610.1
Dire ce que j’éprouve est inutile. Je ferais uniquement un exposé de ma propre douleur, ce qui serait sans valeur par rapport à la souffrance que je vois. Je l’écris donc sans commentaires sur mes propres réactions.
610.1
Dire ce que j’éprouve est inutile. Je ferais uniquement un exposé de ma propre douleur, ce qui serait sans valeur par rapport à la souffrance que je vois. Je l’écris donc sans commentaires sur mes propres réactions.
610.2
J’assiste à la sépulture de Notre-Seigneur.
Le petit cortège, après avoir descendu le Calvaire jusqu’en bas, trouve, creusé dans le calcaire de la colline, le tombeau de Joseph d’Arimathie. Les porteurs y pénètrent avec le corps de Jésus.
Voici son aspect : c’est une pièce creusée dans la pierre au fond d’un jardin tout fleuri. Cela ressemble à une grotte, mais on se rend compte qu’elle est évidée de main d’homme. Il y a la chambre sépulcrale proprement dite, avec ses loculi (ils sont faits d’une manière différente de ceux des catacombes). Pour en donner une idée, ce sont des sortes de cavités rondes qui s’enfoncent dans la pierre comme les trous d’une ruche. Pour le moment, ils sont tous vides. On voit l’œil vide de chaque loculus comme une tache noire sur la grisaille de la pierre. Puis, précédant cette chambre sépulcrale, il y a une sorte d’antichambre. En son milieu, une table de pierre pour l’onction. C’est sur elle que l’on dépose le corps de Jésus enveloppé dans son linceul.
Jean et Marie entrent à leur tour, mais eux seuls, car cette chambre préparatoire est petite et s’il y avait des personnes supplémentaires, ils ne pourraient plus bouger. Les autres femmes se tiennent près de la porte, ou plutôt près de l’ouverture, car il n’y a pas de porte proprement dite.
610.3
Les deux porteurs découvrent Jésus.
Pendant que, dans un coin, ils préparent les bandes et les aromates sur une espèce de console à la lumière de deux torches, Marie se penche sur son Fils en pleurant, et de nouveau elle l’essuie avec le voile qui entoure encore les reins de Jésus. C’est l’unique toilette que reçoit le corps de Jésus, celle des larmes maternelles, et si elles sont copieuses et abondantes, elles ne servent pourtant qu’à enlever superficiellement et partiellement la poussière, la sueur et le sang de ce corps torturé.
Marie ne se lasse pas de caresser ces membres glacés. Avec une délicatesse encore plus grande que si elle touchait celles d’un nouveau-né, elle prend les pauvres mains déchirées, les serre dans les siennes, en baise les doigts, les allonge, cherche à réunir les lèvres des blessures comme pour les soigner ou du moins les rendre moins douloureuses, elle applique sur ses propres joues ces mains qui ne peuvent plus caresser et elle gémit, elle gémit dans son atroce douleur. Elle redresse et joint les pauvres pieds qui s’abandonnent, comme s’ils étaient mortellement épuisés de tant de chemin parcouru pour nous. Mais ils ont été trop déplacés sur la croix, surtout celui de gauche qui reste pour ainsi dire à plat, comme s’il n’avait plus de cheville.
Puis elle revient au corps et le caresse, si froid et déjà rigide. Elle voit une nouvelle fois la déchirure de la lance. Maintenant que le Sauveur est couché sur le dos sur la table de pierre, elle est ouverte et béante comme une bouche, permettant de mieux voir la cavité thoracique (la pointe du cœur se voit distinctement entre le sternum et l’arc costal gauche ; deux centimètres environ au-dessus se trouve l’incision faite par la pointe de la lance dans le péricarde et le carde, longue d’un bon centimètre et demi alors que l’ouverture externe du côté droit est d’au moins sept centimètres). De nouveau, Marie crie comme sur le Calvaire. Il semble que la lance la transperce, tant elle se tord de douleur en portant les mains à son cœur, transpercé comme celui de Jésus. Que de baisers sur cette blessure, pauvre Mère !
Puis elle revient à la tête renversée et la redresse, car elle est restée légèrement inclinée en arrière et fortement à droite. Elle cherche à fermer les paupières qui s’obstinent à rester entrouvertes, et la bouche toujours ouverte, contractée, un peu tordue à droite. Elle peigne les cheveux, qui hier seulement étaient beaux et qui sont devenus un enchevêtrement alourdi par le sang. Elle démêle les mèches les plus longues, les lisse sur ses doigts, les enroule pour leur rendre la forme des doux cheveux de son Jésus, si soyeux et si bouclés. Et elle ne cesse de gémir car elle se souvient de l’époque de son enfance… C’est la raison fondamentale de sa douleur : le souvenir de l’enfance de Jésus, de son amour pour lui, de ses soins qui redoutaient même l’air vif pour la petite créature divine, et la comparaison avec ce que les hommes ont fait de lui.
610.4
Sa lamentation me fait souffrir, tout comme son geste quand elle gémit :
« Que t’ont-ils fait, que t’ont-ils fait, mon Fils ? »
Ne pouvant le voir ainsi nu, raide, sur une pierre, elle le prend dans ses bras en lui passant le bras sous les épaules, en le serrant de l’autre main sur sa poitrine et elle le berce, avec le même mouvement qu’à la grotte de la Nativité. Tout cela me fait pleurer et souffrir comme si une main me fouillait le cœur.
Le 4 octobre 1944
610.5
La terrible angoisse spirituelle de Marie.
Marie se tient près de la pierre de l’onction et caresse, contemple, gémit et pleure. La lumière tremblante des torches éclaire par instants son visage et je vois de grosses larmes rouler sur les joues très pâles d’un visage ravagé. Et j’entends toutes les paroles, très distinctement bien que murmurées entre les lèvres, d’un vrai colloque de son âme avec l’âme de son Fils. Je reçois l’ordre de les écrire.
610.6
« Mon pauvre Fils ! Que de blessures !… Comme tu as souffert ! Vois ce qu’ils t’ont fait !… Comme tu es froid, mon Fils ! Tes doigts sont glacés, et comme ils sont inertes ! Ils paraissent brisés. Jamais, pas même dans le sommeil le plus abandonné de l’enfance, ni dans la lourdeur de ta fatigue d’artisan, ils n’étaient ainsi… Et comme elles sont glacées ! Pauvres mains ! Donne-les à ta Maman, mon trésor, mon amour saint, mon amour ! Regarde comme elles sont transpercées ! Mais regarde, Jean, cette déchirure ! Oh ! les cruels ! Donne à ta Maman cette main blessée. Que je te la soigne. Oh ! je ne te ferai aucun mal… J’emploierai baisers et larmes, et je te les réchaufferai de mon souffle et de mon amour. Fais-moi une caresse, mon Fils ! Tu es de glace, moi je brûle de fièvre. Ma fièvre sera soulagée par ta glace et ta glace s’adoucira au contact de ma fièvre. Une caresse, mon Fils ! La dernière remonte à peu de temps, mais j’ai l’impression que cela fait des siècles… Des mois entiers se sont passés sans caresses de ta part, mais ils me semblaient être des heures, parce que j’attendais toujours ton arrivée, et de chaque jour je faisais une heure, de chaque heure une minute, pour me dire que tu n’étais pas éloigné de une ou plusieurs lunes, mais seulement de quelques jours, mais seulement de quelques heures. Pourquoi le temps est-il devenu si long ? Quel tourment inhumain ! Parce que tu es mort. Ils t’ont tué ! Tu n’es plus sur la terre ! Non ! En quelque endroit que j’envoie mon âme chercher la tienne et l’embrasser — puisque te trouver, te posséder, te sentir, était la vie de ma chair et de mon esprit —, en quelque endroit que je te cherche avec le flot de mon amour, je ne te trouve plus, je ne te trouve plus ! Il ne me reste de toi que cette dépouille froide, cette dépouille sans âme ! O âme de mon Jésus, ô âme de mon Christ, ô âme de mon Seigneur, où es-tu ? Pourquoi avez-vous enlevé son âme à mon Fils, hyènes cruelles unies à Satan ? Et pourquoi ne m’avez-vous pas crucifiée avec lui ? Avez-vous eu peur d’un second crime ? (Sa voix devient de plus en plus forte et déchirante.) Et qu’était-ce de tuer une pauvre femme, pour vous qui n’avez pas hésité à tuer Dieu fait chair ? N’avez-vous pas commis un second crime ? Et n’est-il pas le plus infâme de laisser une mère survivre à son Fils mis à mort ? »
610.7
Marie, qui en haussant la voix avait également levé la tête, revient se pencher sur le visage éteint de Jésus et parle à lui seul :
« Ici, dans ce tombeau, nous aurions au moins été ensemble, comme nous l’avons été pendant l’agonie sur le bois, et nous aurions fait ensemble le voyage au-delà de la vie et à la rencontre de la Vie. Mais si je ne puis te suivre dans ce voyage, je peux rester ici à t’attendre. »
Elle se redresse et dit à haute voix à ceux qui sont présents :
« Eloignez-vous tous. Moi, je reste. Enfermez-moi ici avec lui. Je l’attends. Qu’est-ce que vous dites ? Que ce n’est pas possible ? Pourquoi n’est-ce pas possible ? Si j’étais morte, ne serais-je pas ici, couchée à son côté, en attendant d’être décomposée ? Je resterai à côté de lui, mais à genoux. J’étais là à son premier vagissement, une nuit de décembre. Je le serai maintenant dans cette nuit du monde privé du Christ. Ah ! c’est une vraie nuit ! La Lumière n’est plus ! Nuit glaciale ! L’Amour est mort ! Que dis-tu, Nicodème ? Je me contamine ? Son sang n’est pas contamination. Je ne me suis pas contaminée en l’engendrant. Ah ! comme tu es sorti, toi, Fleur de mon sein, sans déchirer des fibres, mais vraiment comme la fleur du narcisse parfumé qui éclot de l’âme du bulbe matrice et donne une fleur même si l’étreinte de la terre n’a pas été sur la matrice. Floraison virginale qui se réalise en toi, ô mon Fils venu de l’étreinte céleste et né dans l’éclat des splendeurs célestes. »
610.8
Déchirée, la Mère se penche de nouveau sur son Fils, étrangère à tout ce qui n’est pas lui, et elle murmure doucement :
« Mais toi, mon Fils, te souviens-tu de cet éclat de splendeurs qui revêtait toutes choses tandis que ton sourire s’ouvrait au monde ? Te souviens-tu de la lumière béatifique que le Père envoya des Cieux pour envelopper le mystère de ta floraison et te faire trouver moins repoussant ce monde obscur, pour toi qui étais Lumière et venais de la Lumière du Père et de l’Esprit Paraclet ? Et maintenant ? Tout est nuit et froid… Quel froid ! Quel froid ! J’en frissonne. Il fait plus froid qu’en cette nuit de décembre. J’éprouvais alors la joie de t’avoir auprès de moi pour me réchauffer le cœur. Et nous étions deux à t’aimer… Maintenant… Maintenant, je suis seule et mourante moi aussi. Mais je t’aimerai pour deux : pour ceux qui t’ont si peu aimé qu’ils t’ont abandonné au moment de ta souffrance ; je t’aimerai pour ceux qui t’ont haï ; je t’aimerai pour le monde entier. Tu ne sentiras pas le froid du monde. Tu ne m’as pas ouvert les entrailles pour naître, mais pour que tu ne sentes pas le froid, je suis prête à me les ouvrir et à t’enfermer dans mon sein. Te souviens-tu comme il t’a aimé, ce sein, ce petit germe palpitant ?… Il est toujours le même. Oui, c’est mon droit et mon devoir de Mère. C’est mon désir. Il n’y a que ta Mère qui puisse l’avoir, et qui puisse éprouver pour son Fils un amour aussi grand que l’univers. »
610.9
Elle a peu à peu haussé la voix, et c’est maintenant avec force qu’elle déclare :
« Partez. Moi, je reste. Vous reviendrez dans trois jours et nous sortirons ensemble. Ah ! Revoir le monde appuyée à ton bras, mon Fils ! Comme il sera beau à la lumière de ton sourire ressuscité ! Le monde frémissant au pas de son Seigneur ! La terre a tremblé quand la mort t’a arraché l’âme et que de ton cœur est sorti ton esprit. Cette fois, elle va trembler, non plus d’horreur et de douleur, mais d’un suave frémissement que je ne connais pas, mais dont ma féminité a l’intuition, qui émeut une vierge quand, après une absence, elle entend le pas de son époux arrivant pour les noces. Mieux encore : la terre frémira d’un saint tressaillement, pareil à celui qui m’a bouleversée au plus profond de mon être quand le Seigneur un et trine vint sur moi, et quand la volonté du Père unie au feu de l’Amour créa la semence dont tu es venu, ô mon saint Petit, mon Enfant, tout à moi ! Oui, tu tiens tout de moi ! Chaque enfant a un père et une mère, même les bâtards. Mais toi, c’est ta Maman seule qui a formé ta chair de rose et de lys, ainsi que ces broderies de veines bleues comme nos rivières de Galilée, et ces lèvres de grenade, ces cheveux plus gracieux que la toison blonde des chèvres de nos collines, ou encore ces yeux qui ressemblent à deux petits lacs de Paradis. Non, ils sont plutôt de l’eau d’où coule l’unique et quadruple fleuve du lieu de délices[1], et qui emporte dans ses quatre branches l’or, l’onyx, le béryl et l’ivoire, les diamants, les palmes, le miel, les roses et les richesses infinies : ô Phison, ô Gehon, ô Tigre, ô Euphrate, vous êtes un chemin pour les anges qui se réjouissent en Dieu, un chemin pour les rois qui t’adorent, Essence connue ou inconnue, mais vivante, et présente même dans le cœur le plus obscur ! C’est ta Maman seule qui t’a fait cela grâce à son “ oui ”… De musique et d’amour je t’ai formé, de pureté et d’obéissance je t’ai composé, ô ma joie !
610.10
Qu’est-ce que ton cœur, sinon la flamme du mien qui s’est partagée pour se condenser en une couronne autour du baiser de Dieu à sa Vierge. Voilà ce qu’est ton cœur. Ah ! »
(Le cri est déchirant au point que Marie-Madeleine et Jean accourent pour la secourir. Les autres n’osent pas mais, en pleurs et voilées, elles jettent un coup d’œil par l’ouverture.)
« Ah ! ils te l’ont brisé ! Voilà pourquoi tu es si froid et moi aussi ! Tu n’as plus en toi la flamme de mon cœur et moi je ne puis plus continuer à vivre du reflet de cette flamme, qui était mienne et que je t’ai donnée pour te faire un cœur. Viens ici, sur ma poitrine ! Avant que la mort me tue, je veux te réchauffer, je veux te bercer. Je te chantais : “ Il n’y a pas de maison, il n’y a pas de nourriture, il n’y a que la douleur. ” Quelles paroles prophétiques ! Douleur, douleur, douleur pour toi comme pour moi ! Je te chantais : “ Dors, dors sur mon cœur. ” Il en est de même maintenant : dors ici, ici, ici… »
Déchirée et déchirante, elle s’assied sur le bord de la pierre, prend Jésus sur ses genoux, passe un de ses bras derrière elle, pose la tête de son Fils sur son épaule et y appuie la sienne, et, en le tenant serré contre sa poitrine, elle le berce et le couvre de baisers.
610.11
Nicodème et Joseph s’approchent et placent sur une sorte de siège, de l’autre côté de la pierre, des vases, des bandes, un linceul propre et un bassin rempli d’eau, me semble-t-il, ainsi que des tampons de charpie.
A cette vue, Marie demande à haute voix :
« Que faites-vous là ? Que voulez-vous ? Le préparer ? Pourquoi ? Laissez-le sur les genoux de sa maman. Si j’arrive à le réchauffer, il ressuscitera plus tôt. Si j’arrive à consoler le Père et à le consoler lui de la haine déicide, le Père pardonnera plus tôt, et lui reviendra plus tôt. »
La Douloureuse délire presque.
« Non, je ne vous le donnerai pas ! Je l’ai donné une fois, une fois je l’ai donné au monde et le monde n’en a pas voulu. Il l’a tué parce qu’il ne voulait pas de lui. Maintenant, je ne le donne plus ! Que dites-vous ? Que vous l’aimez ? Bon ! Mais pourquoi ne l’avez-vous pas défendu ? Vous avez attendu, pour lui dire que vous l’aimiez, qu’il ne puisse plus vous entendre. Quel pauvre amour que le vôtre ! Mais si vous craigniez le monde au point de ne pas oser défendre un innocent, vous deviez au moins me le rendre, à moi, sa Mère, pour lui permettre de défendre son Enfant. Elle savait qui il était et ce qu’il méritait. Quant à vous… vous l’avez eu pour Maître, mais vous n’avez rien appris. N’est-ce pas vrai ? Est-ce que je mens ? Mais vous ne voyez pas que vous ne croyez pas à sa Résurrection ? Vous y croyez ? Non. Pourquoi êtes vous là, en train de préparer bandes et aromates ? Parce que vous estimez que c’est un pauvre mort, aujourd’hui glacé, demain décomposé, et c’est pour cela que vous voulez l’embaumer. Laissez là vos pommades. Venez adorer le Sauveur avec le cœur pur des bergers de Bethléem. Regardez : dans son sommeil, c’est seulement un homme fatigué qui se repose. Comme il s’est fatigué de son vivant ! Il s’est exténué jusque dans ces dernières heures !… Maintenant, il repose. Pour moi, pour sa Maman, ce n’est qu’un grand Enfant épuisé qui dort. Son lit et sa chambre sont bien misérables, mais son premier berceau n’était pas plus beau, ni plus plaisante sa première demeure. Les bergers adorèrent le Sauveur pendant son sommeil d’enfant. Vous adorez le Sauveur pendant son sommeil de triomphateur de Satan. Alors, comme les bergers, allez annoncer au monde : “ Gloire à Dieu ! Le Péché est mort ! Satan est vaincu ! Paix sur la terre et dans les Cieux entre Dieu et l’homme ! ” Préparez les chemins pour son retour. Je vous envoie, moi que la maternité rend prêtresse rituelle. Allez. J’ai dit que je refuse. Je l’ai lavé de mes larmes, et cela suffit. Le reste est inutile, et ne vous imaginez pas le mettre sur lui. Il sera plus facile pour lui de se relever s’il est dégagé de ces bandes funèbres et inutiles. Pourquoi me regardes-tu ainsi, Joseph ? Et toi, Nicodème ? L’horreur de cette journée vous a-t-elle rendus hébétés ? Avez-vous perdu la mémoire ? Ne vous le rappelez-vous pas ? “ A cette génération mauvaise et adultère qui cherche un signe, il ne sera donné que le signe de Jonas… De même, le Fils de l’homme restera trois jours et trois nuits dans le cœur de la terre. ” Ne vous en souvenez-vous pas ? “ Le Fils de l’homme va être livré aux mains des hommes qui le tueront, mais le troisième jour il ressuscitera. ” Ne vous le rappelez-vous pas ? “ Détruisez ce Temple du vrai Dieu et en trois jours je le ressusciterai. ” Ce Temple, c’était son corps. Tu hoches la tête ? Tu me plains ? Tu me crois folle ? Mais comment ? Il a ressuscité des morts, et il ne pourrait pas se ressusciter lui-même ?
610.12
Jean ?
– Mère !
– Oui, appelle-moi “ mère ”. Je ne peux vivre à l’idée que personne ne m’appellera plus ainsi ! Jean, tu étais présent quand il a ressuscité la fille de Jaïre et le jeune homme de Naïm. Ils étaient bien morts eux, n’est-ce pas ? Ce n’était pas seulement un lourd sommeil ? Réponds.
– Ils étaient morts. La fillette depuis deux heures, le jeune homme depuis un jour et demi.
– Et ils se sont levés à son commandement ?
– Ils se sont levés à son commandement.
– Vous avez entendu ? Vous deux, vous avez entendu ? Mais pourquoi hochez-vous la tête ? Peut-être voulez-vous dire que la vie revient plus vite chez un homme jeune et innocent. Mais mon Enfant est l’Innocent ! Il est l’éternellement jeune. Il est Dieu, mon Fils !… »
Marie jette un regard déchirant et fiévreux sur les deux hommes qui, accablés mais inexorables, disposent les rouleaux des bandes désormais trempées dans les aromates. Elle a étendu son Fils sur la pierre avec la délicatesse d’une mère qui dépose son nouveau-né dans son berceau. Elle fait deux pas, se penche au pied du lit funèbre, où Marie-Madeleine pleure à genoux. Elle la saisit par l’épaule, la secoue, l’appelle :
« Marie, réponds-moi. Eux pensent que Jésus ne peut pas ressusciter parce qu’il est un homme et qu’il est mort de blessures, mais ton frère n’était-il pas plus âgé que lui ?
– Si.
– N’était-il pas devenu tout entier une plaie ?
– Si.
– N’était-il pas décomposé avant même de descendre au tombeau ?
– Si.
– Et n’est-il pas ressuscité au bout de quatre jours d’asphyxie et de putréfaction ?
– Si.
– Et alors ?
610.13
Un silence grave et prolongé lui répond. Puis avec un cri inhumain, Marie vacille en portant une main à son cœur. Ils la soutiennent, mais elle les repousse. Du moins, elle paraît les repousser, car en réalité elle rejette ce qu’elle est seule à voir. Et elle crie :
« Arrière ! Arrière, cruel ! Pas cette vengeance-là ! Tais-toi ! Je ne veux pas t’entendre ! Tais-toi ! Ah ! il me mord le cœur !
– Qui, Mère ?
– Oh, Jean, c’est Satan ! Satan qui dit : “ Il ne ressuscitera pas. Aucun prophète ne l’a annoncé. ” Dieu très-haut ! Aidez-moi tous, vous qui êtes des esprits bons et des personnes pieuses ! Ma raison vacille ! Je ne me rappelle plus rien. Que disent les prophètes ? Que dit le psaume ? Ah ! qui va me répéter les passages qui parlent de mon Jésus ? »
C’est Marie-Madeleine qui, de sa voix d’orgue, récite le psaume de David sur la Passion du Messie.
Marie, soutenue par Jean, redouble de larmes, qui tombent sur son Fils mort. Celui-ci en est inondé. La Mère s’en aperçoit, elle l’essuie et dit à voix basse :
« Tant de larmes… alors que, lorsque tu avais si soif je n’ai pas pu t’en donner une seule goutte. Et maintenant… je t’inonde ! Tu ressembles à un arbuste sous une épaisse rosée. Viens ici, que la Maman t’essuie, mon Fils! Tu as goûté à tant d’amertume ! Que sur tes lèvres blessées ne tombe pas aussi l’amertume et le sel des larmes maternelles!… ”
Puis elle appelle à haute voix :
« Marie ! David ne dit pas… Connais-tu Isaïe ? Dis-moi ses paroles… »
Marie-Madeleine récite le passage sur la Passion et finit dans un sanglot :
« …il a livré sa vie à la mort et fut compté parmi les malfaiteurs, lui qui a enlevé les péchés du monde et a prié pour les pécheurs.
– Ah ! Tais-toi ! Pas la mort ! Pas livré à la mort ! Non, non ! Ah ! que votre manque de foi, allié à la tentation de Satan, me met le doute au cœur ! Devrais-je ne pas te croire, mon Fils, ne pas croire à ta sainte parole ? Parle à mon âme ! Des rives lointaines où tu es allé délivrer ceux qui attendaient ta venue, que ton âme s’adresse à mon âme qui l’attend, à mon âme qui est ici, toute prête à l’écouter. Dis à ta Mère que tu reviens. Dis : “ Le troisième jour, je ressusciterai. ” Je t’en supplie, mon Fils et Dieu ! Aide-moi à protéger ma foi. Satan enroule ses anneaux autour d’elle pour l’étrangler. Il a détourné sa tête de serpent de la chair de l’homme, car tu lui as arraché cette proie, mais maintenant il a enfoncé ses crocs venimeux dans la chair de mon cœur et il en paralyse les battements, la force et la chaleur. Mon Dieu ! Ne permets pas que je me méfie ! Ne laisse pas le doute me glacer ! Ne donne pas à Satan la liberté de m’amener au désespoir ! Mon Fils ! Mets ta main sur mon cœur. Elle chassera Satan. Pose-la sur ma tête. Elle y ramènera la lumière. Sanctifie mes lèvres par une caresse, pour qu’elles aient la force de dire : “ Je crois ” même contre tout un monde qui ne croit pas. Ah ! quelle douleur c’est de ne pas croire ! Père ! Il faut beaucoup pardonner à ceux qui ne croient pas. Car, quand on ne croit plus… quand on ne croit plus… toute horreur devient facile. Je peux te l’affirmer… moi qui éprouve cette torture. Père, pitié des sans-foi ! Donne-leur, Père saint, donne-leur, au nom de cette Hostie consumée et de moi, hostie qui se consume encore, donne ta foi aux sans-foi ! »
610.14
Un long silence s’intalle.
Nicodème et Joseph font un signe à Jean et à Marie-Madeleine.
« Viens, Mère.»
C’est Marie-Madeleine qui parle pour chercher à éloigner Marie de son Fils et à séparer les doigts de Jésus entrelacés dans ceux de Marie qui les couvre de baisers en pleurant.
Marie, solennelle, se redresse. Elle étend une dernière fois les pauvres doigts exsangues, pose la main inerte de Jésus le long de son corps. Puis elle baisse les bras vers la terre et, bien droite, la tête légèrement renversée, elle prie et offre. On n’entend pas un mot. Mais par toute son attitude, on comprend qu’elle prie. C’est vraiment la Prêtresse à l’autel, la Prêtresse au moment de l’offertoire. “ Offerimus[2] praeclarae majestati tuae de tuis donis, ac datis, hostiam puram, hostiam sanctam, hostiam immaculatam… ”.
Puis elle se tourne :
« Faites-le donc. Mais il ressuscitera. C’est inutilement que vous vous défiez de ma raison et que vous êtes aveugles à la vérité qu’il vous a révélée. C’est inutilement que Satan cherche à attaquer ma foi. Pour racheter le monde, il manque aussi la torture que Satan vaincu fait endurer à mon cœur. Je la subis et l’offre pour ceux qui viendront. Adieu, mon Fils ! Adieu, mon enfant ! Adieu, mon petit ! Adieu… Adieu… Saint… Bon… Très aimé et aimable… Beauté… Joie… Source de salut… Adieu… Sur tes yeux… sur tes lèvres… sur tes cheveux d’or… sur tes membres glacés… sur ton cœur transpercé… oh ! sur ton cœur transpercé… mes baisers… mes baisers… mes baisers… Adieu… Adieu !… Seigneur ! Pitié pour moi ! »
[Le 19 février 1944]
610.15
Une fois la préparation des bandes achevée, Nicodème et Joseph s’approchent de la table et dénudent Jésus même de son voile. Ils passent une éponge, me semble-t-il, ou un morceau de lin sur ses membres — qui dégouttent de partout pour les préparer très sommairement.
Puis ils enduisent d’onguents le corps tout entier. Ils l’ensevelissent vraiment sous une couche de pommade. Auparavant, ils l’ont soulevé pour nettoyer aussi la table de pierre sur laquelle ils étendent le linceul, dont plus de la moitié pend à la tête du lit. Ils posent Jésus sur le ventre, et enduisent tout le dos, les cuisses, les jambes, toute la partie postérieure. Ceci fait, ils le retournent délicatement, en veillant à laisser intacte la couche de pommade, puis ils font aussi l’onction de la partie antérieure, d’abord le tronc, ensuite les membres. D’abord les pieds, et en dernier lieu les mains qu’ils joignent sur le bas ventre.
La mixture des aromates doit être collante comme de la glu, car je vois que les mains de Jésus restent en place alors qu’auparavant elles glissaient toujours à cause de leur poids de membres morts. Les pieds, eux, gardent leur position : l’un plus droit, l’autre plus allongé.
Ils terminent par la tête. Après l’avoir enduite avec soin, de manière à ce que les traits disparaissent sous la couche d’onguents, ils lient le menton avec une bande pour maintenir la bouche fermée.
Marie gémit plus fort.
Puis ils soulèvent le côté du linceul qui pend et le replient sur Jésus, qui disparaît sous la grosse toile. Ce n’est plus qu’une forme couverte par une toile.
Après avoir vérifié que tout est comme il faut, Joseph pose encore sur le visage un suaire de lin et d’autres linges, qui ressemblent à de courtes et larges bandes rectangulaires, qui passent de droite à gauche au-dessus du corps, et maintiennent en place le linceul, bien adhérent au Corps. Ce n’est pas le bandage que l’on voit sur les momies, ni même à la résurrection de Lazare. C’est un embryon de bandage.
Jésus désormais est effacé. Même sa forme disparaît sous les linges. Cela ressemble à un long paquet de toile, plus étroit aux extrémités et plus large au milieu, appuyé sur la pierre grise.
Marie redouble de larmes.
[Le 4 octobre 1944]
610.16
Jésus dit :
« La torture de Marie a continué par des assauts périodiques jusqu’à l’aube du dimanche. J’ai eu, dans la Passion, une seule tentation. Mais ma Mère, la Femme, a expié pour la femme, coupable de tout mal, de très nombreuses fois. Et Satan s’est acharné sur la Victorieuse avec une férocité décuplée.
Marie l’avait vaincu. Elle a connu la plus atroce tentation. Tentation contre sa chair de Mère. Tentation contre son cœur de Mère. Tentation contre son âme de Mère. Le monde s’imagine que la Rédemption s’est achevée avec mon dernier soupir. Non. Ma Mère l’a accomplie, en y ajoutant sa triple torture pour racheter la triple concupiscence, en luttant pendant trois jours contre Satan qui voulait l’amener à nier ma Parole et à ne pas croire en ma Résurrection. Marie fut la seule qui continua à croire. Si elle est grande et bienheureuse, c’est aussi en raison de cette foi.
Tu as aussi connu cela, ce tourment qui fait écho à mes angoisses de Gethsémani. Le monde ne comprendra pas cette page. Mais “ ceux qui sont dans le monde sans être du monde ” la comprendront et leur amour pour ma douloureuse Mère en sera renforcé. C’est pour cela que je te l’ai donnée.
Va en paix avec notre bénédiction. »
610.1
It is useless to say what I feel. It would only be a description of my suffering, and therefore with no value as compared with the suffering that I see. So I will describe it, without any comment on myself.
610.2
I am present at Our Lord’s burial.
The little procession, after descending Calvary, at the foot of it finds the sepulchre of Joseph of Arimathea, hewn out of the limestone of the mountain. The compassionate disciples enter it with Jesus’ Body.
I see the sepulchre made as follows. It is a room dug in the stone, at the end of a vegetable garden all in blossom. It looks like a grotto, but it is evident that it has been dug by man. There is the burial room proper with its loculi (they are different from those of the catacombs). These are like round cavities, that penetrate into the stone, like the cells of a beehive, to give an idea. At present they are all empty. The empty opening of each loculus looks like a black spot on the grey stone. Before this room there is a kind of anteroom, in the middle of which there is a slab of stone for anointing. Jesus is placed on it, wrapped in His sheet.
Also John and Mary go in. But nobody else, because the preparatory room is small, and if more people were in it, they would not be able to move. The other women are near the door, that is near the opening, because there is not a proper door.
610.3
The two bearers uncover Jesus.
While they prepare the bandages and spices on a sort of shelf in a corner, in the light of two torches, Mary bends over Her Son weeping. Once again She wipes Him with Her veil, which is still round Jesus’ loins. It is the only washing that Jesus’ Body has, this one with His Mother’s tears, and if they are copious and abundant, they serve to remove the dust, sweat and blood of that tortured Body only superficially and partly.
Mary never tires of caressing those frozen limbs. With even greater delicacy than if She were touching those of a new-born baby, She takes the poor tortured hands, She clasps them in Her own, She kisses the fingers and stretches them, She tries to connect the gaping wounds, as if She wished to doctor them, so that they may not ache so much and She presses those hands, which can no longer caress, against Her cheeks, and moans and moans in Her dreadful grief. She straightens and joins the poor feet, which are so limp, as if they were deadly tired of walking so far on our behalf. But they have been displaced too much on the cross, and the left one in particular is almost flat, as if it had no ankle.
She then reverts to the body and caresses it, so cold and already stiff, and when once again She sees the gash of the lance, which is now wide open like a mouth, as Jesus is lying on His back on the stone slab, and so the cavity of the thorax can be seen more clearly — the point of the heart can be seen distinctly between the breastbone and the left costal arch, and about two centimetres above it there is the cut made by the point of the lance in the pericardium and in the heart, a cut about a good centimetre and a half long, whereas the external one on the right side is at least seven centimetres long — Mary utters a cry again as on Calvary. A lance seems to be piercing Her, so much She writhes in Her pain, pressing Her hands on Her heart, pierced like Jesus’. How many kisses on that wound, poor Mother!
She then attends to Jesus’ head again and straightens it, because it is lightly bent back and much to the right. She tries to close His eyelids, which persist in remaining half-open, and His mouth, which has remained open, contracted and a little twisted to the right. She tidies His hair, which only yesterday was beautiful and tidy, and now has become a tangle heavy with blood. She disentangles the longer locks, She smooths them on Her fingers and curls them to give them back the form of the lovely hair of Her Jesus, so soft and curly. And She moans and moans, because She remembers when He was a little boy… It is the fundamental reason for Her grief: the recollection of Jesus’ childhood, of Her love for Him, of Her carefulness, which was afraid also of the most crisp air for He little divine Child, and the comparison with what men have now done to Him.
610.4
Her lamentation makes me suffer. She says moaning: «What have they done to You, Son?», unable to put up with seeing Him thus, naked, rigid, on a stone, She takes Him in Her arms, passing Her arm under His shoulders and pressing Him to Her heart with the other hand and lulling Him, moving exactly as in the grotto of the Nativity. Her gesture makes me weep and suffer, as if a hand rummaged in my heart.
4th October 1944.
610.5
The terrible spiritual distress of Mary.
The Mother is standing near the anointing stone caressing, contemplating, moaning, weeping. The flickering light of the torches illuminates Her face now and again, and I see large tear drops stream down the cheeks of Her ravaged face. And I can hear Her words. Everyone of them. All of them, very clearly, although whispered between Her lips, a real conversation of a mother’s soul with the soul of Her Son. I am told to write them.
610.6
«Poor Son! How many wounds! How much You have suffered! Look what they have done to You!… How cold You are, Son! Your fingers are ice-cold. And how motionless they are! They seem to be broken. Never, not even in the sound sleep of a child, or in the heavy sleep after working as an artisan, were they so inert… And how cold they are! Poor hands! My darling, My love, My holy love, give them to Your Mother! Look how lacerated they are! John, look what a gash! Oh! cruel men! Here, give Me this wounded hand of Yours. That I may dress it. Oh! I will not hurt You… I will use kisses and tears, and I will warm it with My breath and My love.
Caress Me, Son! You are ice-cold, I am burning with fever. My fever will be relieved by Your ice, and Your ice will be mitigated by My fever. A caress, Son! Only a few hours have gone by since You last caressed Me, and they seem ages to Me. For months I was without Your caresses, and they seemed hours to Me, because I was always waiting for You to come back, and I considered each day an hour, and each hour a minute, to say to Myself that You had not been away for one or more months, but only for a few days, for a few hours. Why is time so long now? Ah! inhuman torture! Because You are dead.
They have killed You! You are no longer on the Earth! No longer!
Wherever I send My soul to look for Yours and embrace it, because finding You, having You, feeling You was the life of My body and of My spirit, wherever I look for You with the wave of My love, I no longer find you, I do not find You any more. Nothing of You is left to Me but these cold soulless remains!
O soul of My Jesus, O soul of My Christ, O soul of My Lord, where are You? O cruel hyenas joined to Satan, why have you taken away the soul of My Son? And why have you not crucified Me with Him? Were you afraid of committing a second crime? (Her voice is becoming stronger and stronger and more and more heart-rending). And what was it for you killing a poor woman, since you did not hesitate to kill God Incarnate? Have you not committed a second crime? And is letting a mother outlive her murdered son not the most atrocious crime?»
610.7
The Mother, Who with Her voice had raised also Her head, now bends again over the lifeless face and speaks in a low voice, to Him alone: «At least we would have been together in here, in the tomb, as we would have been together in the agony on the cross, and together in the journey beyond life and towards the Life. But if I cannot follow You in the journey beyond life, I can remain here waiting for You.»
She straightens Herself up again and says to those present in a loud voice: «Go away, all of you. I will stay. Close Me in here with Him. I will wait for Him. What are you saying? That it is not possible? Why is it not possible? If I had died, would I not be here, lying beside Him, waiting to be put in order? I will be beside Him, but on My knees. I was there when He, a delicate rosy baby, cried on a December night. I will be here now, on this night of the world, that no longer has the Christ. Oh! true night! The Light is no longer!… O ice-cold night! The Love is dead! What are you saying, Nicodemus? Shall I be contaminated? His Blood is not contamination. I was not contaminated even when I gave birth to Him. Ah! How you came out, You, Flower of My womb, without tearing any fibre, just like a flower of scented narcissus, that blooms from the soul of the matrix bulb and yields a flower even if the embrace of the earth has not been on the matrix. A virginal blooming that can be compared with You, Son, Who came through a heavenly embrace and were born in the diffusion of heavenly splendour.»
610.8
Now the heart-broken Mother bends once again over Her Son, estranged to everything that is not He, and She whispers slowly: «But do You remember, Son, that sublime show of brightness that filled everything when Your smile was born in the world? Do You remember that beatific light that the Father sent from Heaven to envelop the mystery of Your flowering and to make You find this dark world less repellent, since You were the Light and You were coming from the Light of the Father and of the Paraclete Spirit? And now?… Now darkness and cold… How cold! I am shivering all over. More than that December night. Then there was the joy of have You to warm My heart. And You had two people loving you… Now… Now I am alone and I am dying, too. But I will love You for two: for those who have loved You so little that they abandon You at the moment of sorrow; I will love You for those who hated You, I will love You for the whole world, Son. You will not feel the chill of the world. No, You will not feel it. You did not tear My viscera to be born, but I am ready to tear them and enclose You in the embrace of My womb in order not to make You feel cold. Do you remember how My womb loved You, little throbbing embryo?… It is still the same womb. Oh! it is My right and My duty as a Mother. It is My wish. There is no one but the Mother Who can have it, Who can have a love as big as the universe for Her Son.»
610.9
Her voice has been rising, and now, with all its strength She says: «Go. I will stay. You will come back in three days time and we will go out together. Oh! to see the world again leaning on You arm, Son! How beautiful the world will be in the light of Your risen smile! The world thrilling in its Lord’s steps! The Earth trembled when death extirpated Your soul and Your spirit departed from Your heart. But now it will tremble… oh! no longer with horror and spasm, but with a gentle throb, unknown to Me, but apprehended by My feminine insight that thrills a virgin when, after an absence, she hears the step of her bridegroom coming for the wedding. Even more: the Earth will tremble with a holy throb, as I was shaken in the deepest depth when I had the Lord One and Trine in Me, and the will of the Father with the fire of the Love created the seed from which You came, oh My holy Baby, My Son, all Mine! All of Your Mother! of Your Mother!…
Every child has a father and mother. Also an illegitimate boy has a father and a mother. But You had only Your Mother to make Your flesh of rose and lily, to make these embroidered veins, as blue as our streams in Galilee, and these lips of pomegranate, and this hair more graceful than the fair fleece of the goats of our hills, and these eyes: two little lakes of Paradise. No, more than that, they are of the water that comes from the Unique and Quadruple River of the Place of Delight[1], and carries with it, in its four branches, gold, onyx, beryl and ivory, and diamonds, and palms, and honey, and roses, and infinite riches, O Pishon, Gihon, Tigris, Euphrates: way for the angels exulting in God, way for the kings adoring You, known or unknown Essence, but Living and Present even in the most obscure heart! Only Your Mother did that for You, by means of Her “yes”… I formed You with music and love, I made You with purity and obedience, My Joy!
610.10
What is Your Heart? The flame of Mine, that split to condense in a crown around the kiss given by God to His Virgin. That is what Your Heart is. Ah! (The shout is so heart-rending that the Magdalene hastens to succor Her with John. The other women dare not move and weeping and veiled, look stealthily from the opening).
Ah! they have broken it! That is why You are so cold, and I am so cold! There is no longer inside You the flame of My heart, and I can no longer continue to live through the reflection of that flame, which was Mine and which I gave You to make Your heart. Here, here, here, on My breast! Before death kills Me, I want to warm You up, I want to lull You. I used to sing to You: “There is no home, there is no food, there is nothing but sorrow” a prophetic words! Sorrow, sorrow, sorrow for You, for Me! I used to sing to You: “Sleep, sleep on My heart”. Also now: here, here, here…» And sitting on the edge of the stone, She takes Him in Her lap, passing one arm of Her Son round Her shoulders, resting His head on Her shoulder, and bending Her head on His, holding Him close to Her breast, lulling and kissing Him, heart-broken and heart-rending.
610.11
Nicodemus and Joseph approach Her, laying vases and bandages, the clean Shroud, a basin of water, I think, and what seem lint wads, on a kind of seat, which is on the other side of the stone.
Mary notices it and asks in a loud voice: «What are you doing? What do you want? To prepare Him? For what? Leave Him in the lap of His Mother. If I succeed in warming Him up, He will rise sooner. If I succeed in consoling the Father and in comforting Him for the hatred which killed God, the Father will forgive sooner, and He will come back sooner.»
The Sorrowful Mother is almost raving.
«I will not give Him to you! I gave Him once, I gave Him once to the world, and the world did not want Him. It killed Him, because it did not want Him. Now I am not giving Him any more! What are you saying? That you love Him? Of course! Then, why did you not defend Him? You have waited, to say that you loved Him, until He could no longer hear you. What a poor love yours is! But if you were so afraid of the world that you did not dare to defend an innocent, you should at least have handed Him back to Me, to His Mother, so that She might defend Her Son. She knew who He was and what He deserved. You!… You have had Him as your Master, but you have learned nothing. Is that not true? Am I perhaps telling lies? But do you not see that you do not believe in His Resurrection? Do you believe in it? No. Why are you standing there, preparing bandages and spices? Because you consider Him a poor dead man, cold today, putrified tomorrow, and that is why you want to embalm Him.
Leave your pomades. Come and worship the Saviour with the pure hearts of the shepherds of Bethlehem. Look: in His sleep He is only one who is tired and is resting. How much He worked in His lifetime! He has worked more and more, not to mention these last hours!… Now He is resting. As far as I, His Mother, am concerned, He is nothing but a big Boy who is tired and is sleeping. His bed and room are really miserable! But neither was His first pallet more beautiful, nor was His first dwelling place more cheerful. The shepherds worshipped the Saviour in His sleep as an Infant. Worship the Saviour in His sleep as Triumpher of Satan. Then, like the shepherds, go and say to the world: “Glory to God! Sin is dead! Satan is defeated! Peace be on the Earth and in Heaven between God and man!” Prepare the ways for His return. I am sending you. I, Whom Maternity makes the Priestess of the rite. Go. I said that I do not want it. I have washed Him with My tears. And it is enough. The rest is not necessary. And do not think that you will put it on Him. It will be easier for Him to rise if He is free from those funereal useless bandages.
Why are you looking at Me so, Joseph? And you, Nicodemus? Has the horror of this day made you dull-witted or absent-minded? Do you not remember? “This evil and adulterous generation, which asks for a sign, will be given no other sign but that of Jonah… So the Son of man will be for three days and three nights in the heart of the Earth”. Do you not remember? “The Son of man is going to be handed over to the power of men, who will kill Him, but on the third day He will rise again”. Do you not remember? “Destroy this Temple of the true God and in three days I will rebuild it”. O men, the Temple was His Body. Are you shaking your heads? Are you pitying Me? Do you think that I am insane? What? He raised the dead and will He not be able to raise Himself?
610.12
John?»
«Mother!»
«Yes, call Me “mother”. I cannot live thinking that I shall not be called so! John, you were present when He raised the young daughter of Jairus and the young man of Nain from the dead. They were really dead, were they not? It was not just a heavy sleep? Tell Me.
«They were dead. The girl had been dead two hours, the young man a day and a half.»
«And did they rise at His order?»
«The rose at His order.»
«Have you heard that? You two, have you heard? But why are you shaking your heads? Ah! perhaps you mean that life comes back quicker in those who are innocent and young. But My Child is the Innocent! And He is the Always Young One. He is God, My Son!…» With tormented feverish eyes Mary looks at the two preparers, who, depressed but inflexible, are laying the rolls of bandages already soaked in the spices.
Mary takes two steps. She has laid Her Son down again on the stone with the delicacy of one who lays a new-born baby in a cradle. She takes two steps, She bends at the foot of the deathbed, where the Magdalene is weeping on her knees, She gets hold of her shoulder, shakes her and calls her: “Mary. Tell Me. These people think that Jesus cannot rise from the dead, because He is a man and He died of wounds. But is your brother not older than He is?»
«Yes, he is.»
«Was he not full of sores?»
«Yes, he was.»
«Was he not already putrid before descending into his sepulchre?»
«Yes, he was.»
«And did he not rise from the dead after four days of asphyxia and putrefaction?»
«Yes, he did.»
«So?»
610.13
There is a long grave silence. Then an inhuman howl. Mary staggers, pressing a hand against Her breast. They support Her. She repels them. She seems to repel the compassionate people. In actual fact She repels what She alone can see. And She shouts: «Back! Back, you cruel one! Not this revenge! Be silent! I do not want to hear you! Be silent! Ah! he is biting at My heart!»
«Who, Mother?»
«O John! It is Satan! Satan who is saying: “He will not rise. No prophet said that”. O Most High God! Help Me all of you, good spirits, and you compassionate men! My reason is wavering! I do not remember anything any more. What do the prophets say? What does the Psalm say? Oh! who will repeat to Me the passages that speak of My Jesus?»
It is the Magdalene who in her melodious voice recites David’s psalm on the Passion of the Messiah.
Mary weeps more bitterly, supported by John, and Her tears fall on Her dead Son, wetting Him completely. Mary notices that and wipes Him saying in a low voice: «So many tears. And when You were so thirsty I could not give You even one drop. And now… I am wetting You completely! You look like a shrub under heavy dew. Here, Your Mother will dry You now, Son! You have tasted so much bitterness! Do not let also the bitterness and the salt of Your Mother’s tears fall on Your wounded lips!…»
Then in a loud voice She calls: «Mary. David does not say… Do You know Isaiah? Repeat his words…»
The Magdalene repeats the passage on the Passion and she ends saying with a sob: «… He surrendered His life to death and was taken for a sinner, He Who took away the sins of the world and prayed for sinners.»
«Oh! Be silent! Death no! Not delivered to death! No! No! Oh! your lack of faith, forming an alliance with Satan’s temptation, make My heart doubt! And should I not believe You, Son? Should I not believe Your holy Word?! Oh! tell My soul! Speak. From the far away shores, where You have gone to free those awaiting Your coming, cast the voice of Your soul to My anxious soul, to Mine which is here, all open to receive Your voice. Tell Your Mother that You are coming back! Say: “On the third day I will rise from the dead”. I implore You, Son and God! Help Me to protect My Faith. Satan is crushing it in his coils to strangle it. Satan has removed his mouth of a snake from the flesh of man, because You have torn that pre away from him, and now with his hooked poisonous teeth he is piercing the flesh of My heart paralysing its throbs, its strength and warmth. God! God! God! Do not allow Me to be distrustful! Do not allow doubt to freeze Me! Do not let Satan be free to lead Me to despair! Son! Son! Put Your hand on My heart. It will drive Satan away. Lay it on My head. It will bring the Light back to it. Sanctify My lips with a caress, so that they may be fortified to say: “I believe” even against a whole world that does not believe. Oh! how grievous it is not to believe! Father! Those who do not believe are to be forgiven much. Because, when one no longer believes, when one no longer believes,… all horror becomes easy. I tell You,… I, Who am experiencing this torture. Father, have mercy on the faithless! Holy Father, for the sake of this Victim Which has been consumed, and of Me, a victim which is still consuming, give them, give the faithless Your faith!»
610.14
A long silence.
Nicodemus and Joseph beckon to John and the Magdalene.
«Come Mother.» It is the Magdalene who says so, trying to take Mary away from Her Son and to separate Jesus’ fingers which are interlaced with Mary’s, Who is kissing them weeping.
The Mother straightens Herself up. She is impressive. For the last time She stretches out the poor bloodless fingers and lays the inert hand along the side of the body. Then She lowers Her arms towards the ground, and standing upright, Her head bent lightly back, She prays and offers. Not a word is heard. But from Her whole appearance it is clear that She is praying. She is really the Priestess at the altar, the Priestess at the moment of the offertory. «Offerimus praeclarae majestati tuae de tuis donis, ac datis, hostiam puram, hostiam sanctam, hostiam immaculatam…»
Then She turns round and says: «You may continue. But He will rise from the dead. In vain you mistrust My reason and are blind to the truth He spoke to you. In vain Satan tries to lay snares to My faith. To redeem the world also the torture given to My heart by Satan defeated is required. I suffer it and I offer it for future men. Goodbye, Son! Goodbye, My Child! Goodbye, My little Boy! Goodbye… Goodbye.. Holy… Good… Beloved and lovable… Beauty Joy… Source of health… Goodbye… On Your eyes… on Your lips on Your goldenhair… on Your frozen limbs… on Your pierced heart… oh! on Your pierced heart… My kiss.. My kiss… My kiss… Goodbye… Goodbye… Lord! Have mercy on Me!»
[19th February 1944]
610.15
The two preparers have finished preparing the bandages. They come to the table and they denude Jesus also of His veil.
They pass a sponge, I think, or a linen cloth, on the body in a very rapid preparation of the limbs dripping from countless parts. Then they spread ointments on all the Body. In fact they bury it under a layer of pomade. First they lift it up, cleaning also the stone slab, on which they lay the Shroud, more than half of which hangs from the head of the bed. They lay Him down again, on His chest, and spread the ointments on all His back, thighs and legs, on all the posterior part. Then they turn Him round delicately, watching that the pomade of spices is not removed, and they spread also the front, first the trunk, then the limbs. First the feet, then the hands, which they join on the lower belly.
The mixture of spices must be as sticky as gum, because I see that His hands remain in place, whereas before they always slid because of their weight of dead limbs. His feet do not slide. They remain in position: one is more straight, the other more stretched.
His head is the last. After spreading it diligently, so that its features disappear under the layer of ointment, they tie it with a chin bandage to keep the mouth closed.
Mary moans more loudly.
Then they lift the hanging side of the Shroud and fold it on Jesus. He disappears under the thick cloth of the Shroud. It is nothing but a form covered with a cloth.
Joseph ensures that everything is in order and on the Face he lays another linen sudarium and other cloths of the kind, similar to wide rectangular strips, that pass from right to left, above the Body, making the Shroud adhere to the Body. It is not the typical dressing as seen in mummies and also in Lazarus’ resurrection. It is a rudimentary dressing.
Jesus is now annulled. Even His shape is confused under the linens. It looks like a long heap of cloths, narrower at the ends and wider at the centre, laid on the grey stone.
Mary weeps louder.
[4th October 1944]
610.16
Jesus says:
«And the torture continued with periodic attacks until dawn on Sunday. In My Passion I had only one temptation. But the Mother, the Woman, expiated on behalf of woman, guilty, several times, of every evil. And Satan behaved mercilessly with infinite cruelty towards the conquerress. Mary had defeated him. The most atrocious temptation for Mary. Temptation against the flesh of the Mother. Temptation against the heart of the Mother. Temptation against the spirit of the Mother. The world thinks that Redemption ended with My last breath. No, it did not. The Mother completed it by adding Her treble torture to redeem the treble concupiscence, struggling for three days against Satan, who wanted to induce Her to deny My word and not to believe in My Resurrection. Mary was the only one who continued to believe. She is great and blessed also because of that faith.
You have become acquainted also with that. A torture corresponding to My torture at Gethsemane. The world will not understand this page. But “those who are in the world without being of the world” will understand it and they will have an increased love for the Sorrowful Mother. That is why I gave it.
Go in peace with our blessing.»