Los Escritos de Maria Valtorta

168. Aglaé dans la maison de Marie à Nazareth.

168. Áglae en casa de María, en Nazaret.

168.1

Marie travaille paisiblement sur une toile. C’est le soir. Toutes les portes sont fermées, une lampe à trois becs éclaire la petite pièce de Nazareth et plus particulièrement la table auprès de laquelle la Vierge est assise. La toile – c’est peut-être un drap – retombe du coffre et de ses genoux jusqu’à terre et Marie, vêtue de bleu foncé, paraît émerger d’un tas de neige. Elle est seule. Elle coud avec agilité, la tête penchée sur son ouvrage, et la lumière éclaire le haut de sa tête en y produisant des reflets d’or pâle. Le reste du visage est dans la pénombre.

Dans la pièce bien rangée règne le plus grand silence. Il ne vient même aucun bruit de la rue, déserte pendant la nuit, et pas plus du jardin. La lourde porte qui, de la pièce où Marie travaille – celle où elle a l’habitude de prendre ses repas et de recevoir ses amis –, conduit au jardin, est fermée et fait même obstacle au bruit de la fontaine qui jaillit dans le bassin. Je voudrais bien savoir à quoi peut penser la Vierge pendant que ses mains s’activent sur sa couture…

On frappe discrètement à la porte qui donne sur la rue. Marie lève la tête, écoute… Le coup a été si léger que Marie doit penser qu’il est le fait de quelque animal nocturne ou d’un peu de vent qui a secoué la porte, et elle penche de nouveau la tête sur son travail. Mais on frappe plus distinctement. Marie se lève et se dirige vers la porte. Avant d’ouvrir, elle demande :

« Qui frappe ? »

Une voix faible répond :

« Une femme. Au nom de Jésus, ouvre-moi. »

Marie ouvre aussitôt, en tenant haut la lampe pour distinguer qui est cette pèlerine. Elle voit un amas d’étoffe, un enchevêtrement dont rien ne transparaît, un pauvre enchevêtrement qui s’incline profondément en disant :

« Salut, Maîtresse. »

Et elle répète :

« Au nom de Jésus, aie pitié de moi.

– Entre et dis-moi ce que tu veux. Je ne te connais pas.

– Personne ne me connaît et beaucoup me connaissent, Maîtresse. Le vice me connaît. La sainteté elle aussi me connaît. Mais j’ai besoin que la miséricorde m’ouvre les bras. Or la miséricorde, c’est toi… »

Elle pleure.

« Mais entre donc… et dis-moi… Tu en as assez dit pour que je comprenne que tu es malheureuse… Mais qui tu es, je ne le sais toujours pas. Quel est ton nom, ma sœur ?

– Ah non ! Pas “ ma sœur ” ! Je ne puis être ta sœur… Tu es la Mère du Bien… moi… moi je suis le mal… »

Elle redouble de larmes sous son manteau qui la cache entièrement.

Marie pose la lampe sur un siège, prend la main de l’inconnue agenouillée sur le seuil, et l’oblige à se lever.

168.2

Marie ne la connaît pas… moi, si : c’est la femme voilée de la Belle Eau.

Elle se lève, humble, tremblante, secouée de sanglots, mais hésite encore à entrer :

« Je suis païenne, Maîtresse. Pour vous, les juifs, autant dire une ordure, même si j’étais sainte. Mais une ordure à double titre, parce que je suis une prostituée.

– Si tu viens à moi, si tu cherches mon Fils à travers moi, tu ne peux plus être qu’un cœur qui se repent. Cette maison accueille tout ce qui s’appelle douleur. »

Et elle l’attire à l’intérieur, referme la porte, remet la lampe sur la table et lui offre un siège en disant :

« Parle. »

Mais la femme voilée ne veut pas s’asseoir ; légèrement inclinée, elle continue à pleurer. Marie, douce et majestueuse, se tient devant elle. Elle attend, en priant, que son chagrin s’apaise. Je la vois qui prie à toute son attitude, bien que rien en elle ne révèle qu’elle prie. Ni ses mains, qui tiennent toujours la petite main de la femme voilée, ni ses lèvres closes.

Enfin, les pleurs se calment. La femme voilée s’essuie le visage de son voile, puis dit :

« Mais je ne suis pas venue de si loin pour rester inconnue. C’est l’heure de ma rédemption et je dois me révéler pour… pour te montrer de combien de plaies mon cœur est couvert… Or… tu es une mère… sa Mère… par conséquent tu auras pitié de moi.

– Oui, ma fille.

– Oh, oui ! Appelle-moi “ ma fille ” ! J’avais une mère… mais je l’ai abandonnée… On m’a appris par la suite qu’elle en était morte de chagrin… J’avais un père… il m’a maudite, et il disait aux gens de la ville : “ Je n’ai plus de fille. ” »

Une violente crise de larmes la saisit. Marie est peinée jusqu’à en pâlir. Mais elle lui pose une main sur la tête pour la réconforter. La femme voilée reprend :

« Je n’aurai plus personne qui m’appelle “ ma fille ” ! Oui, comme ça, caresse-moi comme ça, comme ma mère le faisait… quand j’étais pure et bonne… Laisse-moi t’embrasser la main et m’en servir pour essuyer mes larmes. Elles seules ne me lavent pas. Comme j’ai pleuré depuis que j’ai compris ! Certes, j’avais aussi pleuré auparavant, car c’est horrible de n’être qu’une chair vendue, insultée par l’homme. Mais ce n’étaient que les plaintes d’un animal brutalisé qui hait et se révolte contre celui qui le torture et le souille toujours plus… je changeais de maître, mais c’était toujours la même bestialité… Cela fait huit mois que je pleure… parce que j’ai compris… J’ai compris ma misère, ma pourriture. J’en suis couverte et cela me donne la nausée… Mais mes larmes ont beau être toujours plus conscientes, elles ne me lavent pas. Elles se mêlent à ma pourriture, mais ne l’enlèvent pas. Oh ! Mère, essuie-moi de ces larmes, et je serai purifiée, je pourrai m’approcher de mon Sauveur !

– Oui, ma fille, oui. Assieds-toi là, avec moi, et parle en paix. Dépose tout ton fardeau ici, sur mes genoux de Mère. »

Marie s’assied.

168.3

Mais la femme voilée glisse à ses pieds et veut parler dans cette position. Elle commence doucement :

« Je suis de Syracuse… J’ai vingt-six ans… J’étais la fille d’un intendant, comme vous dites, ou – dans notre vocabulaire – du procurateur d’un grand seigneur romain. J’étais fille unique. Je vivais heureuse. Nous habitions près de la plage dans la magnifique villa dont mon père était l’intendant. De temps à autre, le maître de maison venait, ou bien sa femme, ses enfants… Ils nous traitaient bien et se montraient gentils avec moi. Les petites filles jouaient avec moi… Ma mère était heureuse… Elle était fière de moi. J’étais belle… j’étais intelligente… tout me réussissait facilement… Mais je préférais les choses frivoles aux bonnes. A Syracuse, il y a un grand théâtre. Un grand théâtre, beau, vaste… Il sert aux jeux et à la comédie. Dans les comédies et les tragédies qu’on y donne, on se sert beaucoup de mimes. Ils soulignent par leurs danses muettes la signification du chœur. Tu ne sais pas… mais les mains, les mouvements du corps peuvent exprimer les sentiments de l’homme agité par quelque passion… Dans un gymnase spécial, on enseignait à des adolescents et à des jeunes filles le métier de mime. Ils doivent être beaux comme des dieux et agiles comme des papillons… J’aimais beaucoup monter sur une espèce de hauteur qui dominait cet endroit et regarder les danses des mimes. Je les reproduisais ensuite sur les prés fleuris, sur le sable blond de ma terre, dans le jardin de la villa. Je ressemblais à une statue artistique, ou bien à un vent qui survole, tant je savais me fixer dans des poses de statue ou voler en touchant à peine le sol. Mes riches amies m’admiraient… et maman en était fière… »

La femme voilée parle, se souvient, revoit le passé et pleure. Ses paroles sont ponctuées de sanglots.

« Un jour – c’était au mois de mai –, Syracuse était tout en fleurs. Les fêtes étaient terminées depuis peu et, moi, j’avais été enthousiasmée par une danse exécutée au théâtre… Ce sont les maîtres qui m’y avaient emmenée, avec leurs filles. J’avais quatorze ans… Dans cette danse, les mimes devaient représenter les nymphes du printemps accourant pour adorer Cérès ; elles dansaient couronnées de roses, revêtues de roses… seulement de roses, car leur vêtement était un voile des plus légers, un filet de fil d’araignée sur lequel les roses étaient éparses… La légèreté avec laquelle elles dansaient était telle qu’elles ressemblaient à des Hébé ailées. Leur corps splendide transparaissait à travers les écharpes de voile fleuri qui, dénouées, formaient des ailes derrière elles. J’ai étudié la danse… et un jour… un jour… »

168.4

La femme voilée pleure encore plus fort, puis elle se reprend.

« J’étais belle. Je le suis encore. Regarde. »

Elle se dresse debout, rejette rapidement son voile en arrière et laisse retomber son manteau. Je suis ébahie, parce que je vois surgir, des étoffes qu’elle a repoussées, Aglaé, très belle dans son vêtement modeste, coiffée très simplement avec des tresses, sans bijoux, sans étoffes de prix, une vraie fleur de chair, svelte et pourtant parfaite, avec un très beau visage brun clair et des yeux veloutés mais pleins de feu.

Elle revient s’agenouiller devant Marie :

« Pour mon malheur, j’étais belle, et j’étais folle. Ce jour-là, je me revêtis de voiles. Les filles de mon maître, qui aimaient me voir danser, m’y aidèrent. Je m’habillai dans un coin de la plage blonde, face à la mer bleue. Sur la plage, déserte à cet endroit, il y avait des fleurs sauvages blanches et jaunes au parfum pénétrant d’amandier, de vanille, de chair à peine pure. Les agrumes émaner des bouffées de senteurs capiteuses, les roses de Syracuse embaumaient, de même que la mer et le sable ; le soleil faisait émaner des odeurs de toutes choses… Un vague sentiment de panique me montait à la tête. Je me sentais nymphe, moi aussi, et j’adorais… quoi ? La terre fertile ? Le soleil qui la féconde ? Je ne sais. Païenne parmi les païens, je crois que j’adorais la Sensualité, cette reine despotique, que je ne pensais pas avoir en moi, mais qui était plus puissante qu’un dieu… Je me suis couronnée de roses que j’avais prises dans le jardin, et j’ai dansé, dansé… J’étais ivre de lumière, de parfums, ivre du plaisir d’être jeune, agile et belle. Je dansais… et on m’a vue. J’ai remarqué qu’on me regardait. Mais je n’ai pas eu honte de me montrer nue aux yeux avides d’un homme. Au contraire, je me complaisais à parfaire mes sauts… Le plaisir d’être admirée me donnait vraiment des ailes… Et ce fut ma ruine. Trois jours plus tard, je demeurai seule parce que les maîtres de maison avaient regagné leur demeure patricienne de Rome. Mais je ne suis pas restée à la maison… Ces deux yeux admirateurs m’avaient révélé autre chose que la danse… Ils m’avaient révélé la sensualité et le sexe. »

Marie a un geste de dégoût involontaire qu’Aglaé remarque.

« Oh, mais tu es pure, et je dois te paraître répugnante.

– Parle, parle, ma fille. Il vaut mieux que ce soit à Marie qu’à lui. Marie, c’est la mer qui lave.

– Oui, il vaut mieux que ce soit à toi, c’est aussi ce que je me suis dit quand j’ai su qu’il avait une Mère… Car, au premier abord, en le voyant si différent de tout autre homme, le seul à être tout esprit – maintenant je sais que l’esprit existe et ce que c’est –, je n’aurais su dire de quoi était fait ton Fils pour être ainsi pur de toute sensualité tout en étant homme, et je m’imaginais qu’il n’avais pas de mère, mais qu’il était descendu comme cela sur terre, pour sauver les horribles misères dont je suis la plus grande…

168.5

Je revenais chaque jour à cet endroit dans l’espoir de revoir cet homme jeune, brun, beau… De fait, après quelque temps, je le revis. Il me parla. Il me dit : “ Viens à Rome avec moi. Je t’amènerai à la cour impériale, tu seras la perle de Rome. ” Je répondis : “ Oui, je serai ta fidèle épouse. Viens chez mon père. ” Il se mit à rire d’un air moqueur et me donna un baiser. Il précisa : “ Pas mon épouse, mais ma déesse. Je serai ton prêtre, et je te révélerai les secrets de la vie et du plaisir. ” J’étais folle, j’étais jeune. Malgré tout, je n’ignorais pas les réalités de la vie… J’étais rusée. J’étais folle, mais pas encore dépravée… et sa proposition m’a dégoûtée. Je m’échappai de ses bras et courus à la maison. Mais je n’ai rien dit à ma mère… et je n’ai pas su résister à la tentation de le revoir. Ses baisers m’avaient rendue encore plus folle… et j’y suis retournée. J’étais à peine revenue sur cette plage solitaire que déjà il m’embrassait, me donnant des baisers avec frénésie, une vraie pluie de baisers, de mots d’amour, de questions : “ Est-ce que tout n’est pas dans cet amour ? N’est-ce pas plus doux que les liens du mariage ? Que veux-tu d’autre ? Peux-tu vivre sans cela ? ”

Oh, Mère ! Le soir même, je me suis enfuie avec ce patricien dégoûtant… Et je fus une vraie loque piétinée par sa bestialité… Pas une déesse, mais de la boue. Pas une perle, mais du fumier. Ce n’est pas la vie qu’il m’a révélée, mais l’ordure de la vie, l’infamie, le dégoût, la souffrance, la honte, l’infinie misère de ne même plus m’appartenir. Et puis… ce fut la chute complète. Après six mois d’orgie, fatigué de moi, il est passé à de nouvelles amours et je me suis retrouvée à la rue. J’utilisai alors mes talents de danseuse… Je savais désormais que ma mère était morte de chagrin et que je n’avais plus de maison, plus de père… Un maître de danse m’accueillit dans son gymnase. Il me fit faire des progrès… m’exploita… et me lança comme une fleur au courant de tous les arts sensuels au milieu du patriciat corrompu de Rome. Déjà souillée, la fleur tomba dans un égout. Ce furent dix années de descente à l’abîme, toujours plus bas. Puis on m’amena ici pour charmer les loisirs d’Hérode, et je fus prise par un nouveau maître. Ah ! Il n’est pas de chien enchaîné qui le soit plus que nous ! Et il n’y a pas de dresseur de chiens qui soit plus brutal que l’homme qui possède une femme ! Mère… tu trembles ! Je te fais horreur ! »

Marie a porté la main à son cœur comme si elle avait reçu un coup. Mais elle répond :

« Non, pas toi. Ce qui me fait horreur, c’est le Mal qui domine tellement la terre. Continue, ma pauvre enfant.

– Il m’a amenée à Hébron… Est-ce que j’étais libre ? Est-ce que j’étais riche ? Oui, puisque je n’étais pas en prison et que j’étais couverte de bijoux. Non, car je ne pouvais voir que ceux qu’il voulait, lui, et je n’avais plus aucun droit sur moi-même.

168.6

Un jour, un homme vint à Hébron : l’Homme, ton Fils. Cette maison lui était chère. Je le savais et je l’invitai à entrer. Shammaï n’était pas là… par la fenêtre, j’avais déjà entendu ses paroles et vu une personne qui m’avait bouleversée. Mais je te le jure, Mère, ce n’est pas la chair qui m’a poussée vers ton Jésus. C’est ce qu’il m’a révélé qui m’a guidée sur le seuil de la porte, au mépris des plaisanteries des gens, pour lui dire : “ Entre. ” Ce fut mon âme, dont j’appris alors l’existence. Il me dit : “ Mon nom signifie Sauveur. Je sauve ceux qui ont un réel désir d’être sauvés. Je sauve en enseignant à être pur, à vouloir rechercher l’honneur, le bien à tout prix, quitte à en souffrir. Je suis celui qui vient chercher ceux qui étaient perdus, celui qui donne la vie. Je suis Pureté et Vérité. ” Il m’a encore appris que je possédais moi aussi une âme et que je l’avais tuée par ma manière de vivre. Mais il ne m’a pas maudite, il ne s’est pas moqué de moi. Pas une fois il ne m’a regardée ! C’est le premier homme à ne pas m’avoir dévisagée d’un regard avide, car j’ai la terrible malédiction d’attirer les hommes… Il m’a dit que qui le cherche le trouve, parce qu’il se trouve là où on a besoin d’un médecin et de remèdes. Puis il est parti. Mais ses paroles sont restées en moi, et elles n’en sont plus sorties. Je me disais : “ Son nom signifie Sauveur ”, comme pour commencer à guérir. Ses paroles m’étaient restées, ainsi que ses amis les bergers. Et je fis mon premier pas pour leur apporter mon obole et demander leur prière… Après quoi… je me suis enfuie…

Ah, quelle sainte fugue ! J’ai fui le péché, à la recherche du Sauveur. Je suis allée le chercher, certaine de le trouver puisqu’il me l’avait promis. On m’a envoyée auprès d’un homme du nom de Jean en me disant que c’était lui. Mais ce n’était pas lui. Un juif me dirigea vers la Belle Eau. Je vivais grâce à la vente de l’or que j’avais en grande quantité. Pendant les mois où j’étais à sa recherche, j’avais dû me couvrir le visage pour ne pas risquer d’être reprise et parce que, réellement, Aglaé était ensevelie sous ce voile. L’ancienne Aglaé était morte. Il y avait sous ce voile son âme blessée et exsangue qui cherchait son médecin. Il m’a fallu bien des fois échapper à la sensualité des hommes qui me poursuivaient, bien que je sois camouflée sous ce vêtement. Même un des amis de ton Fils…

168.7

Je vivais à la Belle Eau comme une bête, pauvre mais heureuse. Les averses et le fleuve m’ont moins purifiée que ses paroles. Ah, je n’en ai perdu aucune ! Une fois, il a pardonné à un assassin. J’avais entendu, et j’ai failli lui dire : “ Pardonne-moi, à moi aussi. ” Une autre fois, il a parlé de l’innocence perdue… Ah ! Quels pleurs de remords ! Ou encore il a guéri un lépreux… et je fus sur le point de crier : “ Purifie-moi de mon péché… ” Il a aussi guéri un fou, or c’était un Romain… j’ai pleuré… et il me fit dire que les patries passent, mais que le Ciel reste. Un soir de tempête, il m’accueillit dans la maison… puis il me fit trouver un logement par le régisseur… et il me fit dire par l’entremise d’un enfant : “ Ne pleure pas ”… Oh ! Sa bonté ! Oh ! Ma misère ! Elles étaient toutes deux si grandes que je n’osais pas porter ma misère à ses pieds… bien que l’un de ses disciples m’aient instruite, une nuit, sur l’infinie miséricorde de ton Fils. Par la suite, il fut exposé aux pièges de ceux qui voyaient un péché dans le désir qu’avait une âme de renaître. Mon sauveur est parti… et moi, je l’ai attendu… de même que m’attendait la vengeance de gens plus indignes que moi de le regarder. Car, moi, c’est en tant que païenne que j’ai péché contre moi-même, alors qu’eux ont péché contre le Fils de Dieu, bien que connaissant Dieu. Ils m’ont frappée, et leur accusation m’a blessée plus que les pierres, mon âme poussée au désespoir a été blessée plus que mon corps.

Ah ! Quelle terrible lutte contre moi-même ! Déchirée, en sang, blessée, fiévreuse, privée de mon Médecin, sans toit ni pain, j’ai regardé en arrière, devant moi… Le passé me conseillait : “ Reviens ”, le présent me soufflait : “ Tue-toi ”, le futur m’exhortait : “ Espère. ” J’ai espéré. Je ne me suis pas suicidée. Je le ferais si, lui, il me chassait, car je ne veux plus être celle que j’étais. Je me suis traînée jusqu’à un village pour y demander un abri. Mais j’y ai été reconnue. Comme une bête, j’ai dû fuir çà et là, toujours poursuivie, toujours méprisée, toujours maudite parce que je voulais être honnête et que j’avais déçu ceux qui voulaient frapper ton Fils par mon intermédiaire. J’ai suivi le fleuve pour remonter jusqu’en Galilée, et je suis venue ici. Mais tu étais absente… Je suis alors allée à Capharnaüm. Mais tu venais d’en partir. Un vieillard m’a vue, un de ses ennemis, et il m’a fait un texte d’accusation contre lui, ton Fils. Et comme je pleurais sans réagir, il m’a dit… il m’a dit… : “ Tout pourrait changer pour toi si tu acceptais d’être ma maîtresse et ma complice pour accuser le Rabbi de Nazareth. Il suffit que tu dises devant mes amis qu’il était ton amant… ” Je me suis enfuie comme si j’avais vu grouiller un nœud de vipères sous un buissons de fleurs.

168.8

J’ai compris de cette façon que je ne pouvais aller à ses pieds… si bien que viens aux tiens. Piétine-moi donc, je ne suis que de la boue. Chasse-moi, je suis la pécheresse. Donne-moi mon nom : prostituée. J’accepterai tout de toi, mais aie pitié de moi, Mère. Prends ma pauvre âme souillée et porte-la lui. C’est un péché que de remettre entre tes mains ma luxure. Mais il n’y a que là qu’elle sera protégée du monde, qui la réclame, et qu’elle deviendra pénitence. Dis-moi comment faire. Dis-moi ce que je dois faire. Dis-moi quels moyens je dois mettre en œuvre pour n’être plus Aglaé. Que dois-je mutiler en moi ? Qu’est-ce que je dois m’arracher pour n’être plus péché, plus séduction, pour ne plus rien avoir à craindre de moi-même et de l’homme ? Dois-je m’arracher les yeux ? Dois-je me brûler les lèvres ? Dois-je me couper la langue ? Mes yeux, mes lèvres, ma langue m’ont servi à faire le mal. Je ne veux plus du mal et je suis disposée à me punir et à les punir en les sacrifiant. Ou bien veux-tu que je m’arrache ces reins avides qui m’ont poussée à des amours dépravées ? Ces entrailles insatiables dont je crains toujours le réveil ? Dis-moi, dis-moi comment on s’y prend pour oublier qu’on est femme et pour faire oublier qu’on est femme ! »

Marie est bouleversée. Elle pleure, elle souffre, mais les seuls signes de sa douleur, ce sont les larmes qui tombent sur la re­pentie.

« Je veux mourir pardonnée. Je veux mourir sans autre souvenir que mon Sauveur. Je veux mourir avec sa sagesse pour amie… et je ne peux plus l’approcher car le monde nous guette, lui et moi, pour nous accuser… »

Tombée à terre comme une vraie loque, Aglaé pleure.

168.9

Presque haletante, Marie se lève en murmurant :

« Comme il est difficile d’être rédempteurs ! »

Aglaé, qui entend ce murmure et voit sa réaction, gémit :

« Tu vois ? Tu vois qu’à toi aussi j’inspire le dégoût ? Maintenant, je m’en vais. C’en est fini pour moi !

– Non, ma fille. Non, ce n’est pas fini. Pour toi maintenant, tout commence. Ecoute, pauvre âme. Ce n’est pas pour toi que je gémis, mais pour le monde cruel. Non seulement je ne te laisse pas partir, mais je te recueille, pauvre hirondelle que la bourrasque a abattue contre mes murs. Je t’amènerai à Jésus et, lui, il t’indiquera le chemin de la rédemption…

– Je n’ai plus d’espoir… Le monde a raison. Je ne peux être pardonnée.

– Par le monde, non. Mais par Dieu, oui. Laisse-moi te parler au nom du suprême Amour qui m’a donné un Fils pour que je le donne au monde. Il m’a sortie de la bienheureuse ignorance de ma virginité consacrée pour que le monde obtienne le pardon. Il a pris mon sang non de l’enfantement, mais de mon cœur en me révélant que mon Fils est la grande victime. Regarde-moi, ma fille. Il y a dans ce cœur une grande blessure. Elle gémit depuis trente ans et plus. Elle ne cesse de s’élargir et me consume. Sais-tu quel nom, elle a ?

– Douleur ?

– Non. Amour. Et c’est cet amour qui me saigne pour que le Fils ne soit pas seul à opérer le salut. C’est l’amour qui met en moi un feu pour que je purifie ceux qui n’osent pas aller vers mon Fils. C’est l’amour qui suscite en moi les larmes par lesquelles je lave les pécheurs. Tu voulais mes caresses. Je te donne mes larmes qui déjà te purifient pour que tu puisses regarder mon Seigneur. Ne pleure pas ainsi. Tu n’es pas la seule pécheresse qui vient au Seigneur et repart rachetée. Il y en a eu d’autres, et il y en aura d’autres.

Doutes-tu qu’il puisse te pardonner ? Mais ne vois-tu pas en tout ce qui t’est arrivé une mystérieuse volonté de la bonté divine ? Qui t’a amenée en Judée ? Qui t’a conduite dans la maison de Jean ? Qui t’a mise à la fenêtre ce matin-là ? Qui a allumé une lumière pour toi pour éclairer ses paroles ? Qui t’a donné la capacité de comprendre que la charité, unie à la prière de celui qui reçoit un bienfait, obtient l’aide de Dieu ? Qui t’a donné la force de t’enfuir de la maison de Shammaï et de persévérer les premiers jours jusqu’à l’arrivée de mon Fils ? Qui t’a mise sur son chemin ? Qui t’a rendue capable de vivre en pénitente pour purifier toujours plus ton âme ? Qui t’a rendu l’âme d’une martyre, l’âme d’une croyante, une âme persévérante, une âme pure ?…

Oui. Ne secoue pas la tête. Crois-tu qu’il n’y a de pur que celui qui n’a pas connu la sensualité ? Crois-tu que l’âme ne puisse plus jamais redevenir vierge et belle ? Oh, ma fille ! Mais entre ma pureté qui est tout entière grâce du Seigneur et ton héroïque ascèse pour retourner vers le sommet de ta pureté perdue, sois sûre que c’est la tienne qui est la plus grande. C’est toi qui la construis : contre la sensualité, le besoin et l’habitude. Pour moi, c’est un don naturel comme la respiration. Toi, tu dois briser au vif dans ta pensée, tes affections, ta chair, pour ne pas te souvenir, pour ne pas désirer, pour ne pas favoriser. Moi… Est-ce qu’une petite enfant de quelques heures peut désirer la chair ? Et a-t-elle le mérite de ne pas le faire ? C’est ce qu’il en est pour moi. J’ignore ce qu’est cette tragique faim qui a fait de l’humanité une victime. Je ne connais que la très sainte faim de Dieu. Mais, toi, tu ne la connaissais pas, et c’est par toi-même que tu l’as apprise. Et l’autre faim, tragique et horrible, tu l’as domptée pour l’amour de Dieu, ton unique amour maintenant. Souris, fille de la miséricorde divine ! Mon Fils fait en toi ce qu’il t’a dit à Hébron. Il l’a déjà fait. Tu es déjà sauvée car tu as eu la volonté sincère de te sauver, parce que tu as appris la pureté, la douleur, le bien. Ton âme est revenue à la vie. Oui. Il te faut sa parole pour te dire au nom de Dieu : “ Tu es pardonnée. ” Moi, je ne peux la dire, mais je te donne mon baiser comme une promesse, comme un commencement de pardon…

O Esprit éternel, un peu de toi est toujours en ta Marie ! Permets qu’elle te répande, Esprit sanctificateur, sur la créature qui pleure et espère. Au nom de notre Fils, ô Dieu d’amour, sauve celle qui attend de Dieu son salut. Que la grâce dont l’ange m’a dit que Dieu m’a comblée se pose miraculeusement sur cette femme et la soutienne, jusqu’à ce que Jésus, le Sauveur béni, le Prêtre suprême l’absolve au nom du Père, du Fils et de l’Esprit…

168.10

Il fait nuit, ma fille. Tu es fatiguée et brisée. Viens te reposer. Tu repartiras demain… Je t’enverrai dans une famille de gens honnêtes, car il vient désormais trop de monde ici. Et je te donnerai un vêtement semblable au mien. On te prendra pour une juive. Je dois revoir mon Fils en Judée, car la Pâque approche et à la nouvelle lune d’avril, nous serons à Béthanie. Je lui parlerai alors de toi. Viens chez Simon le Zélote. Tu m’y trouveras et je te conduirai à lui. »

Aglaé pleure encore, maintenant paisiblement. Elle s’est assise par terre. Marie aussi s’est assise de nouveau. Aglaé pose la tête sur les genoux de Marie et baise sa main… Puis, elle gémit :

« On va me reconnaître…

– Oh non ! N’aie pas peur. Ton vêtement était désormais trop connu. Mais je te préparerai pour ce voyage que tu entreprends vers le Pardon. Et tu seras comme la vierge qui va à ses noces : différente et inconnue à travers la foule ignorante du rite. Viens. J’ai une petite chambre à côté de la mienne. Elle a abrité des saints et des pèlerins désireux d’aller vers Dieu. Elle t’abritera toi aussi. »

Aglaé veut reprendre son manteau et son voile.

« Laisse-les. Ce sont les habits de la pauvre Aglaé perdue. Elle n’existe plus… et d’elle il ne doit même pas rester ce vêtement. Il a reçu trop de haine… et la haine blesse autant que le péché. »

Elles sortent dans le jardin obscur et entrent dans la petite chambre de Joseph. Marie allume la lampe posée sur une petite table, caresse encore la femme repentie, ferme la porte et avec sa triple flamme s’éclaire pour voir où elle peut porter le manteau déchiré d’Aglaé pour qu’aucun visiteur ne le voie le lendemain.

168.1

María está trabajando serena una tela. Es ya de noche. Todas las puertas están cerradas. Una lamparita de tres bocas ilumina una pequeña habitación de Nazaret, especialmente la mesa junto a la que está sentada la Virgen. La tela — quizás es una sábana — pende del arquibanco y desde las rodillas hasta el suelo. Así, María, que está vestida de azul oscuro, parece emerger de un cúmulo de nieve. Está sola. Cose ligera, con la cabeza inclinada hacia su trabajo. La luz enciende la parte más alta de su cabeza con reflejos de pálido oro; el resto de su rostro está en la penumbra.

En la habitación, bien ordenada, reina el máximo silencio. De la calle, desierta en la noche, no llega ningún ruido; tampoco del huerto. La pesada puerta que a éste conduce desde la habitación en que María está trabajando — la misma en que generalmente come y recibe a las personas amigas — está cerrada, impidiendo que el ruido que hace el agua de la fuente al caer en la pila pueda entrar. Reina verdaderamente el más profundo silencio. Desearía saber en qué piensa la Virgen mientras sus manos trabajan veloces...

Llaman discretamente a la puerta de la calle. María levanta la cabeza y escucha (tan ligero ha sido el sonido, que María debe pensar que lo ha producido algún animal nocturno, o un ligero viento que haya golpeado la puerta, y vuelve a inclinar la cabeza hacia su trabajo). Pero el sonido se repite, esta vez de forma más perceptible. María se levanta y va hacia la puerta. Pregunta antes de abrir: «¿Quién llama?».

Responde una voz fina: «Una mujer. ¡En nombre de Jesús, piedad de mí!».

María abre inmediatamente. Mantiene en alto la lámpara para conocer a esta peregrina. Ve sólo un amasijo de tela, una maraña que no deja traslucir nada; una pobre maraña curvada con profunda reverencia y que dice: «¡Ave! ¡Señora!», y repite: «¡En nombre de Jesús, piedad de mí!».

«Entra. Dime qué quieres. No te conozco».

«Ninguno me conoce y al mismo tiempo muchos me conocen, Señora. Me conoce el Vicio y me conoce la Santidad. Necesito que la Piedad me abra ahora sus brazos. La Piedad eres tú...» y se echa a llorar.

«Entra, entra. Dime. Me basta lo que has dicho para comprender que eres una desdichada. Pero no sé todavía quién eres. Tu nombre, hermana».

«¡No, hermana no! No puedo ser hermana tuya... Tú eres la Madre del Bien... yo... yo soy el Mal...» y llora cada vez más fuerte bajo su manto, echado incluso sobre la cara para esconderla enteramente.

María deja la lámpara en un asiento, coge la mano de la desconocida, que está arrodillada en el umbral de la puerta, y la obliga a levantarse.

168.2

María no la conoce... yo sí: es la velada de Agua Especiosa.

Se pone en pie, avergonzada, temblorosa, estremecida por su propio llanto, pero se sigue resistiendo a entrar, y dice: «Soy pagana, Señora. Para vosotros, hebreos, sería basura aunque fuera santa, soy doblemente basura porque soy una meretriz».

«Si vienes a mí, si buscas a mi Hijo a través de mí, no puedes ser sino un corazón arrepentido. Esta casa acoge a todo el que lleve por nombre Dolor» y tira de ella hacia dentro y cierra la puerta. Pone la lámpara de nuevo en la mesa, le ofrece un asiento y le dice: «Habla».

Pero la velada no se quiere sentar; un poco cabizbaja, continúa llorando. María está frente a ella, dulce y majestuosa; está esperando a que el llanto se calme; entretanto ora. La veo orar con todo su aspecto, aunque nada en Ella tome actitud de oración (ni las manos, que no sueltan la pequeña mano de la velada, ni los labios, que están cerrados).

Por fin el llanto se calma. La velada se enjuga el rostro con su velo y dice: «Pero no he venido desde tan lejos para seguir estando en el anonimato. Ésta es la hora de mi redención y debo desnudar mi corazón para... para mostrarte cuántas llagas lo cubren. Tú eres una madre, y además... su Madre, por eso tendrás piedad de mí».

«Sí, hija».

«¡Sí!, ¡llámame hija!... Tenía a mi madre, pero la abandoné. Me dijeron que había muerto de dolor. Tenía a mi padre, pero me maldijo, y todavía hoy dice a sus conciudadanos: “No tengo ya ninguna hija”»... (Rompe de nuevo a llorar impetuosamente. María palidece de pena y le pone una mano en la cabeza para consolarla). La velada sigue diciendo: «No tendré ya a nadie que me llame hija... Sí, acaríciame así, como hacía mi madre cuando yo era pura y buena... Deja que te bese esta mano y que con ella enjugue mi llanto. Mi llanto solo no me lava. ¡Cuánto he llorado desde que he comprendido!... Ya antes había llorado — es horroroso no ser sino carne utilizada e insultada por el hombre. Pero eran lloros de animal apaleado, que odia a quien lo tortura, y contra él se revuelve; y esos lloros ensuciaban cada vez más, porque… yo cambiaba de dueño pero no cambiaba de animalidad... Hace ocho meses que lloro... porque he comprendido... He comprendido mi miseria y podredumbre, que me cubren y me hastían y me producen náuseas... Pero mi llanto, que cada vez es más consciente, no me lava; se mezcla con mi inmundicia, pero no la quita. ¡Oh, Madre, seca tú mi llanto, y quedaré limpia y podré acercarme a mi Salvador!».

«Sí, hija, sí. Siéntate. Aquí, conmigo. Habla con serenidad. Deposita aquí, sobre mis rodillas maternas, todo tu peso». María se sienta.

168.3

Pero la velada se desliza hasta el suelo, a sus pies, porque quiere hablarle en esa postura. Comienza suavemente: «Soy de Siracusa... Tengo veintiséis años... Era hija de un administrador — como diríais vosotros; nosotros decimos procurador — de un noble señor romano. Era hija única. Vivía feliz. Residíamos cerca de la marina, en el bellísimo chalé de la propiedad que administraba mi padre. De vez en cuando venía el dueño, o su mujer, y los hijos... Nos trataban bien. Conmigo eran buenos. Las niñas jugaban conmigo... Mi madre era feliz... se sentía orgullosa de mí. Yo era guapa... inteligente... Todo me salía bien y sin dificultad... Pero estimaba más lo frívolo que lo bueno. En Siracusa hay un teatro notable... bonito... grande... En él se celebran los juegos y se representan comedias... En las comedias y tragedias actúan mucho los mimos, para poner de relieve, con sus mudas danzas, el significado del coro. Tú no lo sabes... pero también con las manos y movimientos del cuerpo podemos expresar los sentimientos del hombre turbado por alguna pasión... Jovencitos y niñas se forman en un gimnasio especial para ser mimos; deben ser hermosos como dioses, ágiles como mariposas... A mí me gustaba mucho subir a una especie de altura desde la que se dominaba este lugar y ver las danzas de los mimos; luego las repetía yo por mi cuenta en los prados floridos, en las doradas arenas de mi terreno, en el jardín del chalé. Parecía una estatua de arte, o un viento surcando los espacios: sí, sabía muy bien pararme en poses estatuarias o trasvolar sin tocar casi el suelo. Mis amigas ricas me admiraban y mi madre se sentía orgullosa...».

La velada habla, recuerda, se representa de nuevo, ve como en un sueño el pasado, y llora; sus sollozos son las comas de sus palabras.

«Un día — era el mes de mayo — Siracusa estaba toda florida. Hacía poco que habían concluido las fiestas. Me había entusiasmado una de las danzas representadas en el teatro... Los dueños de la propiedad me habían llevado a este espectáculo con sus hijas. Tenía entonces catorce años... En aquella danza, los mimos, que debían representar a las ninfas de primavera acudiendo a adorar a Ceres, bailaban coronadas de rosas, vestidas de rosas... sólo de rosas, porque el vestido era un velo sutilísimo, una red de tela de araña sobre la que habían sido esparcidas rosas... Bailando, parecían aladas Hebes, de tan ligeras como se movían, y aparecían sus espléndidos cuerpos, separadas como estaban las franjas de velo florido para poner a sus espaldas alas... Estudié esa danza ... y un día... y un día...».

168.4

La velada llora aún más intensamente... Luego toma nuevas fuerzas.

«Era hermosa. Lo soy. Mira». Se pone de pie echando rápida hacia atrás el velo y dejando caer el manto. Yo me quedo estupefacta, porque veo aparecer, tras las ropas desechadas, a Áglae, bellísima incluso así: con una humilde túnica, peinado sencillo de trenzas, sin joyas, sin pomposas vestiduras; una verdadera flor de carne, flor esbelta y perfecta; su cara, bellísima, es de un moreno pálido; sus ojos, de terciopelo, llenos de fuego.

Vuelve a arrodillarse delante de María: «Era bonita, por desgracia para mí. Y estaba desquiciada. Aquel día me vestí de velos. Me ayudaron las niñas, que eran mis señoras, a las cuales les gustaba verme bailar... Me vestí en una estría de playa dorada, frente al mar azul. En la playa — que en ese lugar estaba desierta — había silvestres flores blancas y amarillas, con su penetrante perfume de almendra, vainilla, de carne recién lavada; también de las agruras provenían oleadas de penetrante perfume, y olían las rosaleras siracusanas, y el mar y la arena; el sol extraía olor de todas las cosas... una sensación de grandeza cósmica que me embriagaba. Me sentía ninfa también yo, y adoraba... ¿a quién?: ¿a la Tierra fecunda?, ¿al Sol fecundador? No lo sé. Siendo pagana entre los paganos, supongo que adoraría al Sentido, a mi despótico rey, desconocido para mí como tal rey y más poderoso que un dios... Me puse una corona de rosas cortadas del jardín... y bailé... Me sentía ebria de luz, de aromas, del placer de ser joven, ágil y bonita. Bailé... y fui vista. Vi que me miraban... mas no me avergoncé de aparecer desnuda ante dos ojos concupiscentes de hombre; antes al contrario, me complací en aumentar mis vuelos... La complacencia en ser admirada me ponía verdaderamente alas... Ello habría de significar mi perdición. Pasados tres días, como los dueños de la propiedad se habían ido de regreso a su patricia morada de Roma, me quedé sola. No me quedé en casa... Aquellos dos ojos admiradores me habían revelado otra cosa más allá de la danza, me habían revelado el sentido y el sexo».

Áglae advierte en María un gesto involuntario de disgusto. «¡Quizás es que te repugno, porque tú eres pura...!».

«Habla, habla, hija. Mejor a María que a Él. María es un mar que lava...».

«Sí, mejor a ti. Me lo dije yo a mí misma también, cuando supe que Él tenía una madre... Porque antes, viéndole tan distinto de todos los demás hombres (el único que es todo espíritu) — ahora sé que el espíritu existe y qué es —, antes, no habría podido decir de qué estaba formado tu Hijo, tan sin sensualidad a pesar de ser hombre, y para mis adentros pensaba que no tenía madre sino que había descendido a esta Tierra así, sin más, para salvar a estas horrendas ruinas humanas, de las cuales yo soy la más grande...

168.5

Todos los días volví a aquel lugar, con la esperanza de volver a ver a aquel hombre joven, moreno, guapo... Pasado un tiempo, le vi de nuevo... Me habló y me dijo: “Ven conmigo a Roma. Te llevaré a la corte imperial. Serás la perla de Roma”. Dije: “Sí, seré tu esposa fiel. Ven a casa de mi padre”. Se echó a reír burlonamente, y me besó. Dijo: “No, no esposa sino diosa; yo seré tu sacerdote y te revelaré los secretos de la vida y del placer”. Yo estaba fuera de mis cabales. Era una niña. Lo que no quitaba para que no ignorase lo que era la vida... Era astuta. De todas formas, aunque no estaba en mis cabales, no era todavía una depravada... así que me dio asco su propuesta. Me libré de sus brazos y corrí hacia mi casa... Pero no le dije nada a mi madre... y no supe resistir al deseo de volver a ver a ese hombre... Sus besos me habían hecho enloquecer más aún... Volví... Apenas llegué a la playa solitaria, me abrazó, besándome con frenesí: una lluvia de besos, de palabras de amor, de preguntas (“¿acaso no está ya todo en este amor?”, “¿no es más dulce que un vínculo?”, “¿qué más quieres?”, “¿puedes, acaso, vivir sin esto?”).

¡Oh, Madre! Esa misma noche huí con ese sucio patricio... Y vine a ser un andrajo bajo el pie de su animalidad (no una diosa, sino barro; no una perla, sino estiércol). No se me reveló la vida, sino las porquerías de la vida, la infamia, el asco, el dolor, la vergüenza, la infinita miseria de no ser ya ni siquiera mía... Y luego, la caída total. Después de seis meses de orgía, cansado de mí, ese hombre pasó a nuevos amores; yo pasé a ser una mujer pública. Saqué partido a mis dotes de bailarina... Para aquel entonces ya sabía que mi madre había muerto de dolor y que ya no tenía ni casa ni padre... Me recibió en su escuela un maestro de baile. Me perfeccionó... me gozó... y me lanzó, cual flor experta en todas las artes de la sensualidad, al ambiente del corrompido patriciado de Roma; así, la flor — ya sucia — cayó en una cloaca. Durante diez años he ido descendiendo cada vez más al abismo. Luego me trajeron aquí para alegrar los tiempos libres de Herodes. Aquí pasé a ser del nuevo patrón. ¡Oh, cualquiera de nosotras es como un perro atado con una cadena; más atada incluso que los propios perros! ¡Y no hay amo de jauría más brutal que el hombre que posee a una mujer! ¡Madre... estás temblando!... Sientes horror de mí, ¿no?».

María se ha llevado la mano a su corazón, como si lo tuviera herido. Y responde: «No, de ti no. Lo que me horroriza es el Mal, que tanto domina la tierra. Sigue, desventurada criatura».

«Me llevó a Hebrón... ¿Vivía libre?, ¿era rica? Sí, digámoslo así, en cuanto que no estaba encarcelada y en cuanto que nadaba en joyas; pero la realidad era que sólo podía ver a quien él quería que viese, y no tenía derecho ni siquiera a mí misma.

168.6

Un día vino a Hebrón un hombre, el Hombre, tu Hijo. Él estimaba aquella casa. Lo supe y le invité a entrar. Samay no estaba... Desde la ventana ya había oído palabras y había visto un aspecto que habían conmovido mi corazón. Pero, Madre, te juro que no fue la carne la que me movió hacia tu Jesús. Lo que Él me reveló fue la causa de que me acercara al umbral de la puerta, desafiando las burlas del vulgo, para decirle: “Entra”; fue el alma, esa alma que hasta entonces no sabía que tenía. Me dijo: “Mi Nombre quiere decir Salvador. Salvo a quien tiene buena voluntad de ser salvado; salvo enseñando a ser puros, a querer el dolor por el honor, a querer el Bien a toda costa. Yo soy Aquel que busca a los perdidos, Aquel que da la Vida; soy Pureza y Verdad”. Me dijo que yo también tenía un alma, pero que la había matado con mi modo de vivir. No obstante, no me maldijo ni se burló de mí. ¡Y no puso en mí sus ojos un solo momento! Es el primer hombre que no me ha comido con su ávida mirada, porque llevo conmigo la tremenda maldición de atraer al hombre... Me dijo que quien le busca le encuentra, porque está donde hay necesidad de médico y medicinas. Y se marchó. Pero sus palabras quedaron aquí y aquí han permanecido. Yo me decía: “Su Nombre quiere decir Salvador”, como queriendo empezar a curarme. De su visita me habían quedado sus palabras y sus amigos, los pastores. Mi primer paso fue darles a los pastores limosna y pedirles oraciones... Luego... me escapé...

Fue una fuga santa: huí del pecado yendo en busca del Salvador. Busqué, busqué, segura de que le encontraría porque así me lo había prometido. Me mandaron a donde un hombre de nombre Juan, creyendo que era Él, pero no era. Posteriormente, un hebreo me indicó el camino de Agua Especiosa. Vivía de la venta del oro que tenía, que era mucho. Durante los meses en que viví errante tuve que mantener cubierto mi rostro para que no me atrapasen de nuevo, y porque además Áglae realmente estaba sepultada bajo ese velo; había muerto la vieja Áglae, quedaba sólo esa alma suya herida y desangrada que iba en busca de su médico. Muchas veces tuve que huir de la sensualidad del varón, que me perseguía a pesar de estar tan oculta bajo mis vestiduras. Incluso uno de los amigos de tu Hijo...

168.7

En Agua Especiosa vivía como un animal. Vivía pobre pero feliz. Ni el rocío ni el río me limpiaron como sus palabras. ¡Oh, ni una sola perdí! Una vez perdonó a un asesino. Oí sus palabras y estuve por decirle: “¡Perdóname también a mí!”. Otra vez habló de la inocencia perdida. ¡Oh, qué llanto de nostalgia! Otra vez curó a un leproso... y estuve por gritar: “¡Límpiame a mí de mi pecado...!”. Otra vez curó a un demente romano... y lloré... y mandó que me dijeran que las patrias pasan pero el Cielo permanece. Una noche de tormenta me ofreció la casa... y se preocupó de que el encargado me diera posada... y, a través de un niño, me dijo: “No llores”... ¡Oh, qué bondad la suya!, ¡qué miseria la mía!: tan grandes ambas, que no me atreví a portar mi miseria a sus pies, a pesar de que uno de los suyos, de noche, me instruyera acerca de la infinita misericordia de tu Hijo. Luego, mi Salvador se fue, insidiado por quienes veían pecado en el deseo de un alma renacida... Le esperé... Pero le esperaba también la venganza de aquellos que son aun mucho más indignos que yo de mirarle, porque yo he pecado como pagana contra mí misma, pero ellos pecan, conociendo ya a Dios, contra el Hijo de Dios... Y me maltrataron. Pero me hirieron más sus acusaciones que las piedras; hirieron más ellos mi alma que mi carne, hundiéndola en la desesperación.

¡Oh, qué tremenda lucha conmigo misma! Andrajosa, sangrante, herida, febril, ya sin Médico, sin techo ni pan, miré hacia atrás, miré al futuro... El pasado me decía: “Vuelve”; el presente: “Mátate”; el futuro: “Ten esperanza”. He tenido esperanza. No me he quitado la vida; lo haría, eso sí, si Él me rechazara, porque no quiero volver a ser lo que era. A duras penas llegué a un pueblo pidiendo asilo. Me reconocieron. Tuve que salir huyendo como un animal, y he tenido que seguir huyendo de todos los lugares, perseguida siempre, siempre ultrajada, siempre maldecida, porque quería ser honesta y porque se esfumaban las esperanzas de quienes por medio de mí querían asestar sus golpes contra tu Hijo. Subí hasta Galilea siguiendo el curso del río y vine hasta aquí... Tú no estabas... Fui a Cafarnaúm: acababas de partir. Pero me vio un anciano, uno de sus enemigos, y me habló de mí como prueba evidente contra Él — tu Hijo — y, dado que yo lloraba y no reaccionaba, me dijo: “Todo podría cambiar para ti si quisieras ser mi amante y mi cómplice para acusar al Rabí nazareno. Bastaría con que dijeras, ante mis amigos, que Él era tu amante...”. Huí como quien ve abrirse una mata florida al desenroscarse una serpiente.

168.8

Y comprendí que ya no podía ir a postrarme a sus pies. Por eso vengo a ti. Aquí estoy: pisotéame; soy sólo fango. Aquí me tienes: aléjame de tu presencia, porque soy pecadora. Dime mi nombre: meretriz. Estoy dispuesta a aceptar todo lo que me digas o hagas. Pero, ten piedad, Madre; toma mi pobre alma sucia y llévala a Él. Cierto es que poner en tus manos mi lujuria es delito, pero son el único lugar en que estará protegida del mundo — que la quiere para sí — y se hará penitente. Dime cómo he de comportarme. Dime qué tengo que hacer. Dime cuál es el medio que debo seguir para dejar de ser Áglae. ¿Qué debo amputarme? ¿Qué debo arrancarme para dejar de ser pecado, seducción, para no tener que temer ni a mí misma ni al hombre? ¿Tengo que arrancarme los ojos? ¿Tengo que quemarme los labios? ¿Tengo que cortarme la lengua? Ojos, labios, lengua... me han servido en el mal; no quiero ya más el mal; estoy dispuesta a sacrificarlos para castigarme a mí y a ellos mismos. ¿O quieres que me ampute estas concupiscentes caderas que me han impulsado a depravados amores, o que me arranque estas vísceras insaciables, de las que siempre temo un nuevo despertar? Dime, dime, ¿cuál es la vía para olvidarse de que se es hembra, y para hacérselo olvidar a los demás?».

María está estremecida. Llora, sufre... pero el único signo de su dolor son las lágrimas que caen sobre la arrepentida.

«Quiero morir perdonada. Quiero morir sin otro recuerdo sino el del Salvador. Quiero morir con su Sabiduría como amiga... ¡Y no puedo acercarme a Él, porque el mundo nos acecha, a mí y a Él, para acusarnos...». Áglae llora, tirada en el suelo como un trapo.

168.9

María se pone en pie y, casi jadeando, susurra: «¡Qué difícil es ser redentores!».

Áglae, que lo ha oído, intuyendo el movimiento de María, dice quejumbrosamente: «¿Ves como tú también sientes repulsa? Me marcho. Todo está perdido».

«No, hija, no está perdido todo; ahora empieza todo para ti. Escúchame, alma abatida: no gimo por ti, sino por este mundo cruel; no te dejo marcharte; te acojo, pobre golondrina lanzada contra mis paredes por la ventisca; te llevaré a donde Jesús y Él te señalará el camino de tu redención...».

«Ya no tengo esperanza... El mundo tiene razón, no puedo ser perdonada».

«No te puede perdonar el mundo, pero sí Dios. Déjame que te hable en nombre del supremo Amor, que me ha dado un Hijo para que yo lo dé al mundo; que me ha sacado de la feliz ignorancia de mi virginidad consagrada, para que el mundo tuviera el Perdón, y me ha sacado sangre, pero no en el parto sino del corazón, al revelarme que mi Hijo es la gran Víctima. Mírame, hija. En este corazón hay una gran herida, que me punza desde hace más de treinta años, que se abre cada vez más y me consume. ¿Sabes cuál es su nombre?».

«Dolor».

«No. Amor. El amor es lo que abre mis venas para hacer que no esté solo el Hijo en su acto salvador; es el amor lo que me da fuego para que yo purifique a quienes no se atreven a ir a mi Hijo; el amor me hace brotar lágrimas con que lavar a los pecadores. Tú querías mis caricias; te doy mis lágrimas, que te hacen ya blanca para poder mirar a mi Señor. ¡No llores de ese modo! No eres la única pecadora que se acerca al Señor y se despide de Él ya redimida; otras hubo y otras habrá.

¿Dudas, acaso, de que Él te pueda perdonar? ¿No ves en todo lo que te ha ocurrido un misterioso designio de la Bondad Divina? ¿Quién te condujo a Judea?, ¿y a la casa de Juan? ¿Quién te movió a asomarte a la ventana aquella mañana? ¿Quién encendió en ti una luz para ilustrarte sus palabras? ¿Quién te dio la capacidad de entender que la caridad, unida a la oración del favorecido, obtienen auxilio divino? ¿Quién te dio fuerzas para huir de la casa de Samay?, ¿quién, de perseverar los primeros días hasta su llegada? ¿Quién te puso en su camino? ¿Quién te capacitó para vivir como una penitente a fin de que se fuera purificando tu alma? ¿Quién ha hecho en ti alma de mártir, de creyente, de mujer perseverante, de mujer pura?...

Sí, no menees la cabeza. ¿Piensas, acaso, que sólo es puro quien no ha conocido la sensualidad? ¿O piensas que el alma no puede jamás volver a ser virgen y bella? ¡Hija, créeme que entre mi pureza, toda ella gracia del Señor, y tu heroica ascensión, rehaciendo el camino, hacia la cima de tu pureza perdida, es mayor la tuya! Tú la construyes, contra el apetito de los sentidos, la necesidad y el hábito; en mí es dote natural, como respirar. Tú debes cercenar tu pensamiento, los sentimientos, la carne, para no recordar, para no desear, para no secundar; yo... ¿puede, acaso, una criaturita de pocas horas desear la carne?, ¿tiene mérito por no hacerlo? Pues así yo. Yo no conozco esa trágica hambre que ha hecho de la humanidad una víctima, no conozco sino la santísima hambre de Dios; tú, sin embargo, ésta no la conocías, y has conseguido aprenderla, y has domado la otra, trágica y horrenda, por amor a Dios, que ahora es tu único amor. ¡Sonríe, hija de la Misericordia divina! ¡Mi Hijo está haciendo en ti lo que te dijo en Hebrón. Ya lo ha hecho. Estás ya salvada, porque has tenido buena voluntad de salvarte, porque has aprendido la pureza, el dolor, el Bien. Tu alma ha renacido. Sí, necesitas su palabra, que te diga en nombre de Dios: “Estás perdonada”. Eso yo no lo puedo decir, pero ya desde ahora te doy mi beso como promesa, como principio de perdón...

¡Oh, Espíritu eterno, un poco de ti siempre está en tu María! ¡Deja que Ella te infunda, Espíritu santificador, sobre esta criatura que llora y espera! ¡Por nuestro Hijo, oh Dios de amor, salva a ésta que de Dios espera salvación! ¡Que la Gracia, de que dijo el ángel Dios me ha colmado, se pose milagrosamente sobre esta mujer, y la mantenga hasta que Jesús, el Salvador bendito, el supremo Sacerdote, la absuelva en el nombre del Padre, del Hijo y del Espíritu!...

168.10

Es de noche, hija. Estás cansada. Tus vestidos, hechos jirones. Ven. Descansa. Mañana te pondrás en camino... Te enviaré a una familia de personas honradas, porque aquí ya vienen demasiados. Te daré un vestido en todo igual al mío. Parecerás una hebrea. Yo veré a mi Hijo en Judea, no antes, porque la Pascua se aproxima y para el novilunio de abril estaremos en Betania; así que le hablaré de ti. Ve a casa de Simón el Zelote. Allí me encontrarás y te conduciré a Él».

Áglae sigue llorando, pero ahora con paz. Está sentada en el suelo. También María se ha sentado de nuevo, y Áglae deposita su cabeza sobre las rodillas de María y le besa la mano... Luego susurra quejumbrosa: «Me reconocerán...».

«¡Oh, no! No temas. Tu vestido era demasiado conocido. Yo te prepararé para este viaje tuyo hacia el Perdón; serás como la virgen preparada para su boda: distinta y desconocida para la muchedumbre que ignora el rito. Ven. Tengo una pequeña habitación al lado de la mía. En ella se alojan santos y peregrinos deseosos de ir a Dios; te hospedará también a ti».

Áglae hace ademán de querer recoger el manto y el velo.

«Deja. Son los vestidos de la pobre Áglae extraviada, que ya no existe... y ni siquiera debe quedar de ella el vestido: ha experimentado demasiado odio, y tanto daño hace el odio cuanto el pecado».

Salen al oscuro huerto. Entran en el cuarto de José. María enciende una lamparilla que hay encima de una repisa, acaricia una vez más a la arrepentida, cierra la puerta y, con su triple llamita, se hace luz para ver a dónde puede llevar el manto desgarrado de Áglae para que ningún visitante lo vea al día siguiente.