The Writings of Maria Valtorta

562. Des bruits courent à Nazareth.

562. Hearsay in Nazareth.

562.1

« Je vous assure que vous êtes tous stupides de croire n’importe quoi. Plus stupides et ignorants que des eunuques qui, mutilés comme ils le sont, ne connaissent même pas les règles de l’instinct. Des hommes parcourent les villes en disant anathème de la part du Maître, et d’autres portent des ordres qui ne peuvent pas, non, par le vrai Dieu, qui ne peuvent pas venir de lui ! Vous ne le connaissez pas, mais moi, je le connais. Et je ne peux croire qu’il ait ainsi changé, et qu’ils aillent de tous côtés ! Vous prétendez que ce sont ses disciples ? Or qui les a jamais vus avec lui ? Vous racontez que des rabbis et des pharisiens vous ont fait part de ses péchés ? Or qui les a constatés ? L’avez-vous jamais entendu parler d’obscénités ? L’avez-vous jamais vu en état de péché ? Alors ? Comment pouvez-vous imaginer que, s’il était pécheur, Dieu lui ferait accomplir des œuvres aussi grandes ? Vous êtes stupides, je vous le dis, retardés, ignorants comme des rustres qui voient pour la première fois un histrion sur un marché et croient vraies ses sornettes. Voilà ce que vous êtes ! Voyez si les hommes sages et à l’intelligence ouverte se laissent séduire par les paroles des faux disciples ! Ces derniers sont les vrais ennemis de l’Innocent, de notre Jésus que vous n’êtes pas dignes d’avoir pour fils ! Voyez si Jeanne, femme de Kouza — je parle bien de l’épouse de l’intendant d’Hérode, la princesse Jeanne —, s’éloigne de Marie !

562.2

Voyez si… Est-ce que je fais bien de le dire ? Mais oui, car je ne parle pas pour parler, mais pour vous persuader tous. Avez-vous rermarqué, à la dernière lune, cet élégant char venu dans le village et qui est allé s’arrêter devant la maison de Marie ? Vous savez, celui qui avait une capote belle comme une maison ? Eh bien, savez-vous qui était à l’intérieur et en est descendu pour se prosterner devant Marie ? Lazare, fils de Théophile, Lazare de Béthanie, comprenez-vous ? Le fils du premier magistrat de Syrie, le noble Théophile, époux d’Euchérie, de la tribu de Juda et de la famille de David ! Le grand ami de Jésus, l’homme le plus riche et le plus instruit d’Israël, aussi bien pour notre histoire que pour celle du monde entier, l’ami des Romains, le bienfaiteur de tous les pauvres, celui qui est ressuscité quatre jours après avoir été mis au tombeau. Aurait-il, lui, abandonné Jésus pour croire au Sanhédrin ? Vous supposez que la raison en est que Jésus l’a ressuscité ? Non, mais Lazare sait que le Christ, c’est Jésus. Et savez-vous ce qu’il est venu dire à Marie ? De se tenir prête à partir avec lui en Judée. Comprenez-vous ? Lazare accompagne Marie comme s’il était son serviteur ! Moi, je suis au courant : j’étais présent quand il est entré et l’a saluée en se prosternant à terre sur le pauvre pavage de sa petite pièce. Lui qui est vêtu comme Salomon, lui qui est habitué aux tapis, il était là, par terre, pour baiser le bord du vêtement de cette femme de notre ville et la saluer : “ Je te salue, Marie, Mère de mon Seigneur. Moi qui suis ton serviteur, le dernier des serviteurs de ton Fils, je viens te parler de lui et me mettre à ta disposition. ” Comprenez-vous ? J’étais tellement ému que… lorsqu’il m’a salué, moi aussi, en m’appelant : “ frère dans le Seigneur ”, je n’ai plus su dire un mot. Mais Lazare est intelligent, et il a compris. Puis il a dormi dans le lit de Joseph après avoir envoyé ses serviteurs en avant-garde pour qu’ils l’attendent à Séphoris — car il allait dans ses terres d’Antioche —. Il a recommandé aux femmes de se tenir prêtes car, à la fin de cette lune, il passera les prendre pour leur éviter la fatigue du voyage. Jeanne se joindra à la caravane avec son char pour conduire les femmes disciples de Capharnaüm et de Bethsaïde. Tout cela serait-il sans importance à vos yeux ? »

562.3

Le bon Alphée, fils de Sarah, reprend enfin son souffle dans le groupe réuni au milieu de la place. Puis Aser et Ismaël ainsi que les deux cousins de Jésus, Simon et Joseph — le premier plus ouvertement, le second avec plus de réticence —, viennent à son secours en approuvant ses paroles.

Joseph intervient :

« Jésus n’est pas un bâtard. S’il a besoin de faire connaître quoi que ce soit, il a ici des parents tout disposés à s’en charger. Et il a des disciples fidèles et puissants, comme Lazare. Or Lazare n’a accrédité aucune de ces rumeurs.

– Et il nous a, nous aussi. Auparavant nous étions des âniers, et des ânes comme nos ânes. Mais maintenant, nous sommes ses disciples et, s’il s’agit d’ordonner : “ Faites ceci ou cela ”, nous en sommes capables, déclare Ismaël.

– Néanmoins, la condamnation suspendue à la porte de la synagogue a été apportée par un envoyé du Sanhédrin, et elle porte le sceau du Temple, objectent certains.

– C’est vrai. Mais qu’est-ce que cela prouve ? Nous qui sommes connus dans tout Israël pour comprendre ce qu’est réellement le Sanhédrin et qui, pour ce motif, sommes considérés comme des gens de rien, croirions-nous qu’en cela seulement le Temple est sage ? Ne connaissons-nous donc plus les scribes, les pharisiens et les chefs des prêtres ? rétorque Alphée.

– C’est vrai, Alphée a raison.

562.4

J’ai décidé de descendre à Jérusalem pour apprendre auprès de vrais amis ce qu’il en est, et cela dès demain, dit Joseph.

– Et tu resteras là-bas ?

– Non. Je reviendrai, mais j’y retournerai pour la Pâque. Je ne puis m’absenter longtemps de la maison. C’est une fatigue que je m’impose, mais c’est pour moi un devoir d’y aller. Je suis le chef de famille, et c’est sur moi que repose la responsabilité de la présence de Jésus en Judée. J’ai insisté[1] pour qu’il y aille… L’homme peut se tromper dans ses jugements. Je croyais que ce serait un bien pour lui. Au contraire… Que Dieu me pardonne ! Mais je dois au moins suivre de près les conséquences de mon conseil pour soulager mon Frère, répond Joseph, avec son élocution lente et hautaine.

– Autrefois, tu ne parlais pas ainsi. Mais toi aussi, tu es séduit par l’amitié des grands. Tes yeux sont remplis de fumée, lance un Nazaréen.

– Ce n’est pas l’amitié des grands qui me séduit, Eliachim, mais j’y suis poussé par la conduite de mon Frère. Si je me suis trompé et si maintenant je me ravise, je montre que je suis un homme juste, parce que l’erreur est humaine, et que je ne suis pas têtu comme une mule.

562.5

– Et tu dis que Lazare va vraiment venir ? Oh ! nous voulons le voir ! A quoi peut ressembler un homme qui revient de la mort ? Il doit être perdu dans les rêves, comme épouvanté. Que raconte-t-il de son séjour parmi les morts ? demandent plusieurs à Alphée.

– Il est comme vous et moi : gai, vif, tranquille. Il ne parle pas de l’autre monde. C’est comme s’il n’en avait gardé aucun souvenir. Mais il se rappelle son agonie.

– Pourquoi ne nous as-tu pas prévenus lorsqu’il est passé dans le village ?

– Pour que vous envahissiez la maison ! Je me suis retiré, moi aussi. Il faut faire preuve d’un peu de finesse, non ?

– Mais quand il va revenir, ne pourra-t-on pas le voir ? Avertisnous. Tu seras certainement le gardien de la maison de Marie, comme toujours.

– Bien sûr ! J’ai le privilège d’être près d’elle, mais moi, je n’avertis personne. Débrouillez-vous tout seuls. Un char d’une telle dimension ne passe pas inaperçu, et Nazareth n’est ni Antioche, ni Jérusalem… Montez la garde, soyez vigilants. Mais c’est sans importance.

562.6

Agissez plutôt de telle sorte que sa ville ne passe pas pour stupide en prenant pour argent comptant les fables des ennemis de notre Jésus. Ne soyez pas crédules, n’ajoutez foi ni à ceux qui le traitent de Satan, ni à ceux qui vous poussent à la révolte en son nom. Vous en éprouveriez du remords un jour. Si le reste de la Galilée tombe dans le piège et croit ce qui n’est pas vrai, tant pis pour elle. Adieu. Je m’en vais, car la nuit tombe… »

Et Alphée s’éloigne, tout heureux d’avoir défendu Jésus.

Les autres restent à discuter. Mais, bien qu’ils soient divisés en deux camps — et le plus nombreux est malheureusement celui des crédules —, une idée proposée par quelques amis de Jésus finit par prévaloir : avant de s’agiter et de faire bon accueil aux calomnies et aux invitations à l’insurrection, mieux vaut attendre de voir ce que vont faire les autres villes galiléennes “ plus rusées que Nazareth qui, pour le moment, rient au nez des faux envoyés ”, comme dit Aser le disciple.

562.1

«And I tell you that you are all foolish if you believe such things. More foolish and ignorant than wethers that do not even know the rules of instinct, mutilated as they are. Some men are going around towns saying anathema of the Master, while others bring orders that, by the living God, cannot be given by Him! You do not know Him. I do. And I cannot believe that He has changed so much! Let them go about! Are you saying that they are His disciples? And who has ever seen them with Him? Are you saying that some rabbis and Pharisees have mentioned His sins? And who has seen His sins? Have you ever heard Him speak about anything obscene? Have you ever seen Him commit sin? So? And can you believe that God would let Him work such great deeds, if He were a sinner? You are foolish, I tell you, foolish slow-witted and ignorant like country bumpkins who for the first time see a mountbank at a market and believe what he says. That’s what you are like. Consider whether those who are wise and open-minded allow themselves to be seduced by the words of false disciples, who are the true enemies of the Innocent, of our Jesus, Whom you do not deserve to have as a son of our town! Consider whether Johanna of Chuza, I mean the wife of Herod’s superintendent, Johanna, the princess, leaves Mary!

562.2

Consider whether… Am I doing the right thing in telling you? Of course! I am doing the right thing because I am not speaking just for the sake of speaking, but to convince you all. Last month, did you see that beautiful wagon that came to our village and stopped outside Mary’s house? Do you remember? The one whose tilt was as beautiful as a house? Well, do you know who was in it and who came out of it to prostrate himself at Mary’s feet? Lazarus of Theophilus, Lazarus of Bethany, do you understand that? The son of the chief magistrate of Syria, of the noble Theophilus, the husband of Eucheria of the tribe of Judah and of the family of David! Jesus’ great friend. The richest and most learned man in Israel, both with regards to our history and to that of the whole world. The friend of the Romans. The benefactor of the poor. And above all the man who was raised from the dead after being in his sepulchre for four days. Did he leave Jesus to believe the Sanhedrin? You say that he did so because Jesus raised him from the dead? No. No, because he knows who is the Christ, Who is Jesus. And do you know what he came to tell Mary? To tell Her to be ready because he will take Her back to Judaea. See? As if he, Lazarus, were Mary’s servant! I know because I was there when he came in and greeted Her prostrating himself on the floor, on the poor bricks in the little room, dressed as he was like Solomon, a man accustomed to carpets, he was there, on the floor, kissing the hem of Our Lady’s dress saying: “Hail, Mary, Mother of my Lord. I, Your servant, the last of Your servants, have come to speak to You of Him and to place myself at Your disposal”. See? I was so moved… that when he greeted me as well calling me: “brother in the Lord”, I was not able to speak one word. But Lazarus understood, because he is intelligent. And he slept in Joseph’s bed and sent his servants ahead to Sephoris to wait for him. Because he was going to his estates at Antioch. And he told the women to be ready, because at the end of this month he will come and pick them up to spare them the fatigue of the journey. And Johanna will join the caravan with her wagon to take the women disciples of Capernaum and Bethsaida. And does all that mean nothing to you?»

562.3

At last good Alphaeus of Sarah can take breath amid the group standing in the middle of the square. And Aser and Ishmael and also Jesus’ two cousins, Simon and Joseph – Simon more openly, Joseph more reticently – help him by approving what he said.

Joseph says: «Jesus is not an illegitimate son. If He needs to notify anything, He has relatives here who are willing to become His ambassadors. And He has faithful and powerful disciples, like Lazarus. Lazarus has not mentioned what the others say.»

«And we are His disciples as well. Before we were ass-drivers and as stupid as our asses. But now we are His disciples and we also are capable of saying: “Do this or do that”» says Ishmael.

«But the sentence hanging at the door of the synagogue was brought by a messenger of the Sanhedrin and it bears the stamp of the Temple» some say objecting.

«That is true. So? Since all over Israel we have the reputation of being able to judge the Sanhedrin for what it really is, and we are consequently despised as rogues, are we going to believe that the Temple is wise only with regards to this? So do we no longer know what scribes, Pharisees and chiefs of Priests are?» replies Alphaeus.

«That is true. Aphaeus is right.

562.4

I have decided to go down to Jerusalem and hear from true friends what is the situation. And I am going tomorrow» says Joseph of Alphaeus.

«And will you stay there?»

«No, I will come back. And I will go back again for Passover. I cannot be away from home for a long time. It is a difficult task I am undertaking, but it is my duty to do so. I am the head of the family and I am responsible for Jesus being in Judaea. I insisted[1] that He should go there… Man errs in judging. I thought that it was a good thing for Him. Instead… May God forgive me! But I must at least follow the consequences of my advice at close quarters, in order to comfort my Brother» says Joseph of Alphaeus in his slow haughty way of speaking.

«That is not what you used to say. But you have been allured as well by the friendship of the mighty ones. Your eyes are clouded by vanity» says a Nazarene.

«The friendship of mighty people does not allure me, Eliakim. But my Brother’s behaviour convinces me. If I made a mistake and I now mend my ways, I prove to be a just man. Because to err is human, but to be stubborn is beastly.»

562.5

«And do you think that Lazarus will really come? Oh! we want to see him! A man that comes back from death, what is he like? He must be dazed, somehow… frightened. What does he say of his stay among the dead?» many ask Alphaeus of Sarah.

«He is just like you and me. Cheerful, lively, tranquil. He does not speak of the other world, as if he did not remember. But he remembers his agony.»

«Why did you not tell us that he was here?»

«Of course! To let you invade the house! I withdrew myself. Some delicacy is necessary, isn’t it?»

«But when he comes back will it not be possible for us to see him? Let us know. You will certainly be the caretaker of Mary’s house, as usual.»

«Certainly! It’s a grace to be near Her. But I will not inform anybody. You will have to do it yourselves. A wagon is easily seen, and Nazareth is not Antioch or Jerusalem so that such a large wagon may pass by unnoticed. Mount guard… and help yourselves. But that is something vain.

562.6

Ensure at least that His town may not have the reputation of being foolish by believing the words of our Jesus’ enemies. Don’t believe them! Don’t believe those who say that He is Satan or those who provoke you to rise in His name. You would repent one day. Then if the rest of Galilee fall into the trap and believe what is not true, so much the worse for them. Goodbye. I am going because it is getting dark…» And he goes away happily, having defended Jesus.

The others remain to discuss. But although they are divided into two fields and the more numerous is unfortunately the one of those who swallow everything, the proposal of Jesus’ few friends prevails in the end, and they decide not to become excited and accept false charges or invitations to rise until the other towns in Galilee do so, as «at present they are more cunning than Nazareth and laugh in the false ambassadors’ faces» says Aser, the disciple.


Notes

  1. j’ai insisté, en 478.5/11.

Notes

  1. I insisted, in 478.5/11.