La gardienne de la maison rentre. Il était sorti par curiosité et il apporte des nouvelles redoutables. On dit que beaucoup de gens sont morts dans le tremblement de terre, que beaucoup ont été blessés dans les corps à corps entre les fidèles du Nazaréen et les Juifs, que plusieurs ont été arrêtés et qu’il y aura de nouvelles exécutions pour révoltes et menaces contre Rome, que Pilate a ordonné d’arrêter tous les partisans du Nazaréen et tous les chefs du Sanhédrin présents dans la ville, ou même déjà enfuis à travers la Palestine, que Jeanne est mourante dans son palais, que Manahen a été arrêté par Hérode pour l’avoir insulté devant la Cour comme complice du Déicide. En somme, un tas de nouvelles catastrophiques…
Les femmes gémissent, moins par peur pour elles-mêmes que pour leurs fils et leurs maris. Suzanne pense à son époux, connu parmi les fidèles de Jésus en Galilée. Marie, femme de Zébédée, pense à son mari, logé chez un ami, et à son fils Jacques dont elle n’a pas de nouvelles depuis la veille au soir. Et Marthe sanglote :
« Ils seront déjà allés à Béthanie ! Qui pouvait ignorer ce qu’était Lazare pour le Maître ?
– Mais il est protégé par Rome, lui, réplique Marie Salomé.
– Protégé… Qui sait, avec la haine qu’ont pour nous les chefs d’Israël, quelles accusations ils portent contre lui à Pilate… Oh ! Mon Dieu ! »
Marthe se passe les mains dans les cheveux et crie :
« Les armes ! Les armes ! La maison en est pleine… et aussi le palais ! Je le sais ! Ce matin, à l’aurore, Lévi, le gardien, est venu m’en parler… Mais tu le sais déjà, toi aussi ! Et tu l’as dit aux juifs sur le Calvaire… Sotte ! Tu as mis dans la main des malfaiteurs l’arme pour tuer Lazare !…
– Je l’ai dit, oui, j’ai dit la vérité sans le savoir. Mais tais-toi, espèce de poule mouillée ! Ce que j’ai dit est la plus sûre garantie pour Lazare. Ils se garderont bien de s’aventurer dans des recherches là où ils savent qu’il y a des gens armés ! Ce sont des lâches !
– Les juifs, oui. Mais pas les Romains.
– Je ne crains pas Rome. Elle est juste et prend ses dispositions paisiblement.
– Marie a raison » intervient Jean. « Longinus m’a confié : “ J’espère qu’ils vous laisseront tranquilles. Mais si ce n’est pas le cas, viens ou envoie quelqu’un au Prétoire. Pilate est bienveillant pour les fidèles du Nazaréen. Il l’était aussi pour lui. Nous vous défendrons.
– Mais si les juifs font tout par eux-mêmes ? Hier soir, c’étaient eux qui ont capturé Jésus ! Et, s’ils prétendent que nous sommes des profanateurs, ils ont le droit de nous prendre. Oh ! mes fils ! J’en ai quatre ! Où sont Joseph et Simon ? Ils étaient sur le Calvaire, puis ils sont descendus quand Jeanne n’a pas résisté. Pour aider et défendre les femmes… Eux, les bergers, Alphée… tous, ils les auront certainement déjà tués. Tu as entendu que Jeanne est mourante ? Elle l’est certainement parce qu’elle est blessée. Et eux, avant que la plèbe ne puisse frapper une femme, ils l’auront défendue et ils seront morts !… Et Jude et Jacques ? Mon petit Jude ! Mon trésor ! Et Jacques, qui est doux comme une fillette ! Ah ! Je n’ai plus de fils ! Je suis comme la mère des fils Maccabées !… »