The Writings of Maria Valtorta

430. Le nid tombé et le scribe cruel.

430. The fallen nest and the cruel scribe.

430.1

Je vois Jésus, vêtu de blanc, son manteau bleu foncé rejeté sur les épaules, marcher sur un petit chemin boisé. D’un côté comme de l’autre s’élèvent des arbres et des arbustes ; des layons coupent les verts taillis. Mais ce ne doit pas être un endroit désert et éloigné des habitations, car pas mal de monde le fréquente. On dirait que ce chemin relie deux villages voisins en traversant les propriétés agricoles des habitants. C’est une région de plaines, mais on voit au loin des montagnes. Je ne sais pas quel est cet endroit.

Jésus, qui parlait avec ses disciples, s’arrête et écoute en regardant tout autour de lui, puis il prend un sentier en forêt et se dirige vers un taillis de buissons et d’arbustes. Il se penche, cherche, trouve : dans l’herbe, il y a un nid. Je me demande si c’est la tempête qui l’a fait tomber, comme le laissent supposer le sol humide et les branches qui gouttent encore comme après un orage, ou bien s’il a été enlevé par quelqu’un, puis laissé sur place pour éviter d’être surpris, la couvée en mains. Je l’ignore. Je vois seulement un petit nid de brins de paille entrelacés, garni de feuilles sèches, de duvet et de laine, dans lequel s’agitent en piaillant cinq petits oiseaux de quelques jours, rouges, sans plumes, laids avec leurs becs grands ouverts et leurs yeux exorbités. En haut, sur un arbre, les parents poussent des cris désespérés.

Jésus ramasse soigneusement le nid. Il le tient dans le creux de la main et il cherche des yeux le lieu où il se trouvait ou, à défaut, un endroit où le mettre en sécurité. Il découvre un entrelacement de tiges de ronces si bien disposé qu’il semble former un panier, et si bien enfoncé dans le buisson que le nid y sera en sûreté. Jésus confie le nid à Pierre, et il est étonnant de voir cet homme trapu le tenir dans ses mains courtes et calleuses. Sans s’occuper des épines qui lui griffent les bras, il retrousse ses manches longues et larges et travaille à rendre plus creux et plus abrité l’entrelacement des ronces. Cela fait, il reprend le nid, le place au milieu et le fixe avec de longues herbes cylindriques qui ressemblent à des joncs très fins.

Le nid est en sûreté. Jésus s’écarte et sourit. Puis il se fait donner un morceau de pain par un disciple qui porte un sac en bandoulière, et il en émiette un peu par terre, sur une grosse roche.

Maintenant, Jésus est content. Il se tourne pour revenir sur la route, tandis que les oiseaux se précipitent avec des piaillements de joie sur le nid maintenant sauvé.

430.2

Un petit groupe d’hommes est arrêté au bord du chemin. Jésus se trouve face à eux et les regarde. Le sourire disparaît de son visage qui devient très sévère, je dirais même sombre, alors qu’il était tellement plein de pitié quand il ramassait le nid et si heureux quand il l’a vu en place.

Il s’arrête, sans cesser d’observer ses témoins imprévus. Il semble scruter leur cœur et leurs pensées secrètes. Il ne peut passer outre, parce que le petit groupe lui barre la voie, mais il se tait.

Pierre, lui, ne reste pas muet.

« Laissez passer le Maître, dit-il.

– Tais-toi, nazaréen » répond un homme du groupe. « Comment ton Maître s’est-il permis d’entrer dans mon bois et d’y accomplir un travail manuel un jour de sabbat ? »

Jésus le fixe avec une expression étrange. C’est et ce n’est pas un sourire. En tous cas, ce n’est pas un sourire d’approbation. Pierre s’apprête à répliquer, mais Jésus prend la parole :

« Qui es-tu ?

– Le maître de ce lieu : Yokhanan ben Zacchaï.

– Illustre scribe. Et que me reproches-tu ?

– D’avoir violé le sabbat.

430.3

– Yokhanan ben Zacchaï, connais-tu le Deutéronome ?

– C’est à moi que tu demandes cela ? A moi, qui suis un vrai rabbi d’Israël ?

– Je sais ce que tu veux me dire : que moi, n’étant pas scribe, mais un pauvre galiléen, je ne puis être “ rabbi ”. Mais je te demande une nouvelle fois : “ Connais-tu le Deutéronome ? ”

– Mieux que toi, certainement.

– A la lettre… certainement, si c’est ce que tu veux dire. Mais connais-tu son véritable sens ?

– Ce qui est écrit, est écrit. Il n’y a qu’un sens.

– Il n’y a qu’un sens, c’est vrai. Et c’est un sens d’amour, ou de miséricorde si tu ne veux pas l’appeler amour, ou même, si cela te choque de lui donner ce nom, de simple humanité.

Le Deutéronome dit [1]: “ Si tu vois s’égarer la brebis ou le bœuf de ton frère, même s’il n’est pas près de toi, tu ne passeras pas outre, mais tu le lui reconduiras, ou tu le lui garderas jusqu’à ce qu’il vienne le reprendre. ” Il dit aussi : “ Si tu vois tomber l’âne ou le bœuf de ton frère, ne feins pas de ne pas l’avoir vu, mais aide-le à le relever. ” Il dit encore : “ Si tu trouves par terre ou sur un arbre un nid, avec la mère en train de couver ses petits ou les œufs, tu ne prendras pas la mère (car elle est consacrée à la procréation), mais seulement les petits. ”

J’ai vu par terre un nid, et une mère qui pleurait sur lui. J’en ai eu pitié, parce que c’était une mère et je lui ai rendu ses petits. Je n’ai pas cru avoir violé le sabbat pour avoir consolé une mère. On ne doit pas laisser s’égarer la brebis d’un frère, et la Loi ne dit pas que ce soit une faute de relever un âne le jour du sabbat. Elle dit seulement qu’il faut faire preuve de miséricorde envers son frère et d’humanité envers l’âne, qui est une créature de Dieu. J’ai pensé que Dieu avait créé cette mère pour qu’elle procrée et qu’elle avait obéi au commandement de Dieu ; donc l’empêcher d’élever ses petits, c’était faire obstacle à son obéissance à un commandement divin.

Mais cela, tu ne le comprends pas. Toi et les tiens, vous considérez la lettre et non l’esprit. Vous ne pensez pas que vous violez deux et même trois fois le sabbat, en rabaissant la Parole divine à la petitesse de la mentalité humaine, en faisant obstacle à un ordre de Dieu, en manquant de miséricorde envers votre prochain. Pour blesser par un reproche, vous n’estimez pas qu’il est mal de parler sans qu’il en soit besoin. Cela, qui est pourtant un travail et qui n’est ni utile, ni nécessaire, ni bon, ne vous paraît pas violer le sabbat.

430.4

Yokhanan ben Zacchaï, écoute-moi. Aujourd’hui, tu n’as pas pitié d’une fauvette à tête noire et, au nom de pratiques pharisaïques, tu la ferais mourir de douleur, tout comme ses petits laissés à la portée de l’aspic et de l’homme pervers. Demain, de la même manière, tu n’auras pas pitié d’une mère, et tu la feras mourir de douleur en faisant périr sa descendance, sous prétexte qu’il est bon qu’il en soit ainsi par respect pour ta loi — pour la tienne, pas pour celle de Dieu, pour celle que, toi et tes semblables, vous vous êtes faite pour opprimer les faibles et triompher, vous, les forts. Mais tu vois ? Les faibles trouvent toujours un sauveur, alors que les orgueilleux, ceux qui sont forts selon la loi du monde, seront broyés par le poids même de leur loi pesante.

Adieu, Yokhanan ben Zacchaï. Souviens-toi de cette heure et veille à ne pas violer un autre sabbat par complaisance envers un crime accompli. »

Et Jésus jette un regard foudroyant sur le vieil homme enflammé de colère, en le dévisageant de haut en bas, car le scribe est un petit homme replet et Jésus, en comparaison, est élancé comme un palmier. Il passe à côté de lui, en foulant l’herbe car le scribe ne s’écarte pas.

430.5

Jésus dit :

« J’ai voulu relever ton esprit par une vision vraie, encore qu’elle ne soit pas offerte à la contemplation par les Evangiles.

Voici quel est son enseignement pour toi : j’ai une immense pitié pour les oiseaux sans nid, même si, au lieu de s’appeler fauvettes, ils ont pour nom Marie ou Jean. Et je m’occupe de leur redonner un nid, quand un événement les en a privés.

Et en voici l’enseignement pour tout le monde : trop de personnes connaissent uniquement les mots de la Loi — bien qu’elles soient nombreuse, alors que toutes devraient les connaître — mais elles ne les vivent pas. Voilà l’erreur.

Le Deutéronome prescrivait des lois d’humanité, car alors les hommes avaient une spiritualité puérile, ils étaient grossiers, à demi-sauvages. Il fallait les conduire par la main sur les sentiers fleuris de la pitié, du respect, de l’amour envers le frère qui perd un animal, envers l’animal qui tombe, envers l’oiseau qui couve, pour leur enseigner à atteindre une pitié, un respect, un amour plus élevés.

Mais quand je suis venu, j’ai perfectionné les règles mosaïques et j’ai ouvert des horizons plus vastes. La lettre n’est plus “ tout ”. C’est l’esprit qui est devenu “ tout ”. Au-delà d’un petit acte humain envers un nid et ses occupants, il faut voir la réponse que signifie mon geste : m’incliner, moi, le Fils du Créateur, devant l’œuvre du Créateur. Même cette couvée est son œuvre.

Ah ! heureux ceux qui en toute chose savent voir Dieu et le servir avec un esprit d’amour respectueux ! Et malheur à ceux qui, semblables au serpent, ne savent pas lever la tête de leur boue et qui, ne pouvant faire monter un chant de louange à Dieu qui se manifeste dans les œuvres de leurs frères, les mordent par excès du poison qui les étouffe. Ils sont trop nombreux à torturer les meilleurs en disant, pour justifier leur perversité, qu’il est bon de le faire par respect pour la loi, — pour leur loi, qui n’est pas celle de Dieu —. Si Dieu ne peut empêcher leurs œuvres mauvaises, il sait aussi venger ses “ petits ”.

Que cela aille à qui ce doit être donné.

Que ma paix soit sur toi et veille sur toi. »

430.1

I see Jesus wearing a white tunic with His dark-blue mantle thrown over His shoulder, while He is walking along a woody path. It is woody because there are trees and shrubs on both sides. Narrow tracks cut through the green entanglement, but it is not a solitary place remote from any village, as they often meet other people. I would say that it is the road linking two villages close to each other, running through the fields of the villagers. The country is flat, and mountains can be seen in the distance. I do not know what place it is.

Jesus, Who was speaking to His disciples, stops and listens, looking round, He then takes a little path in the thicket and goes towards a large group of small trees and shrubs. He bends and searches. And He finds. There is a nest in the grass. I do not know whether it was knocked down by a storm, as one would think from the damp soil and the branches still dripping, as is usual after a storm, or whether anybody tampered with it and left it there, not to be caught with the brood in his hands. I do not know. I can only see a small nest interwoven with hay and full of dry leaves, down of plants and wool, among which five little birds, only a few days old, are stirring and chirping: they are reddish, without feathers, rather ugly looking because of their wide open beaks and bulging eyes. High above, on a tree, their parents are screeching desperately.

Jesus picks up the little nest carefully. He holds it in the hollow of one hand and He looks for the spot where it was or where it can be placed safely. He finds a tangle of brambles so compact that it looks like a little basket, and so deep in the bush as to be safe. Without minding the thorns which scratch His arms, after handing the nest to Peter – and the apostle so elderly and stout looks funny with the little nest in his short rough hands – Jesus rolls up His long wide sleeves and works to make the entangled branches more concave and thus safer. It is done. He takes the nest and places it in the bush and secures it by pulling long cylindrical blades of grass which look like very thin reeds. The nest is now safe. Jesus stands aside and smiles. He then gets one of the apostles, who is carrying his sack across his shoulder, to give Him a piece of bread and He crumbles some on the ground, on a stone. Jesus is now happy. He turns around to go back to the main road while the birds fly down to the rescued nest screeching with joy.

430.2

A little group of men is standing on the roadside. Jesus finds them facing Him and looks at them. His smile fades away and His face becomes very severe, I would say sombre, while it was so compassionate when He was picking up the nest and so happy when He had arranged it safely.

Jesus stops. And He continues to look at His unexpected witnesses. He seems to be looking at their hearts with their secret thoughts. He cannot go any farther because the group have blocked the path. But He is silent.

But Peter does not keep quiet. «Let the Master pass» he says.

«Be quiet, Nazarene» replies one of the group. «How did your Master take the liberty of going into my wood and do manual labour on the Sabbath?»

Jesus looks straight at him with a strange expression. It is and it is not a smile. And if it is a smile it is not one of approval. Peter is about to reply. But Jesus asks: «Who are you?»

«The landlord of this place. Johanan ben Zaccai.»

«A renowned scribe. For what do you reproach Me?»

«For profaning the Sabbath.»

430.3

«Johanan ben Zaccai, do you know Deuteronomy?»

«Are you asking me? Me, a true rabbi of Israel?»

«I know what you want to tell Me: that I, as I am not a scribe, but a poor Galilean, cannot be a “rabbi”. But I ask you once again: “Do you know Deuteronomy?”.»

«Certainly better than You do.»

«To the letter… certainly, if you wish to think so. But do you know it in its true meaning?»

«What is said is said. There is but one meaning.»

«True, there is but one meaning. And it is a meaning of love; or, if you do not want to call it love, of mercy; or if it annoys you to call it so, say: of humanity. And Deuteronomy says[1]: “If you see your brother’s sheep or his ox straying, even if they are not close at hand, you must not make off, but you will take them back to him, or you will keep them until he comes for them”. It says: “If you see your brother’s donkey or ox fall, do not pretend you have not seen, but help him to put it on its feet again”. It says: “If in a tree or on the ground you find a nest with the mother bird sitting on the chicks or the eggs, you must not take the mother (because she is sacred to procreation) you may take the chicks only”. I saw a nest on the ground and the mother weeping over it. I felt sorry for her because she was a mother. And I gave her chicks back to her. I did not think I was profaning the Sabbath by consoling a mother. We must not let the sheep of our brother go astray, but the Law does not say that it is a sin to put a donkey on its feet again on a Sabbath. It says only that we must have mercy on our brother and humanity for the donkey, a creature of God. I thought that God had created that mother that she might procreate, and that she had obeyed God’s command, and that to prevent her from bringing up her offspring was to interfere with her obedience to a divine command. But you do not understand that. You and your friends consider the letter, not the spirit. You and your friends do not consider that you infringe the Sabbath twice, nay, three times, by degrading the divine Word to the pettiness of human mentality, by interfering with a command of God and by lacking in mercy towards your neighbour. In order to injure by means of a reproach, you do not consider that it is wrong to speak unnecessarily. This, which is also work, but neither useful, nor necessary, nor good, does not seem a profanation of the Sabbath to you.

430.4

Johanan ben Zaccai, listen to Me. As today you have no mercy on a blackcap and according to Pharisaic practice you would let her die of grief, and you would let her offspring perish miserably, left at the mercy of asps or wicked people, likewise tomorrow you will have no mercy on a mother and you will make her die a miserable death and you will have her offspring killed, saying that it is right to do so out of respect to your law. To yours, not to God’s. To the law which you and those like you have made to oppress the weak so that you, the strong ones, may triumph. But see. The weak always find a saviour. Whereas the proud, those who are strong according to the law of the world, will be crushed under the weight of their own heavy law. Goodbye, Johanan ben Zaccai. Remember this hour and mind you do not profane yourself another Sabbath with the satisfaction of a crime committed.»

And Jesus casts a fulminating glance at the irascible old man, whose face is red with anger, and looking down on him, because the scribe is short and stout and Jesus seems a palm-tree compared with him, He passes by walking on the grass, because the scribe does not step aside.

430.5

Jesus says:

«I wanted to uplift your spirit with a true vision, even if it is not mentioned in the Gospels.

This is the lesson for you: that I have so much mercy on little birds without nests, even if the name instead of being blackcap, is Mary or John. And I take care to give them a nest again, when an event has deprived them of it.

And this is the lesson for everybody. That too many know the words of the Law, still too many although they are few, because everybody ought to know them, but they know the “words” only. They do not live them. That is the error.

Deuteronomy prescribed humane laws, because men in those days, because of their spiritual childhood, were brutal and halfsavage. They had to be led by hand along the flowery paths of pity, respect, love for the brother who lost an animal, for the animal which fell, for the bird sitting on eggs, to teach them to rise to higher pity, respect, love. But when I came I perfected the Mosaic rules and I opened wider horizons. The letter was no longer “everything”. The spirit became “everything”. Beyond the little human act for a nest and its inhabitants, it is necessary to consider the secret meaning of My gesture: that I, the Son of the Creator, bowed before the work of the Creator. That brood also is His work.

Oh! happy those who can see God in everything and serve Him with spirit of reverent love! And woe to those, who like a snake, cannot raise their heads above their filth and as they cannot sing the praises of God, Who reveals Himself in the work of their brothers, they bite them because of the excess of poison choking them. There are too many who torture the better ones saying, to justify their perversity, that it is right to do so out of respect to the law. Their law. Not God’s. But if God cannot stop their wicked deeds, He can avenge His “little ones”.

And let this be given to those who deserve it. May My vigilant peace be with you.»


Notes

  1. Le Deutéronome dit, en Dt 22, 1-4.6.7.

Notes

  1. says, in: Deuteronomy 22,1-4.6-7.