610.1
Dire ce que j’éprouve est inutile. Je ferais uniquement un exposé de ma propre douleur, ce qui serait sans valeur par rapport à la souffrance que je vois. Je l’écris donc sans commentaires sur mes propres réactions.
610.1
Dire ce que j’éprouve est inutile. Je ferais uniquement un exposé de ma propre douleur, ce qui serait sans valeur par rapport à la souffrance que je vois. Je l’écris donc sans commentaires sur mes propres réactions.
610.2
J’assiste à la sépulture de Notre-Seigneur.
Le petit cortège, après avoir descendu le Calvaire jusqu’en bas, trouve, creusé dans le calcaire de la colline, le tombeau de Joseph d’Arimathie. Les porteurs y pénètrent avec le corps de Jésus.
Voici son aspect : c’est une pièce creusée dans la pierre au fond d’un jardin tout fleuri. Cela ressemble à une grotte, mais on se rend compte qu’elle est évidée de main d’homme. Il y a la chambre sépulcrale proprement dite, avec ses loculi (ils sont faits d’une manière différente de ceux des catacombes). Pour en donner une idée, ce sont des sortes de cavités rondes qui s’enfoncent dans la pierre comme les trous d’une ruche. Pour le moment, ils sont tous vides. On voit l’œil vide de chaque loculus comme une tache noire sur la grisaille de la pierre. Puis, précédant cette chambre sépulcrale, il y a une sorte d’antichambre. En son milieu, une table de pierre pour l’onction. C’est sur elle que l’on dépose le corps de Jésus enveloppé dans son linceul.
Jean et Marie entrent à leur tour, mais eux seuls, car cette chambre préparatoire est petite et s’il y avait des personnes supplémentaires, ils ne pourraient plus bouger. Les autres femmes se tiennent près de la porte, ou plutôt près de l’ouverture, car il n’y a pas de porte proprement dite.
610.3
Les deux porteurs découvrent Jésus.
Pendant que, dans un coin, ils préparent les bandes et les aromates sur une espèce de console à la lumière de deux torches, Marie se penche sur son Fils en pleurant, et de nouveau elle l’essuie avec le voile qui entoure encore les reins de Jésus. C’est l’unique toilette que reçoit le corps de Jésus, celle des larmes maternelles, et si elles sont copieuses et abondantes, elles ne servent pourtant qu’à enlever superficiellement et partiellement la poussière, la sueur et le sang de ce corps torturé.
Marie ne se lasse pas de caresser ces membres glacés. Avec une délicatesse encore plus grande que si elle touchait celles d’un nouveau-né, elle prend les pauvres mains déchirées, les serre dans les siennes, en baise les doigts, les allonge, cherche à réunir les lèvres des blessures comme pour les soigner ou du moins les rendre moins douloureuses, elle applique sur ses propres joues ces mains qui ne peuvent plus caresser et elle gémit, elle gémit dans son atroce douleur. Elle redresse et joint les pauvres pieds qui s’abandonnent, comme s’ils étaient mortellement épuisés de tant de chemin parcouru pour nous. Mais ils ont été trop déplacés sur la croix, surtout celui de gauche qui reste pour ainsi dire à plat, comme s’il n’avait plus de cheville.
Puis elle revient au corps et le caresse, si froid et déjà rigide. Elle voit une nouvelle fois la déchirure de la lance. Maintenant que le Sauveur est couché sur le dos sur la table de pierre, elle est ouverte et béante comme une bouche, permettant de mieux voir la cavité thoracique (la pointe du cœur se voit distinctement entre le sternum et l’arc costal gauche ; deux centimètres environ au-dessus se trouve l’incision faite par la pointe de la lance dans le péricarde et le carde, longue d’un bon centimètre et demi alors que l’ouverture externe du côté droit est d’au moins sept centimètres). De nouveau, Marie crie comme sur le Calvaire. Il semble que la lance la transperce, tant elle se tord de douleur en portant les mains à son cœur, transpercé comme celui de Jésus. Que de baisers sur cette blessure, pauvre Mère !
Puis elle revient à la tête renversée et la redresse, car elle est restée légèrement inclinée en arrière et fortement à droite. Elle cherche à fermer les paupières qui s’obstinent à rester entrouvertes, et la bouche toujours ouverte, contractée, un peu tordue à droite. Elle peigne les cheveux, qui hier seulement étaient beaux et qui sont devenus un enchevêtrement alourdi par le sang. Elle démêle les mèches les plus longues, les lisse sur ses doigts, les enroule pour leur rendre la forme des doux cheveux de son Jésus, si soyeux et si bouclés. Et elle ne cesse de gémir car elle se souvient de l’époque de son enfance… C’est la raison fondamentale de sa douleur : le souvenir de l’enfance de Jésus, de son amour pour lui, de ses soins qui redoutaient même l’air vif pour la petite créature divine, et la comparaison avec ce que les hommes ont fait de lui.
610.4
Sa lamentation me fait souffrir, tout comme son geste quand elle gémit :
« Que t’ont-ils fait, que t’ont-ils fait, mon Fils ? »
Ne pouvant le voir ainsi nu, raide, sur une pierre, elle le prend dans ses bras en lui passant le bras sous les épaules, en le serrant de l’autre main sur sa poitrine et elle le berce, avec le même mouvement qu’à la grotte de la Nativité. Tout cela me fait pleurer et souffrir comme si une main me fouillait le cœur.
Le 4 octobre 1944
610.5
La terrible angoisse spirituelle de Marie.
Marie se tient près de la pierre de l’onction et caresse, contemple, gémit et pleure. La lumière tremblante des torches éclaire par instants son visage et je vois de grosses larmes rouler sur les joues très pâles d’un visage ravagé. Et j’entends toutes les paroles, très distinctement bien que murmurées entre les lèvres, d’un vrai colloque de son âme avec l’âme de son Fils. Je reçois l’ordre de les écrire.
610.6
« Mon pauvre Fils ! Que de blessures !… Comme tu as souffert ! Vois ce qu’ils t’ont fait !… Comme tu es froid, mon Fils ! Tes doigts sont glacés, et comme ils sont inertes ! Ils paraissent brisés. Jamais, pas même dans le sommeil le plus abandonné de l’enfance, ni dans la lourdeur de ta fatigue d’artisan, ils n’étaient ainsi… Et comme elles sont glacées ! Pauvres mains ! Donne-les à ta Maman, mon trésor, mon amour saint, mon amour ! Regarde comme elles sont transpercées ! Mais regarde, Jean, cette déchirure ! Oh ! les cruels ! Donne à ta Maman cette main blessée. Que je te la soigne. Oh ! je ne te ferai aucun mal… J’emploierai baisers et larmes, et je te les réchaufferai de mon souffle et de mon amour. Fais-moi une caresse, mon Fils ! Tu es de glace, moi je brûle de fièvre. Ma fièvre sera soulagée par ta glace et ta glace s’adoucira au contact de ma fièvre. Une caresse, mon Fils ! La dernière remonte à peu de temps, mais j’ai l’impression que cela fait des siècles… Des mois entiers se sont passés sans caresses de ta part, mais ils me semblaient être des heures, parce que j’attendais toujours ton arrivée, et de chaque jour je faisais une heure, de chaque heure une minute, pour me dire que tu n’étais pas éloigné de une ou plusieurs lunes, mais seulement de quelques jours, mais seulement de quelques heures. Pourquoi le temps est-il devenu si long ? Quel tourment inhumain ! Parce que tu es mort. Ils t’ont tué ! Tu n’es plus sur la terre ! Non ! En quelque endroit que j’envoie mon âme chercher la tienne et l’embrasser — puisque te trouver, te posséder, te sentir, était la vie de ma chair et de mon esprit —, en quelque endroit que je te cherche avec le flot de mon amour, je ne te trouve plus, je ne te trouve plus ! Il ne me reste de toi que cette dépouille froide, cette dépouille sans âme ! O âme de mon Jésus, ô âme de mon Christ, ô âme de mon Seigneur, où es-tu ? Pourquoi avez-vous enlevé son âme à mon Fils, hyènes cruelles unies à Satan ? Et pourquoi ne m’avez-vous pas crucifiée avec lui ? Avez-vous eu peur d’un second crime ? (Sa voix devient de plus en plus forte et déchirante.) Et qu’était-ce de tuer une pauvre femme, pour vous qui n’avez pas hésité à tuer Dieu fait chair ? N’avez-vous pas commis un second crime ? Et n’est-il pas le plus infâme de laisser une mère survivre à son Fils mis à mort ? »
610.7
Marie, qui en haussant la voix avait également levé la tête, revient se pencher sur le visage éteint de Jésus et parle à lui seul :
« Ici, dans ce tombeau, nous aurions au moins été ensemble, comme nous l’avons été pendant l’agonie sur le bois, et nous aurions fait ensemble le voyage au-delà de la vie et à la rencontre de la Vie. Mais si je ne puis te suivre dans ce voyage, je peux rester ici à t’attendre. »
Elle se redresse et dit à haute voix à ceux qui sont présents :
« Eloignez-vous tous. Moi, je reste. Enfermez-moi ici avec lui. Je l’attends. Qu’est-ce que vous dites ? Que ce n’est pas possible ? Pourquoi n’est-ce pas possible ? Si j’étais morte, ne serais-je pas ici, couchée à son côté, en attendant d’être décomposée ? Je resterai à côté de lui, mais à genoux. J’étais là à son premier vagissement, une nuit de décembre. Je le serai maintenant dans cette nuit du monde privé du Christ. Ah ! c’est une vraie nuit ! La Lumière n’est plus ! Nuit glaciale ! L’Amour est mort ! Que dis-tu, Nicodème ? Je me contamine ? Son sang n’est pas contamination. Je ne me suis pas contaminée en l’engendrant. Ah ! comme tu es sorti, toi, Fleur de mon sein, sans déchirer des fibres, mais vraiment comme la fleur du narcisse parfumé qui éclot de l’âme du bulbe matrice et donne une fleur même si l’étreinte de la terre n’a pas été sur la matrice. Floraison virginale qui se réalise en toi, ô mon Fils venu de l’étreinte céleste et né dans l’éclat des splendeurs célestes. »
610.8
Déchirée, la Mère se penche de nouveau sur son Fils, étrangère à tout ce qui n’est pas lui, et elle murmure doucement :
« Mais toi, mon Fils, te souviens-tu de cet éclat de splendeurs qui revêtait toutes choses tandis que ton sourire s’ouvrait au monde ? Te souviens-tu de la lumière béatifique que le Père envoya des Cieux pour envelopper le mystère de ta floraison et te faire trouver moins repoussant ce monde obscur, pour toi qui étais Lumière et venais de la Lumière du Père et de l’Esprit Paraclet ? Et maintenant ? Tout est nuit et froid… Quel froid ! Quel froid ! J’en frissonne. Il fait plus froid qu’en cette nuit de décembre. J’éprouvais alors la joie de t’avoir auprès de moi pour me réchauffer le cœur. Et nous étions deux à t’aimer… Maintenant… Maintenant, je suis seule et mourante moi aussi. Mais je t’aimerai pour deux : pour ceux qui t’ont si peu aimé qu’ils t’ont abandonné au moment de ta souffrance ; je t’aimerai pour ceux qui t’ont haï ; je t’aimerai pour le monde entier. Tu ne sentiras pas le froid du monde. Tu ne m’as pas ouvert les entrailles pour naître, mais pour que tu ne sentes pas le froid, je suis prête à me les ouvrir et à t’enfermer dans mon sein. Te souviens-tu comme il t’a aimé, ce sein, ce petit germe palpitant ?… Il est toujours le même. Oui, c’est mon droit et mon devoir de Mère. C’est mon désir. Il n’y a que ta Mère qui puisse l’avoir, et qui puisse éprouver pour son Fils un amour aussi grand que l’univers. »
610.9
Elle a peu à peu haussé la voix, et c’est maintenant avec force qu’elle déclare :
« Partez. Moi, je reste. Vous reviendrez dans trois jours et nous sortirons ensemble. Ah ! Revoir le monde appuyée à ton bras, mon Fils ! Comme il sera beau à la lumière de ton sourire ressuscité ! Le monde frémissant au pas de son Seigneur ! La terre a tremblé quand la mort t’a arraché l’âme et que de ton cœur est sorti ton esprit. Cette fois, elle va trembler, non plus d’horreur et de douleur, mais d’un suave frémissement que je ne connais pas, mais dont ma féminité a l’intuition, qui émeut une vierge quand, après une absence, elle entend le pas de son époux arrivant pour les noces. Mieux encore : la terre frémira d’un saint tressaillement, pareil à celui qui m’a bouleversée au plus profond de mon être quand le Seigneur un et trine vint sur moi, et quand la volonté du Père unie au feu de l’Amour créa la semence dont tu es venu, ô mon saint Petit, mon Enfant, tout à moi ! Oui, tu tiens tout de moi ! Chaque enfant a un père et une mère, même les bâtards. Mais toi, c’est ta Maman seule qui a formé ta chair de rose et de lys, ainsi que ces broderies de veines bleues comme nos rivières de Galilée, et ces lèvres de grenade, ces cheveux plus gracieux que la toison blonde des chèvres de nos collines, ou encore ces yeux qui ressemblent à deux petits lacs de Paradis. Non, ils sont plutôt de l’eau d’où coule l’unique et quadruple fleuve du lieu de délices[1], et qui emporte dans ses quatre branches l’or, l’onyx, le béryl et l’ivoire, les diamants, les palmes, le miel, les roses et les richesses infinies : ô Phison, ô Gehon, ô Tigre, ô Euphrate, vous êtes un chemin pour les anges qui se réjouissent en Dieu, un chemin pour les rois qui t’adorent, Essence connue ou inconnue, mais vivante, et présente même dans le cœur le plus obscur ! C’est ta Maman seule qui t’a fait cela grâce à son “ oui ”… De musique et d’amour je t’ai formé, de pureté et d’obéissance je t’ai composé, ô ma joie !
610.10
Qu’est-ce que ton cœur, sinon la flamme du mien qui s’est partagée pour se condenser en une couronne autour du baiser de Dieu à sa Vierge. Voilà ce qu’est ton cœur. Ah ! »
(Le cri est déchirant au point que Marie-Madeleine et Jean accourent pour la secourir. Les autres n’osent pas mais, en pleurs et voilées, elles jettent un coup d’œil par l’ouverture.)
« Ah ! ils te l’ont brisé ! Voilà pourquoi tu es si froid et moi aussi ! Tu n’as plus en toi la flamme de mon cœur et moi je ne puis plus continuer à vivre du reflet de cette flamme, qui était mienne et que je t’ai donnée pour te faire un cœur. Viens ici, sur ma poitrine ! Avant que la mort me tue, je veux te réchauffer, je veux te bercer. Je te chantais : “ Il n’y a pas de maison, il n’y a pas de nourriture, il n’y a que la douleur. ” Quelles paroles prophétiques ! Douleur, douleur, douleur pour toi comme pour moi ! Je te chantais : “ Dors, dors sur mon cœur. ” Il en est de même maintenant : dors ici, ici, ici… »
Déchirée et déchirante, elle s’assied sur le bord de la pierre, prend Jésus sur ses genoux, passe un de ses bras derrière elle, pose la tête de son Fils sur son épaule et y appuie la sienne, et, en le tenant serré contre sa poitrine, elle le berce et le couvre de baisers.
610.11
Nicodème et Joseph s’approchent et placent sur une sorte de siège, de l’autre côté de la pierre, des vases, des bandes, un linceul propre et un bassin rempli d’eau, me semble-t-il, ainsi que des tampons de charpie.
A cette vue, Marie demande à haute voix :
« Que faites-vous là ? Que voulez-vous ? Le préparer ? Pourquoi ? Laissez-le sur les genoux de sa maman. Si j’arrive à le réchauffer, il ressuscitera plus tôt. Si j’arrive à consoler le Père et à le consoler lui de la haine déicide, le Père pardonnera plus tôt, et lui reviendra plus tôt. »
La Douloureuse délire presque.
« Non, je ne vous le donnerai pas ! Je l’ai donné une fois, une fois je l’ai donné au monde et le monde n’en a pas voulu. Il l’a tué parce qu’il ne voulait pas de lui. Maintenant, je ne le donne plus ! Que dites-vous ? Que vous l’aimez ? Bon ! Mais pourquoi ne l’avez-vous pas défendu ? Vous avez attendu, pour lui dire que vous l’aimiez, qu’il ne puisse plus vous entendre. Quel pauvre amour que le vôtre ! Mais si vous craigniez le monde au point de ne pas oser défendre un innocent, vous deviez au moins me le rendre, à moi, sa Mère, pour lui permettre de défendre son Enfant. Elle savait qui il était et ce qu’il méritait. Quant à vous… vous l’avez eu pour Maître, mais vous n’avez rien appris. N’est-ce pas vrai ? Est-ce que je mens ? Mais vous ne voyez pas que vous ne croyez pas à sa Résurrection ? Vous y croyez ? Non. Pourquoi êtes vous là, en train de préparer bandes et aromates ? Parce que vous estimez que c’est un pauvre mort, aujourd’hui glacé, demain décomposé, et c’est pour cela que vous voulez l’embaumer. Laissez là vos pommades. Venez adorer le Sauveur avec le cœur pur des bergers de Bethléem. Regardez : dans son sommeil, c’est seulement un homme fatigué qui se repose. Comme il s’est fatigué de son vivant ! Il s’est exténué jusque dans ces dernières heures !… Maintenant, il repose. Pour moi, pour sa Maman, ce n’est qu’un grand Enfant épuisé qui dort. Son lit et sa chambre sont bien misérables, mais son premier berceau n’était pas plus beau, ni plus plaisante sa première demeure. Les bergers adorèrent le Sauveur pendant son sommeil d’enfant. Vous adorez le Sauveur pendant son sommeil de triomphateur de Satan. Alors, comme les bergers, allez annoncer au monde : “ Gloire à Dieu ! Le Péché est mort ! Satan est vaincu ! Paix sur la terre et dans les Cieux entre Dieu et l’homme ! ” Préparez les chemins pour son retour. Je vous envoie, moi que la maternité rend prêtresse rituelle. Allez. J’ai dit que je refuse. Je l’ai lavé de mes larmes, et cela suffit. Le reste est inutile, et ne vous imaginez pas le mettre sur lui. Il sera plus facile pour lui de se relever s’il est dégagé de ces bandes funèbres et inutiles. Pourquoi me regardes-tu ainsi, Joseph ? Et toi, Nicodème ? L’horreur de cette journée vous a-t-elle rendus hébétés ? Avez-vous perdu la mémoire ? Ne vous le rappelez-vous pas ? “ A cette génération mauvaise et adultère qui cherche un signe, il ne sera donné que le signe de Jonas… De même, le Fils de l’homme restera trois jours et trois nuits dans le cœur de la terre. ” Ne vous en souvenez-vous pas ? “ Le Fils de l’homme va être livré aux mains des hommes qui le tueront, mais le troisième jour il ressuscitera. ” Ne vous le rappelez-vous pas ? “ Détruisez ce Temple du vrai Dieu et en trois jours je le ressusciterai. ” Ce Temple, c’était son corps. Tu hoches la tête ? Tu me plains ? Tu me crois folle ? Mais comment ? Il a ressuscité des morts, et il ne pourrait pas se ressusciter lui-même ?
610.12
Jean ?
– Mère !
– Oui, appelle-moi “ mère ”. Je ne peux vivre à l’idée que personne ne m’appellera plus ainsi ! Jean, tu étais présent quand il a ressuscité la fille de Jaïre et le jeune homme de Naïm. Ils étaient bien morts eux, n’est-ce pas ? Ce n’était pas seulement un lourd sommeil ? Réponds.
– Ils étaient morts. La fillette depuis deux heures, le jeune homme depuis un jour et demi.
– Et ils se sont levés à son commandement ?
– Ils se sont levés à son commandement.
– Vous avez entendu ? Vous deux, vous avez entendu ? Mais pourquoi hochez-vous la tête ? Peut-être voulez-vous dire que la vie revient plus vite chez un homme jeune et innocent. Mais mon Enfant est l’Innocent ! Il est l’éternellement jeune. Il est Dieu, mon Fils !… »
Marie jette un regard déchirant et fiévreux sur les deux hommes qui, accablés mais inexorables, disposent les rouleaux des bandes désormais trempées dans les aromates. Elle a étendu son Fils sur la pierre avec la délicatesse d’une mère qui dépose son nouveau-né dans son berceau. Elle fait deux pas, se penche au pied du lit funèbre, où Marie-Madeleine pleure à genoux. Elle la saisit par l’épaule, la secoue, l’appelle :
« Marie, réponds-moi. Eux pensent que Jésus ne peut pas ressusciter parce qu’il est un homme et qu’il est mort de blessures, mais ton frère n’était-il pas plus âgé que lui ?
– Si.
– N’était-il pas devenu tout entier une plaie ?
– Si.
– N’était-il pas décomposé avant même de descendre au tombeau ?
– Si.
– Et n’est-il pas ressuscité au bout de quatre jours d’asphyxie et de putréfaction ?
– Si.
– Et alors ?
610.13
Un silence grave et prolongé lui répond. Puis avec un cri inhumain, Marie vacille en portant une main à son cœur. Ils la soutiennent, mais elle les repousse. Du moins, elle paraît les repousser, car en réalité elle rejette ce qu’elle est seule à voir. Et elle crie :
« Arrière ! Arrière, cruel ! Pas cette vengeance-là ! Tais-toi ! Je ne veux pas t’entendre ! Tais-toi ! Ah ! il me mord le cœur !
– Qui, Mère ?
– Oh, Jean, c’est Satan ! Satan qui dit : “ Il ne ressuscitera pas. Aucun prophète ne l’a annoncé. ” Dieu très-haut ! Aidez-moi tous, vous qui êtes des esprits bons et des personnes pieuses ! Ma raison vacille ! Je ne me rappelle plus rien. Que disent les prophètes ? Que dit le psaume ? Ah ! qui va me répéter les passages qui parlent de mon Jésus ? »
C’est Marie-Madeleine qui, de sa voix d’orgue, récite le psaume de David sur la Passion du Messie.
Marie, soutenue par Jean, redouble de larmes, qui tombent sur son Fils mort. Celui-ci en est inondé. La Mère s’en aperçoit, elle l’essuie et dit à voix basse :
« Tant de larmes… alors que, lorsque tu avais si soif je n’ai pas pu t’en donner une seule goutte. Et maintenant… je t’inonde ! Tu ressembles à un arbuste sous une épaisse rosée. Viens ici, que la Maman t’essuie, mon Fils! Tu as goûté à tant d’amertume ! Que sur tes lèvres blessées ne tombe pas aussi l’amertume et le sel des larmes maternelles!… ”
Puis elle appelle à haute voix :
« Marie ! David ne dit pas… Connais-tu Isaïe ? Dis-moi ses paroles… »
Marie-Madeleine récite le passage sur la Passion et finit dans un sanglot :
« …il a livré sa vie à la mort et fut compté parmi les malfaiteurs, lui qui a enlevé les péchés du monde et a prié pour les pécheurs.
– Ah ! Tais-toi ! Pas la mort ! Pas livré à la mort ! Non, non ! Ah ! que votre manque de foi, allié à la tentation de Satan, me met le doute au cœur ! Devrais-je ne pas te croire, mon Fils, ne pas croire à ta sainte parole ? Parle à mon âme ! Des rives lointaines où tu es allé délivrer ceux qui attendaient ta venue, que ton âme s’adresse à mon âme qui l’attend, à mon âme qui est ici, toute prête à l’écouter. Dis à ta Mère que tu reviens. Dis : “ Le troisième jour, je ressusciterai. ” Je t’en supplie, mon Fils et Dieu ! Aide-moi à protéger ma foi. Satan enroule ses anneaux autour d’elle pour l’étrangler. Il a détourné sa tête de serpent de la chair de l’homme, car tu lui as arraché cette proie, mais maintenant il a enfoncé ses crocs venimeux dans la chair de mon cœur et il en paralyse les battements, la force et la chaleur. Mon Dieu ! Ne permets pas que je me méfie ! Ne laisse pas le doute me glacer ! Ne donne pas à Satan la liberté de m’amener au désespoir ! Mon Fils ! Mets ta main sur mon cœur. Elle chassera Satan. Pose-la sur ma tête. Elle y ramènera la lumière. Sanctifie mes lèvres par une caresse, pour qu’elles aient la force de dire : “ Je crois ” même contre tout un monde qui ne croit pas. Ah ! quelle douleur c’est de ne pas croire ! Père ! Il faut beaucoup pardonner à ceux qui ne croient pas. Car, quand on ne croit plus… quand on ne croit plus… toute horreur devient facile. Je peux te l’affirmer… moi qui éprouve cette torture. Père, pitié des sans-foi ! Donne-leur, Père saint, donne-leur, au nom de cette Hostie consumée et de moi, hostie qui se consume encore, donne ta foi aux sans-foi ! »
610.14
Un long silence s’intalle.
Nicodème et Joseph font un signe à Jean et à Marie-Madeleine.
« Viens, Mère.»
C’est Marie-Madeleine qui parle pour chercher à éloigner Marie de son Fils et à séparer les doigts de Jésus entrelacés dans ceux de Marie qui les couvre de baisers en pleurant.
Marie, solennelle, se redresse. Elle étend une dernière fois les pauvres doigts exsangues, pose la main inerte de Jésus le long de son corps. Puis elle baisse les bras vers la terre et, bien droite, la tête légèrement renversée, elle prie et offre. On n’entend pas un mot. Mais par toute son attitude, on comprend qu’elle prie. C’est vraiment la Prêtresse à l’autel, la Prêtresse au moment de l’offertoire. “ Offerimus[2] praeclarae majestati tuae de tuis donis, ac datis, hostiam puram, hostiam sanctam, hostiam immaculatam… ”.
Puis elle se tourne :
« Faites-le donc. Mais il ressuscitera. C’est inutilement que vous vous défiez de ma raison et que vous êtes aveugles à la vérité qu’il vous a révélée. C’est inutilement que Satan cherche à attaquer ma foi. Pour racheter le monde, il manque aussi la torture que Satan vaincu fait endurer à mon cœur. Je la subis et l’offre pour ceux qui viendront. Adieu, mon Fils ! Adieu, mon enfant ! Adieu, mon petit ! Adieu… Adieu… Saint… Bon… Très aimé et aimable… Beauté… Joie… Source de salut… Adieu… Sur tes yeux… sur tes lèvres… sur tes cheveux d’or… sur tes membres glacés… sur ton cœur transpercé… oh ! sur ton cœur transpercé… mes baisers… mes baisers… mes baisers… Adieu… Adieu !… Seigneur ! Pitié pour moi ! »
[Le 19 février 1944]
610.15
Une fois la préparation des bandes achevée, Nicodème et Joseph s’approchent de la table et dénudent Jésus même de son voile. Ils passent une éponge, me semble-t-il, ou un morceau de lin sur ses membres — qui dégouttent de partout pour les préparer très sommairement.
Puis ils enduisent d’onguents le corps tout entier. Ils l’ensevelissent vraiment sous une couche de pommade. Auparavant, ils l’ont soulevé pour nettoyer aussi la table de pierre sur laquelle ils étendent le linceul, dont plus de la moitié pend à la tête du lit. Ils posent Jésus sur le ventre, et enduisent tout le dos, les cuisses, les jambes, toute la partie postérieure. Ceci fait, ils le retournent délicatement, en veillant à laisser intacte la couche de pommade, puis ils font aussi l’onction de la partie antérieure, d’abord le tronc, ensuite les membres. D’abord les pieds, et en dernier lieu les mains qu’ils joignent sur le bas ventre.
La mixture des aromates doit être collante comme de la glu, car je vois que les mains de Jésus restent en place alors qu’auparavant elles glissaient toujours à cause de leur poids de membres morts. Les pieds, eux, gardent leur position : l’un plus droit, l’autre plus allongé.
Ils terminent par la tête. Après l’avoir enduite avec soin, de manière à ce que les traits disparaissent sous la couche d’onguents, ils lient le menton avec une bande pour maintenir la bouche fermée.
Marie gémit plus fort.
Puis ils soulèvent le côté du linceul qui pend et le replient sur Jésus, qui disparaît sous la grosse toile. Ce n’est plus qu’une forme couverte par une toile.
Après avoir vérifié que tout est comme il faut, Joseph pose encore sur le visage un suaire de lin et d’autres linges, qui ressemblent à de courtes et larges bandes rectangulaires, qui passent de droite à gauche au-dessus du corps, et maintiennent en place le linceul, bien adhérent au Corps. Ce n’est pas le bandage que l’on voit sur les momies, ni même à la résurrection de Lazare. C’est un embryon de bandage.
Jésus désormais est effacé. Même sa forme disparaît sous les linges. Cela ressemble à un long paquet de toile, plus étroit aux extrémités et plus large au milieu, appuyé sur la pierre grise.
Marie redouble de larmes.
[Le 4 octobre 1944]
610.16
Jésus dit :
« La torture de Marie a continué par des assauts périodiques jusqu’à l’aube du dimanche. J’ai eu, dans la Passion, une seule tentation. Mais ma Mère, la Femme, a expié pour la femme, coupable de tout mal, de très nombreuses fois. Et Satan s’est acharné sur la Victorieuse avec une férocité décuplée.
Marie l’avait vaincu. Elle a connu la plus atroce tentation. Tentation contre sa chair de Mère. Tentation contre son cœur de Mère. Tentation contre son âme de Mère. Le monde s’imagine que la Rédemption s’est achevée avec mon dernier soupir. Non. Ma Mère l’a accomplie, en y ajoutant sa triple torture pour racheter la triple concupiscence, en luttant pendant trois jours contre Satan qui voulait l’amener à nier ma Parole et à ne pas croire en ma Résurrection. Marie fut la seule qui continua à croire. Si elle est grande et bienheureuse, c’est aussi en raison de cette foi.
Tu as aussi connu cela, ce tourment qui fait écho à mes angoisses de Gethsémani. Le monde ne comprendra pas cette page. Mais “ ceux qui sont dans le monde sans être du monde ” la comprendront et leur amour pour ma douloureuse Mère en sera renforcé. C’est pour cela que je te l’ai donnée.
Va en paix avec notre bénédiction. »
610.1
Dire quello che io provo è inutile. Farei unicamente un’esposizione del mio soffrire, e perciò senza valore rispetto al soffrire che io vedo. Lo descrivo dunque, senza commenti su me.
610.2
Assisto alla sepoltura di Nostro Signore.
Il piccolo corteo, dopo aver sceso il Calvario, trova alla base dello stesso, scavato nel calcare del monte, il sepolcro di Giuseppe d’Arimatea. In esso entrano i pietosi col Corpo di Gesù.
Vedo il sepolcro fatto così. È un ambiente ricavato nella pietra in fondo ad una ortaglia tutta in fiore. Sembra una grotta, ma si capisce scavata dalla mano dell’uomo. Vi è la camera sepolcrale propriamente detta con i suoi loculi (fatti diversi da quelli delle catacombe). Questi sono come fori tondi che penetrano nella pietra come buchi di un alveare, tanto per dare un’idea. Per ora sono tutti vuoti. Si vede l’occhio vuoto di ogni loculo come una macchia nera nel grigiastro della pietra. Poi, precedente a questa camera sepolcrale, vi è come un’anticamera. Al centro della stessa, il tavolo di pietra per l’unzione. Su questo viene posto Gesù nel suo lenzuolo.
Entrano anche Giovanni e Maria. Non di più, perché la camera preparatoria è piccola e, se fossero in più persone, non potrebbero più muoversi. Le altre donne stanno presso la porta, ossia presso l’apertura, perché non vi è porta vera e propria.
610.3
I due portatori scoprono Gesù.
Mentre essi preparano, in un angolo, su una specie di mensola, alla luce di due torce, le bende e gli aromi, Maria si curva sul Figlio e piange. E daccapo lo asciuga col velo che è ancora ai lombi di Gesù. È l’unico lavacro che ha il Corpo di Gesù, questo delle lacrime materne, e se sono copiose e abbondanti non servono però che a levare superficialmente e parzialmente polvere, sudore e sangue di quel Corpo torturato.
Maria non si stanca di carezzare quelle membra gelate. Con una delicatezza ancor maggiore che se toccasse quelle di un neonato, Ella prende le povere mani straziate, le stringe fra le sue, ne bacia le dita, le stende, cerca di riunire le slabbrature delle ferite come per medicarle, perché dolgano meno, si appoggia sulle guance quelle mani che non possono più accarezzare, e geme, geme nel suo dolore atroce. Raddrizza e unisce i poveri piedi, che stanno così abbandonati, come mortalmente stanchi di tanto cammino fatto per noi. Ma essi si sono troppo spostati sulla croce, e specie il sinistro sta quasi per piatto come non avesse più caviglia.
Poi torna al Corpo e lo carezza, così freddo e già rigido, e quando vede una nuova volta lo squarcio della lancia che ora, nella posizione supina del Salvatore sulla lastra di pietra, è aperto e beante come una bocca, lasciante vedere meglio ancora la cavità toracica — la punta del cuore appare distintamente fra lo sterno e l’arco costale sinistro, e due centimetri circa sopra di essa vi è l’incisione fatta dalla punta della lancia nel pericardio e nel cardio, lunga un buon centimetro e mezzo, mentre quella esterna al costato destro è di almeno sette — Maria grida di nuovo come sul Calvario. Sembra che la lancia trapassi Lei, tanto Ella si contorce nel suo dolore, portando le mani al cuore suo, trafitto come quello di Gesù. Quanti baci su quella ferita, povera Mamma!
Poi torna al capo riverso e lo raddrizza, poiché è rimasto lievemente piegato indietro e fortemente a destra. Cerca di chiudere le palpebre, che si ostinano a rimanere semichiuse, e la bocca rimasta aperta, contratta, un poco storta a destra. Ravvia i capelli, solo ieri tanto belli e ordinati, ed ora fatti tutto un groviglio appesantito dal sangue. Districa le ciocche più lunghe, le liscia sulle sue dita, le arrotola per ridare ad esse la forma dei dolci capelli del suo Gesù, così morbidi e ricciuti. E geme, geme perché si ricorda di quando era bambino… È il motivo fondamentale del suo dolore: il ricordo dell’infanzia di Gesù, del suo amore per Lui, delle sue cure che temevano anche dell’aria più viva per la Creaturina divina, e il confronto con quanto gli hanno fatto, ora, gli uomini.
610.4
Il suo lamento mi fa stare male. Ed il suo gesto quando, gemendo: «Che ti hanno, che ti hanno fatto, Figlio mio?», non potendolo vedere così, nudo, rigido, su una pietra, Ella se lo raccoglie in braccio, passandogli il braccio sotto le spalle e serrandolo sul petto con l’altra mano e ninnandolo, con la stessa mossa della grotta della Natività, mi fa piangere e soffrire come se una mano mi frugasse nel cuore.
4 ottobre 1944.
610.5
La terribile angoscia spirituale di Maria.
La Madre è ritta presso la pietra dell’unzione e carezza, e contempla, e geme, e piange. La luce tremolante delle torce illumina a tratti il suo volto, ed io vedo dei grossi goccioloni di pianto rotolare sulle guance pallidissime di un viso devastato. E odo le parole. Tutte. Ben distinte, per quanto mormorate fra le labbra, vero colloquio di anima materna coll’anima del Figlio. Ricevo l’ordine di scriverle.
610.6
«Povero Figlio! Quante ferite!… Come hai sofferto! Guarda che t’hanno fatto!… Come sei freddo, Figlio! Le tue dita sono di gelo. E come sono inerti! Paiono spezzate. Mai, neppure nel sonno più abbandonato dell’infanzia, né in quello pesante della tua fatica di artiere, erano inerti così… E come sono fredde! Povere mani! Dàlle alla tua Mamma, tesoro mio, amore santo, amore mio! Guarda come sono lacerate! Ma guarda, Giovanni, che squarcio! Oh! crudeli! Qui, qui, dalla tua Mamma questa mano ferita. Che te la medichi. Oh! non ti farò male… Userò baci e lacrime, e col fiato e con l’amore te la scalderò. Dammi una carezza, Figlio! Tu sei di ghiaccio, io ardo di febbre. La mia febbre avrà sollievo dal tuo gelo, e il tuo gelo si molcerà alla mia febbre. Una carezza, Figlio! Sono poche ore che non mi carezzi, e mi paiono secoli. Vi furono mesi senza tue carezze, e mi parvero ore perché sempre aspettavo il tuo venire e di ogni giorno facevo un’ora, di ogni ora un minuto, per dirmi che Tu non m’eri lontano da una o più lune, ma da solo pochi dì, da sole poche ore. Perché ora è così lungo il tempo? Ah! strazio inumano! Perché Tu sei morto. Mi ti hanno morto! Non ci sei più sulla Terra! Più! In qualunque posto io getti l’anima per cercare la tua e abbracciarsi ad essa, poiché trovarti, averti, sentirti era la vita della mia carne e del mio spirito, in qualunque posto io ti cerchi con l’onda del mio amore, non ti trovo più, più non ti trovo! Di Te non mi resta che questa spoglia fredda, questa spoglia senz’anima! O anima del mio Gesù, o anima del mio Cristo, o anima del mio Signore, dove sei? Perché avete levata l’anima al Figlio mio, iene crudeli congiunte con Satana? E perché non m’avete seco lui crocifissa? Avete avuto paura di un secondo delitto? (La voce si fa sempre più forte e straziante). E che era uccidere una povera donna, per voi che non avete esitato ad uccidere Dio fatto Carne? Non avete commesso un secondo delitto? E non è questo il più nefando, di lasciare sopravvivere una madre al figlio trucidato?».
610.7
La Madre, che con la voce aveva alzato anche il capo, ora torna a curvarsi sul volto spento ed a parlare piano, solo per Lui:
«Almeno nella tomba, qui dentro, saremmo stati insieme come insieme saremmo stati nell’agonia sul legno, e insieme nel viaggio oltre vita e incontro alla Vita. Ma, se seguirti non posso nel viaggio oltre la vita, qui ad attenderti posso restare».
Si torna a drizzare e dice forte ai presenti:
«Andate tutti. Io resto. Chiudetemi qui con Lui. Lo attendo. Che dite? Che non si può? Perché non si può? Se fossi morta non sarei qui, coricata al suo fianco, in attesa d’essere composta? Sarò al suo fianco, ma in ginocchio. Vi fui quando Egli vagiva, tenero e roseo, in una notte decembrina. Vi sarò ora, in questa notte del mondo che non ha più il Cristo. Oh! vera notte! La Luce non è più!… O gelida notte! L’Amore è morto! Che dici, Nicodemo? Mi contamino? Il suo Sangue non è contaminazione. Non mi contaminai neppure nel generarlo. Ah! come uscisti, Tu, Fiore del mio seno, senza lacerare fibra, ma proprio come fiore di profumato narciso, che sboccia dall’anima del bulbo-matrice e dà fiore anche se l’abbraccio della terra non è stato sulla matrice. Vergine fiorire che in Te ha riscontro, o Figlio venuto da abbraccio celeste e nato fra celesti dilagar di fulgori».
610.8
Ora la Madre straziata si torna a curvare sul Figlio, straniandosi da ogni altra cosa che non sia Lui, e mormora piano:
«Ma te la ricordi, Figlio, quella sublime veste di splendori che tutto vestì mentre il tuo sorriso nasceva al mondo? Te la ricordi quella beatifica luce che il Padre mandò dai Cieli per avvolgere il mistero del tuo fiorire e per farti trovare meno repellente questo mondo oscuro, a Te che eri Luce e venivi dalla Luce del Padre e dello Spirito Paraclito? Ed ora?… Ora buio e freddo… Quanto freddo! Quanto! Io ne tremo tutta. Più di quella notte di dicembre. Allora c’era la gioia dell’averti a scaldarmi il cuore. E Tu avevi due ad amarti… Ora… Ora sono sola e morente io pure. Ma ti amerò per due: per questi che ti hanno amato tanto poco da abbandonarti nel momento del dolore; ti amerò per quelli che ti hanno odiato, per tutto il mondo ti amerò, o Figlio. Non sentirai il gelo del mondo. No, non lo sentirai. Tu non mi apristi le viscere per nascere, ma per non farti sentire il gelo io sono pronta ad aprirmele e chiuderti nell’abbraccio del seno mio. Tu lo ricordi come questo seno ti amò, piccolo germe palpitante?… È sempre quel seno. Oh! è il mio diritto e il mio dovere di Madre. È il mio desiderio. Non c’è che la Madre che possa averlo, che possa avere per il Figlio un amore grande quanto l’universo».
610.9
La voce si è andata elevando e ora, tutta forte, dice: «Andate. Io resto. Tornerete fra tre giorni ed usciremo insieme. Oh! rivedere il mondo appoggiata al tuo braccio, o Figlio mio! Come sarà bello il mondo alla luce del tuo risorto sorriso! Il mondo fremente al passo del suo Signore! La Terra ha tremato quando la morte ti ha svelto l’anima e dal cuore t’è uscito lo spirito. Ma ora tremerà… oh! non più di orrore e spasimo, ma del fremito soave, a me sconosciuto ma che la mia femminilità intuisce, che scuote una vergine quando, dopo un’assenza, sente la pedata dello sposo che viene per le nozze. Più ancora: la Terra fremerà di un fremito santo, come io ne fui scossa, fin nel profondo più fondo, quando ebbi in me il Signore Uno e Trino, e il volere del Padre col fuoco dell’Amore creò il seme da cui Tu sei venuto, o mio Bambino santo, Creatura mia, tutta mia! Tutta! Tutta della Mamma! della Mamma!… Ogni bambino ha padre e madre. Anche il bastardo ha un padre e una madre. Ma Tu hai avuto la Mamma sola a farti la Carne di rosa e giglio, a farti questi ricami di vene, azzurre come i nostri rivi di Galilea, e queste labbra di melograno, e questi capelli che più vaghi non l’hanno le capre biondo-chiomate dei nostri colli, e questi occhi, due piccoli laghi di Paradiso. No, anzi, che son dell’acqua da cui viene l’unico e quadruplice Fiume del Luogo di delizie[1], e seco porta, nei suoi quattro rami, l’oro, l’onice, il bidellio e l’avorio, e i diamanti, e le palme, e il miele, e le rose, e ricchezze infinite, o Fison, o Gehon, o Tigri, o Eufrate: via agli angeli giubilanti in Dio, via ai re che Te adorano, Essenza conosciuta o sconosciuta, ma vivente, ma presente anche nel cuore più oscuro! Solo la tua Mamma ti ha fatto questo, col suo “sì”… Di musica e di amore ti ho composto, di purezza e ubbidienza ti ho fatto, o Gioia mia!
610.10
Il tuo Cuore cosa è? La fiamma del mio che si è partita per condensarsi in corona intorno al bacio di Dio alla sua Vergine. Ecco cosa è questo tuo Cuore. Ah!».
(L’urlo è straziante, al punto che la Maddalena accorre a soccorrere insieme a Giovanni. Le altre non osano e, piangenti e velate, sogguardano dall’apertura).
«Ah! te l’hanno spezzato! Ecco perché sei così freddo e così fredda sono io! Non hai più dentro la fiamma del mio cuore, ed io non posso più continuare a vivere per il riflesso di quella fiamma, che era mia e che ti ho data per farti un cuore. Qui, qui, qui, sul mio petto! Prima che morte m’uccida ti voglio scaldare, cullare ti voglio. Ti cantavo: “Non c’è casa, non c’è cibo, non c’è altro che dolor”. O profetiche parole! Dolore, dolore, dolore per Te, per me! Ti cantavo: “Dormi, dormi sul mio cuore”. Anche ora: qui, qui, qui…».
E, sedendosi sull’orlo della pietra, se lo raccoglie in grembo, passandosi un braccio del Figlio sulle spalle, appoggiandosi il capo del Figlio sull’òmero e su quel capo piegando il suo, tenendolo stretto al petto, ninnandolo, baciandolo, straziata e straziante.
610.11
Nicodemo e Giuseppe si avvicinano, appoggiando ad una specie di sedile, che è all’altra parte della pietra, vasi e bende, e la sindone monda e un catino con acqua, mi pare, e batuffoli di filacce, mi pare.
Maria vede e chiede, forte: «Che fate voi? Che volete? Prepararlo? A che? Lasciatelo in grembo alla sua Mamma. Se riesco a scaldarlo, prima risorge. Se riesco a consolare il Padre e a consolare Lui dell’odio deicida, il Padre perdona prima, e Lui prima torna».
La Dolorosa è quasi delirante.
«No, non ve lo do! L’ho dato una volta, una volta l’ho dato al mondo, e il mondo non lo ha voluto. L’ha ucciso per non volerlo. Ora non lo do più! Che dite? Che lo amate? Già! Ma perché allora non l’avete difeso? Avete atteso, a dirlo che lo amavate, quando non era più che uno che non poteva più udirvi. Che povero amore il vostro! Ma se eravate così paurosi del mondo, al punto di non osare di difendere un innocente, almeno lo dovevate rendere a me, alla Madre, perché difendesse il suo Nato. Lei sapeva chi era e che meritava. Voi!… Voi lo avete avuto a Maestro, ma non avete nulla imparato. Non è vero forse? Mento forse? Ma non vedete che non credete alla sua Risurrezione? Ci credete? No. Perché state là, preparando bende e aromi? Perché lo giudicate un povero morto, oggi gelido, domani corrotto, e lo volete imbalsamare per questo. Lasciate le vostre manteche. Venite ad adorare il Salvatore col cuore puro dei pastori betlemmiti. Guardate: nel suo sonno non è che uno stanco che riposa. Quanto ha faticato nella vita! Sempre più ha faticato! E in queste ultime ore, poi!… Ora riposa. Per me, per la Mamma sua non è che un grande Bambino stanco che dorme. Ben misero il letto e la stanza! Ma anche il suo primo giaciglio non fu più bello, né più allegra la sua prima dimora. I pastori adorarono il Salvatore nel suo sonno di Infante. Voi adorate il Salvatore nel suo sonno di Trionfatore di Satana. E poi, come i pastori, andate a dire al mondo: “Gloria a Dio! Il Peccato è morto! Satana è vinto! Pace sia in Terra e in Cielo fra Dio e l’uomo!”. Preparate le vie al suo ritorno. Io vi mando. Io che la Maternità fa Sacerdotessa del rito. Andate. Ho detto che non voglio. Io l’ho lavato col mio pianto. E basta. Il resto non occorre. E non vi pensate di porlo su di Lui. Più facile sarà per Lui il risorgere se libero da quelle funebri, inutili bende. Perché mi guardi così, Giuseppe? E tu perché, Nicodemo? Ma l’orrore di questa giornata ebeti vi ha fatto? Smemorati? Non ricordate? “A questa generazione malvagia e adultera, che cerca un segno, non sarà dato che il segno di Giona… Così il Figlio dell’uomo starà tre giorni e tre notti nel cuore della Terra”. Non ricordate? “Il Figlio dell’uomo sta per essere dato in mano agli uomini che l’uccideranno, ma il terzo giorno risorgerà”. Non ricordate? “Distruggete questo Tempio del Dio vero ed in tre giorni Io lo risusciterò”. Il Tempio era il suo Corpo, o uomini. Scuoti il capo? Mi compiangi? Folle mi credi? Ma come? Ha risuscitato i morti e non potrà risuscitare Se stesso?
610.12
Giovanni?».
«Madre!».
«Sì, chiamami “madre”. Non posso vivere pensando che non sarò chiamata così! Giovanni, tu eri presente quando risuscitò la figlioletta di Giairo e il giovinetto di Naim. Erano ben morti, quelli, vero? Non era solo un pesante sopore? Rispondi».
«Morti erano. La bambina da due ore, il giovinetto da un giorno e mezzo».
«E sorsero al suo comando?».
«E sorsero al suo comando».
«Avete udito? Voi due, avete udito? Ma perché scuotete il capo? Ah! forse volete dire che la vita torna più presto in chi è innocente e giovinetto. Ma il mio Bambino è l’Innocente! Ed è il sempre Giovane. È Dio, mio Figlio!…». La Madre guarda con occhi di strazio e di follia i due preparatori che, accasciati ma inesorabili, dispongono i rotoli delle bende inzuppate ormai negli aromi.
Maria fa due passi. Ha rideposto il Figlio sulla pietra con la delicatezza di chi depone un neonato nella cuna. Fa due passi, si curva ai piedi del letto funebre, dove in ginocchio piange la Maddalena, e l’afferra per una spalla, la scuote, la chiama: «Maria. Rispondi. Costoro pensano che Gesù non possa risorgere perché uomo e morto di ferite. Ma tuo fratello non è più vecchio di Lui?».
«Sì».
«Non era tutto una piaga?».
«Sì».
«Non era già putrido prima di scendere nel sepolcro?».
«Sì».
«E non risorse dopo quattro giorni di asfissia e di putrefazione?».
«Sì».
«E allora?».
610.13
Un silenzio grave e lungo. Poi un urlo inumano. Maria vacilla portandosi una mano sul cuore. La sostengono. Ma Lei li respinge. Pare respinga i pietosi. In realtà respinge ciò che Lei sola vede. E urla: «Indietro! Indietro, crudele! Non questa vendetta! Taci! Non ti voglio udire! Taci! Ah! mi morde il cuore!».
«Chi, Madre?».
«O Giovanni! Satana è! Satana che dice: “Non risorgerà. Nessun profeta l’ha detto”. O Dio altissimo! Aiutatemi tutti, o voi, spiriti buoni, o voi, uomini pietosi! La mia ragione vacilla! Non ricordo più nulla. Che dicono i profeti? Che dice il salmo? Oh! chi mi ripete i passi che parlano del mio Gesù?».
È la Maddalena che con la sua voce d’organo dice il salmo davidico sulla Passione del Messia.
La Madre piange più forte, sorretta da Giovanni, e il pianto cade sul Figlio morto che ne è tutto bagnato. Maria vede, e lo asciuga, e dice a voce bassa: «Tanto pianto! E quando avevi tanta sete neppure una stilla te ne ho potuto dare. E ora… tutto ti bagno! Sembri un arbusto sotto una pesante rugiada. Qui, che la Mamma ti asciuga, Figlio! Tanto amaro hai gustato! Sul tuo labbro ferito non cada anche l’amaro e il sale del materno pianto!…».
Poi chiama forte: «Maria. Davide non dice… Sai Isaia? Di’ le sue parole…».
La Maddalena dice il brano sulla Passione e termina con un singhiozzo: «… consegnò la sua vita alla morte e fu annoverato tra i malfattori, Egli che tolse i peccati del mondo e pregò per i peccatori».
«Oh! Taci! Morte no! Non consegnato alla morte! No! No! Oh! che il vostro non credere, alleandosi alla tentazione di Satana, mi mette il dubbio nel cuore! E dovrei non crederti, o Figlio? Non credere alla tua santa parola?! Oh! dilla all’anima mia! Parla. Dalle sponde lontane, dove sei andato a liberare gli attendenti la tua venuta, getta la tua voce d’anima alla mia anima protesa, alla mia che è qui, tutta aperta a ricevere la tua voce. Dillo a tua Madre che torni! Di’: “Al terzo giorno risorgerò”. Te ne supplico, Figlio e Dio! Aiutami a proteggere la mia fede. Satana la attorciglia nelle spire per strozzarla. Satana ha levato la sua bocca di serpe dalla carne dell’uomo, perché Tu gli hai strappato questa preda, e ora ha confitto l’uncino dei suoi denti velenosi nella carne del mio cuore e me ne paralizza i palpiti, e la forza, e il calore. Dio! Dio! Dio! Non permettere che io diffidi! Non lasciare che il dubbio mi agghiacci! Non dare libertà a Satana di portarmi a disperare! Figlio! Figlio! Mettimi la mano sul cuore. Caccerà Satana. Mettimela sul capo. Vi riporterà la luce. Santifica con una carezza le mie labbra, perché si fortifichino a dire: “Credo” anche contro tutto un mondo che non crede. Oh! che dolore è non credere! Padre! Molto bisogna perdonare a chi non crede. Perché, quando non si crede più… quando non si crede più… ogni orrore diviene facile. Io te lo dico… io che provo questa tortura. Padre, pietà dei senza fede! Da’ loro, Padre santo, da’ loro, per questa Ostia consumata e per me, ostia che si consuma ancora, da’ la tua Fede ai senza fede!».
610.14
Un lungo silenzio.
Nicodemo e Giuseppe fanno un cenno a Giovanni e alla Maddalena.
«Vieni, Madre». È la Maddalena che parla, cercando di allontanare Maria dal Figlio e di dividere le dita di Gesù intrecciate fra quelle di Maria, che le bacia piangendo.
La Mamma si raddrizza. È solenne. Stende un’ultima volta le povere dita esangui, conduce la mano inerte a fianco del Corpo. Poi abbassa le braccia verso terra e, ben dritta, colla testa lievemente riversa, prega e offre. Non si ode parola. Ma si capisce che prega da tutto l’aspetto. È veramente la Sacerdotessa all’altare, la Sacerdotessa nell’attimo dell’offerta. «Offerimus[2] praeclarae majestati tuae de tuis donis, ac datis, hostiam puram, hostiam sanctam, hostiam immaculatam…».
Poi si volge: «Fate pure. Ma Egli risorgerà. Inutilmente voi diffidate della mia ragione e siete ciechi alla verità che Egli vi disse. Inutilmente tenta Satana di insidiare la mia fede. A redimere il mondo manca anche la tortura data al mio cuore da Satana vinto. La subisco e la offro per i futuri. Addio, Figlio! Addio, mia Creatura! Addio, Bambino mio! Addio… Addio… Santo… Buono… Amatissimo e amabile… Bellezza… Gioia… Fonte di salute… Addio… Sui tuoi occhi… sulle tue labbra… sui tuoi capelli d’oro… sulle tue membra gelide… sul tuo Cuore trafitto… oh! sul tuo Cuore trafitto… il mio bacio… il mio bacio… il mio bacio… Addio… Addio… Signore! Pietà di me!».
[19 febbraio 1944]
610.15
I due preparatori hanno finito la preparazione delle bende.
Vengono alla tavola e denudano Gesù anche del suo velo. Passano una spugna, mi pare, o un batuffolo di lino sulle membra in una molto frettolosa preparazione delle membra goccianti da mille parti.
Poi spalmano tutto il Corpo di unguenti. Lo seppelliscono addirittura sotto una crosta di manteca. Prima lo hanno sollevato, nettando anche la tavola di pietra su cui posano la sindone, che pende per oltre la metà dal capo del letto. Lo riadagiano sul petto e spalmano tutto il dorso, le cosce, le gambe. Tutta la parte posteriore. Poi delicatamente lo girano, osservando che non venga asportata la manteca degli aromi, e lo ungono anche dalla parte anteriore. Prima il tronco, poi le membra. Prima i piedi, per ultime le mani, che uniscono sul basso ventre.
La mistura degli aromi deve essere appiccicosa come gomma, perché vedo che le mani restano a posto, mentre prima scivolavano sempre per il loro peso di membra morte. I piedi no. Conservano la loro posizione: uno più dritto, l’altro più steso.
Per ultimo, il capo. Dopo averlo spalmato accuratamente, di modo che le fattezze scompaiono sotto lo strato di unguento, lo legano con la fascia mentoniera per mantenere chiusa la bocca.
Maria geme più forte.
Poi alzano il lato pendente della sindone e la ripiegano sopra a Gesù. Egli scompare sotto la grossa tela della sindone. Non è più che una forma coperta da un telo.
Giuseppe osserva che tutto sia bene a posto e appoggia ancora sul viso un sudario di lino e altri panni, simili a corte e larghe strisce rettangolari, che passano da destra a sinistra, al disopra del Corpo, e tengono a posto la sindone, bene aderente al Corpo. Non è la caratteristica fasciatura che si vede nelle mummie e neppure nella risurrezione di Lazzaro. È un embrione di fasciatura.
Gesù ormai è annullato. Anche la forma si confonde sotto i lini. Sembra un lungo mucchio di tela, più stretto ai vertici e più largo al centro, appoggiato sul grigio della pietra.
Maria piange più forte.
[4 ottobre 1944]
610.16
Dice Gesù:
«E la tortura continuò con assalti periodici sino all’alba della Domenica. Io ho avuto, nella Passione, una sola tentazione. Ma la Madre, la Donna, espiò per la donna, colpevole di ogni male, più e più volte. E Satana sulla Vincitrice infierì con centuplicata ferocia.
Maria l’aveva vinto. Su Maria la più atroce tentazione. Tentazione alla carne della Madre. Tentazione al cuore della Madre. Tentazione allo spirito della Madre. Il mondo crede che la Redenzione ebbe fine col mio ultimo anelito. No. La compì la Madre, aggiungendo la sua triplice tortura per redimere la triplice concupiscenza, lottando per tre giorni contro Satana che la voleva portare a negare la mia Parola e non credere nella mia Risurrezione. Maria fu l’unica che continuò a credere. Grande e beata è anche per questa fede.
Hai conosciuto anche questo. Tormento che fa riscontro al tormento del mio Getsemani. Il mondo non capirà questa pagina. Ma “coloro che sono nel mondo senza essere del mondo” la comprenderanno e aumentato amore avranno per la Madre Dolorosa. Per questo l’ho data.
Va’ in pace con la nostra benedizione».