Gli Scritti di Maria Valtorta

612. La nuit du vendredi saint.

612. La notte del Venerdì Santo. Lamento della Vergine.

612.1

Marie, secourue par les femmes en pleurs, revient à elle. Elle n’a plus que la force de sangloter. Il semble vraiment que sa vie doive s’écouler et se consumer tout entière dans ces larmes.

Les femmes veulent qu’elle se restaure. Marthe lui offre un peu de vin, la gardienne voudrait qu’elle prenne au moins un peu de miel. Marie, femme d’Alphée, à genoux devant elle, lui présente une tasse de lait tiède en disant :

« Je l’ai trait moi-même à la chèvre de la petite Rachel. »

(Peut-être s’agit-il d’une fille de la famille qui habite dans cette maison de Lazare, comme locataires ou comme gardiens, je ne sais). Mais Marie ne veut rien. Pleurer, seulement pleurer. Et aussi demander et s’entendre promettre que l’on battra le rappel des apôtres et des disciples, que l’on recherchera la lance et les vêtements et que, quand il fera jour, puisque maintenant ils ne veulent pas la laisser aller, elles lui permettront d’entrer dans la pièce du Cénacle.

« Oui. Si tu es un peu tranquille, si tu reposes un peu, je t’y conduirai » dit sa belle-sœur. « Nous entrerons toutes les deux et, à genoux, j’irai pour toi à la découverte de toute trace de Jésus… » Marie, femme d’Alphée, sanglote. « Mais tu vois ? Ici tu as la coupe et le pain entamé par lui, employé par lui pour l’Eucharistie. Y a-t-il plus saint souvenir ? Tu vois ? Jean te les a apportés dès ce matin pour que tu les voies ce soir…

612.2

Pauvre Jean qui est là, qui pleure et qui a peur…

– Peur ? Pourquoi ? Viens, Jean. »

Jean sort de l’ombre — car dans la pièce il n’y a qu’une petite lampe posée sur la table près des objets de la Passion —, et vient s’agenouiller aux pieds de Marie, qui lui fait une caresse et lui demande :

« Pourquoi as-tu peur ? »

Alors Jean, en embrassant ses mains et en pleurant :

« Parce que tu es malade. Tu es fiévreuse et angoissée… Et tu n’es pas tranquille. Si tu continues ainsi, tu vas mourir comme lui est mort…

– Ah ! Si cela pouvait être vrai !

– Non ! Mère ! Maman ! Oh ! il est plus doux de dire : “ Maman ”, comme à la mienne ! Laisse-moi t’appeler ainsi… Je ne trouve pas de différence entre ma mère et toi, et même je t’aime encore plus qu’elle, parce que tu es la Mère que Jésus m’a donnée et que tu es sa Mère, par conséquent ne fais pas une trop grande différence entre le Fils né de toi et le fils qui t’a été donné… Et aime-moi un peu comme tu l’aimes, lui… Si c’était lui qui te disait : “ J’ai peur que tu meures ”, lui répondrais-tu : “ Ah ! Si cela pouvait être vrai ! ” ? Non, n’est-ce pas ? Tu regretterais au contraire de t’en aller et le laisser dans un monde de loups, lui, ton Agneau… Et pour moi tu n’es pas en peine ?… Je suis tellement plus agneau que lui, non par bonté et pureté, mais par stupidité et par peur. Si tu n’es plus là pour moi, le pauvre Jean sera dévoré par les loups sans avoir su élever un bêlement qui parle de son Maître… Veux-tu que je meure ainsi, sans le servir ? Stupide dans la mort comme dans la vie ? Non, n’est ce pas ? Alors, Maman, cherche à t’apaiser… Pour lui… D’ailleurs ne dis-tu pas qu’il va ressusciter ? Si, tu le dis, et c’est vrai. Veux-tu donc qu’à sa résurrection, il trouve la maison vide de toi ? Car il viendra sûrement ici… Oh ! pauvre, pauvre Jésus si, au lieu de ton cri d’amour, il entendait nos lamentations de deuil et si, au lieu de trouver ton sein pour poser sa tête martyrisée et glorieuse, il trouvait close la porte de ton tombeau. Tu dois vivre. Pour le saluer quand il reviendra… je ne dis pas “ à notre amour ”. Nous méritons tous des reproches pour la façon dont nous nous sommes conduits. Mais à ton amour.

612.3

Oh ! Que sera cette rencontre ? Et lui, comment sera-t-il ? Mère de la Sagesse, Maman du très ignorant Jean, toi qui sais tout, dis-nous comment il sera, quand il apparaîtra ressuscité.

– Lazare avait les blessures des jambes cicatrisées, mais on en voyait la trace. Et il est apparu enveloppé dans des bandes pleines de pourriture, dit Marthe.

– Il nous a fallu le laver à plusieurs reprises… ajoute Marie.

– Il était faible, et nous avons dû le restaurer sur l’ordre du Maître, achève Marthe.

– Le fils de la veuve de Naïm était comme étourdi et semblait être un bébé incapable de marcher et de parler couramment, si bien que Jésus le rendit à sa mère pour qu’elle lui apprît de nouveau à user des biens de la vie. Quant à la fillette de Jaïre, c’est lui-même qui guida ses premiers pas, dit Jean.

– Je pense que mon Seigneur nous enverra un ange pour nous dire : “ Venez avec un vêtement propre. ” Et mon amour l’a déjà préparé. Il est dans le palais. Je n’ai pas pu le filer, mais je l’ai fait filer par ma nourrice, qui maintenant est tranquille sur mon avenir, et ne pleure plus. J’ai pris le lin le plus précieux, j’ai eu la pourpre par Plautina, Noémi en a tissé le volant, et moi j’ai fait la ceinture, la bourse et le talit. Je les ai brodés de nuit pour n’être pas vue. Mère, c’est toi qui me l’as appris. Ce n’est pas parfait. Mais plus que les perles qui dessinent son nom sur la ceinture et sur la bourse, ce sont les diamants de mes larmes d’amour et mes baisers qui le rendent beau. Chaque point me fait brûler de dévouement pour lui. Et je la lui porterai. Tu m’y autorises, n’est-ce pas ?

– Je ne pensais pas qu’on le priverait de son vêtement… Je ne suis pas habituée aux usages du monde et à sa férocité… Je croyais déjà la connaître… (et des larmes roulent de nouveau le long de ses joues cireuses), mais je m’aperçois que je ne savais encore rien… Je m’imaginais : “ Après, il aura encore le vêtement de sa Maman. ” Il lui plaisait tant ! Il l’avait voulu ainsi et il me l’avait dit depuis longtemps[1] : “ Tu feras un vêtement de telle et telle façon, et tu me l’apporteras pour la Pâque… Car Jérusalem doit me voir dans un vêtement pourpre de roi… ” Ah ! Cette laine, plus blanche que la neige, devenait rouge aux yeux de Dieu et aux miens pendant que je la filais, parce que mon cœur avait reçu une nouvelle blessure à cette parole… Quant aux autres, si elles ne s’étaient pas complètement fermées au long des années, du moins leur suintement de sang avait-il séché. Mais celle-là ! Chaque jour, chaque heure retournait l’épée dans mon cœur : “ Un jour de moins ! Une heure de moins ! Et ensuite, il sera mort ! ” Oh ! Oh !… Sur le fuseau ou sur le métier, le fil devenait rouge à mes yeux… On l’a teint ensuite pour le monde… Mais il était déjà rouge… »

Marie pleure de nouveau.

Les femmes cherchent à la soulager en lui parlant de la Résurrection. Suzanne demande :

« Que dis-tu ? Comment sera-t-il, une fois ressuscité ? Et comment ressuscitera-t-il ? »

Alors Marie, égarée, aveuglée à cette heure de martyre rédempteur, répond :

« Je ne sais pas… Je ne sais plus rien… sauf qu’il est mort… »

612.4

Elle éclate de nouveau en de violents sanglots et elle baise le linge qui ceignait les reins de son Fils, elle le serre sur son cœur et le berce comme si c’était un enfant…

Elle touche les clous, les épines, l’éponge, et s’exclame :

« C’est donc cela qu’a su te donner ta patrie : du fer, des épines, du vinaigre et du fiel ! Et des insultes, des insultes, encore des insultes ! Et parmi tous les fils d’Israël, on a dû choisir un homme de Cyrène pour porter la croix. Cet homme est pour moi sacré comme un époux. Si j’en connaissais un autre qui ait secouru mon Enfant, je lui baiserais les pieds. Mais personne n’a donc eu pitié ? Sortez ! Partez ! Votre simple vue me fait souffrir ! De vous tous, aucun n’a su obtenir une torture moins cruelle. Serviteurs inutiles et inertes de votre Roi, sortez ! »

Elle s’emporte tant qu’elle en paraît terrible. Debout, bien droite, elle paraît même plus grande, avec ses yeux impérieux, son bras tendu qui indique la porte. Elle ordonne comme une reine sur son trône.

Tous sortent sans réagir pour ne pas l’énerver davantage et vont s’asseoir de l’autre côté de la porte fermée, pour écouter ses gémissements et tout bruit qu’elle peut faire. Mais après le grincement du siège qu’elle a repoussé et le battement de ses genoux qui frappent le sol car elle s’est agenouillée, la tête contre la table sur laquelle se trouvent les objets de la Passion —, on n’entend que ses pleurs sans arrêt et sans réconfort.

Elle murmure, mais si doucement que ceux qui sont dehors ne peuvent l’entendre :

« Père, Père, pardon ! Je deviens orgueilleuse et méchante. Mais tu le vois : ce que je dis est vrai. Il y avait toute une foule autour de lui, et en ces jours de fête toute la Palestine se regroupe dans les murs saints… Saints ? Non, ils ne le sont plus… Ils le seraient restés si mon Fils avait expiré à l’intérieur d’eux. Mais Jérusalem l’a expulsé comme un vomissement qui donne la nausée. Il n’y a donc dans Jérusalem que le Crime… Eh bien, de tout ce peuple qui le suivait, il n’a pu se rassembler une poignée qui s’impose, je ne dis pas pour le sauver — il devait mourir pour racheter —, mais pour lui permettre de mourir sans autant de tortures. Ils sont restés dans l’ombre, ou bien ils ont fui… Mon cœur se révolte devant tant de lâcheté. Je suis la Mère. A cause de cela, pardonne mon péché d’orgueilleuse dureté… »

Elle pleure…

Dehors, les autres sont sur les chardons ardents, et pour plusieurs raisons.

612.5

La gardienne de la maison rentre. Il était sorti par curiosité et il apporte des nouvelles redoutables. On dit que beaucoup de gens sont morts dans le tremblement de terre, que beaucoup ont été blessés dans les corps à corps entre les fidèles du Nazaréen et les Juifs, que plusieurs ont été arrêtés et qu’il y aura de nouvelles exécutions pour révoltes et menaces contre Rome, que Pilate a ordonné d’arrêter tous les partisans du Nazaréen et tous les chefs du Sanhédrin présents dans la ville, ou même déjà enfuis à travers la Palestine, que Jeanne est mourante dans son palais, que Manahen a été arrêté par Hérode pour l’avoir insulté devant la Cour comme complice du Déicide. En somme, un tas de nouvelles catastrophiques…

Les femmes gémissent, moins par peur pour elles-mêmes que pour leurs fils et leurs maris. Suzanne pense à son époux, connu parmi les fidèles de Jésus en Galilée. Marie, femme de Zébédée, pense à son mari, logé chez un ami, et à son fils Jacques dont elle n’a pas de nouvelles depuis la veille au soir. Et Marthe sanglote :

« Ils seront déjà allés à Béthanie ! Qui pouvait ignorer ce qu’était Lazare pour le Maître ?

– Mais il est protégé par Rome, lui, réplique Marie Salomé.

– Protégé… Qui sait, avec la haine qu’ont pour nous les chefs d’Israël, quelles accusations ils portent contre lui à Pilate… Oh ! Mon Dieu ! »

Marthe se passe les mains dans les cheveux et crie :

« Les armes ! Les armes ! La maison en est pleine… et aussi le palais ! Je le sais ! Ce matin, à l’aurore, Lévi, le gardien, est venu m’en parler… Mais tu le sais déjà, toi aussi ! Et tu l’as dit aux juifs sur le Calvaire… Sotte ! Tu as mis dans la main des malfaiteurs l’arme pour tuer Lazare !…

– Je l’ai dit, oui, j’ai dit la vérité sans le savoir. Mais tais-toi, espèce de poule mouillée ! Ce que j’ai dit est la plus sûre garantie pour Lazare. Ils se garderont bien de s’aventurer dans des recherches là où ils savent qu’il y a des gens armés ! Ce sont des lâches !

– Les juifs, oui. Mais pas les Romains.

– Je ne crains pas Rome. Elle est juste et prend ses dispositions paisiblement.

– Marie a raison » intervient Jean. « Longinus m’a confié : “ J’espère qu’ils vous laisseront tranquilles. Mais si ce n’est pas le cas, viens ou envoie quelqu’un au Prétoire. Pilate est bienveillant pour les fidèles du Nazaréen. Il l’était aussi pour lui. Nous vous défendrons.

– Mais si les juifs font tout par eux-mêmes ? Hier soir, c’étaient eux qui ont capturé Jésus ! Et, s’ils prétendent que nous sommes des profanateurs, ils ont le droit de nous prendre. Oh ! mes fils ! J’en ai quatre ! Où sont Joseph et Simon ? Ils étaient sur le Calvaire, puis ils sont descendus quand Jeanne n’a pas résisté. Pour aider et défendre les femmes… Eux, les bergers, Alphée… tous, ils les auront certainement déjà tués. Tu as entendu que Jeanne est mourante ? Elle l’est certainement parce qu’elle est blessée. Et eux, avant que la plèbe ne puisse frapper une femme, ils l’auront défendue et ils seront morts !… Et Jude et Jacques ? Mon petit Jude ! Mon trésor ! Et Jacques, qui est doux comme une fillette ! Ah ! Je n’ai plus de fils ! Je suis comme la mère des fils Maccabées !… »

612.6

Toutes pleurent désespérément. Toutes, sauf la gardienne de la maison qui est allée chercher une cachette pour son mari, et Marie-Madeleine. Mais ses yeux jettent du feu : elle redevient la femme autoritaire d’autrefois. Sans mot dire, elle darde son regard sur ses compagnes abattues, et elle bout de leur adresser une épithète très claire : “ Pusillanimes! ”

Un certain temps passe ainsi… De temps à autre l’une d’elle se lève, ouvre doucement la porte, jette un coup d’œil, la referme.

« Que fait-elle ? » demandent les autres.

Celle qui a regardé répond :

« Elle est toujours à genoux. Elle prie » ou bien : « Elle semble parler avec quelqu’un. » Et encore : « Elle s’est levée et fait de grands gestes en marchant çà et là dans la pièce. »

[sans date]

612.7

La lamentation de la Vierge[2].

« Jésus ! Jésus ! Où es-tu ? M’entends-tu encore ? Entends-tu ta pauvre Maman qui crie, en ce moment, ton nom saint et béni, après l’avoir gardé dans son cœur pendant tant d’heures ? Ton saint nom, qui a été mon amour, l’amour de mes lèvres qui goûtaient une saveur de miel en disant ton nom, de mes lèvres qui maintenant, au contraire, semblent en le disant boire l’amertume restée sur tes lèvres, l’amertume de l’atroce mixture… Ton nom, amour de mon cœur qui se gonflait de joie quand il le prononçait, comme il s’était dilaté pour transvaser son sang, t’accueillir et t’en revêtir quand tu es descendu du Ciel vers moi, si petit, si minuscule, que tu aurais pu tenir dans le calice de la menthe sauvage, toi qui es si grand, toi, le Puissant anéanti dans un germe d’homme pour le salut du monde. Ton nom, douleur de mon cœur, maintenant qu’il est arraché aux caresses de ta Maman pour te jeter dans les bras des bourreaux qui t’ont torturé jusqu’à te faire mourir !

J’ai le cœur brisé par ce nom que j’ai dû renfermer pendant tant d’heures et dont le cri augmentait à mesure que croissait ta douleur, jusqu’à l’abattre, comme s’il était foulé par le pied d’un géant. Oui, ma douleur est gigantesque, elle m’écrase, elle me broie et il n’est rien qui puisse la soulager. A qui dire ton nom ? Rien ne répond à mon cri. Même si je hurlais jusqu’à fendre la pierre qui ferme ton tombeau, tu ne l’entendrais pas, puisque tu es mort. Tu n’entends plus ta Maman !

612.8

Que de fois ne t’ai-je pas appelé, pendant ces trente-quatre ans[3], ô mon Fils ! Du moment où j’ai su que je devais être Mère, et que mon enfant s’appellerait “ Jésus ! ”. Tu n’étais pas encore né que moi, en caressant le sein où tu grandissais, je t’appelais doucement : “ Jésus ! ” et il me semblait que tu remuais pour me répondre : “ Maman ! ”

Je te donnais déjà une voix, je la rêvais déjà. Je l’entendais avant même qu’elle n’existe. Et quand je l’ai entendue, faible comme celle d’un agneau qui vient de naître, qui tremblait dans la nuit froide pendant laquelle tu es né, j’ai connu l’abîme de la joie… et je croyais avoir connu l’abîme de la douleur parce que c’étaient les pleurs de mon Enfant qui avait froid, qui était mal à l’aise, qui versait ses premières larmes de Rédempteur. Or je n’avais pas de feu ni de berceau, et je ne pouvais souffrir à ta place, Jésus. Je n’avais que mon sein comme feu et oreiller, et mon amour pour t’adorer, mon saint Fils.

Je croyais avoir connu l’abîme de la douleur… ce n’en était que l’aube. Maintenant, c’en est le midi. Ce n’en était que l’amorce, maintenant c’en est le fond. C’est l’abîme ce que je touche maintenant, après y être descendue au cours de ces trente-quatre années, bousculée par tant d’aléas et prostrée, aujourd’hui, sur le fond horrible de ta croix.

Quand tu étais petit, je te berçais en chantonnant : “ Jésus ! Jésus ! ” Quelle harmonie plus sainte et plus belle que ce nom qui fait sourire les anges au Ciel ? Pour moi, il était plus beau que le chant, si doux, des anges dans la nuit de ta naissance. J’y voyais le Ciel, c’était le Ciel entier que je contemplais à travers ce nom. Et maintenant, en te le disant, à toi qui es mort et qui ne m’entends pas, et ne me réponds pas, comme si tu n’avais jamais existé, je vois l’Enfer, tout l’Enfer. Voilà : je comprends maintenant ce que veut dire être damné. C’est ne plus pouvoir dire : “ Jésus ! ” Quelle horreur !

612.9

Combien de temps durera cet enfer pour ta Maman ? Tu as dit : “ En trois jours, je reconstruirai ce Temple. ” Je me répète cette parole toute la journée, pour ne pas tomber morte, pour être prête à te saluer à ton retour, et te servir encore… Mais comment pourrai-je te savoir mort, pendant trois jours ? Trois jours dans la mort, toi, toi, ma vie ?

Mais comment, toi qui sais tout, puisque tu es la Sagesse infinie, ne connais-tu pas la douleur de ta Maman ? Ne peux-tu te l’imaginer en te rappelant ce moment où je t’ai perdu à Jérusalem et où tu m’as vue fendre la foule autour de toi, avec le visage d’un naufragé qui atteint le rivage après une longue lutte contre l’eau et la mort, avec le visage d’une femme qui sort d’une torture, épuisée, ayant perdu son sang, vieillie, brisée ? Et encore, je pouvais penser que tu étais seulement perdu, je pouvais avoir cette illusion. Mais pas aujourd’hui. Je sais bien que tu es mort. L’illusion n’est pas possible. Je t’ai vu être tué. Même si la douleur me le faisait oublier, voici ton sang sur mon voile, qui me crie : “ Il est mort ! Il n’a plus de sang ! Celui-ci est le dernier sorti de son cœur ! ” De son cœur ! du cœur de mon Enfant, de mon Fils ! de mon Jésus ! Mon Dieu ! Dieu de pitié, ne me fais pas souvenir qu’on lui a ouvert le cœur…

612.10

Jésus, je ne puis rester seule ici pendant que tu es seul là-bas. Moi qui n’ai jamais aimé les chemins du monde et les foules, et tu le sais, depuis que tu as quitté Nazareth, je t’ai suivi de plus en plus, pour ne pas vivre loin de toi. Cela m’aurait été impossible. J’ai affronté la curiosité et le mépris, je ne compte pas ma fatigue parce qu’elle disparaissait quand je te voyais, pour vivre là où tu étais. Et maintenant, je suis ici seule, et tu es là-bas seul. Pourquoi ne m’ont-ils pas laissée dans ton tombeau ? Je me serais assise auprès de ton lit glacé, en tenant une de tes mains dans les miennes, pour te faire sentir que j’étais à côté de toi… Non, pour sentir que tu étais à côté de moi. Tu ne sens plus rien. Tu es mort !

Que de nuits j’ai passées près de ton berceau, à prier, à aimer, à me délecter de toi… Veux-tu que je te dise comment tu dormais, tes petits poings serrés comme deux boutons de fleur contre ton petit visage saint ? Veux-tu que je te dise comment tu souriais dans ton sommeil et comment, en te rappelant certainement le lait de la Maman, tu faisais le geste de sucer ? Veux-tu que je te dise comment tu t’éveillais, comment tu ouvrais tes petits yeux, comment tu riais en me voyant penchée sur ton visage et comment tu tendais joyeusement tes menottes, impatient que je te prenne, et comment, avec un petit cri doux comme le trille d’une fauvette, tu réclamais ta nourriture ? Ah ! que j’étais heureuse lorsque tu t’attachais à mon sein et que je sentais la tiédeur lisse de tes joues, les caresses de tes menottes sur ma poitrine !

Tu ne savais pas rester seul sans ta Maman. Et maintenant, te voilà seul ! Pardonne-moi, mon Fils, de t’avoir laissé seul, de ne m’être pas révoltée pour la première fois de ma vie et d’avoir voulu rester là. C’était ma place. Je me serais sentie moins désolée si j’avais été près de ton lit funèbre, pour arranger les langes comme autrefois et les changer… Même si tu n’avais pu me sourire et me parler, il m’aurait semblé t’avoir, de nouveau, comme quand tu étais petit. Je t’aurais accueilli sur mon cœur pour ne pas te faire sentir la froideur de la pierre, la dureté du marbre. Ne t’ai-je pas tenu aujourd’hui même ? Le sein d’une mère est toujours capable d’accueillir son fils, même s’il est adulte. Un fils est toujours un enfant pour sa maman, même s’il est déposé de la croix, couvert de plaies et de blessures.

612.11

Que de blessures ! Que de douleur ! Ah ! mon Jésus, mon Jésus si durement blessé ! Blessé de cette manière ! Tué de cette manière ! Non, non, Seigneur, non ! Ce ne peut être vrai ! Je suis folle ! Jésus mort ? Je délire. Jésus ne peut mourir ! Souffrir, oui. Mourir, non. Il est la Vie ! Il est le Fils de Dieu. Il est Dieu. Dieu ne meurt pas.

Il ne meurt pas ? Et alors pourquoi s’est-il appelé “ Jésus ” ? Que veut dire “ Jésus ” ? Cela veut dire… oh ! cela veut dire : “ Sauveur ” ! Il est mort ! Il est mort parce qu’il est le Sauveur. Il a dû sauver tous les hommes, en se perdant lui-même… Je ne délire pas, non. Je ne suis pas folle. Non. Si je l’étais, je souffrirais moins ! Il est mort. Voici son sang. Voici sa couronne. Voici les trois clous : c’est avec ceux-ci qu’ils l’ont transpercé !

Hommes, regardez avec quoi vous avez transpercé Dieu, mon Fils ! Or je dois vous pardonner et je dois vous aimer… Parce que lui, il vous a pardonné, et parce qu’il m’a dit de vous aimer ! Il m’a fait votre Mère, Mère des assassins de mon Enfant ! Ce fut l’une de ses dernières paroles, alors qu’il luttait contre le râle de l’agonie… “ Mère, voici ton fils… tes fils. ” Même si je n’avais pas été Celle qui obéit, j’aurais dû obéir aujourd’hui, car c’était le commandement d’un mourant.

Alors voici, Jésus, je pardonne, je les aime. Ah ! mon cœur se brise dans ce pardon, dans cet amour ! Entends-tu que je leur pardonne et les aime ? Je prie pour eux. Voilà : je prie pour eux… Je ferme les yeux pour ne pas voir ces objets de ta torture, pour être capable de leur pardonner de les aimer, de prier pour eux. Chaque clou sert à crucifier toute volonté de ma part de ne pas pardonner, de ne pas aimer, de ne pas prier pour tes bourreaux.

612.12

Je dois, je veux penser que je suis près de ton berceau. A cette époque, je priais aussi pour les hommes, mais alors c’était facile. Tu étais vivant et moi, même si je jugeais les hommes cruels, je n’arrivais jamais à penser qu’ils puissent l’être autant à ton égard, alors que tu les avais comblés outre mesure de bienfaits. Je priais, convaincue que ta Parole les aurait rendus bons. Je leur disais dans mon cœur, en les regardant : “ Vous êtes maintenant mauvais et malades, mes frères. Mais d’ici peu il parlera, d’ici peu il vaincra en vous Satan, il vous donnera la vie perdue ! ” La vie perdue ! C’est toi, toi, toi qui l’as perdue, la vie, pour eux. Mon Jésus !

Si, quand tu étais dans les langes, j’avais pu voir l’horreur de ce jour, mon doux lait se serait changé en poison sous l’effet de la douleur ! Siméon l’a annoncé : “ Une épée te transpercera le cœur. ” Une épée ? Une forêt d’épées ! Combien de blessures ils t’ont faites, mon Fils ? Combien de gémissements tu as poussés ? Combien de spasmes ? Combien de gouttes de sang tu as versées ? Eh bien ! chacune est une épée pour moi. Je suis une forêt d’épées. En toi, il n’en est pas une partie de ta peau qui ne soit une plaie. En moi, il n’en est pas qui ne soit transpercée. Elles transpercent mes chairs et me pénètrent dans le cœur.

612.13

Quand j’attendais ta naissance, je te préparais les langes et les linges en filant le plus beau lin de la terre. Je n’ai pas regardé au prix pour posséder l’étoffe la plus lisse. Comme tu étais beau dans les langes de ta Maman ! Tous me félicitaient : “ Il est beau, ton enfant, Femme ! ” Tu étais beau ! Ton petit visage rose ressortait sur la blancheur du lin. Tu avais deux yeux plus bleus que le ciel, et ta petite tête semblait enveloppée d’un nuage d’or tant tes cheveux étaient blonds et soyeux. Ils sentaient la fleur d’amandier à peine ouverte. On croyait que je te parfumais. Non, mon trésor n’avait que le parfum des langes lavés par sa Maman, réchauffés, baisés par son cœur et par ses lèvres. Je n’étais jamais lasse de travailler pour toi.

Et maintenant ? Je n’ai plus rien à faire pour toi. Voici trois ans que tu avais quitté la maison, mais tu étais encore le but de mes journées. Penser à toi, à tes vêtements, à ta nourriture : pétrir la farine et en faire du pain, soigner les abeilles pour t’en donner le miel, veiller sur les arbres pour qu’ils produisent des fruits pour toi. Comme tu aimais ce que ta Maman t’apportait ! Aucun mets de table riche, aucun vêtement d’étoffe précieuse n’égalaient à tes yeux ces tissus cousus, soignés, préparés par les mains de ta Maman. Quand j’allais te voir, tu regardais tout de suite mes mains, comme quand tu étais tout petit et que Joseph et moi, nous te présentions nos pauvres dons pour te faire sentir que tu étais notre Roi. Tu n’as jamais été gourmand, mon Enfant, mais c’était l’amour que tu cherchais, c’était cela ta nourriture et tu le trouvais dans nos soins. Maintenant aussi, c’était ce que tu trouvais, ce que tu cherchais, mon pauvre Fils, si peu aimé du monde !

Maintenant, plus rien. Tout est accompli. Ta Maman ne fera plus rien pour toi. Tu n’as plus besoin de rien… Maintenant, tu es seul… Et moi aussi, je suis seule… Oh ! heureux Joseph, qui n’a pas vu ce jour. Si moi aussi je n’avais plus été là ! Mais alors tu n’aurais pas eu même ce réconfort de voir ta pauvre Maman. Tu aurais été seul sur la croix, comme tu es seul dans le tombeau, seul avec tes blessures.

612.14

Oh Dieu ! Dieu, que de blessures a ton Fils, mon Fils ! Comment ai-je pu les voir sans mourir, moi qui m’évanouissais quand tout petit tu te faisais mal ?

Une fois, tu es tombé dans le jardin de Nazareth et tu t’es blessé le front : cela t’a valu quelques gouttes de sang. Mais moi, qui m’étais sentie mourir en voyant des gouttes de ton sang à la circoncision — Joseph dut même me soutenir, car je tremblais comme un mourant —, il me semblait que cette blessure minuscule devait te tuer, et c’est plus avec mes larmes qu’avec de l’eau et de l’huile que je l’ai soignée ; je ne me suis rassurée, que lorsque le sang s’est arrêté de couler. Une autre fois, tu apprenais à travailler, et tu t’es blessé avec la scie. Une petite blessure. Mais c’était comme si la scie m’avait coupée en deux. Je n’ai eu de repos que lorsque, six jours après, j’ai vu ta main guérie.

Et maintenant ? Et maintenant ? Maintenant tu as les mains, les pieds, le côté ouverts, maintenant ta chair tombe en lambeaux et ton visage est couvert de contusions. Ce visage que je n’osais effleurer d’un baiser… Ton front et ta nuque sont couverts de plaies et personne ne t’a donné de remède et de réconfort.

612.15

Regarde mon cœur, ô Dieu qui m’as frappée dans mon Enfant ! Regarde-le ! N’est-il pas couvert de plaies comme le corps de Celui qui es mon Fils et le tien ? Les coups de fouets sont tombés sur moi comme une grêle pendant qu’on le frappait. Qu’est la distance pour l’amour ? J’ai souffert les tortures de mon Fils ! Que ne les ai-je souffertes moi seule ! Que n’ai-je été, moi, sur la pierre du tombeau ! Regarde-moi, ô Dieu ! Mon cœur ne suinte-t-il pas le sang ? Voici le cercle des épines, je le sens. C’est une bande qui me serre et me transperce. Voici le trou des clous : trois stylets plantés dans mon cœur.

Oh ! ces coups ! ces coups ! Comment le Ciel ne s’est-il pas écroulé sous ces coups sacrilèges dans la chair de Dieu ? Et ne pas pouvoir crier ! Ne pas pouvoir m’élancer pour arracher l’arme des mains des assassins et en faire une défense pour mon Enfant mourant. Mais devoir les entendre, entendre et ne rien faire ! Un coup sur le clou, et le clou entre dans les chairs vivantes. Un autre coup, et il entre encore davantage. Un autre et un autre encore, et les os, les nerfs se brisent, et voilà transpercée la chair de mon Enfant et le cœur de sa Maman.

Et quand ils t’ont élevé sur la croix ? Combien tu dois avoir souffert, mon saint Fils ! Je vois encore ta main se déchirer dans la secousse de la chute. J’ai le cœur déchiré comme elle. Je suis contusionnée, flagellée, frappée à coup de pique, battue, transpercée comme toi. Je n’étais pas avec toi sur la croix, mais regarde-la, ta Maman ! Est-elle différente de toi ? Non. Il n’y a pas de différence de martyre. D’ailleurs, si le tien est fini, le mien dure encore. Tu n’entends plus les accusations mensongères, moi je les entends. Tu n’entends plus les blasphèmes horribles, moi je les entends encore. Tu ne sens plus la morsure des épines et des clous, ni la soif et la fièvre. Je suis pleine de pointes de feu, il en est comme si je mourais brûlée et délirante.

612.16

Si du moins ils m’avaient laissée te donner une goutte d’eau ! Ou mes larmes, si la férocité des hommes refusait au Créateur l’eau créée par lui. Je t’ai donné beaucoup de lait, parce que nous étions pauvres, mon Fils ; dans notre fuite en Egypte nous avions tout perdu, et nous avions dû nous refaire un toit, des meubles, sans compter les vêtements et la nourriture, et nous ne savions pas combien de temps l’exil allait durer, ni ce que nous allions trouver à notre retour au pays. Je t’ai donné du lait au-delà du temps habituel pour que tu ne sentes pas le manque de nourriture. Jusqu’au moment où nous eûmes une petite chèvre, c’est moi qui ai joué ce rôle, enfant de ta Maman. Tu avais déjà des dents et tu mordais… Oh ! quelle joie de te voir rire dans tes jeux d’enfant !…

Tu voulais marcher. Tu étais fort et en pleine santé. Moi, je te soutenais pendant des heures et des heures, et je ne sentais pas se briser mes reins à rester penchée sur toi, qui faisais tes petits pas et répétais à chacun : “ Maman ! ”, “ Maman ! ” Oh ! quel bonheur pour moi de t’entendre chanter ce nom !

Tu le disais aussi aujourd’hui : “ Maman, Maman ! ” Mais ta Maman ne pouvait que te regarder mourir. Je ne pouvais même pas caresser tes pieds ! Tes pieds ? Ah ! même s’ils avaient été à portée de main, je n’aurais pu les toucher pour ne pas accroître ton tourment. Comme tes pauvres pieds devaient souffrir, mon Jésus ! Si j’avais pu monter jusqu’à toi, et me mettre entre le bois et ton corps, et t’empêcher de heurter contre le bois dans les convulsions de l’agonie ! J’entends encore ta tête frapper le bois dans les derniers sursauts. Et ce bruit, ce bruit me rend folle. C’est comme si j’avais un marteau dans la tête…

Reviens, reviens, mon cher Fils, mon Fils adoré, mon Fils saint ! Je meurs. Je ne puis me faire à cette désolation qu’est la mienne. Montre-moi de nouveau ton visage. Appelle-moi encore. Je ne puis penser que tu es sans voix, sans regard, simple dépouille froide et sans vie !

Oh ! Père, viens à mon secours. Jésus ne m’entend pas ! La Passion n’est-elle pas finie ? Tout n’est-il pas accompli ? Ces clous, ces épines, ce sang, ces larmes ne suffisent-ils pas ? Faut-il encore autre chose pour guérir l’homme ?

612.17

Père, je te cite les instruments de sa douleur et mes larmes. Mais ceci est ce qu’il y a de moindre. Ce qui l’a fait mourir dans une angoisse surhumaine, a été ton abandon. Ce qui me fait crier, c’est ton abandon. Je ne t’entends plus. Où es-tu, Père saint ? J’étais “ pleine de grâce ”. L’Ange l’a dit : “ Salut, Marie, pleine de grâce, le Seigneur est avec toi, tu es bénie entre toutes les femmes. ”

Non, ce n’est pas vrai ! Ce n’est pas vrai ! Me voilà traitée comme si j’étais maudite par toi à cause de mon péché. Tu n’es plus avec moi. La grâce s’est retirée, comme si j’étais une seconde Eve pécheresse. Mais moi, je te suis toujours restée fidèle. En quoi t’ai-je déplu ? Tu as fait de moi ce qui t’a semblé bon et je t’ai toujours dit : “ Oui, Père, je suis prête. ” Les anges peuvent-ils donc mentir ? Pourtant, Anne[4] m’avait assuré que tu allais me donner ton ange à l’heure de la souffrance. Or je suis seule. Je ne trouve plus grâce à tes yeux, je ne t’ai plus en moi, toi qui es la Grâce. Je n’ai plus d’ange gardien. Les saints mentent-ils donc ? En quoi t’ai-je déplu, s’ils mentent et si j’ai mérité cette heure ?

Et Jésus ? Quel tort avait-il, ton Agneau pur et doux ? En quoi t’avons-nous offensé, pour que, en plus du martyre causé par les hommes, nous devions subir la torture incalculable de ton abandon ? Il était pour toi un Fils et il t’appelait de cette voix qui a fait frissonner la terre et se secouer dans un sanglot de pitié ! Comment as-tu pu le laisser seul au milieu de tels tourments ?

Pauvre cœur de Jésus qui t’aimait tant ! Où est la marque de la blessure de son cœur ? La voici. Regarde, Père, cette marque : c’est l’empreinte de ma main entrée dans la large blessure de la lance. Regarde… Les larmes, le baiser de sa Mère, qui a brûlé ses yeux et consumé ses lèvres en pleurant et en l’embrassant, ne l’effacent pas. Ce signe est un cri et un reproche à la fois. Plus encore que le sang d’Abel, ce signe crie vers toi depuis la terre. Or toi, qui as maudit Caïn et as exercé sur lui ta vengeance, tu n’es pas intervenu pour mon Abel, déjà saigné par ses Caïn, et tu as permis le dernier outrage ! Tu lui as broyé le cœur par ton abandon et tu as laissé un homme le mettre à nu, pour que je le voie et que j’en sois brisée. Mais peu importe ce que, moi, je ressens. C’est pour lui, pour lui, que je fais cette demande et que je t’appelle pour que tu répondes. Tu ne devais pas… Tu ne devais pas…

612.18

Oh ! Pardon, Père ! Pardon, Père saint ! Pardonne à une Mère qui pleure son enfant… Il est mort ! Il est mort, mon Fils, mort avec le cœur ouvert. Oh ! Père, Père, pitié ! Je t’aime ! Nous t’avons aimé et tu nous as tant aimés ! Comment as-tu permis que soit blessé le cœur de notre Fils ? Oh ! Père !… Pitié pour une pauvre femme. Je blasphème, Père. Je suis ta servante, ton rien, et voilà que j’ose te faire des reproches ! Pitié ! Tu as été bon. La blessure, l’unique blessure qui ne lui a pas fait mal, c’est celle-là. Ton abandon a servi à le faire mourir avant le coucher du soleil, pour lui éviter d’autres tortures.

Tu as été bon. Tu fais tout par bonté. Nous sommes, nous, des créatures qui ne comprenons pas. Tu as été bon. Tu as été bon. Répète-le, mon âme, pour enlever la morsure de ta souffrance. Dieu est bon et il t’a toujours aimée, mon âme. Du berceau à cette heure-ci, il t’a toujours aimée. Il t’a donné toute la joie du temps. Toute. Il s’est donné lui-même. Il a été bon, bon, bon. Merci, Seigneur, sois béni pour ton infinie bonté !

Merci. Je te dis merci pour toi aussi, Jésus ! Moi seule l’ai sentie dans mon cœur quand j’ai vu le tien ouvert. Maintenant ta lance est dans le mien, et elle fouille et déchire. Mais c’est mieux ainsi. Tu ne la sens pas. Mais Jésus, pitié ! Donne-moi un signe de toi, une caresse, une parole pour ta pauvre Maman au cœur déchiré ! Un signe, un signe, Jésus, si tu veux me trouver vivante à ton retour. »

[Le 29 mars 1945]

612.19

Un coup énergique à la porte les fait tous sursauter. Le gardien court se cacher courageusement. Marie, femme de Zébédée, voudrait que son fils le suive et elle pousse Jean vers la cour. Les autres, excepté Marie-Madeleine, se serrent l’une contre l’autre en gémissant. C’est Marie de Magdala qui, droite et courageuse, se dirige vers la porte et demande :

« Qui frappe ? »

Une voix de femme répond :

« C’est Nikê. J’ai quelque chose à donner à Marie. Ouvrez vite ! La ronde fait son tour. »

Jean, qui s’est dégagé de sa mère et est accouru près de Marie-Madeleine, s’affaire autour des multiples serrures, toutes bien verrouillées ce soir. Il ouvre. Nikê entre avec sa servante et un homme musclé qui l’accompagne. On ferme.

« J’apporte quelque chose… »

Nikê pleure et ne peut parler…

« Quoi ? Quoi ? »

Curieux, tous se pressent autour d’elle.

« Sur le Calvaire… J’ai vu le Sauveur dans un tel état… J’avais préparé un voile pour ses reins afin qu’il n’utilise pas les chiffons des bourreaux… Mais Jésus était tout en sueur, avec du sang dans les yeux, et j’ai pensé à le lui tendre pour qu’il s’essuie… ce qu’il a fait… Puis il m’a rendu le voile. Je ne m’en suis plus servie… Je voulais le garder en relique avec sa sueur et son sang. Mais à la vue de l’acharnement des Juifs, Plautina, les autres Romaines, Lidia et Valeria, et moi, avons décidé de rentrer, par peur qu’ils nous enlèvent ce voile. Les Romaines sont des femmes viriles. Elles nous ont mises au milieu, la servante et moi, et elles nous ont protégées. Il est vrai qu’elles sont une contamination pour Israël… et qu’il est dangereux de toucher Plautina. Mais cela, on y pense par temps calme. Aujourd’hui, ils étaient tous ivres… A la maison, j’ai pleuré… pendant des heures… Puis le tremblement de terre a eu lieu, et je me suis évanouie… Revenue à moi, j’ai voulu baiser ce voile et j’ai vu… Oh !… On y voit la face du Rédempteur[5] !…

– Fais voir ! Fais voir !

– Non. D’abord à Marie. C’est son droit.

– Elle est tellement épuisée ! Elle ne tiendra pas le coup…

– Ne dites pas cela ! Ce sera pour elle un réconfort, au contraire. Avertissez-la ! »

612.20

Sur le seuil de la pièce, Jean frappe doucement.

« Qui est-ce ?

– Moi, Mère. Dehors, il y a Nikê… Elle est venue de nuit… Elle t’a apporté un souvenir… un cadeau… Elle espère te réconforter avec cela.

– Oh ! un seul cadeau pourrait me réconforter ! Le sourire de son visage…

– Mère ! »

Jean l’entoure de ses bras de peur qu’elle ne tombe et il dit, comme s’il confiait le vrai nom de Dieu :

« C’est lui. C’est le sourire de son visage imprimé sur le voile avec lequel Nikê l’a essuyé au Calvaire.

– Oh ! Père ! Dieu très-haut ! Fils saint ! Eternel Amour ! Soyez bénis ! Le signe ! Le signe que je vous ai demandé ! Vite, fais-la entrer ! »

Marie s’assied, car elle n’est plus maîtresse d’elle-même et, pendant que Jean fait signe aux femmes qui guettent le passage de Nikê, elle se reprend.

Nikê entre et s’agenouille à ses pieds avec sa servante. Jean, debout près de Marie, lui passe le bras derrière les épaules comme pour la soutenir. Sans dire un mot, Nikê ouvre le coffre, en retire le voile, le déplie. Et le visage de Jésus, le visage vivant de Jésus, le visage douloureux et pourtant souriant de Jésus, regarde la Mère et lui sourit.

Marie pousse un cri d’amour douloureux et tend les bras. De l’entrée où elles sont groupées, les femmes lui font écho et l’imitent en s’agenouillant devant le visage du Sauveur.

Nikê ne trouve pas de mot. Elle passe le voile de ses mains aux mains maternelles, et se penche ensuite pour en baiser le bord. Puis elle s’en va à reculons, sans attendre que Marie sorte de son extase.

Elle est déjà dehors dans la nuit quand on pense à elle… Il ne reste qu’à refermer la porte.

Marie est de nouveau seule, dans un colloque d’âme avec l’image de son Fils, car tous se retirent de nouveau.

612.21

Après un moment, Marthe dit :

« Comment allons-nous faire pour les onguents ? Demain, c’est le sabbat…

– Et nous ne pourrons rien trouver… surenchérit Salomé.

– Il le faudrait pourtant… Plusieurs livres d’aloès et de myrrhe… mais il était si mal lavé…

– Il faudrait que tout soit prêt pour l’aurore du premier jour après le sabbat, observe Marie, femme d’Alphée.

– Et les gardes ? Comment allons-nous faire ? demande Suzanne.

– Nous le dirons à Joseph, s’ils ne nous laissent pas entrer, répond Marthe.

– Nous ne pourrons déplacer la pierre toutes seules. »

Marie-Madeleine réplique :

« Tu prétends qu’à cinq cela nous serait impossible ? Nous sommes toutes robustes… et l’amour fait le reste.

– Je vous accompagnerai, propose Jean.

– Non, pas toi, vraiment. Je ne veux pas te perdre aussi, mon fils.

– Ne t’en soucie pas. Nous suffirons.

– En attendant… qui nous fournit les aromates ? »

L’accablement les saisit… Puis Marthe suggère :

« Nous pouvions demander à Nikê si ce qu’on disait de Jeanne est vrai… des soulèvements…

– Bien sûr ! Mais nous sommes stupides. Nous aurions pu prendre des aromates plus tôt. Isaac était sur le seuil de sa porte quand nous sommes revenues…

612.22

Au palais, il y a de nombreux petits vases d’essences et de l’encens fin. Je vais les chercher. »

Déjà Marie-Madeleine se lève et met son manteau.

Marthe s’écrie :

« Tu ne vas pas y aller.

– Si, j’y vais.

– Tu es folle ! Ils vont te prendre !

– Ta sœur a raison. N’y va pas !

– Oh ! quelles femmelettes inutiles et criardes vous êtes ! En vérité, Jésus avait une belle troupe de disciples ! Vous avez déjà épuisé votre réserve de courage ? Pour moi, au contraire, plus j’en use et plus il m’en vient.

– Je l’accompagne. Moi, je suis un homme, propose Jean.

– Et moi, je suis ta mère et je te l’interdis.

– Sois tranquille, Marie Salomé, et toi aussi, Jean. Je pars seule. Je n’ai pas peur. Je suis habituée à courir dans les rues la nuit. Je l’ai fait mille fois pour pécher… et je devrais craindre, maintenant que c’est pour servir le Fils de Dieu ?

– Mais aujourd’hui la ville est en révolte. Tu as entendu l’homme.

– C’est un couard, et vous avec lui. J’y vais.

– Et si tu rencontres des soldats ?

– Je dirai : “ Je suis la fille de Théophile, un Syrien, serviteur fidèle de César. ” Ils me laisseront partir, et d’ailleurs… devant une jolie jeune femme, l’homme est un jouet plus inoffensif qu’un fétu de paille. Je le sais, pour ma honte…

– Mais où veux-tu trouver des parfums dans le palais puisqu’il n’est plus habité depuis des années ?

– Tu crois cela ? Allons donc, Marthe ! Tu ne te souviens pas qu’Israël vous obligea à le quitter parce que c’était l’un de mes lieux de rendez-vous avec mes amants ? J’y avais tout ce qui servait à les rendre encore plus fous de moi. Quand je fus sauvée par mon Sauveur, j’ai caché dans un endroit connu de moi seule, les albâtres et les encens dont je me servais pour mes orgies d’amour. Et j’ai juré que seuls mes pleurs sur mon péché et l’adoration de Jésus très saint seraient les eaux parfumées et les encens ardents de Marie repentie, et que j’allais me servir des signes d’un culte profane des sens et de la chair uniquement pour les sanctifier sur lui et lui donner l’onction. Voici l’heure venue. J’y vais. Restez, et soyez tranquilles. L’ange de Dieu m’accompagne, et rien de mal ne m’arrivera. Adieu. Je vous apporterai des nouvelles. Ne dites rien à Marie… Cela augmenterait son angoisse… »

Sûre d’elle, imposante, Marie de Magdala sort.

612.23

Jean prend alors la parole :

« Mère, que cela soit pour toi un enseignement : n’agis pas de telle sorte que tout le monde puisse prétendre que ton fils est un lâche. Demain, ou plutôt aujourd’hui, car la seconde veille venue, j’irai chercher mes compagnons comme elle le désire…

– C’est le sabbat… tu ne peux pas… objecte Salomé pour le retenir.

– “ Le sabbat est mort ”, je le déclare, moi aussi, avec Joseph. Une ère nouvelle a commencé, et elle comporte d’autres lois, d’autres sacrifices et d’autres cérémonies. »

Marie Salomé baisse la tête sur ses genoux et pleure sans plus protester.

« Et si nous pouvions avoir des nouvelles de Lazare ! » gémit Marie, femme de Cléophas.

« Si vous me laissez aller, vous en aurez. Car mes compagnons, Simon le Cananéen en avait reçu l’ordre, ont été conduits chez lui, chez Lazare. Jésus l’a demandé à Simon en ma présence.

– Tous sont là bas ? Dans ce cas, ils sont tous perdus ! »

Marie, femme de Cléophas, et Salomé versent des larmes de désolation.

Le temps passe, scandé par les pleurs et les signes d’attente.

612.24

Puis Marie-Madeleine revient, triomphante, chargée de sacs pleins de vases précieux.

« Vous voyez que rien ne m’est arrivé ? Voici des huiles de toutes espèces, du nard, de l’oliban et du benjoin. Pas de myrrhe ni d’aloès… Je ne voulais pas d’amertumes… Je les bois toutes maintenant… Mais, en attendant, nous mélangerons celles-ci et, demain, nous prendrons de la myrrhe et de l’aloès… Si on le paie bien, Isaac les donnera même le jour du sabbat…

– On t’a vue ?

– Personne. Je n’ai même pas rencontré une chauve-souris.

– Les soldats ?

– Les soldats ? Je crois qu’ils ronflent sur leurs paillasses.

– Mais les séditions… les arrestations…

– C’est la peur de cet homme qui les a vues…

– Qui se trouve dans le palais ?

– Lévi et sa femme, tranquilles comme des enfants. Les hommes armés ont pris la fuite… Ah ! Ah ! Nous avons de beaux preux, ma foi !… Ils sont partis dès qu’ils ont appris la condamnation. Je dis la vérité : Rome est dure et elle emploie le fouet… Mais avec cela, elle se fait craindre et servir. Et elle a de vrais hommes, pas des couards… Jésus disait : “ Mes fidèles connaîtront le même sort que moi. ” Hum ! Si de nombreux Romains se rallient à Jésus, c’est possible. Mais des martyrs parmi les israélites… Je crois plutôt qu’il restera seul ! Voici mon sac. L’autre est celui de Jeanne qui… oui, nous sommes non seulement lâches, mais menteurs. Jeanne est accablée. Elise et elle se sont senties mal sur le Golgotha. L’une est une mère qui a vu son fils mort, et d’entendre les râles de Jésus elle a cru défaillir. L’autre est délicate, elle n’est pas habituée à tant marcher, qui plus est au soleil. Mais aucune blessure, aucune agonie. Elle pleure comme nous, certainement. Pas davantage. Elle regrette d’avoir été éloignée. Elle viendra demain et elle envoie ces aromates : il y a là tout ce qu’elle avait. Avec elle était restée Valeria sur l’ordre de Plautina, mais maintenant elle est partie avec ses esclaves chez Claudia, car elles ont beaucoup d’encens. Quand elle arrivera — car elle aussi, grâce au Ciel, n’est pas une peureuse qui tremble toujours —, ne vous mettez pas à hurler comme si vous sentiez le glaive à votre gorge. Allons, levez-vous ! Prenons des mortiers, mettons-nous à l’œuvre. Pleurer ne sert à rien, ou besognez en pleurant. Notre baume sera détrempé par nos larmes, et il les sentira sur lui… Il sentira notre amour. »

Et elle se mord les lèvres pour ne pas pleurer et pour donner du courage aux autres, qui sont visiblement à bout.

Elles travaillent avec énergie.

612.25

Marie appelle Jean.

« Mère, qu’as-tu ?

– Ces coups…

– Elles pilent les encens…

– Ah !… Mais… pardonnez-moi… Ne faites pas tant de bruit… Cela me fait penser aux marteaux… »

En effet les pilons de bronze contre le marbre des mortiers font vraiment le bruit des marteaux.

Jean le rapporte aux femmes, qui sortent dans la cour pour qu’on les entende moins.

Puis il retourne vers la Mère.

« Comment les ont-elles obtenus ?

– Marie, sœur de Lazare, est allée à son palais et chez Jeanne… Et on en apportera d’autres…

– Personne n’est venu ?

– Personne depuis Nikê.

– Regarde-le, Jean, et vois comme il est beau en dépit de sa souffrance ! »

Marie, les mains jointes, contemple la toile qu’elle a étendue contre un coffre en la tendant avec des poids.

« Il est beau, oui, Mère. Et il te sourit… Ne pleure plus… Déjà plusieurs heures sont passées. C’est autant de moins à attendre son retour… »

Cela n’empêche pas Jean de pleurer…

Marie lui caresse la joue, mais elle ne regarde que l’image de son Fils. Jean sort, aveuglé par les larmes.

612.26

Marie-Madeleine, qui est revenue prendre des amphores, est dans le même état. Mais elle confie à l’apôtre :

« Nous ne devons pas montrer que nous pleurons, sinon les femmes ne seront plus bonnes à rien. Or on doit agir…

– …et on doit croire, achève Jean.

– Oui, croire. Si on ne pouvait pas croire, ce serait le désespoir. Moi, je crois. Et toi ?

– Moi aussi…

– Tu le dis mal. Tu n’aimes pas encore suffisamment. Si tu aimais de tout ton être, tu ne pourrais pas ne pas croire. L’amour est lumière et voix. Même face aux ténèbres de la négation et au silence de la mort, il dit : “ Je crois. ” »

Marie-Madeleine, déjà si grande et imposante, est vraiment splendide dans cette impérieuse confession de foi ! Elle doit avoir le cœur torturé — et ses yeux brûlés par les larmes le disent —, mais son âme est invaincue.

Jean la regarde avec admiration et murmure :

« Tu es courageuse !

– Toujours. Je l’étais au point de défier le monde, or j’étais sans Dieu à cette époque. Maintenant que je l’ai, lui, je me sens capable de défier l’enfer lui-même. Toi qui es bon, tu devrais être plus courageux que moi. Car la faute déprime, sais-tu ? Plus qu’une consomption. Mais tu es innocent… C’est pour cela qu’il t’aimait tant…

– Il t’aimait aussi…

– Moi, je n’étais pas innocente. Mais j’étais sa conquête et… »

612.27

On frappe avec force à la porte.

« Ce sera Valeria. Ouvre. »

Jean, dominé par le calme de Marie, le fait sans peur.

C’est effectivement Valeria, accompagnée de ses esclaves qui portent la litière d’où elle est descendue. Elle entre en saluant en latin :

« Salve.

– La paix soit avec toi, ma sœur. Entre, répond Jean.

– Puis-je offrir à Marie l’hommage de Plautina ? Claudia aussi y a contribué. Mais uniquement si ce n’est pas une douleur pour elle de me voir. »

Jean entre chez Marie.

« Qui frappe ? Pierre ? Judas ? Joseph ?

– Non, c’est Valeria. Elle a apporté des résines précieuses. Elle voudrait te les offrir… si cela ne te peine pas.

– Je dois surmonter la peine. Jésus a appelé à son Royaume les enfants d’Israël comme les païens. Il les a tous appelés. Maintenant… il est mort… Mais je suis ici pour lui, et je reçois tout le monde. Qu’elle entre. »

Valeria entre. Elle a enlevé son manteau foncé et elle porte une étole toute blanche. Elle s’incline jusqu’à terre, salue et parle :

« Domina, tu sais qui nous sommes : les premières rachetées de l’obscurantisme païen. Nous étions fange et ténèbres. Ton Fils nous a donné ailes et lumière. Maintenant il est… il est endormi dans la paix. Nous connaissons vos usages et nous voulons que les baumes de Rome soient eux aussi répandus sur le Triomphateur.

– Que Dieu vous bénisse, filles de mon Seigneur. Et… pardonnez-moi si je ne sais en dire plus…

– Ne te force pas, Domina. Rome est forte, mais elle sait comprendre la douleur et l’amour. Elle te comprend, Mère douloureuse. Adieu.

– La paix soit avec toi, Valeria ! A Plautina, à vous toutes, ma bénédiction. »

Valeria se retire en laissant ses encens et autres essences.

« Tu vois, Mère ? Tout le monde donne pour le Roi du Ciel et de la terre.

– Oui » dit Marie. « Tout le monde. Et sa Mère n’aura eu que ses larmes à lui offrir. »

612.28

Un coq chante joyeusement non loin de là. Jean sursaute.

« Qu’as-tu, Jean ? demande la Vierge.

– Je pensais à Simon-Pierre…

– Mais n’était-il pas avec toi ? demande Marie-Madeleine, qui est entrée dans la pièce.

– Si, chez Hanne. Puis j’ai compris que je devais venir ici et je ne l’ai plus vu du tout.

– D’ici peu, ce sera l’aube.

– Oui. Ouvrez. »

Ils ouvrent les fenêtres, et leurs visages semblent encore plus terreux dans la pâle lumière verte de l’aurore.

La nuit du vendredi saint est finie.

612.1

Maria, soccorsa dalle donne piangenti, rinviene e piange senza altra forza più che questa di piangere e piangere. Pare veramente che la sua vita debba fluire e consumarsi tutta con quel pianto.

Le vogliono dare qualche ristoro. Marta le offre un poco di vino; la padrona di casa vorrebbe prendesse almeno un poco di miele; Maria d’Alfeo, in ginocchio davanti a Lei, le offre una tazza con del latte tiepido, dicendo: «L’ho munto io stessa alla capretta della piccola Rachele» (sarà una figlia di questi che sono in questa casa di Lazzaro, non so se come inquilini o come custodi). Ma Maria non vuole nulla. Piangere. Solo piangere. E chiedere e sentirsi promettere che saranno cercati apostoli e discepoli, che saranno cercate la lancia e le vesti, e che, a giorno fatto, posto che ora proprio non ve la vogliono lasciare andare, la lasceranno entrare nella stanza del Cenacolo.

«Sì. Se starai un poco quieta, se riposerai un poco, io ti ci condurrò», dice la cognata. «Noi due entreremo ed in ginocchio io cercherò per te ogni segno di Gesù…», e Maria d’Alfeo ha un singhiozzo. «Ma vedi? Qui hai la coppa e il pane spezzato da Lui, usato da Lui per l’Eucarestia. Quale più santo ricordo? Vedi? Giovanni te li ha portati sin da stamane, perché tu li vedessi questa sera…

612.2

Povero Giovanni, che è là che piange ed ha paura…».

«Paura? Perché? Vieni, Giovanni». Giovanni esce dall’ombra, perché nella stanza è una sola lucernetta messa sul tavolo presso gli oggetti della Passione, e si inginocchia ai piedi di Maria, che lo carezza e chiede: «Perché hai paura?».

E Giovanni, baciandole le mani e piangendo: «Perché tu stai male. Hai la febbre e l’affanno… E non ti metti quieta. E se duri così morirai come è morto Lui…».

«Oh! fosse vero!».

«No! Madre! Mamma! Oh! è più dolce dire: “Mamma”. Come alla mia! Làsciatelo dire… Ma, come io non trovo differenza fra mia madre e te, e anzi ti amo più di lei, perché tu sei la Mamma che Egli mi ha dato e sei la sua Mamma, tu non fare una troppo grande differenza fra il Figlio tuo nato e il figlio che ti è stato dato… E amami un poco come ami Lui… Se fosse Lui che ti dicesse: “Ho paura che tu muoia”, risponderesti tu: “Oh! fosse vero”? No. Non lo diresti. Ma anzi ti dorresti di andartene e di lasciarlo in un mondo di lupi, Lui, il tuo Agnello… E di me non te ne accori?… Sono tanto più agnello di Lui. Non per bontà e purezza, ma per stupidità e paura. Se tu mi manchi, il povero Giovanni verrà sbranato dai lupi senza aver saputo dare un belato che parli del suo Maestro… Vuoi che muoia così, senza servirlo? Stupido in morte come in vita? No, vero? E allora, Mamma, cerca di metterti quieta… Per Lui… Oh! non dici che risorge? Sì, lo dici, ed è vero. E allora vuoi che quando Egli risorgerà trovi vuota la casa di te? Perché certo Egli verrà qui… Oh! povero, povero Gesù, se invece del tuo grido d’amore sentisse i nostri di cordoglio, se invece di trovare il tuo seno per posare il Capo martirizzato e glorioso trovasse la chiusura del tuo sepolcro… Vivere devi. Per salutarlo quando Egli tornerà… Non dico “al nostro amore”. Noi meritiamo ogni rimprovero per il modo come agimmo. Ma al tuo amore.

612.3

Oh! che sarà l’incontro? Ed Egli come sarà? Madre della Sapienza, Mamma dell’ignorantissimo Giovanni, tu che tutto sai, dicci come sarà Egli quando apparirà risorto».

«Lazzaro aveva le ferite delle gambe chiuse, ma se ne vedeva il segno. E apparve avvolto in bende piene di marciume», dice Marta.

«Lo dovemmo lavare e lavare…», aggiunge Maria.

«E debole era, e dovemmo ristorarlo per suo ordine», Marta termina.

«Il figlio della vedova di Naim era come sbalordito e pareva un bimbo incapace di camminare e parlare speditamente, tanto che Egli lo rese alla madre perché gli insegnasse a usare di nuovo del bene della vita. E la figlioletta di Giairo Egli stesso la guidò nei primi passi…», dice Giovanni.

«Io penso che il mio Signore ci manderà un angelo a dirci: “Venite con una veste monda”. Ed il mio amore l’ha già preparata. È nel palazzo. Io non l’ho potuta filare. Ma l’ho fatta filare dalla mia nutrice, che ora è tranquilla sul mio futuro e non piange più. Io ho preso il lino più prezioso e da Plautina ho avuto la porpora, e Noemi l’ha tessuta nella balza; ed io ho fatto la cintura, la borsa e il talet, ricamandoli di notte per non essere vista. Ho imparato da te, Madre. Non è perfetto. Ma, più delle perle che fanno il suo Nome sulla cintura e sulla borsa, lo rendono bello i diamanti del mio pianto d’amore ed i miei baci. Ogni punto è un palpito di devozione per Lui. E io gli porterò quella. Tu permetti, non è vero?».

«Oh!… Io non pensavo che lo privassero della sua veste… non sono pratica degli usi del mondo e della sua ferocia… Credevo di conoscerla già… (e le lacrime rotolano di nuovo lungo le guance ceree) ma vedo che ancora nulla sapevo… E pensavo: “Avrà la veste della Mamma anche dopo”. Gli piaceva tanto!

L’aveva voluta Lui così. E me lo aveva detto[1] da molto tempo: “Tu farai una veste così e così. E me la porterai per la Pasqua… Perché Gerusalemme mi deve vedere in porpurea veste di re…”. Oh! quella lana, candida più di neve, mentre la filavo diveniva rossa agli occhi di Dio e miei, perché il mio cuore ebbe una nuova ferita da quella parola… Le altre, dopo anni o dopo mesi, si erano, se non chiuse, disseccate dal loro gemere sangue. Ma questa! Ogni giorno, ogni ora mi rigirava la spada nel cuore: “Un giorno di meno! Un’ora di meno! E poi sarà morto!”. Oh! Oh!… E il filato sul fuso o sul telaio mi diveniva rosso… È sceso nella tinta, poi, per il mondo… Ma era già rosso…». Maria piange di nuovo.

Cercano sollevarla parlandole della Risurrezione. Chiede Susanna: «Che dici tu? Come sarà, risorto? E come risorgerà?».

E Lei, smarrita, acciecata in quest’ora di martirio redentivo, risponde: «Non so… Più nulla so… Fuorché che Egli è morto!…».

612.4

Ha un nuovo scoppio di pianto violento e bacia il lino che era ai fianchi del Figlio, e se lo stringe sul cuore e se lo ninna come fosse un bambino…

E tocca i chiodi, le spine, la spugna, e urla: «Queste! Queste cose ha saputo darti la tua Patria! Ferro, spine, aceto e fiele! E insulti, insulti, insulti! E fra tutti i figli d’Israele fu dovuto scegliere un di Cirene per portarti la croce. Quell’uomo mi è sacro come uno sposo. E se ne conoscessi un altro che ha dato soccorso al mio Bambino io gli bacerei i piedi. Ma dunque nessuno ebbe pietà? Uscite! Andate! Anche vedere voi mi è dolore! Perché fra tutti, fra tutti, non avete saputo ottenere nemmeno una tortura meno crudele. Servi inutili e inerti del vostro Re, uscite!». È tremenda nel suo scatto. Ritta in piedi, rigida, pare persino più alta, con gli occhi imperiosi, il braccio teso che accenna alla porta. Comanda come un regina sul trono.

Escono tutti senza reagire per non eccitarla di più e si siedono fuori della porta chiusa, ascoltando il suo gemere ed ogni rumore che Ella possa fare. Ma dopo il rumore del sedile respinto e dei suoi ginocchi che battono al suolo, perché Ella si inginocchia col capo contro la tavola su cui sono gli oggetti della Passione, non sentono altro che il suo pianto senza soste e conforto.

Ella mormora, ma così piano che quelli di fuori non possono udire: «Padre, Padre, perdono! Divento superba e cattiva. Ma Tu lo vedi. È vero ciò che dico. Erano turbe intorno a Lui. E tutta la Palestina è, in queste feste, fra le mura sante… Sante? No. Non più sante… Tali sarebbero rimaste se Egli fosse spirato in esse. Ma Gerusalemme l’ha espulso come il rigurgito che fa nausea. Perciò in Gerusalemme è solo il Delitto… Ebbene, di tutto questo popolo che lo seguiva non se ne poté radunare un pugno che si imponesse, non dico per salvarlo. Doveva morire per redimere. Ma per farlo morire senza tante torture. Sono stati nell’ombra, oppure sono fuggiti… Il mio cuore si rivolta davanti a tanta viltà. Sono la Madre. Per questo perdona al mio peccato di durezza superba…», e piange…

…Fuori gli altri sono sulle spine e per molti motivi.

612.5

Rientra il padrone di casa, che era uscito a curiosare, e porta notizie tremende. Si dice che molti sono morti nel terremoto, molti sono stati feriti in colluttazioni fra seguaci del Nazzareno e i giudei, che molti sono stati arrestati e vi saranno nuove esecuzioni per rivolte e minacce a Roma, che Pilato ha ordinato l’arresto di tutti i seguaci del Nazareno e dei capi del Sinedrio presenti in città o anche già fuggiti per la Palestina, che Giovanna è morente nel suo palazzo, che Mannaen è stato arrestato da Erode per averlo insolentito in piena Corte come complice del deicidio. Insomma un mucchio di notizie catastrofiche…

Le donne gemono. Non tanto per paura di esse stesse, ma quanto per i loro figli e mariti. Susanna pensa allo sposo, noto fra i seguaci di Gesù in Galilea. Maria di Zebedeo pensa al marito, ospite presso un amico, e al figlio Giacomo di cui, dalla sera avanti, non ha notizia. E Marta singhiozza: «Saranno già andati a Betania! Chi non sapeva chi era Lazzaro per il Maestro?».

«Ma è protetto da Roma, lui», rimbecca Maria Salome.

«Oh! protetto! Chissà, con l’odio che per noi hanno i capi d’Israele, che accuse portano contro di lui a Pilato… Oh! Dio!». Marta si mette le mani fra i capelli e grida: «Le armi! Le armi! La casa ne è piena… e anche il palazzo! Lo so! Stamane, all’aurora, è venuto Levi, il guardiano, e mi ha detto… Ma già lo sai anche tu! E l’hai detto ai giudei sul Calvario… Stolta! Hai messo in mano ai crudeli l’arma per uccidere Lazzaro!…».

«L’ho detto, sì. Ho detto il vero senza saperlo. Ma taci, spaventata gallina! Quanto ho detto è la più sicura garanzia per Lazzaro. Si guarderanno bene dall’avventurarsi in ricerche dove sanno essere degli armati! Sono vigliacchi!».

«I giudei sì. Ma i romani no».

«Non temo Roma. È giusta e pacata nelle sue disposizioni».

«Maria ha ragione», dice Giovanni. «Longino mi ha detto: “Spero sarete lasciati tranquilli. Ma, non lo foste, vieni, o manda al Pretorio. Pilato è benigno verso i seguaci del Nazareno. Lo era anche per Lui. Vi difenderemo”».

«Ma se i giudei fanno da loro? Ieri sera erano loro i catturatori di Gesù! E, se dicono che noi siamo profanatori, hanno diritto di prenderci. Oh! i miei figli! Quattro ne ho! Dove saranno Giuseppe e Simone? Erano sul Calvario e poi sono scesi quando Giovanna non resse. Per aiutare e difendere le donne. Loro, i pastori, Alfeo… tutti! Oh! li avranno certo già uccisi. Senti che Giovanna è morente? Lo è certo per ferita. Ed essi, prima che potesse la plebe colpire una donna, l’avranno difesa e saranno morti!… E Giuda e Giacomo? Il mio piccolo Giuda! Il mio tesoro! E Giacomo, dolce come una fanciulla! Oh, non ho più figli! Come la madre dei fanciulli Maccabei sono!…».

612.6

Piangono tutte disperatamente. Tutte meno la padrona di casa, che è andata a cercare un nascondiglio per il marito, e Maria Maddalena, che non piange. Ma getta fuoco dagli occhi, tornando la prepotente donna di un tempo. Non parla. Ma dardeggia le abbattute compagne, e il suo occhio le bolla di un epiteto molto chiaro: «Pusillanimi!».

Passa del tempo così… Ogni tanto uno si alza, apre piano l’uscio, sbircia, torna a chiudere.

«Che fa?», chiedono gli altri.

E chi ha guardato risponde: «È sempre in ginocchio. Prega», oppure: «Pare che parli con qualcuno». E anche: «Si è alzata e gestisce andando su e giù per la stanza».

[senza data[2]]

612.7

Lamento della Vergine.

«Gesù! Gesù! Gesù! Dove sei? Mi senti ancora? La senti la tua povera Mamma che grida, adesso, il tuo Nome dopo averlo tenuto in cuore per tante ore? Il tuo Nome santo e benedetto, che è stato il mio amore, l’amore delle mie labbra che sentivano sapore di miele a dire il tuo Nome, delle mie labbra che ora, invece, a dirlo pare che bevano l’amaro che t’è rimasto sulle labbra, l’amaro dell’atroce mistura. Il tuo Nome, amore del mio cuore che si gonfiava di gioia quando lo diceva, così come si era dilatato per travasare il suo sangue e accoglierti e vestirti di esso quando sei sceso a me dal Cielo, così piccino, così minuscolo che avresti potuto posare nel calice della menta selvatica, Tu, tanto grande, Tu, il Potente, annichilito in un germe d’uomo per la salute del mondo. Il tuo Nome, dolore del mio cuore, ora che ti hanno strappato alle carezze della tua Mamma per gettarti fra le braccia dei carnefici, che ti hanno torturato sino a farti morire!

Ne ho il cuore stritolato da questo tuo Nome, che ho dovuto chiudere dentro per tante ore e che cresceva il suo grido più cresceva il tuo dolore, fino a sbriciolarlo come cosa calpestata dal piede di un gigante. Oh! sì che il mio dolore è gigante e mi schiaccia, mi frantuma e non vi è nulla che lo possa sollevare. A chi lo dico il tuo Nome? Nulla risponde al mio grido. Anche se io urlassi sino a spezzare la pietra che chiude il tuo sepolcro, Tu non lo udresti, perché sei morto. Non la senti più la tua Mam­ma!

612.8

Quante volte non ti ho chiamato, o Figlio, in questi trentaquattro anni[3]! Da quando ho saputo che avrei dovuto esser Madre e che il mio Piccino si sarebbe chiamato “Gesù”! Tu non eri nato ed io, carezzandomi il seno dove Tu crescevi, chiamavo piano: “Gesù!”, e mi pareva che Tu ti muovessi per dirmi: “Mam­­ma!”.

Io ti davo già una voce. Me la sognavo già la tua voce. La udivo prima che fosse. E quando l’ho sentita, esile come quella di un agnellino appena nato, tremare nella notte fredda in cui sei nato, io ho conosciuto l’abisso della gioia… e credevo aver conosciuto l’abisso del dolore, perché era il pianto della mia Creatura che aveva freddo, che era in disagio, che piangeva il suo primo pianto di Redentore, ed io non avevo fuoco e cuna e non potevo soffrire in tua vece, Gesù. Non avevo che il seno per fuoco e guanciale, e il mio amore per adorarti, Figlio mio santo.

Credevo aver conosciuto l’abisso del dolore… Era l’alba di quel dolore, era l’orlo di quel dolore. Ora è il meriggio, ora è il fondo. Questo è l’abisso, questo che tocco ora dopo esservi scesa in questi trentaquattro anni, sospinta da tante cose e prostrata nel fondo orrendo, oggi, della tua croce.

Quando eri piccino, io ti cullavo cantando: “Gesù! Gesù!”. Quale armonia più bella e santa di questo Nome, che fa sorridere gli angeli in Cielo? Esso per me era più bello del canto così dolce degli angeli nella notte del tuo Natale. Vi vedevo dentro il Cielo, tutto il Cielo vedevo attraverso quel Nome. Ed ora, a dirlo a Te che sei morto e non mi senti e non rispondi, come Tu non fossi mai stato, io vedo l’Inferno, tutto l’Inferno. Ecco, ora capisco cosa vuol dire esser dannati. È non potere più dire: “Gesù”. Orrore! Orrore! Orrore!…

612.9

Quanto durerà questo inferno per la tua Mamma? Tu hai detto: “In capo a tre giorni Io riedificherò questo Tempio”. È tutt’oggi che mi ripeto queste tue parole per non cadere uccisa, per esser pronta a salutarti al tuo ritorno, a servirti ancora… Ma come potrò saperti morto per tre giorni? Tre giorni nella morte Tu, Tu, Vita mia?

Ma come? Tu che tutto sai, poiché sei la Sapienza infinita, non lo sai lo spasimo della tua Mamma? Non te lo puoi figurare ricordando quando ti ho smarrito a Gerusalemme e Tu mi hai visto fendere la folla, che ti stava intorno, con il volto di una naufraga che tocca il lido dopo tanta lotta con l’onde e la morte, col viso di una che esce da una tortura spossata, svenata, invecchiata, spezzata? E allora ti potevo pensare unicamente smarrito. Potevo illudermi che era solo così. Oggi no. Oggi no. Lo so che sei morto. Non è possibile l’illusione. Ti ho visto uccidere. Ecco, anche se il dolore mi smemorasse, ecco qui il tuo Sangue sul mio velo che mi dice: “È morto! Non ha più sangue! Questo è l’ultimo, sgorgato dal suo Cuore!”. Dal suo Cuore! Dal Cuore del mio Bambino! Del Figlio mio! Del mio Gesù! Oh! Dio, Dio pietoso, non mi far ricordare che gli hanno spaccato il Cuore!…

612.10

Gesù! Non posso stare qui, sola, mentre Tu sei là, solo. Io che non ho amato mai le vie del mondo e le folle, e Tu lo sai, da quando Tu hai lasciato Nazareth ti sono venuta sempre più sovente dietro, per non vivere lontano da Te. Non potevo vivere lontana da Te. Ho affrontato curiosità e scherni, non conto le fatiche perché esse si annullavano nel vederti, pur di vivere dove Tu eri. Ed ora io son qua sola. E Tu sei là solo! Perché non mi hanno lasciata nel tuo sepolcro? Mi sarei seduta presso il tuo gelido letto, tenendoti una mano nelle mie per farti sentire che t’ero vicina… No, per sentire che m’eri vicino. Tu non senti più nulla. Sei morto!

Quante volte ho passato le notti presso la tua cuna, pregando, amando, beandomi di Te! Vuoi che ti dica come dormivi, coi pugnetti chiusi come due bocci di fiore presso il visino santo? Vuoi che ti dica come sorridevi nel sonno e, ricordandoti certo del latte della Mamma, dormendo facevi l’atto di succhiare? Vuoi che ti dica come ti svegliavi e aprivi gli occhietti e ridevi, vedendomi curva sul tuo viso, e tendevi le manine con gioia impaziente per esser preso, e con uno stridetto dolce come il trillo di un capinero reclamavi il tuo cibo? Ah! che ero beata quando ti attaccavi al mio seno e sentivo il tepore liscio della tua gota, la carezza delle tue manine sulla mia mammella! Non sapevi stare senza la tua Mamma.

E ora sei solo! Perdonami, Figlio, d’averti lasciato solo. Di non essermi ribellata per la prima volta nella vita e di aver voluto restare là. Era il mio posto. Mi sarei sentita meno desolata se fossi stata presso il tuo funebre letto, ad accomodarti le fasce come un tempo, a mutarle… Anche se Tu non avessi potuto sorridermi e parlarmi, a me sarebbe parso di averti di nuovo piccino. Ti avrei accolto sul cuore per non farti sentire il freddo della pietra, il duro del marmo. Non ti ho tenuto anche oggi? Il grembo di una madre è sempre capace di accogliere il figlio, anche se è uomo. Il figlio è sempre un bambino per la sua mamma, anche se è un deposto di croce, coperto di piaghe e ferite.

612.11

Quante! quante ferite! Quanto dolore! Oh! il mio Gesù, il mio Gesù tanto ferito! Così ferito! Così ucciso! No. No. Signore, no! Non può esser vero! Io sono pazza! Gesù morto? Io deliro. Gesù non può morire! Soffrire, sì. Morire, no. Egli è la Vita! Egli è Figlio di Dio. È Dio. Dio non muore.

Non muore? E allora perché si è chiamato Gesù? Che vuol dire “Gesù”? Vuol dire… oh! vuol dire: “Salvatore”! È morto! È morto perché è il Salvatore! Ha dovuto salvare tutti perdendo Se stesso… Non deliro. No. Non sono pazza. No. Lo fossi! Soffrirei meno! Egli è morto. Ecco il suo Sangue. Ecco la sua corona. Ecco i tre chiodi. Con questi, con questi me lo hanno trafitto!

Uomini, guardate con che avete trafitto Dio, il Figlio mio! E vi devo perdonare. E vi devo amare. Perché Egli vi ha perdonati. Perché Egli mi ha detto di amarvi! Mi ha fatto Madre vostra, Madre degli assassini della mia Creatura! Una delle sue ultime parole, lottando contro il rantolo dell’agonia… “Madre, ecco tuo figlio… i tuoi figli!”. Anche non fossi Colei che ubbidisce, avrei dovuto ubbidire oggi, perché era il comando di un morente.

Ecco. Ecco, Gesù. Io perdono. Io li amo. Ah! mi si spezza il cuore in questo perdono e in questo amore! Mi senti che li perdono e che li amo? Prego per loro. Ecco, prego per loro… Chiudo gli occhi per non vedere questi oggetti della tua tortura, per poterli perdonare, per poterli amare, per poter pregare per loro. Ogni chiodo serve a crocifiggere una mia volontà di non perdonare, di non amare, di non pregare per i tuoi carnefici.

612.12

Devo, voglio pensare di essere presso la tua cuna. Pregavo anche allora per gli uomini. Ma allora era facile. Tu eri vivo ed io, per quanto pensassi crudeli gli uomini, non giungevo mai a pensare che potessero esserlo tanto con Te, che li avevi beneficati oltre misura. Pregavo, convinta che la tua parola li avrebbe fatti più buoni. In cuor mio dicevo loro, guardandoli: “Siete cattivi, malati, ora, fratelli. Ma fra poco Egli parlerà, ma fra poco Egli vincerà in voi Satana. Vi darà la Vita perduta!”. La vita perduta! Tu, Tu, Tu l’hai perduta la vita per loro, Gesù mio!

Se, quando eri nelle fasce, io avessi potuto vedere l’orrore di questo giorno, il mio dolce latte si sarebbe mutato in tossico per il dolore! Simeone l’ha detto: “E una spada ti trapasserà il cuore”. Una spada? Una selva di spade! Quante ferite ti hanno fatto, Figlio? Quanti gemiti hai avuto? Quanti spasimi? Quante gocce di sangue hai versato? Ebbene, ognuna è una spada in me. Sono una selva di spade. In Te non c’è lembo di pelle che non sia piagato. In me non ce ne è che non sia trafitto. Mi trapassano le carni e penetrano nel cuore.

612.13

Quando attendevo la tua nascita, ti preparavo le fasce ed i pannilini filando il lino più morbido della terra. Non ho guardato al prezzo per poter possedere lo stame più liscio. Come eri bello nelle fasce della tua Mamma! Tutti mi dicevano: “È bello il tuo Bambino, Donna!”. Eri bello! Dal bianco del lino sporgeva la tua rosea faccina, avevi due occhietti più azzurri del cielo e la testolina pareva avvolta in una nebbia d’oro, tanto i tuoi capellini erano biondi e soffici. Sapevano di fior di mandorlo appena sbocciato. Credevano che io ti profumassi. No. Il mio Tesoro non aveva che il profumo delle fasce lavate dalla sua Mamma, scaldate, baciate dal suo cuore e dal suo labbro. Non ero mai stanca di lavorare per Te…

E ora? Ora non ho più nulla da fare per Te. Da tre anni eri lontano da casa. Ma eri ancora lo scopo dei miei giorni. Pensare a Te. Alle tue vesti. Al tuo cibo: intridere la farina e farne pane, curare le api per darti il miele, vegliare sulle piante perché ti dessero frutta. Come le amavi, le cose che ti portava la tua Mamma! Nessun cibo di ricca mensa, nessuna veste di preziosa stoffa t’erano come queste tessute, cucite, curate, colte dalle mani della tua Mamma. Quando ti raggiungevo, Tu mi guardavi subito le mani, come quando eri piccino ed io e Giuseppe ti davamo i poveri doni per farti sentire che eri il “nostro” Re. Non sei mai stato goloso, Bambino mio; ma era l’amore che cercavi, era questo il tuo cibo, e nelle nostre premure trovavi quello. Anche ora trovavi, cercavi quello, povero Figlio mio così poco amato dal mondo!

Ora più nulla. Tutto è compiuto. Non farà più nulla per Te la tua Mamma. Non hai più bisogno di nulla. Ora sei solo… ed io son sola… Oh! felice Giuseppe che non si è trovato a questo giorno! Io pure non ci fossi più stata! Ma allora Tu non avresti avuto neppure questo conforto di vedere la tua povera Mamma. Saresti stato solo sulla croce come sei solo nel sepolcro. Solo con le tue ferite.

612.14

Oh! Dio! Dio, quante ferite ha il Figlio tuo, il Figlio mio! Come le ho potute vedere senza morire, io che tramortivo quando da piccino ti facevi male? Una volta sei caduto nell’orto di Nazareth e ti sei ferito la fronte. Poche gocce di sangue. Ma io, che m’ero sentita morire vedendo gocciare il tuo sangue nella circoncisione, e Giuseppe dovette sostenermi perché tremavo come una che muore, mi pareva che quella ferita minuscola t’avesse ad uccidere, e più col pianto che coll’acqua e coll’olio l’ho medicata, e non ho avuto bene se non quando non ha dato più sangue. Un’altra volta, imparavi a lavorare, ti feristi con la sega. Una piccola ferita. Ma era come se la sega mi avesse divisa nel mezzo. Non ho avuto requie che quando, sei giorni dopo, ho visto risanata la tua mano.

Ed ora? Ed ora? Ora hai le mani, i piedi, il costato aperto, ora la tua carne cade a brandelli, ora hai la faccia contusa, quella faccia che io non osavo sfiorarti col bacio, e impiagata la fronte e la nuca. E nessuno ti ha dato medicamento e conforto.

612.15

Guardami il cuore, o Dio che mi hai percossa nella mia Creatura! Guardalo! Non è piagato come il Corpo del Figlio tuo e mio? I flagelli sono scesi come grandine su me, mentre Egli era colpito. Che è la distanza per l’amore? Io ho patito la tortura di mio Figlio! L’avessi patita io sola! Fossi io sulla pietra sepolcrale! Guardami, o Dio! Non goccia sangue il mio cuore?

Ecco il cerchio delle spine. Lo sento. È una fascia che me lo stringe e perfora. Ecco il foro dei chiodi: tre stili infissi nel cuore. Oh! quei colpi! quei colpi! Come non è crollato il Cielo per quei colpi sacrileghi nelle carni di Dio? E non poter urlare! Non poter lanciarmi e strappare l’arma agli assassini e farne difesa per la mia Creatura già morente. Ma doverli udire, udire… e non far nulla! Un colpo sul chiodo, e il chiodo entra nelle carni vive. Un altro colpo, ed entra più ancora. E un altro, e un altro, e si spezzano le ossa e i nervi, e viene trafitta la carne del mio Bambino e il cuore della sua Mamma! E quando ti hanno alzato sulla tua croce? Quanto devi aver sofferto, Figlio santo! Vedo ancora lacerarsi la tua mano nella scossa della caduta. Ho il cuore lacerato come essa.

Sono contusa, flagellata, punta, colpita, trafitta come Te. Non ero con Te sulla croce. Ma guardala, la tua Mamma! È diversa da Te? No, non c’è differenza di martirio. Anzi, il tuo è finito. Il mio dura ancora. Tu non odi più le accuse bugiarde; io le sento. Tu non odi più le bestemmie orrende. Io le sento ancora. Tu non senti più il morso delle spine e dei chiodi e la sete e la febbre. Io sono piena di punte di fuoco e sono come chi muore di arsione e delirio.

612.16

Almeno una goccia d’acqua mi avessero lasciato darti. Il mio pianto, se la ferocia degli uomini negava al Creatore l’acqua da Lui creata. Ti ho dato tanto latte, perché eravamo poveri, Figlio mio, e nella fuga in Egitto avevamo tanto perduto e avevamo dovuto rifarci un tetto, dei mobili e vesti e cibo, né sapevamo quanto l’esilio sarebbe durato, né cosa avremmo trovato tornando al paese. Ti ho dato il latte oltre il solito tempo, perché Tu non sentissi mancanza di cibo. Sinché non fu presa la capretta, la tua capretta fui io, Bambino della tua Mamma. Tu avevi già tanti dentini, e mordevi… Oh! gioia vederti ridere nel giuoco infantile!…

Tu volevi camminare. Eri tanto sano e forte. Io ti sorreggevo per ore e ore, e non sentivo spezzarsi le reni nello stare curva su Te, che facevi i tuoi passetti e dicevi ad ogni passo: “Mamma, Mamma!”. Oh! beatitudine sentirti cantare quel nome! Lo dicevi anche oggi: “Mamma, Mamma!”. Ma la tua Mamma non poteva che vederti morire! Neppure accarezzarti i piedi potevo! I piedi? Ah! non avrei potuto, anche se fossero stati alla portata della mia mano, toccarli, per non accrescerne il tormento. Come dovevano soffrire i tuoi poveri piedi, o mio Gesù!

Fossi potuta salire a Te e mettermi fra il legno e il tuo Corpo, e impedire che nelle convulsioni dell’agonia Tu urtassi contro il legno! La sento ancora la tua testa battere nel legno negli ultimi sussulti. E quel suono, quel suono mi fa impazzire. L’ho nella testa… come un martello…

Torna, torna, Figlio caro, Figlio adorato, Figlio santo! Io muoio. Non reggo a questa mia desolazione. Mostrami di nuovo il tuo volto. Chiamami ancora. Io non posso pensarti senza voce, senza sguardo, spoglia fredda e senza vita.

Oh! Padre, soccorrimi Tu! Gesù non mi sente! Non è finita la Passione? Non è tutto compiuto? Non bastano questi chiodi, queste spine, questo sangue, questo mio pianto? Ancora dell’altro ci vuole per guarire l’uomo?

612.17

Padre, ti nomino gli strumenti del suo dolore ed il mio pianto. Ma questo è il meno. Quello che lo ha fatto morire sovrumanamente straziato è stato il tuo abbandono. Quello che mi fa urlare è il tuo abbandono. Non ti sento più! Dove sei, Padre santo? Ero la Piena di Grazia. L’Angelo l’ha detto: “Ave, Maria, piena di Grazia, il Signore è con te e tu sei benedetta fra tutte le donne”.

No. Non è vero! Non è vero! Io sono come una maledetta da Te per il suo peccato. Tu non sei più con me. La Grazia si è ritirata come se io fossi una seconda Eva peccatrice. Ma io ti sono sempre stata fedele. In che t’ho dispiaciuto? Hai fatto di me ciò che t’è parso, e ti ho sempre detto: “Sì, Padre. Son pronta”.

Possono dunque mentire gli angeli? E Anna[4], che m’ha assicurato che Tu mi avresti dato il tuo angelo nell’ora del dolore? Sono sola. Non ho più grazia agli occhi tuoi, non ho più Te, Grazia, in me. Non ho più angelo. Mentono dunque i santi? In che ti ho dispiaciuto, se essi non mentono ed io ho meritato quest’ora?

E Gesù? In che ha mancato il tuo Agnello puro e mansueto? In che ti abbiamo offeso che, oltre al martirio dato dagli uomini, si debba avere la tortura incalcolabile del tuo abbandono? Lui, Lui poi, che t’era Figlio e che ti chiamava con quella voce che ha fatto rabbrividire la Terra e scuotersi in un singulto di pietà. Come hai potuto lasciarlo solo in tanto tormento?

Povero Cuore di Gesù che ti amava tanto! Dove è il segno della ferita del Cuore? Eccolo. Guarda, Padre, questo segno. Qui è l’impronta della mia mano penetrata nello squarcio della lanciata. Qui… qui… Non pianto, non bacio della sua Mamma, che ha arsi gli occhi e consumate le labbra per il piangere e il baciare, lo cancellano. Questo segno grida e rimprovera. Questo segno, più del sangue di Abele, grida a Te dalla Terra. E Tu, che hai maledetto Caino e ne hai fatto le vendette, non sei intervenuto per il mio Abele, già svenato dai suoi Caini, ed hai permesso l’ultimo spregio! Tu gli hai stritolato il Cuore col tuo abbandono e hai lasciato che un uomo lo mettesse a nudo, perché io lo vedessi e ne fossi stritolata. Ma di me non importa. È di Lui, di Lui che ti chiedo e ti chiamo a rispondere. Non dovevi…

612.18

Oh! perdono! Perdono, Padre santo! Perdona ad una Madre che piange la sua Creatura… È morto! È morto il Figlio mio! Morto col Cuore squarciato! Oh! Padre! Padre, pietà! Io ti amo! Noi ti abbiamo amato e Tu ci hai tanto amati. Come hai permesso che fosse ferito il Cuore del nostro Figlio? Oh! Padre!… Padre, pietà di una povera donna! Io bestemmio, Padre! Io serva tua, tuo nulla, oso rimproverarti! Pietà! Sei stato buono. Sei stato buono. La ferita, l’unica ferita che non gli ha fatto male, è questa. Il tuo abbandono ha servito a farlo morire avanti al tramonto per evitargli altre torture.

Sei stato buono. Tutto fai con fine di bontà. Siamo noi creature che non comprendiamo. Sei stato buono. Buono sei stato! Dilla, anima mia, questa parola, per levare il mordente del tuo soffrire al tuo soffrire. Dio è buono e ti ha sempre amata, anima mia. Dalla cuna a quest’ora ti ha sempre amata. Ti ha dato tutta la gioia del Tempo. Tutta. Ti ha dato Lui stesso. È stato buono. Buono. Buono. Grazie, Signore. Che Tu sia benedetto per la tua infinita bontà!

Grazie. Gesù, dico “grazie” anche per Te. Questa almeno non l’hai sentita, Figlio mio! Io sola l’ho sentita nel mio, quando ho visto il tuo Cuore aperto. Ora è nel mio la tua lancia, e fruga, e strazia. Ma meglio così! Tu non la senti. Ma Gesù, pietà! Un segno da Te! Una carezza, una parola per la tua povera Mamma dal cuore straziato! Un segno, un segno, Gesù, se mi vuoi trovare viva al tuo ritorno!».

[29 marzo 1945]

612.19

Un picchio risoluto all’uscio fa sobbalzare tutti. Il padrone di casa fugge coraggiosamente. Maria di Zebedeo vorrebbe che il suo Giovanni lo seguisse e lo spinge verso il cortile. Le altre, meno la Maddalena, si stringono l’una coll’altra gemendo.

È Maria di Magdala che va dritta e forte all’uscio e chiede: «Chi bussa?».

Una voce di donna risponde: «Sono Niche. Ho una cosa da dare alla Madre. Aprite! Presto. La ronda è in giro».

Giovanni, che si è svincolato dalla madre ed è corso presso la Maddalena, lavora intorno ai molteplici serrami, tutti ben assicurati questa sera. Apre. Entra Niche con la servente ed un uomo nerboruto che le scorta. Chiudono.

«Ho una cosa…», e piange Niche e non può parlare…

«Che? Che?». Le sono tutti addosso, curiosi.

«Sul Calvario… Ho visto il Salvatore in quello stato… Avevo preparato il velo lombare perché non usasse i cenci dei boia… Ma era tanto sudato, col sangue negli occhi, che ho pensato darglielo perché si asciugasse. Ed Egli lo ha fatto… E mi ha reso il velo. Io non l’ho usato più… Volevo tenerlo per reliquia col suo sudore e il suo sangue. E vedendo l’accanimento dei giudei, dopo poco, con Plautina e le altre romane Lidia e Valeria, insieme, abbiamo deciso di tornare indietro. Per paura che ci levassero questo lino. Le romane son donne virili. Ci hanno messe nel mezzo, io e la servente, e ci hanno protette. È vero che sono contaminazione per Israele… e che toccare Plautina è pericolo. Ma ciò si pensa in tempi di calma. Oggi erano tutti ubbriachi… A casa ho pianto… per ore… Poi è venuto il terremoto e sono svenuta… Rinvenuta, ho voluto baciare quel lino e ho visto… oh!… Vi è sopra la faccia del Redentore[5]!…».

«Fa’ vedere! Fa’ vedere!».

«No. Prima alla Madre. È il suo diritto».

«È tanto sfinita! Non resisterà…».

«Oh! non lo dite! Le sarà di conforto, invece. Avvertitela!».

612.20

Giovanni bussa piano all’uscio.

«Chi è?».

«Io, Madre. Fuori è Niche… È venuta nella notte… Ti ha portato un ricordo… un dono… Spera darti conforto con quello».

«Oh! un solo dono mi può confortare! Il sorriso del suo Volto…».

«Madre!». Giovanni l’abbraccia per tema che cada e dice, come confidasse il Nome vero di Dio: «Quello è. Il sorriso del suo Volto, impresso nel lino con cui Niche lo ha asciugato sul Calvario».

«Oh! Padre! Dio altissimo! Figlio santo! Eterno Amore! Siate benedetti! Il segno! Il segno che vi ho chiesto! Fàlla, fàlla entrare!».

Maria si siede perché non si regge più e, mentre Giovanni fa cenno alle donne, che occhieggiano, che Niche passi, Ella si ricompone.

Niche entra e si inginocchia ai suoi piedi con la servente accanto. Giovanni, ritto in piedi, presso Maria, le tiene il braccio dietro le spalle come per sorreggerla. Niche non dice una parola. Ma apre il cofano, estrae il lino, lo spiega. E il Volto di Gesù, il Volto vivo di Gesù, il doloroso e pur sorridente Volto di Gesù, guarda la Madre e le sorride.

Maria ha un grido di amore doloroso e tende le braccia. Le donne le fanno eco dal vano dell’uscio dove si affollano. E la imitano nell’inginocchiarsi davanti al Volto del Salvatore.

Niche non trova una parola. Passa il lino dalle sue alle mani materne e si curva poi a baciarne il lembo. E poi esce a ritroso, senza attendere che Maria rinvenga dalla sua estasi.

Se ne va… È già fuori, nella notte, quando pensano a lei… Non resta che chiudere il portone come era prima.

Maria è di nuovo sola. In un colloquio d’anima con l’effigie del Figlio, perché tutti si ritirano di nuovo.

612.21

Altro tempo passa. Poi Marta dice: «Come faremo per gli unguenti? Domani è sabato…».

«E non potremo prendere nulla…», dice Salome.

«E bisognerebbe farlo… Molte libbre di aloe e mirra… ma era così mal lavato…».

«Bisognerebbe avere pronto tutto per l’aurora del primo giorno dopo il sabato», osserva Maria d’Alfeo.

«E le guardie? Come faremo?», chiede Susanna.

«Lo diremo a Giuseppe, se non ci lasciano entrare», risponde Marta.

«Non potremo da noi spostare la pietra».

Risponde la Maddalena: «Oh! in cinque dici che non potremo? Siamo robuste tutte… e l’amore fa il resto».

«E poi verrò io con voi», dice Giovanni.

«Tu no proprio. Non voglio perdere anche te, figlio».

«Ma non ci pensare. Basteremo noi».

«Ma intanto… Chi ci dà gli aromi?».

Restano tutte accasciate… Poi Marta dice: «Potevamo chiedere a Niche se era vero di Giovanna… delle sommosse…».

«È vero! Ma ebeti siamo. Potevamo allora prendere anche gli aromi. Isacco era sul suo uscio quando tornammo…».

612.22

«In palazzo sono molti vasetti d’essenze, e c’è incenso fino. Vado a prenderli». E Maria Maddalena si alza dal suo posto e si mette il manto.

Marta grida: «Tu non andrai».

«Io andrò».

«Sei folle! Ti prenderanno!».

«Tua sorella ha ragione. Non andare!».

«Oh! che inutili e urlanti femmine che siete! Invero che Gesù aveva una bella schiera di seguaci! Avete già esaurito la vostra riserva di coraggio? A me, invece, più ne uso e più me ne viene».

«Andrò io con lei. Sono un uomo».

«E io sono tua madre e te lo proibisco».

«Sta’ buona, Maria Salome, e sta’ buono, Giovanni. Vado sola. Non ho paura. So cosa è girare di notte per le vie. L’ho fatto mille volte per il peccato… e dovrei temere ora che vado per servire il Figlio di Dio?».

«Ma oggi la città è in rivolta. Hai sentito l’uomo».

«È un coniglio. E voi con lui. Io vado».

«E se ti trovano i soldati?».

«Dirò: “Sono la figlia di Teofilo, siro, servo fedele di Cesare”. E mi lasceranno andare. E poi… L’uomo davanti ad una donna giovane e bella è un trastullo più innocuo di un filo di paglia. Lo so, per mia vergogna…».

«Ma dove vuoi trovare profumi in palazzo se esso è disabitato da anni?».

«Lo credi? Oh! Marta! Non ricordi che Israele vi obbligò a lasciarlo perché era uno dei miei luoghi di ritrovo con gli amanti? In esso io avevo tutto quanto serviva a farli più folli ancora di me. Quando fui salvata dal mio Salvatore, io ho nascosto, in un luogo noto a me sola, gli alabastri e gli incensi che usavo per le mie orge d’amore. Ed ho giurato che unicamente il pianto sul mio peccato e l’adorazione di Gesù santissimo sarebbero state le acque profumate e gli ardenti incensi di Maria pentita. E di quei segni di un culto profano del senso e della carne ne avrei solo usato per santificarli su Lui e dargli unzione. Ora è l’ora. Vado. Restate. E tranquille. Con me viene l’angelo di Dio e nulla di male mi accadrà. Addio. Vi porterò notizie. E a Lei non dite nulla… Le aumentereste l’affanno…».

E Maria di Magdala esce sicura, imponente.

612.23

«Madre, questo ti insegni… E ti dica: “Non fare che il mondo dica che tuo figlio è un vile”. Domani, anzi oggi, perché già è data la seconda vigilia, io andrò cercando i compagni, come Ella vuole…».

«È sabato… non puoi…», obbietta Salome per trattenerlo.

«“Il sabato è morto”, dico io pure con Giuseppe. L’èra nuova è iniziata. Altre leggi, altri sacrifici e cerimonie in essa».

Maria Salome china la testa sui ginocchi e piange senza più protestare.

«Oh! poter sapere di Lazzaro!», geme Maria di Cleofa.

«Se mi lasciate andare lo saprete. Perché i compagni, Simone Cananeo ne ha avuto l’ordine, sono stati condotti, da lui, da Lazzaro. Gesù lo disse, me presente, a Simone».

«Ohimé! Tutti là? Allora tutti perduti!». Maria Cleofa e Salome piangono desolate.

Passa altro tempo fra pianti e attese.

612.24

Poi torna Maria Maddalena. Trionfante, carica di borse piene di vasetti preziosi.

«Vedete che nulla è accaduto? Ecco qui: oli di ogni genere, e nardo, e olibano, e benzoino. Non c’è la mirra e l’aloe… Non volevo amarezze io… Le bevo tutte ora… Ma intanto intrideremo queste, e domani prenderemo… oh! pagando, Isacco darà anche di sabato… Prenderemo mirra e aloe».

«Ti hanno vista?».

«Nessuno. Non c’è in giro neppure un pipistrello».

«I soldati?».

«I soldati? Io credo che russino nei loro giacigli».

«Ma le sedizioni… gli arresti…».

«Li ha visti la paura di quell’uomo…».

«Chi è nel palazzo?».

«Ma Levi e la moglie. Tranquilli come pargoli. Gli armati sono fuggiti… ah! ah! bei prodi abbiamo, per mia fede!… Sono fuggiti appena seppero della condanna. Dico il vero: Roma è dura e usa il flagello… Ma con questo si fa temere e servire. Ed ha uomini, non conigli… Oh! sì! Egli diceva: “I miei seguaci conosceranno la mia stessa sorte”. Umh! Se molti romani diverranno di Gesù, ciò può essere. Ma se deve avere martiri fra gli israeliti! Resterà solo… Ecco. Questo è il mio sacco. E questo è di Giovanna, che… Sì. Non solo vili, ma mentitori siamo. Giovanna non è che accasciata. Lei ed Elisa si sono sentite male sul Golgota. Una è una madre che ebbe morto il figlio, e sentire i rantoli di Gesù la fecero stare male. L’altra è delicata, non usa a tanto cammino e a tanto sole. Ma niente ferite, niente agonie. Piange, come noi, certo. Non di più. Si rammarica di essere stata condotta via. Domani verrà. E manda questi aromi. Quelli che aveva. Con lei era rimasta Valeria, per ordine di Plautina, ed ora se ne è andata con gli schiavi alla casa di Claudia, perché loro hanno molti incensi. Quando verrà, perché anche lei, per grazia del Cielo, non è una lepre sempre tremante, non mettetevi ad urlare come sentiste il gladio alla gola. Su. Alzatevi. Prendiamo dei mortai. Lavoriamo. Piangere non giova. O, almeno, piangete e lavorate. Sarà stemperato col pianto il nostro balsamo. Ed Egli lo sentirà su di Lui… Sentirà l’amore nostro». E si morde le labbra, per non piangere e per dare forza alle altre, veramente disfatte.

Lavorano con lena.

612.25

Maria chiama Giovanni.

«Madre, che hai?».

«Questi colpi…».

«Tritano gli incensi…».

«Ah!… Ma… perdonate… Non fate quel rumore… mi sembrano i martelli…».

Infatti i pestelli di bronzo contro il marmo dei mortai fanno proprio un rumore di martelli.

Giovanni lo dice alle donne, e queste escono nel cortile per essere udite meno. Giovanni torna dalla Madre.

«Come li hanno avuti?».

«È andata Maria di Lazzaro. A casa sua, e da Giovanna… E anche altri ne verranno portati…».

«Non è venuto nessuno?».

«Nessuno dopo Niche».

«Ma guardalo, Giovanni, come è bello anche in quel suo dolore!». Maria si assorbe a mani giunte contro il telo, che ha steso contro un cofano tenendolo fermo con dei pesi.

«Bello, sì, Madre. E ti sorride… Non piangere più… Già qualche ora è passata. Meno da attendere il suo ritorno…», e intanto Giovanni piange…

Maria lo accarezza sulla gota. Ma guarda solo l’effigie del Figlio.

Giovanni esce, accecato dal pianto.

612.26

Anche la Maddalena, che è tornata a prendere delle anfore, è nelle stesse condizioni. Ma dice all’apostolo: «Non bisogna farsi vedere piangere. Perché, se no, quelle là non sanno più fare nulla. E fare si deve…».

«… e credere si deve», termina Giovanni.

«Sì. Credere. Se non si potesse credere, sarebbe la disperazione. Io credo. E tu?».

«Io pure…».

«Lo dici male. Non ami ancora abbastanza. Se amassi con tutto te stesso, non potresti non credere. L’amore è luce e voce. Anche contro le tenebre della negazione e il silenzio della morte dice: “Io credo”». È splendida la Maddalena, così alta e imponente, imperiosa nella sua confessione di fede! Deve avere il cuore torturato. E i suoi occhi bruciati di pianto lo dicono. Ma l’animo è invitto.

Giovanni la guarda ammirato e mormora: «Tu sei forte!».

«Sempre. Lo fui tanto che seppi sfidare il mondo. Ed ero senza Dio, allora. Ora che ho Lui, sento di sapere sfidare anche l’inferno. Tu, che sei buono, non dovresti essere che più forte di me. Perché la colpa deprime, sai? Più di una consunzione. Ma tu sei innocente… Per questo ti amava tanto…».

«Anche te amava…».

«E io non ero innocente. Ma ero la sua conquista e…».

612.27

Bussano al portone con forza.

«Sarà Valeria. Apri».

Giovanni lo fa senza paura, dominato dalla calma di Maria.

È infatti Valeria coi suoi schiavi, che portano la lettiga da cui ella è scesa. Entra salutando latinamente: «Salve».

«La pace sia con te, sorella. Entra», dice Giovanni.

«Posso offrire alla Madre l’omaggio di Plautina? Anche Clau­dia ha contribuito. Ma se non è dolore per Lei il vedermi».

Giovanni entra da Maria.

«Chi bussa? Pietro? Giuda? Giuseppe?».

«No. È Valeria. Ha portato resine preziose. Te le vorrebbe offrire… se non ti dà pena».

«Devo superare la pena. Egli ha chiamato al suo Regno i figli d’Israele e i pagani. Tutti ha chiamato. Ora… è morto… Ma io sono qui per Lui. E tutti ricevo. Entri».

Valeria entra. Si è levato il mantello oscuro ed è tutta bianca nella sua stola. Si inchina fino a terra. Saluta e parla. «Domina. Tu lo sai chi siamo. Le prime redente dall’oscurantismo pagano. Fango e tenebre eravamo. Tuo Figlio ci ha dato ala e luce. Ora è… è addormentato in pace. Sappiamo i vostri usi. E vogliamo che anche i balsami di Roma siano sparsi sul Trionfatore».

«Dio vi benedica, figlie del mio Signore. E… perdonate se non so dire di più…».

«Non ti sforzare, Domina. Roma è forte. Ma sa anche comprendere il dolore e l’amore. Ti capisce, Madre Dolorosa. Addio».

«La pace sia con te, Valeria! A Plautina, a voi tutte, la mia benedizione».

Valeria si ritira, lasciando i suoi incensi e altre essenze.

«Lo vedi, Madre? Tutto il mondo dà per il Re del Cielo e della Terra».

«Sì», dice Maria. «Tutto il mondo. E la Madre non avrà potuto dargli che il pianto».

612.28

Un gallo canta allegro in qualche posto vicino. Giovanni sussulta.

«Che hai, Giovanni?», chiede la Vergine.

«Pensavo a Simon Pietro…».

«Ma non era con te?», chiede la Maddalena che è rientrata nella stanza.

«Sì. In casa di Anna. Poi ho capito che dovevo venire qui. E non l’ho mai più visto».

«Fra poco è l’alba».

«Sì. Aprite».

Aprono le impannate, e i volti sembrano ancor più terrei nella luce verdolina dell’alba.

La notte del Venerdì Santo è finita.


Notes

  1. il me l’avait dit depuis longtemps, en 303.4 et en 477.9.
  2. La lamentation de la Vierge n’est pas datée. Elle n’est pas écrite sur les cahiers comme le reste de l’Œuvre, mais sur les huit faces de deux grandes feuilles pliées en deux. Nous l’insérons ici parce que, à cet endroit, Maria Valtorta note : Ici lamentation II° de Marie III point Désolée (annotation compréhensible pour le Père Migliorini). Voici ce qu’elle écrit dans une longue note, dont nous avons cité quelques passages en 242.6 : […] Du berceau à la croix, Marie s’est entièrement dédiée à Jésus, et Jésus a tout reçu de Marie. Paisible — mieux encore : sereine —, comme si elle ignorait l’avenir, elle eut toujours pour Jésus le sourire et la parole qui encourageaient le Maître affligé et consolaient le divin Martyr. Semblable à une mère qui dissimule sous le bleu de ses eaux paisibles les tempêtes et les agitations du fond, jusqu’à ce que “ tout soit consommé ”, elle vint en aide avec dignité, force et douceur à son Fils. Ce n’est qu’ensuite qu’elle laissa s’écrouler les digues de sa force et que l’océan de sa douleur de mère et de croyante la submergea, jusqu’à ce que Dieu l’a permis, ce en quoi elle fut encore plus la Corédemptrice. […] Héroïque dans son supplice, comme parfaite dans son double amour de mère et de croyante, elle fut encore, jusqu’au dernier souffle du Martyr, son supême réconfort. Une fois consommée sa propre passion, non sanglante, mais pas moins atroce, elle laissa, après l’heure de none, libre cours à sa douleur incommensurable devant l’horrible déicide et l’odieux homicide de son Fils, le Fils unique de Dieu, puisqu’il n’avait plus besoin désormais de ses maternelles consolations.
  3. trente-quatre ans : non pas que Jésus ait vécu trente-quatre ans,mais Marie y ajoute les neuf mois pendant lesquels elle l’a porté.
  4. Anne : il s’agit d’Anne, fille de Phanuel, déjà rencontrée en 6.4/5 ; 10.2/7 ; 11.3/4 ; 12.5 ; 13.3 ; 32.6.9.
  5. la face du Rédempteur, selon une promesse esquissée en 382.7.

Note

  1. me lo aveva detto, in 303.4 e in 477.9.
  2. senza data è il “Lamento della Vergine”, che è scritto non sui quaderni come tutta l’opera, ma sulle otto facciate di due grandi fogli piegati in due. Lo inseriamo qui perché, a questo punto del quaderno autografo, MV annota: Qui lamento II° di Maria III punto Desolata (annotazione comprensibile per il Padre Migliorini). — Così scrive MV in una lunga nota, della quale abbiamo già riportato alcune parti in 242.6: […] Dalla cuna alla croce, Maria fu tutta per Gesù, e Gesù tutto ebbe da Maria. Pacifica – più ancora: serena – quasi ignorasse il futuro, ebbe sempre per Gesù il sorriso e la parola che incuoravano l’afflitto Maestro e consolarono il divino Martire. Simile ad un mare che cela sotto l’azzurro ridente delle sue placide acque le tempeste e le lotte del fondo, sino a che “tutto fu consumato”, sovvenne, dignitosa, forte e soave insieme, il Figlio suo di tutti i conforti. Soltanto dopo lasciò che crollassero le dighe della sua fortezza e che l’oceano del suo dolore di Madre e di Credente la sommergesse, sino a che Dio lo permise, onde fosse ancor più la Corredentrice. […] …eroica nel suo strazio, come perfetta nel suo duplice amore di Madre e di Credente Ss., fu ancora, sino all’estremo respiro del Martire, il suo supremo Conforto. Consumata, a sua volta, la “sua” passione, incruenta ma non meno atroce, dopo l’ora di nona lasciò libero sfogo al suo dolore smisurato per l’orrendo deicidio e lo straziante omicidio del Figlio unigenito di Dio e suo, perché ormai Egli non necessitava più di materne consolazioni.
  3. trentaquattro anni: non perché Gesù sia vissuto 34 anni - annota MV su una copia dattiloscritta - ma perché Maria vi aggiunge i 9 mesi di gestazione.
  4. Anna è Anna di Fanuel, incontrata in: 6.4/5 - 10.2/7 - 11.3/4 - 12.5 - 13.3 - 32.6.9.
  5. la faccia del Redentore, secondo una promessa adombrata in 382.7.