The Writings of Maria Valtorta

424. Pensées de gloire et de martyre

424. Thoughts of glory and martyrdom

424.1

Du sommet des dernières hauteurs, que l’on ne peut appeler des collines tant leur altitude est faible, une large étendue de la côte de la Méditerranée apparaît, limitée au nord par le promontoire du Mont Carmel, dégagée au sud jusqu’aux distances extrêmes que peut atteindre la vue humaine. C’est une côte paisible, presque droite, dont l’arrière-pays est une plaine fertile à peine rompue par de très légères ondulations. On voit les villes maritimes, dont les maisons blanches sont prises entre la verdure de l’intérieur et le bleu éclatant d’une mer tranquille, sereine, qui reflète le pur azur du ciel.

Césarée est située un peu au nord de l’endroit où se trouvent les apôtres avec Jésus et certains disciples rencontrés peut-être dans les villages traversés le soir ou à l’aube — car, on n’en est encore qu’aux premières heures du jour, l’aube et même l’aurore sont maintenant passées —. Qu’ils sont beaux, ces matins d’été où, après le rose de l’aurore, le ciel bleuit, où la fraîcheur emplit l’air limpide et les campagnes, où aucune voile n’apparaît sur la mer, ces heures virginales du jour où s’ouvrent les fleurs nouvelles, où la rosée s’évaporant aux premiers rayons du soleil exhale les senteurs des herbes, en confiant fraîcheur et parfum à la respiration légère de la brise matinale, qui remue légèrement les feuilles sur les tiges et ride à peine la surface plane de la mer !

La ville s’étend le long de la rive, belle comme tout endroit où se manifeste la civilisation raffinée des romains. Des thermes et des palais de marbre étalent leur blancheur comme des blocs de neige congelée dans les quartiers les plus proches de la mer, gardés par une haute tour, blanche elle aussi et de forme carrée, près du port. Peut-être s’agit-il d’un camp ou d’un observatoire. Puis, voici les maisons plus modestes de la périphérie, de style hébraïque, et partout la verdure des tonnelles, des jardins suspendus élevés plus ou moins fastueusement sur les terrasses au-dessus des maisons, et les arbres qui se dressent partout.

Les apôtres, qui font halte à l’ombre de platanes plantés presque sur la crête des collines, sont dans l’admiration.

« On respire mieux à la vue de cette immensité ! s’exclame Philippe.

– Et il me semble déjà sentir toute la fraîcheur de ces belles eaux bleues, dit Pierre.

– C’est bien vrai ! Après tant de poussière, de cailloux, de ronces… regarde cette limpidité ! Cette fraîcheur ! Cette paix ! La mer donne toujours la paix…, souligne Jacques, fils d’Alphée.

– Crois-tu ! Excepté lorsque… lorsqu’elle vous gifle et qu’elle vous fait tourner, vous et le bateau, comme des toupies dans la main des marins…, lui répond Matthieu qui se souvient probablement de son mal de mer.

424.2

– Maître… je pense… je pense à ce que chantaient nos psalmistes, au livre de Job, aux paroles des livres sapientiaux, où est célébrée la puissance de Dieu. Et, je ne sais pourquoi, cette vue fait naître en moi la pensée que nous serons ainsi élevés à une beauté parfaite sur une pureté azurée et lumineuse, si nous sommes justes jusqu’à la fin, dans le grand rassemblement, lors de ton triomphe éternel, celui que tu nous décris et qui sera la fin du Mal… Et il me semble voir cette immensité céleste peuplée des corps lumineux des ressuscités et toi, plus resplendissant que mille soleils, au milieu des bienheureux, où il n’y aura plus ni souffrances, ni larmes, ni insultes, ni dénigrements comme ceux d’hier soir… mais la paix, et encore la paix… Mais quand le Mal aura-t-il fini de nuire ? Peut-être émoussera-t-il ses flèches contre ton sacrifice ? Est-ce qu’il sera convaincu de sa défaite ? dit Jean, d’abord souriant, puis angoissé.

– Jamais. Il croira toujours triompher malgré les démentis que les justes lui apporteront. Et mon sacrifice n’émoussera pas ses flèches. Mais l’heure finale viendra où le Mal sera vaincu et, dans une beauté plus infinie que celle que ton esprit entrevoyait, les élus formeront l’unique Peuple, éternel, saint, le vrai Peuple du vrai Dieu.

– Et nous en ferons tous partie ? demandent les apôtres.

– Oui.[1]

– Et nous ? demande le groupe, déjà nombreux, des disciples.

– Vous aussi, vous y serez tous.

– Tous ceux qui sont présents ou bien tous les disciples ? Nous sommes nombreux désormais, malgré ceux qui se sont séparés.

– Et vous le serez de plus en plus. Mais tous ne resteront pas fidèles jusqu’à la fin. Néanmoins, beaucoup seront avec moi au Paradis. Certains obtiendront leur récompense après avoir expié, d’autres aussitôt après leur mort, mais la récompense sera telle que, tout comme le souvenir de la terre et de ses souffrances s’effacera, vous oublierez le purgatoire avec ses nostalgies pénitentielles d’amour.

424.3

– Maître, tu nous as dit que nous subirons des persécutions et des martyres. Nous pourrions être pris et tués sans avoir le temps de nous repentir, ou bien, par faiblesse, ne pas nous résigner à une mort sanglante… Et dans ce cas ? demande Nicolaï d’Antioche, qui est parmi les disciples.

– Ne crois pas cela. A cause de votre faiblesse d’hommes, vous ne pourriez en effet subir le martyre avec résignation. Mais aux grands esprits qui doivent rendre témoignage au Seigneur, le Seigneur accorde une aide surnaturelle…

– Quelle aide ? L’insensibilité, peut-être ?

– Non, Nicolaï. L’amour parfait. Ils arriveront à un amour si total que les tourments de la torture, ceux des accusations, de la séparation des parents, de la vie, de tout, cesseront d’être chose déprimante, mais, au contraire, tout se changera en tremplin pour s’élever vers le Ciel, pour l’accueillir, le voir et par conséquent tendre leurs bras et leur cœur aux tortures, pour aller là où déjà sera leur cœur : au Ciel.

– A quelqu’un qui meurt ainsi, il sera beaucoup pardonné, dit un disciple âgé dont je ne connais pas le nom.

– Ce n’est pas beaucoup, Papias, mais tout qui lui sera pardonné, car l’amour est absolution, le sacrifice est absolution, et la confession héroïque de la foi est absolution. Tu vois par conséquent que les martyrs auront une triple purification.

– Oh ! alors… Moi, j’ai beaucoup péché, Maître, et j’ai suivi ces hommes pour trouver le pardon. Hier, tu me l’as offert et, pour ce motif, tu as été insulté par des gens qui ne pardonnent pas et sont coupables. Je crois que ton pardon est valide mais, à cause de mes longues années de fautes, accorde-moi le martyre qui absout.

– Tu me demandes beaucoup, homme !

– Jamais autant que ce que je dois donner pour obtenir la béatitude que Jean, fils de Zébédée, a décrite et que tu as confirmée. Je t’en supplie, Seigneur, fais que je meure pour toi, pour ta doctrine…

– Tu me demandes beaucoup, homme ! La vie de l’homme est dans les mains de mon Père…

– Mais toute prière de toi est accueillie, comme est accueilli tout jugement qui vient de toi. Demande à l’Eternel ce pardon pour moi… »

L’homme est agenouillé aux pieds de Jésus, qui le regarde dans les yeux et lui dit :

« Ne te semble-t-il pas que c’est un martyre de vivre lorsque le monde a perdu tout attrait et que le cœur aspire au Ciel, et cela pour enseigner aux autres l’amour et connaître les déceptions du Maître, mais persévérer sans lassitude pour gagner des âmes au Maître ? Fais toujours la volonté de Dieu, même si la tienne te paraît plus héroïque, et tu seras saint…

424.4

Mais voici nos compagnons qui viennent avec les provisions. Mettons-nous en route pour arriver à la ville avant les heures torrides. »

Et il prend la tête pour descendre par la pente douce, qui atteint vite la plaine, coupée par le blanc ruban de la route qui mène à Césarée Maritime.

424.1

From the tops of the last risings of the ground, which cannot be called hills, as their height is so minimal, a large stretch of the Mediterranean coast appears; it is limited to the north by the Carmel promontory, while to the south it stretches freely as far as human eyes can see. A placid almost straight coast with behind it a fertile plain interrupted by slight undulations of the ground. Coast-towns are visible with their white houses situated between the green of the country and the blue of the sea, which is placid and serene, a bright blue reflecting the pure azure of the sky.

Caesarea is a little to the north of the place where the apostles are with Jesus and with some disciples, whom they probably met in the villages they passed through in the evening or at dawn. It is now later than daybreak and dawn, although it is very early in the morning. In those beautiful hours of summer mornings, when the sky, after rosy dawn becomes again blue, the air is fresh and clear and fresh is the country. No sail appears on the sea. They are the pure hours of the day, when fresh flowers begin to open and the dew, drying in the early sun, exhales the sweet smells of herbs, bestowing freshness and perfume on the light breath of the morning breeze, which moves the leaves on stems just lightly and barely ripples the smooth expanse of the sea.

The town appears stretched along the shore, as beautiful as every place where Roman refinement has settled. Thermal baths and marble buildings exhibit their whiteness like solid blocks of snow in the districts closer to the sea, overlooked by a tall white square tower near the harbour: perhaps a Castrum or a look-out post. Then there are the more modest little suburban houses, in Jewish style, and everywhere there are green pergolae, roof-gardens built more or less splendidly on the flat roofs of houses, and tall trees growing everywhere.

The apostles admire the view resting in the shade of a group of plane-trees almost on the top of the hill.

«The sight of this immensity lightens one’s heart!» exclaims Philip.

«And you seem to be already feeling all the coolness of those beautiful blue waters» says Peter.

«True! After so much dust, stones, thorns… look what a marvel! How fresh and peaceful! The sea always brings peace…» remarks James of Alphaeus.

«H’m! Except when… it slaps your face and whirls you and the boat round like tops in the hands of boys…» replies Matthew who probably remembers being seasick.

424.2

«Master… I think… I think of all the words of our psalmists, of the book of Job, of the words of the wisdom books, where the power of God is celebrated. And, I do not know why, the thoughts coming from what I see make me feel that we shall be elevated to perfect beauty on a blue bright purity thus, if we are just until the end in the great gathering, in Your eternal Triumph, the one which You described to us and which will be the end of Evil… And I seem to be seeing this azure immensity peopled with bright risen bodies and You, shining more than a thousand suns, in the middle of the blessed souls… and no more sorrow, tears, insults, disparagement like yesterday evening’s… and peace, peace, peace… But when will Evil stop being harmful? Will it perhaps blunt its arrows against Your Sacrifice? Will it be convinced that it has been beaten?» asks John, who at first was smiling and now is depressed.

«Never. It will always think that it is triumphant, notwithstanding all the contradictions of the just. And My Sacrifice will not blunt its arrows. But the hour will come, the final hour, when Evil will be defeated, and in a beauty even more infinite than that foreseen by your spirit, the chosen ones will be the only People, the eternal, holy true People of the true God.»

«And shall we all be there?» ask the apostles.

«Yes, all.»

«And what about us?» ask the already large group of the disciples.

«You will all be there, too.»

«All the ones present or all those who are Your disciples? We are many now, notwithstanding those who parted from us.»

«And you will be more and more. But not everyone will be faithful until the end. But many will be with Me in Paradise. Some will have their reward after expiation, some immediately after their death, but the reward will be such that, as you forget the Earth and its sorrows, so you will forget Purgatory with its penitential longing for love.»

424.3

«Master, You told us that we will suffer persecutions and martyrdom. They may capture and kill us before we have time to repent, or our weakness will prevent us from being resigned to violent death… So?» asks Nicolaus of Antioch. who is among the disciples.

«Do not believe that. Owing to your human weakness you could not suffer martyrdom with resignation. But supernatural assistance will be instilled by the Lord into the great spirits who must bear witness to the Lord…»

«Which? Insensibility, perhaps?»

«No, Nicolaus. Perfect love. They will achieve such complete love that torture, accusations, separations from relatives, from life, from everything, will no longer be depressing matters, on the contrary they will become the base to rise to Heaven, to receive it, to see it and therefore to stretch arms and hearts towards tortures, in order to go where their hearts already are: to Heaven.»

«One who dies thus will be much forgiven» says an old disciple whose name I do not know.

«Not much, but completely forgiven, Papias. Because love is absolution, and sacrifice is absolution, and heroic confession of faith is absolution. You can thus see that martyrs will have treble purification.»

«Oh! then… I have sinned much, Master, and I have followed these disciples to be forgiven, and yesterday You forgave me and because of that You were insulted by those who do not forgive and are guilty. I think that Your forgiveness is valid. But for my long years of sin give me the absolution of martyrdom.»

«You are asking for a great deal, man!»

«Not as much as I have to give to have the beatitude which John of Zebedee has described and You have confirmed. I implore You, Lord. Let me die for You, for Your doctrine…»

«You are asking for very much, man! The life of man is in the hands of My Father…»

«But every prayer of Yours is heard, as every judgement of Yours is heard. Ask the Eternal Father that forgiveness for me…»

The man is on his knees at the feet of Jesus, Who looks him in the eye and then says: «And do you not think that it is martyrdom to live when the world has lost all attraction and the heart yearns for Heaven, and to live to teach other people to love and to become acquainted with the disappointments of the Master and to persevere tirelessly to give souls to the Master? Always do the will of God, even if your own should appear to you to be more heroic, and you will be holy…

424.4

But here are your companions coming with supplies. Let us set out to arrive in town before the torrid hours.»

And He sets out first down the light descent that soon arrives at the plain marked by the white ribbon of the road leading to Caesarea on the Sea.


Notes

  1. Oui : Selon une note de Maria Valtorta sur une copie dactylopgraphiée, Jésus peut répondre que tous en feront partie parce que Judas est absent ; or, de tous les apôtres, lui seul s’est damné.