, I will follow You, Master, if You allow me…»

«I do want that. Come. I have come to save and call people to the Light. Today Light and Salvation have come to the house of your heart. Those who over there, beyond the gate, are grumbling because I have redeemed you sitting at your banquet, are forgetting that you are a son of Abraham as they are, and that I have come to save who was lost and to give Life to those whose spirits were dead. Come, Zacchaeus. You have understood My word better than many people who follow Me only to be able to accuse Me. Therefore you will be with Me as from now on.»

The vision ends here.

18th July 1944.

417.7

Jesus says:

«There is yeast and yeast. There is the yeast of Good and the yeast of Evil. The yeast of Evil, a Satanic poison, ferments more easily than the yeast of Good, because it finds matter more suitable for fermentation in the heart of man, in the thought of man, in the flesh of man, seduced all three by a selfish will, contrary therefore to the universal Will, which is the Will of God.

The will of God is universal because it is never confined to a personal thought, but it takes into consideration the welfare of the whole universe. Nothing can increase the perfection of God in any way, as He has always possessed everything in a perfect manner. Thus there can be no thought in Him of personal gain inciting any of His actions. When we say: “This is done to the greater glory of God, in the interest of God”, we do not mean that divine glory is in Itself susceptible to improvement, but that everything which in Creation bears the mark of good and any person doing good, and thus deserving to possess it, is adorned with the sign of divine Glory and thus gives glory to Glory itself, Which has created all things gloriously. It is, in short, the testimony which people and things bear to God, giving evidence, with their deeds, of the perfect Origin from Which they come.

Thus, when God orders or advises you to do an action or inspires you with one, He does not aim at any selfish interest, but at your welfare, with altruistic charitable mind. That is, therefore, the reason why the Will of God is never selfish, on the contrary it is a Will which aims entirely at altruism and universality. It is the only and true Strength in the universe which considers universal welfare.

On the contrary, the yeast of Good, spiritual embryo coming from God, grows through difficulties and hardships, as it has against itself the reactions propitious to the other one: the flesh, the heart, the thought of man, pervaded with selfishness, the antithesis of Good, which by its origin can be but Love. Most men lack the will of Good and consequently Good becomes sterile and dies, or lives so poorly that it does not leaven: it remains as it was. There is no serious fault. But there is not even the effort to do the greatest good. The spirit thus lies inert: not dead, but unfruitful.

Bear in mind that not to do evil serves only to avoid Hell. To enjoy at once beautiful Paradise one must do good. It is essential. As much good as one can do, struggling against oneself and other people. Because I said[1] that I had come not to bring peace but war, also between father and children, brothers and sisters, when such war was to defend the Will of God and His Law against the abuse of human wills aiming at what is contrary to what God wants.

417.8

In Zacchaeus the tiny quantity of yeast of good had leavened a huge mass. Only an original small particle had fallen into his heart: they had related My Sermon on the Mount to him. And they had done it so badly, mutilating it of many parts, as happens with reported speeches.

Zacchaeus was a publican and a sinner, but not through bad will. He was like one who sees things badly because the veil of cataract covers his eye-lenses. But he knows that once the veil is removed, he can see properly once again. And that sick person wants the veil to be removed. Zacchaeus was like that. He was neither convinced nor happy. He was not convinced of Pharisaic practices, which had already replaced the true Law. And he was not happy with his way of living.

He was instinctively seeking Light. The true Light. He saw a flash of it in that fragment of My speech and he hid it in his heart like a treasure. Because he loved it – bear this in mind, Mary – because he loved it, the flash became more and more lively, vast and vehement, and caused him to see Good and Evil clearly and to choose rightly, generously cutting off all the tentacles which previously, from things to his heart and from his heart to things, had enveloped him in a net of malicious slavery.

“Because he loved it”. That is the secret of success or failure. One succeeds when one loves. One has little success when one loves niggardly. One has no success at all when one does not love. In anything. All the more in the things of God, where, as God is invisible to corporal senses, I dare say, one must love perfectly, as far as a creature can reach perfection, in order to succeed in an enterprise. In holiness, in this case.

Zacchaeus, disgusted with the world and the flesh, as he was disgusted with the meanness of Pharisaic practices, so captious and severe for other people, so indulgent for them, loved the little treasure of a word of Mine, which reached him by chance, speaking from a human point of view. He loved it as the most beautiful thing that his forty-year-old life had ever possessed, and from that moment he concentrated his heart and thought on that point.

It is not only in evil that man’s heart is where his treasure is. But also in good. Did saints perhaps during their lifetime not have their hearts where their treasure was: in God? Yes, they did. And that is why, looking only at God, they passed on the Earth, without contaminating their souls with the mud of the Earth.

417.9

That morning, even if I had not appeared there, I would have conquered a proselyte. Because the speech of the leper had completed Zacchaeus’ metamorphosis. At the bench of the excise-house there was no longer a cheating vicious publican, but a man repenting his past and decided to change life. If I had not gone to Jericho, he would have closed his office, he would have taken his money and come looking for Me, because he could no longer live without the water of Truth, without the bread of Love, without the kiss of Forgiveness.

The usual harsh critics who always watched Me to reproach Me, did not see that and they could understand it even less. And that is why they were amazed at My having a meal with a sinner. Oh! I wish you never judged, leaving that task to God, you poor blind people, who cannot even judge yourselves! I never went with sinners to approve of their sin. I went to remove them from sin, because they often had only the exterior aspect of sin: their contrite souls had already changed into new souls, living to expiate. So was I with a sinner? No, I was with a redeemed soul, in need only of a guide to stand up in its weakness of a soul risen from death.

417.10

How much Zacchaeus’ episode can teach you! The power of upright intention that excites desire. Upright desire that urges one to seek deeper and deeper knowledge of Good and to long for God continuously until one reaches Him, true repentance that gives the courage of abnegation. Zacchaeus had the upright intention of listening to words of true Doctrine. When he heard some, his upright desire urged him to greater desire and thus to uninterrupted research for that Doctrine; the research for God, hidden in the true Doctrine, detached him from the mean gods of richness and sensuality and made him a hero of renunciation.

“If you want to be perfect, go, sell what you have and follow Me” I said[2] to the rich young man, but he did not do that. But Zacchaeus, although more hardened in avarice and sensuality, was able to do it. Because, through the few Words related to him, like the blind beggar and the leper cured by Me, he saw God. Can a soul that has seen God, find anymore attraction in the little things of the Earth? Is that ever possible, My little bride?»


Notes

  1. j’ai dit, en 265.12 et 276.12.
  2. ai-je dit, comme nous le verrons en 576.6.

Notes

  1. I said, in 265.12 and in 276.12.
  2. I said, as we will see in 576.6.