The Writings of Maria Valtorta

78. A Kérioth.

78. In Kerioth. The death of old Saul.

78.1

J’ai l’impression que la partie la plus escarpée, c’est-à-dire le nœud le plus étroit des montagnes de Judée, se trouve entre Hébron et Yutta. Mais je pourrais aussi me tromper, il peut s’agir d’une vallée qui s’ouvre plus largement sur des horizons assez vastes d’où se détachent des monts isolés et non plus une chaîne. Peut-être est-ce une cuvette entre deux chaînes, je ne sais. C’est la première fois que je la vois et je n’y comprends pas grand-chose. Dans des champs assez étroits mais bien tenus, des cultures diverses de céréales : orge, seigle surtout, et aussi de beaux vi­gnobles sur les terres les plus ensoleillées. Puis, en montant, des bois de pins et de sapins et d’autres essences forestières. Une route… discrète permet d’entrer dans un petit village.

« C’est le faubourg de Kérioth. Je te prie de venir à ma maison de campagne. Ma mère t’y attend. Puis nous entrerons dans Kérioth » dit Judas qui ne se tient plus tant il est agité.

Je n’ai pas dit que, maintenant, Jésus est seul avec Judas, Simon et Jean. Les bergers ne sont plus là. Peut-être sont-ils restés dans les pâturages d’Hébron ou retournés à Bethléem.

« Comme tu veux, Judas. Mais nous pouvions aussi nous arrêter ici pour faire connaissance avec ta mère.

– Oh non ! C’est une maison paysanne. Ma mère y vient au temps des récoltes. Mais ensuite elle réside à Kérioth. Et ne veux-tu pas que ma ville te voie ? Ne veux-tu pas lui porter ta lumière ?

– Bien sûr que je le veux, Judas, mais tu sais déjà que je ne regarde pas à l’humilité de l’endroit qui m’accueille.

– Mais aujourd’hui, tu es mon hôte… et Judas sait recevoir. »

Ils font encore quelques mètres au milieu de maisonnettes éparses dans la campagne, et femmes et hommes s’avancent, appelés par les enfants. C’est manifestement de la curiosité provoquée. Judas doit avoir battu le rappel.

« Voici ma pauvre maison. Excuse sa pauvreté. »

Mais la maison n’est pas une masure. C’est un cube de plain-pied, mais vaste et bien entretenu au milieu d’un verger touffu et prospère. Une ruelle privée, très propre, mène de la route à la maison.

« Me permets-tu de passer devant, Maître ?

– Vas-y. »

Judas s’en va.

« Maître, Judas a fait les choses en grand, dit Simon. Je m’en étais douté. Mais maintenant j’en suis sûr. Tu dis, Maître, et tu as bien raison : esprit, esprit… Mais lui… lui ne l’entend pas ainsi. Il ne te comprendra jamais… ou bien tard » rectifie-t-il pour ne pas peiner Jésus.

Jésus soupire et se tait.

78.2

Judas sort avec une femme sur la cinquantaine environ. Elle est assez grande, mais pas autant que son fils à qui elle a donné ses yeux noirs et ses cheveux frisés. Mais ses yeux sont doux, plutôt tristes, alors que ceux de Judas sont impérieux et fourbes.

« Je te salue, Roi d’Israël, dit-elle en se courbant comme une vraie sujette. Permets à ta servante de te recevoir.

– Paix à toi, femme. Et que Dieu soit avec toi et avec ton fils.

– Oh ! Oui, avec mon fils ! »

C’est plus un soupir qu’une ré­ponse.

« Lève-toi, mère. J’ai une Mère, moi aussi, et je ne puis permettre que tu me baises les pieds. Au nom de ma Mère, je te donne un baiser, femme. C’est ta sœur… en amour et dans la destinée douloureuse des mères de ceux qui sont marqués.

– Que veux-tu dire, Messie ? » demande Judas, un peu inquiet.

Mais Jésus ne répond pas. Il est en train d’embrasser la femme qu’il a relevée et à laquelle il donne un baiser sur les joues. Puis, la tenant par la main, il se dirige vers la maison.

Ils entrent dans une pièce fraîche à laquelle de légers rideaux à rayures donnent de l’ombre. Tout est prêt : des boissons fraîches et aussi des fruits. Mais la mère de Judas appelle d’abord une servante, qui apporte de l’eau et des essuie-mains. La maîtresse voudrait déchausser Jésus et laver ses pieds poussiéreux. Mais Jésus s’y oppose :

« Non, mère. Une mère est une créature trop sainte, surtout quand elle est honnête et bonne comme toi, pour que je te permette de prendre une attitude d’esclave. »

La mère de Judas regarde son fils… d’un étrange regard, puis elle s’é­loigne.

Jésus s’est rafraîchi. Quand il va remettre ses sandales, la femme revient avec une paire de sandales neuves.

« Voici, notre Messie. Je crois avoir bien fait… comme Judas voulait… Il m’a dit : “ Un peu plus longues que les miennes et de même largeur. ”

– Mais, pourquoi, Judas ?

– Tu ne veux pas me permettre de t’offrir un cadeau ? N’es-tu pas mon Roi et mon Dieu ?

– Oui, Judas, mais tu ne devais pas donner tant de dérangement à ta mère. Tu sais comme je suis…

– Je le sais. Tu es saint. Mais tu dois te présenter comme un roi saint. C’est ce qui s’impose. Dans le monde où les neuf dixièmes sont des sots, il faut une présentation qui en impose. Je le sais. »

Jésus a chaussé ses sandales neuves de cuir rouge aux courroies percées avec une empeigne qui monte jusqu’à la cheville. Elles sont beaucoup plus belles que ses simples sandales d’artisan et semblables aux sandales de Judas qui sont des escarpins d’où sortent seulement les bouts de pied.

« Le vêtement aussi, mon Roi. Je l’avais préparé pour mon Judas… Mais il te le donne. C’est du lin, frais et neuf. Permets qu’une mère t’habille… comme s’il s’agissait de son propre fils. »

Jésus se retourne pour regarder Judas… mais ne réplique pas. Il délace la gaine de son vêtement au cou et fait retomber l’ample tunique de ses épaules en restant avec la tunicelle de dessous. La femme lui passe le beau vêtement neuf. Elle lui présente une ceinture qui est un galon tout brodé d’où part un cordon qui finit en gros pompons. Jésus, c’est certain, se sentira bien dans ces vêtements frais et nets. Mais il ne paraît pas en être très heureux. Pendant ce temps, les autres se sont nettoyés.

« Viens, Maître. Ce sont des fruits de mon modeste verger, et cela c’est de l’hydromel que ma mère fabrique. Toi, Simon, peut-être préfèreras-tu ce vin blanc. Prends. C’est de ma vigne. Et toi, Jean ? Comme le Maître ? »

Judas exulte en versant à boire dans de belles coupes d’argent, pour montrer qu’il a les moyens.

Sa mère parle peu. Elle regarde… regarde… regarde son Judas… et plus encore elle regarde Jésus… Jésus, avant de manger, lui présente le plus beau fruit (ce sont de gros abricots, me semble-t-il, des fruits jaune-rouge, mais ce ne sont pas des pommes) et quand il lui dit : “ Toujours la mère en premier ”, ses yeux s’embuent de larmes.

« Maman, le reste est fait ? demande Judas.

– Oui, mon fils, je crois avoir tout bien fait, mais j’ai toujours vécu ici et je ne connais pas… je ne connais pas les habitudes des rois.

– Quelles habitudes, femme ? Quels rois ? Mais qu’as-tu fait, Judas ?

– Mais n’es-tu pas le roi promis à Israël ? Il est temps que le monde te salue comme tel et cela devait avoir lieu pour la première fois ici, dans ma ville, dans ma maison. Je te vénère sous ce titre. Par amour pour moi et par respect pour ton nom de Messie, de Christ, de Roi que les prophètes t’ont donné par ordre de Yahvé, ne me démens pas.

78.3

– Femme, mes amis, je vous en prie. J’ai besoin de parler avec Judas. Je dois lui donner des ordres précis. »

La femme et les disciples se retirent.

« Judas, qu’as-tu fais ? M’as-tu si peu compris jusqu’à présent ? Pourquoi m’abaisser au point de ne faire de moi qu’un puissant de la terre et même un ambitieux qui recherche cette puissance ? Tu ne comprends pas que c’est rabaisser ma mission et même lui faire obstacle ? Oui, un obstacle, c’est indéniable. Israël est soumis à Rome. Tu sais ce qui s’est passé quand un homme qui a fait figure de chef populaire et laissé soupçonner d’organiser une guerre de libération voulut s’élever contre Rome. Tu as entendu – ces jours-ci précisément – comment on s’est acharné sur un Bébé parce qu’on voyait en lui un futur roi, selon le monde. Et toi ! Et toi !

Oh ! Judas, qu’attends-tu d’une souveraineté matérielle pour moi ? Qu’espères-tu ? Je t’ai donné le temps de réfléchir et de décider. Je t’ai parlé bien clairement, dès la première fois. Je t’ai même repoussé, parce que je savais… parce que je sais, oui, parce que je sais, je lis, je vois ce qu’il y a en toi. Pourquoi vouloir me suivre si tu ne veux pas être tel que je le veux ? Va-t’en, Judas ! Ne te nuis pas et ne me nuis pas… Va. Cela vaut mieux pour toi. Tu n’es pas un ouvrier fait pour ce travail… C’est trop au-dessus de toi. En toi règnent l’orgueil, la cupidité, avec ses trois branches, et encore l’esprit de domination… Ta mère elle-même doit te craindre… sans oublier ta propension au mensonge… Non. Tel ne doit pas être mon disciple. Judas, je ne te hais pas. Je ne te maudis pas. Je te dis seulement – et c’est avec la douleur de ne pouvoir changer quelqu’un que j’aime –, je te dis seulement : va ton chemin, fais-toi une situation dans le monde puisque c’est cela que tu veux, mais ne reste pas avec moi.

Mon chemin !… Ma royauté ! Ah ! Quelles angoisses ils comprennent ! Sais-tu où je serai roi ? Quand on proclamera ma royauté ! Ce sera quand je serai élevé sur un bois infâme, quand j’aurai pour pourpre mon propre sang, pour couronne des é­pines entrelacées, pour enseigne un écriteau infâme, pour trom­pettes, cymbales, orgues et cithares saluant celui qu’on a proclamé roi, les blasphèmes de tout un peuple, de mon peuple. Et sais-tu par l’œuvre de qui tout cela se produira ? Par un homme qui ne m’aura pas compris. Qui n’aura rien compris. Un cœur de bronze vide, où l’orgueil, la sensualité et l’avarice auront distillé leurs poisons d’où sera né un entrelacement de serpents qui seront pour moi une chaîne et… et pour lui une malédiction. Les autres ne connaissent pas aussi clairement ma destinée. Alors, je t’en prie : n’en parle pas. Que cela reste entre toi et moi. Du reste… c’est un reproche… et tu te tairas pour ne pas dire : “ J’ai été blâmé… ” As-tu compris, Judas ? »

78.4

Judas est rouge au point d’en être violet. Il est debout devant Jésus. Il est confus, tête basse… Puis il se jette à genoux et pleure, la tête sur les genoux de Jésus.

« Je t’aime, Maître, ne me repousse pas. Oui, je suis un orgueilleux, je suis un sot, mais ne me renvoie pas. Non, Maître, ce sera la dernière fois que je chute. Tu as raison, je n’ai pas réfléchi. Mais même dans cette erreur il y a de l’amour. Je voulais te faire honneur… et que les autres le fassent pareillement… parce que je t’aime. Tu l’as dit, il y a trois jours : “ Quand vous vous méprenez sans malice, par ignorance, ce n’est pas une erreur, mais un jugement imparfait, un jugement d’enfant, et moi je suis ici pour vous faire devenir adultes. ” Voici, Maître, je me tiens ici contre tes genoux… Tu m’as dit que tu serais pour moi un père… contre tes genoux, comme si tu étais mon père, et je te demande pardon. Je te demande de faire de moi un “ adulte ”, et un adulte saint… Ne me renvoie pas, Jésus, Jésus, Jésus… Non ! Tout n’est pas mauvais en moi. Tu vois : pour toi, j’ai tout quitté et je suis venu. Tu es pour moi supérieur aux honneurs et aux avantages que j’obtenais en servant les autres. Toi, oui, tu es l’amour du pauvre, du malheureux Judas qui voudrait ne te donner que de la joie et te cause au contraire de la douleur…

– Cela suffit, Judas. Une fois de plus, je te pardonne… »

Jésus paraît fatigué…

« Je te pardonne, dans l’espoir… dans l’espoir qu’à l’avenir tu me comprendras.

– Oui, Maître, oui. Et maintenant pourtant, maintenant ne m’écrase pas sous le poids d’un démenti qui ferait de moi un objet de dérision. Tout Kérioth sait que je venais avec le Descendant de David, le Roi d’Israël, et il s’est préparé à te recevoir dans cette ville qui est la mienne… J’avais cru bien faire… de te faire voir comme on le doit pour inspirer la crainte et l’obéissance et de le faire voir à Jean, à Simon, et par eux aux autres qui t’aiment, mais te traitent d’égal à égal… Même ma mère serait humiliée d’être la mère d’un fils menteur et insensé. A cause d’elle, mon Seigneur… et je te jure que je…

– Ne me fais pas de serment à moi, mais jure-toi à toi-même, si tu le peux, de ne plus pécher en ce sens. A cause de ta mère et des habitants, je ne ferai pas l’affront de partir sans m’arrêter. Relève-toi.

– Que vas-tu dire aux autres ?

– La vérité…

– Oh ! Non !

– La vérité : que je t’ai donné des ordres pour aujourd’hui. Il y a toujours manière de dire la vérité sans offenser la charité. Allons. Appelle ta mère et les autres. »

Jésus est plutôt sévère. Il ne se remet à sourire que lorsque Judas revient avec sa mère et les disciples. La femme scrute le visage de Jésus, mais elle y lit de la bienveillance. Elle se rassure. J’ai l’impression que c’est une âme en peine.

« Voulons-nous aller à Kérioth ? Je suis reposé et je te remercie, mère, de toutes tes bontés. Que le Ciel te récompense et, pour la charité dont tu as fait preuve pour moi, qu’il accorde repos et joie au conjoint que tu pleures. »

La femme cherche à lui baiser la main, mais Jésus lui pose la main sur la tête, en la caressant, et ne la laisse pas faire.

« Le char est prêt, Maître. Viens. »

Dehors, en effet, voilà qu’arrive un char tiré par des bœufs. C’est un beau char, pratique, sur lequel on a disposé, pour servir de sièges, des coussins ; une toile rouge a été étendue au-dessus.

« Monte, Maître.

– La mère, d’abord. »

La femme monte, puis Jésus et les autres.

« Ici, Maître. » (Judas ne l’appelle plus roi).

Jésus s’assied devant avec Judas près de lui. A l’arrière, la femme et les disciples. Le conducteur pique les bœufs et les stimule en marchant à côté.

78.5

Le trajet est court. Quatre cents mètres, guère plus, et on aperçoit les premières maisons de Kérioth, qui me paraît être une petite bourgade bien ordinaire. Dans la rue ensoleillée, un petit garçon regarde, puis part comme une flèche. Quand le char parvient aux premières maisons, les notables et le peuple sont là pour l’accueillir, avec des tentures et des rameaux, et encore des rameaux et des tentures tout au long des rues, d’une maison à l’autre. Cris de joie et courbettes profondes, jusqu’à terre. Jésus – désormais il ne peut se dérober – salue et bénit du haut de son trône branlant.

Le char continue, puis tourne au-delà d’une place dans une autre rue. Il s’arrête devant une maison dont le portail est grand ouvert avec, sur le seuil, deux ou trois femmes. On s’arrête. On descend.

« Ma maison est à toi, Maître.

– Paix à elle, Judas, paix et sainteté. »

Ils entrent. Après le vestibule, il y a une salle spacieuse avec des divans bas et des meubles ornés de marqueteries. Avec Jésus et les autres, entrent les notables du pays. Courbettes, curiosité, ambiance de fête solennelle.

Un vieillard imposant prononce un discours :

« Ta présence est un grand événement pour le village de Kérioth, Seigneur. Un grand événement ! Quel jour heureux ! C’est un événement de t’avoir dans ses murs, et aussi de constater qu’un de ses fils est pour toi un ami et un collaborateur. Béni soit-il pour t’avoir connu avant tout autre ! Béni sois-tu cent fois pour t’être manifesté : toi, l’Attendu des générations et des générations. Parle, Seigneur et Roi. Nos cœurs attendent ta parole comme une terre, desséchée par un été brûlant, attend les premières douces pluies de septembre.

– Merci, qui que tu sois. Merci. Et merci à ces habitants qui ont tourné leur cœur vers le Verbe du Père, vers le Père dont je suis le Verbe, pour que vous sachiez que ce n’est pas au Fils de l’homme – qui vous parle –, mais au Très-Haut qu’il faut rendre grâces et honneurs pour ce temps de paix où il a rétabli sa paternité brisée avec les fils des hommes. Louange au Seigneur véritable, au Dieu d’Abraham qui a montré sa pitié et son amour à son peuple et lui a accordé le Rédempteur promis. Gloire et louange, non pas à Jésus, qui est le serviteur de l’éternelle Volonté, mais à cette Volonté d’amour.

– Tu parles en saint… Je suis le chef de la synagogue. Ce n’est pas le sabbat, mais viens dans ma maison pour expliquer la Loi, toi sur qui repose l’onction de la Sagesse, mieux que l’huile qui consacre les rois.

– Je vais venir.

– Mon Seigneur est peut-être fatigué…

– Non, Judas, jamais fatigué de parler de Dieu et jamais désireux de décevoir les cœurs.

– Viens, alors, insiste le chef de la synagogue. Tout Kérioth est là, dehors à t’attendre.

– Allons. »

Ils sortent. Jésus entre Judas et le chef. Puis, autour, les no­tables et la foule, la foule, la foule. Jésus passe et bénit.

78.6

La synagogue donne sur la place. Ils entrent. Jésus se dirige vers l’endroit d’où l’on enseigne. Il commence à parler, tout blanc dans son superbe vêtement, le visage inspiré, les bras étendus en son geste habituel.

« Peuple de Kérioth : le Verbe de Dieu parle. Ecoutez. Celui qui vous parle n’est que la Parole de Dieu. Sa souveraineté vient du Père et retournera au Père lorsqu’il aura évangélisé Israël. Que les cœurs et les esprits s’ouvrent à la vérité pour ne pas stagner dans l’erreur où naît la confusion.

Isaïe a dit[1] : “ Tout vol fait à main armée et tout manteau roulé dans le sang seront mis à brûler, dévorés par le feu. Car un enfant nous est né, un fils nous a été donné. Il a reçu le pouvoir sur ses épaules et on lui a donné ce nom : Conseiller-merveilleux, Dieu-fort, Père-éternel, Prince-de-paix. ” Voilà mon nom. Laissons aux Césars et aux tétrarques leurs proies. Pour moi, je ferai un vol, mais pas un vol qui mérite d’être puni par le feu. Au contraire, j’arracherai au feu de Satan quantité de proies pour les amener au Royaume de paix dont je suis le Prince et au siècle futur : l’éternité dont je suis le Père.

David, de la souche de qui je viens – comme il avait été prédit par ceux qui ont joui de la vision, à cause de leur sainteté agréée par Dieu pour porter sa parole –, David dit encore[2] : “ Dieu a choisi un seul… mon fils… mais l’œuvre est grande, car ce palais n’est pas destiné à un homme, mais à Yahvé Dieu. ” Il en est bien ainsi : Dieu, le Roi des rois, a choisi un seul, son Fils, pour construire dans les cœurs sa maison. Et il a déjà préparé les matériaux. Que d’or de charité ! Que de cuivre, d’argent, de fer, de bois rares et de pierres précieuses ! Tout cela est en réserve dans son Verbe et il emploie ces matériaux pour édifier en vous la demeure de Dieu. Mais si l’homme n’aide pas le Seigneur, c’est inutilement que le Seigneur voudra construire sa maison. A l’or, on répond par l’or, à l’argent par l’argent, au cuivre par le cuivre, au fer par le fer. Cela veut dire qu’il faut rendre amour pour amour, continence pour servir la Pureté, constance pour être fidèle, force pour tenir bon. Et puis porter aujourd’hui la pierre, demain le bois ; aujourd’hui le sacrifice, demain le travail ; et édifier, édifier toujours le temple de Dieu en vous.

Le Maître, le Messie, le Roi de l’Israël éternel, du peuple éternel de Dieu vous appelle. Mais il veut que vous soyez purs pour cette œuvre. A bas l’orgueil, à Dieu les louanges. A bas les pensées humaines : c’est à Dieu qu’appartient le Royaume. Avec humilité dites avec moi : “ Tout t’appartient, Père. A toi tout ce qui est bon. Apprends-nous à te connaître et à te servir en vérité. ” Dites : “ Qui suis-je ? ” Et reconnaissez que vous ne serez quelque chose que lorsque vous serez des demeures purifiées où Dieu pourra descendre et se reposer.

Tous pèlerins et étrangers sur cette terre, sachez vous unir et marcher vers le Royaume promis. Le chemin, ce sont les commandements, accomplis non par crainte du châtiment, mais par amour pour toi, Père saint. L’arche, c’est un cœur parfait où se trouve la manne nourrissante de la sagesse et où fleurit le rameau d’une volonté pure. Et, pour que la maison soit éclairée, venez à la lumière du monde. C’est moi qui vous l’apporte. Je vous apporte la lumière. Rien d’autre. Je ne possède pas de richesses et je ne promets pas d’honneurs terrestres, mais je possède toutes les richesses surnaturelles de mon Père, et à ceux qui suivront Dieu avec amour et charité, je promets l’honneur éternel du Ciel.

Que la paix soit avec vous. »

78.7

Un peu inquiets, les gens, qui ont écouté avec attention, murmurent. Jésus parle avec le chef de la synagogue. D’autres personnes, peut-être les notables, viennent se joindre au groupe.

« Maître… mais n’es-tu pas le Roi d’Israël ? On nous avait dit…

– Je le suis.

– Mais, tu as dit…

– Que je ne possède ni ne promets les richesses du monde. Je ne puis dire que la vérité. Il en est ainsi. Je connais vos pensées. Mais l’erreur vient d’une faute d’interprétation et du très grand respect que vous avez à l’égard du Très-Haut. On vous a dit : “ Le Messie vient ”, et vous avez pensé, comme beaucoup en Israël, que Messie et roi, c’était la même chose. Elevez plus haut votre esprit. Observez ce beau ciel d’été. Vous avez l’impression qu’il finit là, que sa limite se trouve là où l’air ressemble à une voûte de saphir ? Non, plus loin il y a d’autres couches plus pures, des azurs plus nets, jusqu’à l’azur inimaginable du paradis où le Messie conduira les justes, morts dans le Seigneur. Il y a la même différence entre la royauté messianique qu’imagine l’homme et la royauté réelle, qui est toute divine…

– Mais pourrons-nous, nous pauvres hommes, lever les yeux jusqu’à ces hauteurs ?

– Il suffit de le vouloir, et si vous le voulez, je vous aiderai.

– Comment devons-nous t’appeler, si tu n’es pas roi ?

– Maître, Jésus, comme vous voulez. Je suis le Maître et je suis Jésus, le Sauveur. »

78.8

Un vieillard dit :

« Ecoute, Seigneur. Il y a longtemps, très longtemps, au temps de l’édit, arriva jusqu’ici la nouvelle qu’était né le Sauveur à Bethléem… et moi, j’y suis allé avec d’autres… J’ai vu un petit bébé tout comme les autres. Mais je l’ai adoré avec foi. Puis j’ai appris qu’il y en avait un autre, un saint du nom de Jean. Quel est le vrai Messie ?

– Celui que tu as adoré. L’autre est son précurseur. C’est un grand saint aux yeux du Très-Haut, mais pas le Messie.

– Alors c’était toi ?

– C’était moi. Et qu’as-tu vu autour du nouveau-né que j’étais alors ?

– Pauvreté et propreté, honnêteté et pureté… Un artisan aimable et sérieux qui s’appelait Joseph, de la race de David, une jeune mère blonde et aimable qui s’appelait Marie. Auprès de sa grâce, les plus belles roses d’Engaddi pâlissent et les lis des parterres royaux paraissent ternes. Et un bébé aux grands yeux bleus, aux cheveux d’or pâle… Je n’ai rien vu d’autre… mais j’entends encore la voix de la Mère qui me dit : “ Au nom de mon Enfant, je te le dis : que le Seigneur soit avec toi, jusqu’à son éternelle rencontre et que sa grâce vienne au-devant de toi sur ton chemin. ” J’ai quatre-vingt-quatre ans… je suis au bout de ma route. Je n’espérais plus rencontrer la grâce de Dieu. Mais je t’ai trouvé… et maintenant je ne désire plus voir une lumière autre que la tienne… Oui, je te vois sous ce vêtement de pitié qu’est la chair que tu as prise. Je te vois ! Ecoutez la voix de celui qui en mourant voit la lumière de Dieu ! »

Les gens s’attroupent autour du vieillard inspiré qui est dans le groupe de Jésus, et qui, sans plus s’appuyer sur sa canne, lève ses bras tremblants et sa tête toute blanche, avec une longue barbe qui se partage en deux, une vraie tête de patriarche ou de prophète.

« Je le vois, lui : l’Elu, le Suprême, le Parfait, descendu chez nous par la force de son amour, remonter à la droite du Père, devenir un avec lui. Mais voilà ! Ce n’est pas une voix et une essence immatérielle comme Moïse vit le Très-Haut, et comme la Genèse dit que le premier couple l’a connu lorsqu’il leur parlait dans la brise du soir. C’est avec une chair réelle que je le vois monter vers l’Eternel. Chair étincelante ! Chair glorieuse ! O Eclat de la chair divine ! O Beauté de l’Homme-Dieu ! C’est le Roi ! Oui. C’est le Roi. Non pas d’Israël, mais du monde. Devant lui s’in­clinent toutes les royautés de la terre et tous les sceptres, toutes les couronnes disparaissent devant l’éclat de son sceptre et de ses joyaux. Il porte sur son front une couronne. Il tient dans sa main un sceptre. Sur la poitrine, il porte le rational, perles et rubis y éclatent avec une splendeur jamais vue. Des flammes en sortent comme d’une fournaise sublime. Il a aux poignets deux rubis et une boucle de rubis à ses pieds saints. Lumière, lumière des rubis ! Regardez, ô peuples, le Roi éternel ! Je te vois ! Je te vois ! Je monte avec toi… Ah ! Seigneur ! Notre Rédempteur !… La lumière augmente aux yeux de mon âme… Le Roi est orné de son sang ! Sa couronne, ce sont des épines ensanglantées, son sceptre une croix… Voici l’Homme ! Le voilà ! C’est toi !… Seigneur, par ton immolation aie pitié de ton serviteur. Jésus, je remets mon âme à ta miséricorde. »

Le vieillard, tout droit jusqu’alors, redevenu jeune dans le feu de sa prophétie, s’affaisse tout à coup et il tomberait si Jésus ne le retenait pas aussitôt contre sa poitrine.

« Saul !

– Saul meurt !

– Au secours !

– Venez vite !

– Paix autour du juste qui meurt » dit Jésus, qui s’est lentement agenouillé pour pouvoir soutenir plus aisément le vieillard, qui devient toujours plus lourd.

On fait silence. Puis Jésus l’allonge complètement sur le sol.

Il se redresse.

« Paix à son âme. Il est mort en voyant la lumière. Dans l’attente qui sera brève, il verra déjà le visage de Dieu et sera heureux. Il n’y a pas de mort, c’est-à-dire de séparation d’avec la vie, pour ceux qui mourront dans le Seigneur. »

78.9

Après quelque temps, les gens s’éloignent en commentant la scène. Restent les notables, Jésus, les siens et le chef de la synagogue.

« Il a prophétisé, Seigneur ?

– Ses yeux ont vu la Vérité. Partons. »

Ils sortent.

« Maître, Saul est mort investi par l’Esprit de Dieu. Nous qui l’avons touché, sommes-nous purs ou impurs ?

– Impurs.

– Et toi ?

– Moi comme les autres. Je ne change pas la Loi. La Loi, c’est la loi et un israélite l’observe. Nous sommes impurs[3]. Entre le troisième jour et le septième, nous nous purifierons. Jusque là, nous sommes impurs. Judas, je ne reviens pas chez ta mère. Je ne veux pas apporter l’impureté à sa maison. Fais-la prévenir par qui tu pourras. Paix à cette ville. Partons. »

Je ne vois plus rien.

78.1

I am under the impression that the steepest part, that is the most tangled part of Judaean mountains, is between Hebron and Jutah. But I may be mistaken, and this valley may be wider, opening onto wider horizons, with isolated mountains emerging here and there, not forming any real chain. It may be a valley between two chains of mountains. I do not know. It is the first time I see it, and I am puzzled. The fields are not very large, but they are well cultivated with various cereals: mainly barley and rye. There are also some nice vineyards in the sunny parts. Higher up, I can see some lovely forests of pine-trees and fir-trees and other trees typical of woody places. A reasonably good road leads into a small village.

«This is the suburb of Kerioth. Please come to my country house. My mother is waiting for You there. We will go to Kerioth afterwards» says Judas who is beside himself with excitement.

I omitted to mention that only Judas, Simon and John are now with Jesus. The shepherds are not here. Perhaps they remained in the pastures of Hebron or they have gone back towards Bethlehem.

«As you wish, Judas, but we could have even stopped here to meet your mother.»

«Oh! No! It is only a farm house. My mother comes here at harvest time. But she lives in Kerioth. And do You not want my town people to see You? Do You not want to take Your light to them?»

«I certainly do, Judas. But you already are aware that I do not mind the humbleness of the place that gives Me hospitality.»

«But today You are my guest… and Judas knows how to be hospitable.»

They walk for a few more yards among houses spread about the country, while men and women look out, called by children. It is obvious that their curiosity has been awakened. Judas must have sent word warning them.

«Here is my poor house. Forgive its poverty.»

But, after all, the house is not a hovel: it consists of a large and well kept ground floor only, in the middle of a thick flowering orchard. A small private clean road leads from the main road to the house.

«May I go ahead of You, Master?»

«Yes, go.»

Judas goes.

«Master, Judas has done things in great style» says Simon. «I rather suspected he would. But now I am certain. Master, You keep saying, and quite rightly, spirit… But he… he does not see things that way. He will never understand You… or perhaps only very late» he adds not to grieve Jesus.

Jesus sighs and is silent.

78.2

Judas comes out with a woman who is about fifty years old. She is rather tall, but not so tall as her son, who has her same dark eyes and curly hair. But her eyes are kind and rather sad, whereas those of Judas are imperious and shrewd.

«I greet You, King of Israel» she says prostrating herself in a real salutation of a subject. «Allow Your servant to give You hospitality.»

«Peace to you, woman. And may God be with you and your creature.»

«Oh! yes! With my creature.» It sounds more like a sigh than a reply.

«Stand up, mother. I have a Mother, too, and I cannot allow you to kiss My feet. I kiss you, woman, in My Mother’s name. She is a sister of yours… in love and in the painful destiny of the mother of those who are marked.»

«What do You mean, Messiah?» asks Judas somewhat worried.

But Jesus does not reply. He is embracing the woman, whom He has kindly raised up from the ground and is now kissing her cheeks. And, holding her hand, He walks toward the house.

They go into a cool room, which is shaded by light striped curtains. Cold drinks and fresh fruit are already laid out. But first of all Judas’ mother calls a maidservant who brings in water and the landlady would like to take off Jesus’ sandals and wash His dusty feet. But Jesus objects. «No, mother. A mother is too holy a person, particularly when she is honest and good, as you are, to be allowed to take an the attitude of a slave…»

The mother looks at Judas… an unusual look. She then goes away. Jesus has refreshed Himself. When He is about to put on His sandals, the woman comes back with a new pair. «Here, Messiah. I think I have done the right thing… as Judas wanted… He said to me: “A little longer than mine, but the same width”.»

«But why, Judas?»

«Will You not let me offer You a gift? Are You not my King and my God?»

«Yes, Judas. But you must not give so much trouble to your mother. You know what I am like…»

«I know. You are holy. But You must appear as a holy King. That is how one imposes oneself. In the world, where nine tenths of the folk are foolish people, we must impose ourselves with our appearance. Trust me.»

Jesus has fastened the red leather open straps of the new sandals, which reach up to His ankles. They are much nicer than His plain sandals of a workman, and they resemble Judas’ sandals, which are like shoes with open parts showing of his feet.

«Also the tunic, my King. I prepared it for Judas… But he makes a present of it to You. It’s a linen one: cool and new. Allow a mother to put it on You… as if You were her son.»

Jesus looks at Judas once again… but does not speak. He unties the lace of His tunic round His neck, and lets His wide tunic fall onto the floor and thus is left with only His short under-tunic. The woman puts the lovely new garment on Him. She offers Him a belt, which is richly embroidered braid, from which a cord hangs down, decorated with very thick tassels. Jesus must feel comfortable in the cool clean clothes, but He does not seem very happy. In the meantime the others have cleaned themselves.

«Come, Master. They come from my poor orchard. And this is honeyed water, prepared by my mother. Perhaps, Simon, you would prefer this white wine. Have some. It is the wine of my vineyard. And what about you, John? Will you have the same as the Master?» Judas is overjoyed at pouring the drinks into beautiful silver cups, thus showing his wealth.

His mother is not very talkative. She looks… looks… at Judas, and even more at Jesus, and when Jesus, before eating, offers her the nicest fruit (possibly very big apricots, they are yellow red fruits, certainly not apples) and He says to her: «First of all to mother, always», her eyes well with tears.

«Mother, is the rest ready?» asks Judas.

«Yes, son. I think I have done everything well. But I was brought up here and I have always lived here and I do not know… I do not know the habits of kings.»

«Which habits, woman? Which kings? What have you done, Judas?»

«Are You not the promised King of Israel? It is time that the world should salute You as such, and that must happen for the first time here, in my town, in my house. I revere You as such. For my sake, and for the respect due to Your names of Messiah, Christ, King, which the Prophets gave You by Yahweh’s command, do not give me the lie.»

78.3

«Woman, friends, please. I must speak to Judas. I have precise instructions to give him.»

The mother and the disciples withdraw.

«Judas: what have you done? Have you understood so little of Me so far? Why lower Me to the extent of making Me only a mighty man of the world, and what is more: a man intriguing to become mighty? And do you not understand that that is an offence, even an obstacle to My mission? Yes. Do not deny it. It is an obstacle. Israel is subjected to Rome. You know what happened when they raised against Rome someone who seemed a mob-leader and aroused the suspicion of creating an insurrection. Only a few days ago you heard how pitiless they were against a Child because they were afraid He might be a king according to the world. And yet you!…

Oh! Judas! What do you expect from the sovereignty of the flesh? What do you expect? I gave you time to think and decide. I spoke to you very clearly from the very first time. I also sent you away because I knew… because I know, I read and see what is in you. Why do you want to follow Me, if you do not want to be as I want you? Go away, Judas. Do not harm yourself and do not harm Me… Go away. It is better for you. You are not a suitable worker for this task. It is by far too much above you. In you there is pride, there is greed and all its three branches, there is arrogance… even your mother must be afraid of you… you are inclined to falsehood… No, My follower must not be like that. Judas, I do not hate you, I do not curse you. I only say to you, and I am saying it with the grief of one who knows he cannot change the person he loves, I only say to you: go your way, make your way in the world, since that is what you want, but do not stay with Me.

My life!… My royal palace! How small and mean they are! Do you know where I will be a King? When I will be proclaimed King? When I will be raised up, upon an ill-famed piece of wood and My own blood will be purple, and My crown will be a wreath of thorns and My insignia a mocking poster and the curses of all the people, of My people, will be the trumpets, the tambourines, the organs, the citherns saluting the proclamation of the King. And do you know by whose deed all this will happen? By the deed of one who did not understand Me. One who will have understood nothing. One, whose heart was a hollow piece of bronze, that pride, sensuality and avarice had filled with their humours, which will generate coils of snakes that will be used to chain Me and… and to curse him. The others are not so well aware of My destiny. Please do not tell them. Let us keep this to ourselves. In any case it is a reproach… and you will keep quiet to avoid saying: “I was reproached”… Is that clear, Judas?»

78.4

Judas has blushed so much, that he looks purple. He is standing before Jesus, mortified, his head lowered… He kneels down and he cries with his head on Jesus’ knees: «I love you, Master, Don’t reject me. Yes, I am proud and foolish, but don’t send me away. No. Master. I will never do it again. You are right. It was thoughtless of me. But there is some love in my mistake. I wanted to honour You… and I wanted the others to honour You as well… because I love You. You said so three days ago: “When you make a mistake without malice, out of ignorance, it is not an error, but an incorrect judgement: like the error of children, and I am here to make adults of you”. Here I am, here against Your knees… You said You would be a father to me… and I am here against Your knees as if they were my father’s, and I ask You to forgive me, and to make an “adult” of me, a holy adult… Don’t send me away, Jesus, Jesus, Jesus… Not everything is wicked in me. You know: I left everything for you and I have come. You are much more than the honours and victories I got serving other people. You are indeed the love of poor unhappy Judas who would like to give You nothing but joy, and is instead the cause of pain for You…»

«That is all right, Judas. I forgive you once again…» Jesus looks tired… «I forgive you, hoping… hoping that in future you will understand Me.»

«Yes, Master. But, now, do not give me the lie, otherwise I will be laughed at. Everybody in Kerioth knows that I was coming with David’s Descendant, the King of Israel… and the town has made preparations to welcome You… I thought I was doing a good thing… showing You what one must do to be respected and obeyed… and I also wanted to show John and Simon, and through them, all the others who love You but treat You as their equal… My mother too would be mocked at, as the mother of a mad liar. For her sake, my Lord,… And I swear that I…»

«Do not swear to Me. Swear to yourself, if you can, that You will not commit such a sin again. For the sake of your mother and your fellow citizens I will not shame you by going away without stopping here. Stand up.»

«What will You tell the others?»

«The truth…»

«No, don’t.»

«The truth: that I gave you instructions for today. It is always possible to tell the truth in a charitable way. Let us go. Call your mother and the others.»

Jesus is rather severe. He smiles again only when Judas comes back with his mother and the disciples. The woman gazes at Jesus, but she gains confidence when she sees His kind disposition. I get the impression she is in great distress.

«Shall we go to Kerioth? I have rested and I wish to thank you, mother, for all your kindness. May Heaven reward you and grant rest and peace to your late husband for all your charity to Me.»

The woman tries to kiss His hand, but Jesus caresses her head and thus prevents her from doing so.

«The wagon is ready, Master. Come.»

Outside, in fact, an ox cart is just arriving. It is a comfortable cart, on which they have placed cushions as seats and a red tent as a cover.

«Get on, Master.»

«Your mother, first.»

The woman gets on and then Jesus and the others.

«Sit here, Master. (Judas no longer calls Him king).

Jesus sits in front, and Judas sits beside Him. The woman and the disciples are behind. The man driving the cart goads the oxen walking beside them.

78.5

It is a short journey, about four hundred metres, probably a little more. The first houses of Kerioth are now visible and it looks like a decent little town. A little boy on the sunny road is watching and he immediately dashes away. When the cart reaches the first houses, the important people and the people welcome Him; the houses are decorated with draperies and branches. The people shout with joy and bow down deeply. Jesus, from the height of His shaking throne, can but greet them and bless them.

The cart moves on and after crossing a square it turns into a street, where it stops before a house the door of which is already wide open. Two or three women are standing at the door. They stop and get off.

«My house is Yours, Master.»

«Peace to it, Judas. Peace and holiness.»

They go in. Beyond the hall there is a large room with low divans and inlaid furniture. The important people of the place and other people go in with Jesus. There is a lot of bowing and curiosity: a showy joyfulness.

An impressive elderly man delivers a speech: «It is a great honour for the land of Kerioth to receive You, my Lord. A great fortune! A happy day! It is a great fortune to have You and to see that a son of Kerioth is Your friend and assistant. May he be blessed because he met You before everyone else! And may You be blessed ten times ten because you have revealed Yourself: You are the One Who has been expected for generations and generations.

Speak, my Lord and King. Our hearts are anxious to hear Your word, just as the land parched by a fiery summer awaits the first soft showers in September.»

«Thank you, whoever you are. Thank you. And thanks to these citizens whose hearts have honoured the Word of the Father, and the Father Whose Word I am. Because You must understand that thanks and honour are due not to the Son of man, Who is speaking to you, but to the Most High Lord, for this time of peace during which He re-establishes the broken paternity with the sons of man. Let us praise the true Lord, the God of Abraham Who had mercy on and loved His people and granted them the promised Redeemer. Glory and praise not to Jesus, the servant of the Eternal Will, but to the loving Will.»

«Your words are the words of a holy man: I am the chief of the synagogue. Today it is not a Sabbath. But come to my house, to explain the Law, since You are anointed with Wisdom, rather than with royal oil.»

«I will come.»

«Perhaps my Lord is tired…»

«No, Judas, I am never tired of speaking of God and I am never anxious to disappoint the hearts of men.»

«Come, then» the synagogue chief insists. «The whole of Kerioth is out there waiting for You.»

«Let us go.»

They go out. Jesus is between Judas and the head of the synagogue, around them there are the important people and the crowds. Jesus passes through them blessing.

78.6

The synagogue is on the square. They go in. Jesus goes to the lectern. He begins to speak, bright in His beautiful robes, His face inspired, His arms stretched out in His usual attitude.

«People of Kerioth, the Word of God is speaking to you. Listen. He Who is speaking to you is but the Word of God. His sovereignty comes from the Father and will return to the Father after Israel has been evangelised. May your hearts and minds be opened to the truth, so that you may be freed from errors and confusion.

Isaiah said[1]: “For all the footgear of battle, every cloak rolled in blood is burnt and consumed by fire. For there is a Child born to us, a Son given to us, and dominion is laid on His shoulders; and this is the name they give Him: Wonder-Counsellor, Mighty-God, Eternal Father, Prince of Peace”. That is My Name. We leave to Caesar and the Tetrarchs their preys. I will commit a robbery. But not a robbery deserving to be punished by fire. On the contrary I will snatch from Satan’s fire many of his preys and I will take them to the Kingdom of peace, of which I am the Prince, and to the future century: the eternal time of which I am the Father.

“God”, says David[2], from whose stock I descend, as was prophesied by those who saw the future because of their holiness which was so pleasing to God, that He chose them as His messengers, “God elected one only… my son… but the work is great: this palace is not for man but for God”. It is so. God, the King of kings, elected one person only: His Son, to build His house in the hearts of men. And He has already prepared the materials. Oh! How much gold of charity! and copper, silver, iron, rare wood and precious stones! They are all gathered in his Word Who makes use of them to build God’s abode in you. But if man does not help the Lord, the Lord will build His dwelling place in vain. One must reply to gold with gold, to silver with silver, to copper with copper, to iron with iron. That is, love is to be given for love, continence to serve Purity, perseverance to be loyal, strength to be steadfast. And one must carry stones today, wood tomorrow: a sacrifice today, a deed tomorrow and thus build. You must always build the Temple of God in your hearts.

The Master, the Messiah, the King of everlasting Israel and of God’s eternal people, calls you. But He wants you to be pure for the work. Relinquish pride: praise is due to God. Relinquish human thoughts: the Kingdom belongs to God. Be humble and say with Me: “All things are Yours, Father. Everything that is good is Yours. Teach us how to know You and serve You in truth”. Say: “Who am I?” And acknowledge that you will be something only when you become purified dwellings into which God may descend and rest.

You are all pilgrims and strangers in this world, learn how to gather together and proceed towards the promised Kingdom. The road: the commandments fulfilled not because of fear of a punishment, but out of love for You, holy Father. The Ark: a perfect heart in which the nourishing manna of wisdom is treasured and the branch of a pure will is certain to bloom. And come to the Light of the world, that your houses may be bright with light. I bring you the Light. Nothing else. I have no riches and I do not promise worldly honours. But I possess all the supernatural wealth of My Father and I promise the eternal honour of Heaven to those who will follow God with love and charity.

Peace be with you.»

78.7

The people, who have listened attentively, begin to murmur somewhat agitated. Jesus speaks to the head of the synagogue. Other people, perhaps the important people, join the group.

«Master, but are You not the King of Israel? We were told…»

«I am.»

«But You said…»

«That I neither possess nor promise worldly wealth. I can speak but the truth. Yes, it is so. I know what you think. But the error is due to a misinterpretation and your great respect for the Most High. You were told: “The Messiah is coming” and you thought, like many in Israel, that Messiah and king were the same thing. Raise your minds higher up. Look at this beautiful summer sky. Do you think it ends there, where the air seems a sapphire vault? No, the most pure, the most azure spheres are beyond it, up as far as Paradise, which no one can imagine, where the Messiah will lead all the just who die in the Lord. The same difference exists between the Messiah’s royalty, as understood by men, and His true Royalty: which is entirely divine.»

«But will we, poor men, be able to raise our minds so far up?»

«Yes, if you only want to. And if you want to, I will help you.»

«How shall we call You, if You are not a king?»

«Call Me Master, or Jesus, as you wish. I am a Master and I am Jesus, the Saviour.»

78.8

An old man says: «Listen, my Lord. Some time ago, a long time ago, at the time of the edict, we heard here that the Saviour was born in Bethlehem… and I went there with other people… I saw a little Baby, exactly like all other new-born babies. But I adored Him with faith. Later I heard that there was a holy man, whose name is John. Which is the true Messiah?»

«The One you adored. The other is His Precursor: a great saint in the eyes of the Most High. But he is not the Messiah.»

«Was it You?»

«It was I. And what did you see around the new-born Child?»

«Poverty and cleanliness, honesty and purity… A kind serious carpenter, whose name was Joseph, a carpenter but of the House of David, a young mother, fair and kind, whose name was Mary, before whose grace the most beautiful roses of Engedi turn pale and the lilies of the royal flower beds seem mis-shapen, and a Child with large blue eyes and pale gold hair… I saw nothing else… And I can still hear the voice of the Mother say to me: “On behalf of My Creature I say to You: may the Lord be with you until the eternal meeting and may His Grace come towards you on your way”. I am eighty-four years old… my way is near its end. I was no longer expecting to meet the Grace of God. Instead I have found You… and now I do not wish to see any other light than Yours… Yes. I see You as You are in this merciful attire, which is the flesh You have taken. I see You! Listen to the voice of a man who sees the Light of God while dying!»

The people press around the old inspired man, who is in Jesus’ group. No longer leaning on his walking stick, he lifts his trembling arms and raises his white head, which, with its separated beard, seems the head of a patriarch or a prophet.

«I see Him: The Chosen, Supreme, Perfect One, Who descended here out of love, I see Him rise again to the right hand side of the Father and become One with Him. But… Oh! He is not just a Voice or an incorporeal Essence, as Moses saw the Most High, or as Genesis tells the First Parents heard Him and spoke to Him in the evening breeze. I see Him as real Flesh rising to the Eternal Father. Blazing Flesh! Glorious Flesh! Oh! Pomp of Divine Flesh! Oh! Beauty of the Man-God! He is the King! Yes. The King. Not of Israel: of the world. All the royalties of the earth bow to Him and all the sceptres and crowns fade away in the splendour of His sceptre and jewels. He has a crown on His head and a sceptre in His hand. He wears a rational on His chest: it is adorned with pearls and rubies, the brightness of which was never seen before. Flames issue from it as if it were a blazing furnace. There are two rubies on His wrists and buckles with rubies are on His holy feet. There is so much light from the rubies! Admire, peoples, the Eternal King! I see You! I see You! I am rising with You… Ah! Lord! Our Redeemer!… The light increases within my soul… The King is decorated with His own Blood! The crown is a wreath of bleeding thorns. The sceptre is a cross… Here is the Man! He is here! It is You!’… Lord, for the sake of Your sacrifice have mercy on Your servant, Jesus, I commend my soul to Your mercy.»

The old man, who so far had stood up, rejuvenated by the fire of prophecy, suddenly collapses and would fall if Jesus were not quick in holding him up against His chest.

«Saul.»

«Saul is dying!»

«Help!»

«Be quick.»

«Peace to the just man who is dying» says Jesus, Who has slowly knelt down to support the old man, who has become heavier and heavier.

There is silence.

Then Jesus lays him down on the ground. And He stands up. «Peace to his soul. He died seeing the Light. In his expectation, which will be a short one, he will already see the face of God and will be happy. There is no death, that is parting from life, for those who died in the Lord.»

78.9

The people, after a little while, go away commenting. The elders, Jesus, His disciples and the head of the synagogue remain.

«Did he prophesy, Lord?»

«His eyes saw the Truth. Let us go.» They go out.

«Master, Saul died enraptured by the Spirit of God. We touched him, are we clean or unclean?»

«Unclean.»

«And what about You?»

«I am just like the others. I do not change the Law. The Law is law and an Israelite fulfils it. We are unclean. Within the third and the seventh day we shall get purified. Till then, we are unclean. Judas, I am not going back to your mother’s. I do not want to take uncleanliness to her home. Send her word by someone who can go there. Peace to this town. Let us go.»

I do not see anything else.


Notes

  1. Isaïe a dit, en : Is 9, 4-5.
  2. David dit encore, en : 1 Ch 29, 1.
  3. Nous sommes impurs pour avoir touché un mort, comme cela est énoncé en Nb 19, 11-22, qui définit les règles de purification. Toujours à propos des contacts avec un mort, on trouvera des cas particuliers en Lv 21, 1-4 ; 22, 4-7 ; Nb 6, 6-12 ; 9, 6-12 ; 31, 19-20 ; Ez 44, 25-27 et Ag 2, 13. Cette note vaut pour toutes les fois où se présentera un cas semblable “ d’impureté légale ”.

Notes

  1. Isaiah said, in: Isaiah 9:4-5.
  2. says David, in: 1 Chronicles 29:1.