Los Escritos de Maria Valtorta

551. A l’ occasion d’une halte chez Nikê,

551. Los apóstoles son informados, después de un

551.1

En ce début d’une aurore fraîche et limpide, les champs qui entourent la maison de Nikê sont tout un verdoiement de blés nouveaux de quelques centimètres, d’une couleur délicate comme celle d’une très claire émeraude. Plus près de la maison le verger, aux arbres nus, paraît encore plus sombre et plus massif face à la délicatesse des jeunes pousses, sous un ciel d’une sérénité paradisiaque. La maison, toute blanche sous le premier soleil, est couronnée par le vol des colombes.

Nikê est déjà levée, et elle veille avec sollicitude à ce que le petit groupe sur le départ ait ce qui donnera des forces pour la route. Elle commence par congédier les deux serviteurs de Lazare qu’elle a retenus pour la nuit. Bien restaurés, ils s’en vont en mettant leurs chevaux au trot. Puis elle rentre dans la cuisine, où les servantes préparent du lait et des aliments sur de grands feux. D’un haut récipient, elle verse de l’huile dans plusieurs gourdes, et du vin dans de petites outres de peau. Elle presse une servante, qui prépare des formes de pain minces comme des fouaces, pour qu’elle se hâte de les mettre au four déjà prêt. Sur de larges tables où sèchent des fromages, à la chaleur de la cuisine, elle choisit les pièces les plus belles. Elle prend du miel et le fait couler dans de petits récipients bien fermés. Puis elle fait des paquets avec tous ces aliments ; l’un d’eux contient un chevreau ou un agneau entier que la servante sort de la broche sur laquelle il rôtissait. Un deuxième contient des pommes, rouges comme du corail, un troisième des olives toutes préparées, un autre encore des raisins secs. Il y a

aussi un paquet d’orge mondé.

551.2

Elle est en train de glisser ce dernier dans un petit sac, quand Jésus entre dans la cuisine en saluant toutes les femmes qui s’y trouvent.

« Maître, paix à toi. Déjà levé ?

– J’aurais dû l’être plus tôt. Mais mes disciples étaient si fatigués que je les ai laissés dormir un peu plus longtemps. Que fais-tu, Nikê ?

– Je prépare… Cela ne sera pas lourd, tu vois ? Douze sacs, et j’ai calculé les forces de ceux qui vont les porter.

– Et moi ?

– Oh ! Maître ! Tu as déjà ton fardeau… »

Et dans les yeux de Nikê brille une larme.

« Viens dehors, Nikê, nous allons parler en paix. »

Ils sortent et s’éloignent de la maison.

« Mon cœur pleure, Maître…

– Je le sais, mais il faut être très forte, en pensant qu’on ne m’a pas fait souffrir…

– Oh ! cela, jamais ! Mais j’avais cru pouvoir rester à tes côtés, et c’est pourquoi j’étais venue à Jérusalem. Autrement, je serais restée ici, où j’ai ma maison de campagne…

– Lazare aussi, tout comme Marie et Marthe, croyaient pouvoir rester avec moi. Et tu vois…

– Je le vois, oui, je le vois. Je ne vais plus à Jérusalem, puisque tu n’y es pas. Je serai plus près de toi en restant ici, et je pourrai t’aider.

– Tu as déjà tant donné…

– Ce n’est que si peu de chose…. Je voudrais pouvoir porter ma maison là où tu vas. Mais je viendrai, je viendrai sûrement me rendre compte de ce qui te manque. Maintenant, ce que tu m’as dit de faire est juste : je vais rester ici jusqu’à ce qu’ils soient persuadés que tu n’y es pas. Mais après…

– La route est longue et pénible pour une femme, et très peu sûre.

– Je n’ai pas peur ! Je suis trop vieille pour plaire comme femme, et je ne porte pas de trésors pour être une proie. Les voleurs sont meilleurs que beaucoup qui se croient saints, mais qui en réalité veulent te dérober la paix et la liberté…

– Ne les déteste pas, Nikê.

– Cela m’est plus pénible que toute autre chose. Mais j’essaierai de ne pas haïr par amour pour toi… J’ai pleuré toute la nuit, Seigneur !

– Je t’entendais aller et venir dans la maison, aussi infatigable qu’une abeille. Tu me donnais l’impression d’être une mère en peine pour son fils persécuté… Ne pleure pas. Ce sont les coupables qui doivent pleurer. Pas toi. Dieu est bon avec son Messie. Aux heures les plus tristes, il me fait toujours trouver auprès de moi un cœur maternel…

– Et comment vas-tu faire avec ta Mère ? Tu m’avais dit qu’elle allait bientôt venir…

– Elle viendra à Ephraïm… Lazare se charge de l’avertir.

551.3

Voici Simon-Pierre et mes frères…

– Ils savent ?

– Rien encore, Nikê. Je le leur apprendrai quand nous serons loin…

– Et moi, quand je viendrai, je t’informerai de ce qui se passe ici et à Jérusalem. »

Ils se dirigent vers les apôtres, qui sortent l’un après l’autre de la maison à la recherche de Jésus.

« Venez, mes frères. Restaurez-vous avant de partir. Tout est prêt.

– A cause de nous, Nikê n’a pas dormi de la nuit. Remerciez cette bonne disciple » dit Jésus en entrant dans la vaste cuisine. Là, sur une table que l’on dirait de réfectoire tant elle est grande, fument des bols remplis de lait. Les fouaces, à peine sorties du four, exhalent une odeur appétissante. Nikê y étend généreusement du beurre et du miel, en expliquant que c’est une nourriture fortifiante pour ceux qui doivent faire une longue route pendant ces heures encore très fraîches.

Le repas est vite achevé. Nikê en a profité pour glisser dans les derniers paquets le pain qui sort du four, croustillant et odorant. Chaque apôtre prend sa charge, liée de façon qu’on puisse la porter sans gêne excessive.

L’heure du départ est venue. Jésus salue et bénit. Les apôtres saluent. Mais Nikê tient à les accompagner jusqu’au bout de ses champs, après quoi elle revient lentement sur ses pas, en pleurant dans son voile, tandis que Jésus et les siens s’éloignent par un chemin secondaire que Nikê lui a indiqué.

551.4

La campagne est encore déserte. Le sentier traverse des champs de blé en herbe et des vignes dégarnies. On ne voit pas de bergers, car ils n’amènent pas les troupeaux dans les terres cultivées. Le soleil réchauffe légèrement l’air matinal. Sur les talus, les premières fleurs resplendissent comme des joyaux sous le voile de la rosée que le soleil fait luire. Les oiseaux gazouillent leurs premiers chants d’amour. La belle saison arrive. Tout se pare et renaît, tout aime… Et Jésus marche vers l’exil qui précède la mort voulue par la haine.

Pensifs, les apôtres gardent le silence. Ce départ subit les a désorientés. Ils étaient si sûrs d’être désormais tranquilles ! Ils avancent, plus courbés que ne pourrait leur imposer le poids de leurs sacs et des provisions de Nikê. Ce qui les afflige, c’est la déception, la constatation de ce qu’est le monde et de ce que sont les hommes.

Jésus, au contraire, sans être souriant, n’est pas triste ni accablé. Il chemine la tête haute, devant tous les autres, sans plastronner, mais aussi sans peur. Il marche comme un homme qui sait là où il doit aller et ce qu’il doit faire. Il avance, courageux, comme un héros que rien ne trouble ou n’effraie.

Le chemin secondaire aboutit à une grande voie ; Jésus la prend, toujours en direction du nord, et les apôtres le suivent sans mot dire. C’est la route qui vient de Galilée et mène en Judée par la Décapole et la Samarie, aussi de nombreux voyageurs y circulent-ils, surtout des caravanes de marchands.

Le temps passe et le soleil réchauffe de plus en plus, quand Jésus laisse la grand-route pour reprendre un autre petit chemin qui, à travers des champs de blé, se dirige vers les premières collines.

Les apôtres se regardent. Ils commencent peut-être à comprendre qu’ils ne vont pas en Galilée par la route qui suit la vallée du Jourdain, mais qu’ils se dirigent vers la Samarie. Mais ils ne parlent pas encore.

Jésus, arrivé aux premiers bois sur les collines, dit :

« Arrêtons-nous et reposons-nous tout en mangeant. Le soleil indique le milieu du jour. »

Ils sont au bord d’un petit torrent qui a peu d’eau, car il ne pleut pas depuis quelque temps, mais qui paraît limpide sur le fond caillouteux. Sur ses rives, de grosses pierres peuvent servir de tables et de sièges. Ils s’asseyent après que Jésus a béni et offert la nourriture, et ils mangent en silence, comme perdus dans leurs pensées.

551.5

Jésus les secoue en disant :

« Vous ne me demandez pas où nous allons ? Le souci du lendemain vous rend muets, ou je ne vous semble plus être votre Maître ? »

Les Douze lèvent la tête. Ce sont douze visages affligés ou du moins en désarroi qui se tournent vers le visage paisible de Jésus. Un même “ Oh ! ” jaillie des douze bouches. Et l’exclamation de tous est suivie de la réponse de Pierre qui parle au nom de tous :

« Maître, tu sais bien que tu es toujours pour nous le Maître mais, depuis hier, c’est comme si nous savions que c’est bien toi, mais tu nous sembles… déjà presque lointain. Tu nous as donné cette impression depuis que tu as parlé avec ton Père avant d’appeler Lazare et depuis que tu l’as tiré de là, ainsi lié, par le seul moyen de ta volonté, pour lui rendre la vie par la seule force de ta puissance. Tu nous fais presque peur. Je parle pour moi… mais je crois qu’il en est ainsi pour tous… Et maintenant… Nous… Ce départ… si rapide et si mystérieux !

– Avez-vous une double peur ? Sentez-vous le danger plus menaçant ? Avez-vous l’impression de ne pas avoir la force d’affronter et de surmonter les dernières épreuves ? Dites-le en toute liberté. Nous sommes encore en Judée. Nous sommes près des routes basses pour la Galilée. Chacun peut s’en aller s’il le veut, et partir à temps pour ne pas être en butte à la haine du Sanhédrin… »

Les apôtres sont remués par ces paroles. Ceux qui étaient presque allongés sur l’herbe attiédie par le soleil s’asseyent ; ceux qui étaient assis se lèvent.

Jésus poursuit :

« C’est qu’à partir d’aujourd’hui je suis le Persécuté légal. Sachez-le. A cette heure-ci, on va lire dans les quelque cinq cents synagogues de Jérusalem et dans celles des villes qui ont pu le recevoir, le décret publié hier à sexte, selon lequel je suis le grand Pécheur ; et quiconque sait où je me trouve a le devoir de me dénoncer au Sanhédrin pour que je sois arrêté… »

Les apôtres crient comme s’ils le voyaient déjà pris. Jean s’attache à son cou en gémissant :

« Ah ! je l’ai toujours prévu ! »

Il pleure à gros sanglots. Certains s’emportent contre le Sanhédrin, d’autres invoquent la justice divine, fondent en larmes ou restent figés comme des statues.

« Taisez-vous.

551.6

Ecoutez-moi. Je ne vous ai jamais trompés. Je vous ai toujours dit la vérité. Quand je l’ai pu, je vous ai défendus et protégés. Votre présence à mes côtés m’a été aussi agréable que si vous étiez des fils. Je ne vous ai pas caché non plus quelle sera ma dernière heure… mes dangers… ma Passion. Mais tout cela me concernait moi seul. Désormais, ce sont vos dangers, votre sécurité, celle de vos familles qu’il faut prendre en considération. Je vous prie de le faire avec une liberté absolue. N’examinez pas la situation en fonction de l’amour que vous avez pour moi, en fonction du choix que j’ai fait de vous. Supposez, puisque je vous délie de toute obligation envers Dieu et son Christ, supposez que nous venions de nous rencontrer ici pour la première fois et que, après m’avoir écouté, vous mesuriez s’il vous convient ou non de suivre l’Inconnu dont les paroles vous ont impressionnés. Imaginez que vous m’entendez et me voyez pour la première fois, et que je vous dise : “ Prenez en compte que je suis persécuté et haï, et que celui qui m’aime et me suit est persécuté et haï comme moi, dans sa personne, dans ses intérêts, dans ses affections. Sachez que cette persécution peut se terminer même par la mort et la confiscation des biens de votre famille. ” Réfléchissez, décidez. Je vous aimerai pareillement, même si vous me dites : “ Maître, je ne peux plus venir avec toi. ” Vous vous attristez ? Non, il ne faut pas. Nous sommes de bons amis, qui décidons dans la paix et l’amour ce qu’il convient de faire, avec une compassion réciproque. Moi, je ne puis vous laisser aller au-devant de l’avenir sans vous faire réfléchir. Je ne vous mésestime pas.

Je vous aime tous, mais je suis le Maître. Il est évident que le Maître connaît ses disciples. Je suis le Berger, et il est évident que le Berger connaît ses agneaux. Je sais que mes disciples, amenés à une épreuve sans y être suffisamment préparés, non seulement dans la sagesse qui vient du Maître, et qui est donc bonne et parfaite, mais aussi dans la réflexion qui doit venir d’eux-mêmes, pourraient faillir, ou du moins ne pas triompher comme des athlètes dans un stade. Il convient de prendre la juste mesure de nos capacités, dans les petits problèmes comme dans les grands. En tant que Berger, je dois dire à mes agneaux : “ Voilà que je m’avance maintenant dans un pays de loups et de vautours. Avez-vous la force d’aller parmi eux ? ” Je pourrais vous citer déjà quels sont ceux qui n’auront pas la force de supporter l’épreuve, bien que je puisse vous rassurer : aucun de vous ne tombera sous la main des bourreaux qui sacrifieront l’Agneau de Dieu. Ma capture est d’une telle valeur qu’elle leur suffira… Pourtant, je vous recommande de réfléchir. Je vous disais autrefois : “ Ne craignez pas ceux qui tuent. ” Et encore : “ Celui qui, après avoir mis la main à la charrue, se retourne pour considérer le passé et ce qu’il pourrait perdre ou acquérir, n’est pas apte à ma mission. ” Mais c’étaient des règles destinées à vous indiquer ce que signifie être mon disciple, même pour l’avenir, lorsque je ne serai plus le Maître, mais que mes fidèles seront maîtres. Elles vous étaient données pour renforcer votre âme. Mais même cette force, que vous avez indéniablement atteinte par rapport au peu de chose que vous étiez — je parle de votre esprit — est encore trop peu par rapport à la violence de l’épreuve. Ne pensez pas : “ Le Maître est scandalisé par nous ! ” Je ne le suis pas. Je vous assure que vous ne devez pas et ne devrez pas vous scandaliser de votre faiblesse. Dans tous les temps à venir, il y aura, parmi les membres de mon Eglise, aussi bien agneaux que pasteurs, des personnes qui resteront en deçà de la grandeur de leur mission. Il y aura des époques où les pasteurs idolâtres et les fidèles idolâtres seront plus nombreux que les vrais pasteurs et les vrais fidèles. Epoques d’éclipse de l’esprit de foi dans le monde, mais une éclipse n’est pas la mort d’un astre. C’est uniquement un obscurcissement momentané plus ou moins partiel de l’astre. Après, sa beauté réapparaît et semble plus lumineuse. Ainsi en sera-t-il de mon Bercail. Je vous conseille donc de réfléchir. Je vous le dis comme Maître, comme Pasteur et comme Ami. Je vous laisse discuter entre vous en toute liberté. Je vais prier là-bas, dans ce bosquet. Un par un, vous viendrez me confier votre pensée, et moi je bénirai votre sincère honnêteté, quelle qu’elle soit. Et je vous aimerai pour ce que vous m’avez déjà donné jusqu’ici. Adieu. »

Il se lève et s’éloigne.

551.7

Les apôtres sont abasourdis, perplexes, remués. Au début, ils n’arrivent même plus à parler. Pierre est le premier à s’exprimer :

« Que l’enfer m’engloutisse, si je voulais le quitter ! Je suis sûr de moi. Même si tous les démons de la Géhenne, avec le Léviathan en tête, s’opposaient à moi, je ne m’écarterais pas de lui par peur !

– Et moi non plus. Dois-je être inférieur à mes filles ? dit Philippe.

– Moi, je suis sûr qu’ils ne lui feront rien, lance Judas avec effronterie. Le Sanhédrin menace, mais c’est pour se convaincre qu’il existe encore. Il est le premier à être conscient qu’il n’est rien si Rome n’y consent. Ses condamnations ! C’est Rome qui condamne !

– Mais en ce qui concerne la religion, il est encore le Sanhédrin, fait remarquer André.

– Aurais-tu donc peur, mon frère ? Rappelle-toi qu’il n’y a jamais eu de poltrons dans la famille, menace Pierre, qui se sent l’esprit belliqueux.

– Je n’ai pas peur, et j’espère pouvoir le montrer. Je me contente de donner mon avis à Judas.

– Tu as raison. Mais l’erreur du Sanhédrin, c’est de vouloir se servir de l’arme politique pour ne pas vouloir dire et ne pas vouloir s’entendre dire qu’ils ont levé la main sur le Christ. Je le sais avec certitude. Ils voudraient, ou plutôt ils auraient voulu faire tomber le Christ dans le péché afin d’en faire un objet de mépris pour la foule. Mais le tuer ! Eux ! Non ! Ils ont peur ! Une peur qu’on ne peut comparer à un effroi humain, car c’est une terreur d’âme. Ils le savent bien, eux, qu’il est le Messie ! Ils le savent même si bien, qu’ils se rendent compte que c’en est fini pour eux, car les temps nouveaux arrivent. Ils veulent l’abattre, mais pas s’en charger eux-mêmes ! Aussi cherchent-ils une raison politique pour que ce soit le Proconsul, pour que ce soit Rome qui l’abatte. Or le Christ ne porte aucun tort à Rome, et Rome ne fera rien contre lui. Et le Sanhédrin hurle en vain.

– Alors, tu restes avec lui, Judas ?

– Mais certainement. Plus que tous !

– Moi, je n’ai rien à perdre ou à gagner en restant ou en partant. J’ai seulement le devoir de l’aimer. Et je le ferai, déclare Simon le Zélote.

– Moi, je reconnais qu’il est le Messie et par conséquent je reste à sa suite, affirme Nathanaël.

– Moi aussi. Je l’ai su à partir du moment où Jean le Baptiste me l’a indiqué, dit Jacques, fils de Zébédée.

– Nous sommes ses frères. A la foi nous joignons l’amour du sang, n’est-ce pas, Jacques ? intervient Jude.

– Il est mon soleil depuis des années. Je suis son cours. S’il tombe dans l’abîme creusé par ses ennemis, je le suivrai, répond Jacques, fils d’Alphée.

– Et moi ? Comment oublier qu’il m’a racheté ? dit Matthieu.

– Mon père me maudirait mille fois si je le quittais. Du reste, ne serait-ce que pour l’amour de Marie, je ne me séparerai jamais de Jésus » assure Thomas.

551.8

Jean reste silencieux, tête baissée, l’air accablé. Les autres prennent son attitude pour de la faiblesse et plusieurs l’interrogent.

« Et toi ? Toi seul veux t’en aller ? »

Jean lève la tête. Tout semble pur en lui, jusqu’à son attitude et ses regards. Fixant de ses yeux bleu clair, limpides, ceux qui l’interrogent, il répond :

« Je priais pour nous tous. Car nous voulons agir et dire, or nous présumons de nous-mêmes et, ce faisant, nous ne nous apercevons pas que nous mettons en doute les paroles du Maître. S’il affirme que nous ne sommes pas préparés, c’est signe que nous ne le sommes pas. Si c’est encore le cas après trois ans, nous ne le serons pas dans quelques mois…

– Que dis-tu là ? Dans quelques mois ? Et qu’en sais-tu ? Serais-tu prophète, par hasard ? »

Et ils l’assaillent de reproches.

« Je ne sais rien.

– Alors ? Que sais-tu ? Jésus t’a parlé, peut-être ? Tu connais toujours ses secrets… insinue Judas, l’air envieux.

– Ne me critique pas, mon ami, si je sais comprendre que le temps serein prendra bientôt fin. Quand ? Je l’ignore. Je sais que cela arrivera. C’est lui qui l’assure. Combien de fois il l’a dit ! Nous, nous ne voulons pas croire. Mais la haine des autres confirme ses paroles… C’est pourquoi je prie, car il n’y a rien d’autre à faire que supplier Dieu de nous rendre forts. Tu ne te souviens pas, Judas, qu’il nous a recommandé[1] de prier le Père pour être forts dans les tentations ? Toute force vient de Dieu. J’imite mon Maître, comme il est juste de le faire…

– Bref, tu restes ? insiste Pierre.

– Et où veux-tu que j’aille, si je ne reste pas avec lui qui est ma vie et mon bien ? Mais puisque je suis un pauvre enfant, le plus misérable de tous, je demande tout à Dieu, le Père de Jésus et le nôtre.

– C’est dit. Donc nous restons tous !

551.9

Allons le trouver. Il est sûrement triste. Notre fidélité le réjouira » conclut Pierre.

Jésus est prosterné en prière. Le visage par terre, dans l’herbe, il supplie certainement le Père. Mais il se lève quand il entend le bruit des pas et il regarde ses Douze. Il les scrute d’un air sérieux, un peu triste.

« Sois content, Maître. Aucun de nous ne t’abandonne, annonce Pierre.

– Vous avez pris votre décision trop rapidement et…

– Les heures ou les siècles ne changeront pas notre pensée, affirme Pierre.

– Ni les menaces, notre amour », déclare Judas.

Jésus cesse de les observer en bloc et les dévisage un par un, en un long regard que tous soutiennent sans peur. Il s’attarde particulièrement sur Judas, qui montre plus d’assurance que tous. Ouvrant les bras en un geste de résignation, il dit :

« Allons. Tous, vous avez marqué votre destin. » Il revient à sa place précédente, prend son sac et ordonne : « Prenons la route d’Ephraïm, celle qu’ils nous ont indiquée.

– En Samarie ? »

La stupeur est à son comble.

« En Samarie. A sa frontière, du moins. Jean-Baptiste lui aussi est allé vivre dans ces parages jusqu’à ce que vienne l’heure où il devait prêcher le Christ.

– Ce n’est pas comme ça qu’il s’est sauvé ! objecte Jacques, fils de Zébédée.

– Je ne cherche pas à me sauver, mais à sauver. Et je sauverai jusqu’à l’heure marquée. C’est vers les brebis les plus malheureuses que va le Pasteur persécuté, afin qu’elles, les abandonnées, aient leur part de sagesse pour les préparer aux temps nouveaux. »

Il marche de son pas rapide, après la halte qui a servi à se reposer et à respecter le sabbat, car il veut arriver avant que la nuit rende les sentiers impraticables.

551.10

Quand ils arrivent au petit torrent qui descend d’Ephraïm et coule vers le Jourdain, Jésus appelle Pierre et Nathanaël, et leur donne une bourse en disant :

« Allez de l’avant chercher Marie, femme de Jacob. Je me rappelle que Malachie[2] m’avait confié qu’elle était la plus pauvre de l’endroit, bien qu’elle ait une grande maison, maintenant qu’elle n’y a plus ses enfants. Nous demeurerons chez elle. Remettez-lui une bonne somme pour qu’elle nous loge tout de suite sans faire mille discours. Vous connaissez la maison, cette maison ombragée par quatre grenadiers, tout à côté du pont sur le torrent.

– Nous la connaissons, Maître. Nous allons faire ce que tu dis. »

Ils s’éloignent d’un bon pas, et Jésus les suit lentement avec les autres.

De la cuvette divisée en deux par le torrent, on aperçoit le village qui blanchit aux dernières lueurs du jour et aux premières clartés de la lune. Il n’y a pas âme qui vive quand ils arrivent à la maison, déjà tout éclairée par la lune. Seul le torrent se fait entendre dans le silence du soir. Si l’on se tourne en direction de l’horizon, on voit une grande partie du ciel étoilé qui se penche sur une vaste étendue de terrains dévalant vers la plaine déserte qui descend au Jourdain. Une paix profonde règne sur la terre.

Ils frappent à la porte. Pierre ouvre :

« Tout est fait, Seigneur. La vieille femme a fondu en larmes lorsque nous lui avons remis de l’argent. Elle n’avait plus un sou. Je lui ai dit : “ Ne pleure pas, femme. Là où passe Jésus de Nazareth, toute douleur disparaît. ” Elle m’a répondu : “ Je le sais. J’ai souffert ma vie durant, et désormais j’étais vraiment à bout, je n’aurais pu en supporter davantage. Mais au crépuscule de ma vie, le Ciel s’est ouvert pour moi et il m’amène l’Etoile de Jacob pour me donner la paix. ” En ce moment, elle est à côté, en train de préparer les pièces fermées depuis si longtemps. Hum ! c’est bien peu, mais la femme paraît très bonne. La voilà !

551.11

Femme ! Le Rabbi est ici ! »

Une petite vieille fluette, aux doux yeux mélancoliques, se présente et s’arrête, l’air confus, manifestement intimidée, à quelques pas de Jésus.

« Paix à toi, femme. Je ne te dérangerai pas beaucoup.

– Je… je voudrais… je voudrais que tu me marches sur le cœur pour te rendre plus douce l’entrée dans ma pauvre maison. Viens, Seigneur, et que Dieu entre avec toi. »

Elle a repris son souffle et de la hardiesse sous la lumière du regard de Jésus.

Ils entrent tous et ferment la porte. La maison est vaste comme une hôtellerie et vide comme un endroit abandonné. Seule la cuisine est gaie, grâce à une belle flambée dans le foyer au milieu de la pièce.

Barthélemy, qui était en train d’alimenter le feu, se retourne, et dit en souriant :

« Réconforte notre hôtesse, Maître : elle est affligée de ne pas pouvoir t’honorer.

– Ton cœur me suffit, femme. Ne te soucie de rien. Demain, nous aviserons. Je suis un pauvre, moi aussi. Apportez les provisions. Entre pauvres, on partage le pain et le sel, sans honte et avec un amour fraternel. Pour toi, femme, cet amour est filial, car tu pourrais être ma mère, et je t’honore comme telle… »

Marie verse des larmes silencieuses de vieille femme affligée en essuyant ses yeux à son voile, et elle murmure :

« J’avais trois garçons et sept filles. Un garçon a été emporté par le torrent et un autre par la fièvre. Le troisième m’a abandonnée. Cinq filles ont attrapé la maladie de leur père, et elles sont mortes. La sixième est morte en couches et la septième… Ce que la mort n’a pas fait, le péché l’a fait. Dans ma vieillesse, je ne suis pas honorée par mes enfants et cela me rend si… Dans le village, ils sont bons… Mais pour la pauvre femme… Toi, tu es bon pour la mère…

– J’ai une Mère, moi aussi. Et en toute femme qui est mère, j’honore la mienne. Mais ne pleure pas. Dieu est bon. Aie foi, et les enfants qui te restent pourront revenir vers toi un jour. Les autres sont en paix…

– Je pense que c’est un châtiment parce qu’ils sont de cet endroit…

– Aie foi. Dieu est plus juste que les hommes… »

Les apôtres qui étaient allés dans les différentes pièces avec Pierre, reviennent en apportant les vivres. Ils réchauffent l’agneau rôti par Nikê et le déposent sur la table. Jésus offre et bénit. Il insiste pour que la petite vieille se joigne à eux, au lieu de rester dans son coin à manger les pauvres radis qui composent son dîner…

L’exil aux confins de la Judée est commencé…

551.1

Al rayar, fresco y límpido, el alba, los campos que rodean la casa de Nique son todo un verdecer de cereales tiernos de pocos centímetros de altura y color delicado de clarísima esmeralda. Más cercano a la casa, el huerto, todavía desnudo de hojas, parece aún más obscuro y sólido en comparación con la delicadeza de los tallos herbáceos y con el cielo leve de serenidad paradisíaca. El vuelo de las palomas corona la casa blanca bajo los primeros rayos del día.

Nique está ya levantada. Diligente, se ocupa de que los que se marchan tengan todo lo que podrá aprovecharles en el camino. De los primeros que se despide es de los criados de Lázaro, a quienes ha hecho quedarse esa noche. Ahora ellos, repuestas las fuerzas, se marchan poniendo sus caballos al trote. Luego entra en la cocina, donde las domésticas preparan leche y comida en unos fuegos grandes, y echa, de una jarra grande, aceite en dos jarras más pequeñas, y vino en pequeños odres de piel. Apremia a una criada, que está preparando formas de pan sutiles como tortas, para que las lleve en seguida al horno ya pronto. Elige, de unas mesas grandes en que se secan los quesos al calor de la cocina, las piezas más logradas. Coge miel y la echa en pequeños recipientes con una tapadera segura. Luego hace paquetes con todos estos alimentos: uno de ellos contiene un cabritillo entero, o lechazo, que la criada ha sacado de la varilla en que se asaba; otro es de manzanas rojas como corales; otro, de aceitunas ya compuestas; un tercero, de uvas secadas; uno, de cebada limpia.

551.2

Está metiendo este último en el talego cuando entra en la cocina Jesús y saluda a todos los presentes.

«Maestro, paz a ti. ¿Ya levantado?».

«Hubiera debido levantarme antes. Pero estaban tan cansados mis discípulos, que los he dejado dormir más. ¿Qué haces, Nique?».

«Estoy preparando… No pesarán, ¿ves? Doce pesos. Y he calculado las fuerzas de los que los van a llevar».

«¿Y Yo?».

«Maestro, Tú ya tienes tu peso…», y en los ojos de Nique se forma un reflejo de llanto.

«Ven conmigo afuera, Nique. Vamos a hablar tranquilamente».

Salen y se alejan de la casa.

«Mi corazón llora, Maestro…».

«Lo sé. Pero se requiere ser fuertes. Fuertes pensando que no se me ha causado dolor…».

«¡Eso nunca! Pero me había hecho ilusiones de poder estar a tu lado y por eso había ido a Jerusalén. Si no, me habría quedado aquí, donde tengo las tierras…».

«También Lázaro, María y Marta creían que iban a poder estar conmigo. ¡Y ya ves!…».

«Ya veo, sí, ya veo. No vuelvo a Jerusalén, ahora que no estás allí. Aquí estaré, en todo caso, más cerca de ti, y podré ayudarte».

«Ya has dado mucho…».

«No he dado nada. Quisiera poder llevarte mi casa a donde vas. Pero iré, claro que iré, para ver lo que necesitas. Ahora es justo lo que me has dicho que haga. Estaré aquí hasta que se convenzan de que Tú no estás. Pero luego…».

«Es camino largo y penoso para una mujer, e inseguro».

«¡No tengo miedo! Soy demasiado vieja para gustar como mujer, y no llevo tesoros para ser deseada como presa. Los bandoleros son mejores que muchos que se creen santos y que son ladrones y quieren robarte la paz y la libertad…».

«No los odies, Nique».

«Esto es más difícil para mí que cualquier otra cosa. Pero trataré de no odiar por tu amor… ¡He pasado toda la noche llorando, Se­ñor!».

«Te oía ir y venir por la casa, incansable como una abeja. Y me parecías una mamá apenada por el hijo perseguido… No llores. Deben llorar los culpables, no tú. Dios es bueno con su Mesías. En las horas más tristes pone siempre a mi lado un corazón materno…».

«¿Y qué vas a hacer respecto a tu Madre? Me habías dicho que pronto iba a venir…».

«Irá a Efraím… Lázaro se va a ocupar de avisarla.

551.3

Ahí están Simón de Jonás y mis hermanos…».

«¿Lo saben?».

«Todavía nada, Nique. Se lo diré cuando estemos lejos…».

«Y yo te diré a ti, cuando vaya, lo que sucede aquí y en Jerusa­lén».

Se unen a los apóstoles, que van saliendo de la casa uno tras otro en busca de Jesús.

«Venid, hermanos. Reponed fuerzas antes de salir. Está todo preparado».

«Nique, por nosotros, no ha dormido esta noche. Dad las gracias a esta buena discípula» dice Jesús, y entra en la amplia cocina en que, encima de una mesa de refectorio —tan grande es— humean tazones llenos de leche y emanan fragancia las tortas recién sacadas del horno, en las cuales Nique unta generosamente mantequilla y miel, diciendo que son alimentos fortalecedores para quien tiene que recorrer un largo camino en esas horas todavía muy frescas.

Pronto terminan de comer. Nique, mientras tanto, ha hecho los últimos envoltorios con el pan desenhornado, crujiente y fragante. Cada apóstol carga su peso, atado de forma que pueda ser llevado sin excesiva molestia.

Es la hora de salir. Jesús se despide y bendice. Los apóstoles se despiden. Pero Nique quiere acompañarlos hasta los lindes de sus campos, para regresar luego, lentamente, llorando en su velo mientras Jesús se aleja por un camino secundario que ella le ha indicado.

551.4

Los campos están todavía desiertos. La vereda pasa por campos de trigo tierno y por viñedos deshojados. Por tanto, faltan también los pastores, porque no llevan los rebaños a los terrenos cultivados. El sol calienta un poco el aire matinal. Las primeras florecillas en los lindes brillan como gemas bajo el velo del rocío que el sol enciende. Los pájaros cantan sus primeros cantos de amor. Viene la primavera. Todo se embellece y renace, todo ama… Y Jesús va al exilio que precede a la muerte que el odio ha querido.

Los apóstoles no hablan. Van pensativos. La subitánea partida los ha desorientado. ¡Estaban tan seguros de que las aguas habían vuelto ya a su cauce! Caminan más encorvados de lo que el peso correspondiente de sus fardeles y de las provisiones de Nique pudieran plegarlos; los pliega la desilusión, la constatación de lo que son el mundo y los hombres.

Jesús, sin embargo, aunque no esté sonriente, no está triste ni deprimido. Va con la cabeza alta, delante de todos, sin arrogancia, pero también sin temor. Va como quien supiera bien a dónde debe ir y lo que debe hacer. Va como un hombre fuerte, como un héroe al que nada altera ni amilana.

El camino secundario termina en el principal. Jesús prosigue por este camino de primer orden manteniendo la dirección norte. Los apóstoles detrás, sin hablar. Siendo éste el camino que viene de Galilea, por la Decápolis y Samaria, hacia Judea, está transitado (más que nada, por caravanas de mercaderes).

La hora pasa y el Sol tonifica cada vez más cuando Jesús deja el camino de primer orden para tomar otra senda que, por campos de trigo, se dirige hacia las primeras colinas.

Los apóstoles se miran unos a otros. Quizás empiezan a entender que no van hacia Galilea por el camino del valle del Jordán, sino que van hacia Samaria. Pero todavía no hablan.

Jesús, llegado a los primeros bosques de las colinas, dice: «Vamos a pararnos y a descansar comiendo. El Sol señala la mitad del día».

Están en la orilla de un pequeño torrente que lleva poca agua porque hace tiempo que no llueve. Pero la que lleva se ve limpia sobre el lecho guijarroso; y en sus orillas hay piedras grandes, esparcidas acá o allá, que pueden hacer de mesa y de asientos. Jesús bendice y ofrece los alimentos. Se sientan. Comen en silencio y como absortos.

551.5

Jesús los saca del ensimismamiento diciendo: «¿No me preguntáis a dónde vamos? ¿La preocupación por el mañana os hace muda la lengua, o es que ya no os parezco vuestro Maestro?».

Los doce levantan la cabeza. Son doce caras afligidas, o, al menos, desconcertadas, que se vuelven hacia el rostro tranquilo de Jesús, y un unánime «¡oh!» sale de las doce bocas. Y a la exclamación de todos sigue la respuesta de Pedro, que habla en nombre de todos: «Maestro, sabes que para nosotros sigues siéndolo. Pero es que desde ayer estamos como uno que hubiera recibido un golpe fuerte en la cabeza. Y todo nos parece un sueño. Y Tú… Vemos y sabemos que eres Tú, pero nos pareces… ya como lejano. Nos ha quedado un poco esta sensación desde que hablaste con tu Padre antes de llamar a Lázaro, y desde que le sacaste de allí así, atado, sólo con el medio de tu voluntad, y le diste vida sólo con la fuerza de tu poder. Casi nos das miedo. Hablo por mí… pero creo que lo mismo les sucede a todos… Y además ahora… Nosotros… ¡Marcharnos así… tan rápida y misteriosamente!…».

«¿Tenéis doble miedo? ¿Sentís más amenazador el peligro? ¿No tenéis, sentís que no tenéis fuerza para afrontar y superar las últimas pruebas? Decidlo con la máxima libertad. Estamos todavía en Judea. Estamos cerca de los caminos bajos que llevan a Galilea. El que quiera puede marcharse, y marcharse a tiempo de no ganarse el odio del Sanedrín…».

Los apóstoles se intranquilizan ante estas palabras: algunos, que estaban casi echados sobre la hierba templada por el sol, se sientan; otros, que estaban sentados, se ponen en pie.

Jesús continúa: «Porque desde hoy soy el Perseguido legal; sabedlo. A esta hora está para ser leído, en las más de quinientas sinagogas de Jerusalén y en las de las ciudades que han podido recibir el decreto emitido ayer a la hora sexta, que soy el Gran Pecador y que quienquiera que sepa dónde estoy tiene el deber de denunciarme al Sanedrín para que éste me capture…».

Los apóstoles gritan como si ya le vieran preso. Juan se le echa al cuello gimiendo: «¡Ah, siempre lo he presagiado!», y solloza fuertemente. Unos imprecan contra el Sanedrín, otros invocan la justicia, otros lloran, otros permanecen como estatuas.

«Callad.

551.6

Escuchad. Yo nunca os he engañado. Siempre os he dicho la verdad. Si he podido, os he defendido y tutelado. Vuestra cercanía me ha resultado grata como la de los hijos. No os he ocultado ni siquiera mi última hora… mis peligros… mi pasión. Pero éstas eran cosas mías, exclusivamente mías. Ahora lo que hay que considerar son vuestros peligros, vuestra seguridad, la de vuestras familias. Os ruego que lo hagáis. Con libertad absoluta. No lo consideréis a través del amor que me tenéis, a través de la elección que Yo he hecho de vosotros. Imaginaos —puesto que Yo os dispenso de todo compromiso respecto a Dios y a su Cristo— que nos hemos encontrado aquí, ahora, por primera vez, y que vosotros, después de haberme escuchado, os sopesáis respecto a si conviene o no seguir al Desconocido cuyas palabras os han conmovido. Imaginaos que me oís y veis por primera vez y que os digo: “Tened en cuenta que soy perseguido y odiado, y que el que me ama y sigue es perseguido y odiado como Yo, en la persona, en los intereses, en los afectos. Tened en cuenta que la persecución puede terminar incluso en la muerte y en la confiscación de los bienes familiares”. Pensad, decidid. Y, aunque me digáis: “Maestro, yo no puedo seguir yendo contigo”, os amaré. ¿Os entristecéis? No, no debéis entristeceros. Somos buenos amigos. Amigos que deciden con paz y amor lo que se ha de hacer, con recíproca compasión. No puedo dejaros ir al encuentro del futuro sin haceros reflexionar. No os desdeño. Os amo a todos. Pero Yo soy el Maestro. Es evidente que el Maestro conoce a los discípulos. Yo soy el Pastor, y es evidente que el pastor conoce a sus corderos. Yo sé que mis corderos, introducidos en una prueba sin estar suficientemente preparados —no sólo en la sabiduría que viene del Maestro, y que, por tanto, es buena y perfecta, sino también en la reflexión que debe venir de ellos—, podrían fracasar o, al menos, no triunfar como atletas en un estadio. Sopesarse y sopesar es siempre una sabia medida. En las pequeñas cosas y en las grandes. Yo, Pastor, debo decir a mis corderos: “Ved que ahora me adentro en un país de lobos y matarifes. ¿Tenéis fuerza para caminar entre ellos?”. Podría también deciros quién no tendrá fuerza para resistir la prueba, a pesar de que os puedo tranquilizar y asegurar que ninguno de vosotros caerá a manos de los verdugos que sacrificarán al Cordero de Dios. Mi captura es de tal valor que les bastará… Pero, de todas formas, os digo: “Reflexionad”. Hace tiempo os decía: “No temáis a los que matan”. Os decía: “Aquel que ha puesto la mano en el arado y se vuelve a considerar el pasado y lo que puede perder o ganar no es idóneo para mi misión”. Pero eran normas para daros la medida de lo que significaba ser los discípulos; eran normas para el futuro que vendrá cuando Yo ya no sea el Maestro, sino que lo serán mis fieles; estaban dadas para daros un alma fuerte. Pero incluso esta fortaleza, que es innegable que habéis alcanzado respecto a la nada que erais —hablo de vuestro espíritu—, es todavía demasiado poca respecto a la magnitud de la prueba. No penséis en vuestro corazón: “¡El Maestro se escandaliza de nosotros!”. No me escandalizo. Es más, os digo que tampoco vosotros debéis, ni deberéis, escandalizaros de vuestra debilidad. En todos los tiempos que vendrán, entre los miembros de mi Iglesia, tanto corderos como pastores, habrá personas que estarán por debajo de la magnitud de su misión. Habrá épocas en que los pastores ídolos y los fieles ídolos sean más numerosos que los verdaderos pastores y fieles; épocas de eclipse del espíritu de fe en el mundo. Pero el eclipse no significa la muerte de un astro. Es únicamente un momentáneo oscurecimiento más o menos parcial del astro. Después, su belleza vuelve a aparecer y parece más luminosa. Lo mismo sucederá con mi Redil. Os digo: “Reflexionad”. Os lo digo como Maestro, Pastor y Amigo. Os dejo en plena libertad de examinar esto conjuntamente. Voy allí, a aquella espesura, a orar. Uno por uno iréis a decirme lo que habéis pensado. Y bendeciré vuestra honestidad sincera, sea cual fuere. Y os querré por todo lo que ya hasta ahora me habéis dado. Adiós». Se levanta y se va.

551.7

Los apóstoles están asustados, perplejos, impresionados. En ese momento no son capaces ni siquiera de hablar. El primero que habla es Pedro. Dice: «¡Que me trague el infierno si quiero dejarle! Estoy seguro de mí. ¡Ni aunque arremetieran contra mí todos los demonios que hay en la Gehena, con Leviatán a la cabeza, me separaría de Él por miedo!».

«Y yo tampoco. ¿Voy a ser yo menos que mis hijas?» dice Felipe.

«Estoy seguro de que no le van a hacer nada. El Sanedrín amenaza, pero lo hace para convencerse de que existe todavía. El Sanedrín es el primero en saber que nada sucede si Roma no quiere. ¡Sus condenas! ¡Es Roma la que condena!» dice Judas Iscariote ufano.

«Pero para cosas religiosas es todavía el Sanedrín» observa Andrés.

«¿Acaso tienes miedo, hermano? Mira que en la familia no ha habido nunca gente vil» advierte con tono amenazador Pedro, que siente en su corazón un espíritu muy belicoso.

«No tengo miedo y espero poder demostrarlo. Sólo le estoy diciendo a Judas lo que pienso».

«Tienes razón. Pero el error del Sanedrín es querer usar el arma política para no querer decir, y no querer oír que le digan, que ellos han alzado la mano contra el Cristo. Lo sé seguro. Quisieran, es decir, hubieran querido, hacer caer al Cristo en pecado para que la muchedumbre le despreciara. ¡Pero, matarle? ¡Ellos? ¡No! ¡Tienen miedo! Un miedo sin cotejo humano, porque es miedo de alma. ¡Bien saben ellos que Él es el Mesías! Lo saben. Lo saben tanto, que sienten que es el fin de ellos porque llega el tiempo nuevo. Y quieren destruirle. Pero, ¡¿destruirle ellos?! No. Por eso buscan la razón política, para que sea el Gobernador, para que sea Roma, quienes le destruyan. Pero el Cristo no causa perjuicios a Roma, y Roma no le hará ningún mal. Así que el Sanedrín alza en vano sus gritos».

«¿Entonces tú sigues con Él?».

«Por supuesto. ¡Más que nadie!».

«Yo no tengo nada que perder ni que ganar, sea que me quede, sea que me vaya. Sólo tengo el deber de amarle. Y lo haré» dice el Zelote.

«Yo le reconozco como el Mesías y, por tanto, le sigo» dice Natanael.

«Yo también. Creo que lo es desde que Juan el Bautista me le indicó diciendo que lo era» dice Santiago de Zebedeo.

«Nosotros somos sus hermanos. A la fe unimos el amor de la sangre. ¿No es verdad, Santiago?» dice Judas Tadeo.

«Jesús es mi Sol desde hace años. Sigo su curso. Si cae en el abismo excavado por los enemigos, yo le seguiré» responde Santiago de Alfeo.

«¿Y yo? ¿Puedo olvidarme de que me ha redimido?» pregunta Mateo.

«Mi padre me maldeciría siete y siete veces si le dejara. Además, aunque sólo sea por amor a María, no me separaré jamás de Jesús» dice Tomás.

551.8

Juan no habla. Está cabizbajo, abatido. Los otros toman su actitud como debilidad y, muchos de ellos, le preguntan. «¿Y tú? ¿Sólo tú te quieres marchar?».

Juan levanta la cara, una cara llena de pureza incluso en gestos y miradas, y, mirando fijamente con sus limpios ojos azules a los que le preguntan, dice: «Estaba orando por todos nosotros. Porque nosotros queremos hacer y decir, y presumimos de nosotros, y no nos damos cuenta de que, haciéndolo, ponemos en duda las palabras del Maestro. Si Él considera deficiente nuestra formación, señal es de que es así. Si en tres años no nos hemos formado, no nos vamos a formar en unos pocos meses…».

«¿Qué dices? ¿En unos pocos meses? ¿Y tú qué sabes? ¿Acaso eres profeta?». Le acometen casi censurándole.

«Nada soy yo».

«¿Y entonces? ¿Qué sabes? ¿Es que te lo ha dicho Él? Tú sabes siempre sus secretos…» dice, envidioso, Judas de Keriot.

«No me aborrezcas, amigo, porque sepa comprender que el tiempo sereno ha terminado. ¿Cuándo será? No lo sé. Sé que será. Él lo dice. ¡Cuántas veces lo ha dicho! No queremos creer. Pero el odio de los otros confirma sus palabras… Y entonces oro; porque no hay otra cosa que hacer; rogar a Dios que nos haga fuertes. ¿No recuerdas, Judas, cuando nos dijo que oró al Padre para tener fuerza en las tentaciones? Toda fuerza viene de Dios. Yo imito a mi Maestro, como debe hacerse…».

«Bueno, pero ¿te quedas?» pregunta Pedro.

«¿Y a dónde quieres que vaya si no me quedo con Él, que es mi vida y mi bien? Pero, dado que soy un pobre niño, el más mísero de todos, pido todo a Dios, Padre de Jesús y nuestro».

«Ya está dicho. Entonces todos nos quedamos.

551.9

Vamos donde Él. Está triste. Nuestra fidelidad le pondrá alegre» dice Pedro.

Jesús está postrado en oración. Rostro en tierra entre las hierbas, suplicando, ciertamente, a su Padre. Pero, con el rumor de los pasos, se alza y mira a sus doce; los mira con una seriedad un poco triste.

«Alégrate, Maestro. Ninguno de nosotros te abandona» dice Pedro.

«Habéis decidido demasiado pronto y…».

«Ni horas ni siglos modificarán nuestro pensamiento» dice Pedro.

«Ni las amenazas nuestro amor» profesa Judas Iscariote.

Jesús deja de mirarlos en grupo para fijar su mirada en cada uno de ellos. Es una mirada larga, aguantada sin miedo por todos. Su mirada se detiene especialmente en Judas Iscariote, que le mira más seguro que ningún otro. Abre los brazos con gesto de resignación y dice: «Vamos. Vosotros, todos, habéis signado vuestro destino».

Vuelve al sitio de antes, recoge su fardel, ordena: «Tomamos el camino que lleva a Efraím, el que nos han enseñado».

«¡¡¿A Samaria?!!». El estupor es enorme.

«A Samaria. Al menos a la zona limítrofe de ella. También Juan fue a esos lugares para vivir hasta la hora señalada para su predicación del Cristo».

«¡Pero no se salvó por ello!» objeta Santiago de Zebedeo.

«No busco salvarme. Busco salvar. Y salvaré en la hora señalada. El Pastor perseguido va hacia las ovejas más desdichadas, para que ellas, las abandonadas, tengan su parte de sabiduría que las prepare para el tiempo nuevo».

Va con paso veloz, después de este alto en el camino que ha servido para descansar y respetar el sábado, queriendo llegar antes de que la noche haga impracticables los senderos.

551.10

Cuando llegan al torrentillo que viene de Efraím y va hacia el Jordán, Jesús llama a Pedro y a Natanael y les da una bolsa diciéndoles: «Adelantaos. Buscad a María de Jacob. Recuerdo que Malaquías[1] me dijo que era la más pobre del lugar, a pesar de que tenga una casa grande, ahora que ya no tiene en ella hijos ni hijas. Estaremos en su casa. Dadle buen dinero, para que nos dé en seguida alojamiento sin hablar con mil. La casa sabéis cuál es. La grande que está a la sombra de los cuatro granados, casi en el puente del torrente».

«Lo sabemos, Maestro. Haremos como Tú dices». Se marchan diligentemente. Jesús los sigue, con los demás, lentamente.

Desde la cuenca que el torrente divide en dos semicuencas, se ve albear el pueblo con las últimas luces del día y los primeros candores lunares. No hay un alma por la calle cuando llegan a la casa ya toda blanca de luna. Sólo el torrente tiene voz en el silencio nocturnal. Volviéndose y mirando al horizonte, se ve un gran espacio de cielo estrellado curvado sobre una gran vastedad de terreno en declive hacia la llanura desierta que baja al Jordán. Una paz profunda reina en esa tierra.

Llaman a la puerta. Pedro abre: «Todo hecho, Señor. La anciana, al ver que le daban monedas, ha llorado. Ya no tenía una perra. Le he dicho: “No llores, mujer. Donde está Jesús de Nazaret el dolor deja de estar”. Me ha respondido: “Lo sé. He sufrido toda mi vida y ahora me sentía realmente en el límite del sufrimiento. Pero el Cielo se ha abierto para mí en el ocaso de mi vida y me trae la Estrella de Jacob para darme paz”. Ahora está allí preparando las habitaciones que llevan mucho tiempo cerradas. ¡Mmm! Hay muy poco. Pero la mujer parece muy buena. ¡Ahí está!

551.11

¡Mujer! ¡El Rabí está aquí!».

Se acerca una viejecita avellanada, de mansos ojos llenos de melancolía. Se para azarada a unos pasos de Jesús. Está acobardada.

«La paz a ti, mujer. No te voy a causar muchas molestias».

«Yo… quisiera… quisiera que caminaras sobre mi corazón para hacerte más dulce la entrada en mi pobre casa. Entra, Señor y entre Dios contigo». Con la luz de la mirada de Jesús, ha cobrado nuevo aliento y valor.

Entran todos. Cierran la puerta. La casa es tan grande como una posada y está tan vacía como un lugar abandonado. Sólo la cocina está alegre, debido al fuego que llamea en el centro de ella, en el hogar.

Bartolomé, que alimentaba el fuego, se vuelve y sonríe mientras dice: «Consuela a la mujer, Maestro. Está apenada porque no puede honrarte como quisiera».

«Me basta tu corazón, mujer. No te preocupes de nada. Mañana remediaremos las carencias. Yo también soy un pobre. Traed las provisiones. Entre los pobres se comparte el pan y la sal sin avergonzarse y con amor fraterno, que, para ti, mujer, es filial porque podrías ser mi madre y Yo te honro como hijo…».

La mujer derrama silenciosas lágrimas de anciana afligida y se enjuga los ojos con su velo; susurra: «Tenía tres hijos varones y siete niñas. A un hijo se me lo llevó el torrente y a otro la fiebre, el tercero me abandonó. Cinco de las niñas se cogieron el mal de su padre y murieron, la sexta murió de parto y la séptima… lo que no hizo la muerte lo hizo el pecado. En mi vejez no recibo honor de mis hijos, y ello me causa… En el pueblo son buenos… pero con la pobre mujer, mientras que Tú eres bueno con la madre…».

«Tengo una madre Yo también. En toda mujer que es madre honro a la mía. Pero no llores. Dios es bueno. Ten fe, y los hijos que te quedan podrán regresar a ti todavía. Los otros descansan en paz…».

«Yo lo veo como un castigo por ser de estos lugares…».

«Ten fe. Dios es más justo que los hombres…».

Vuelven los apóstoles que habían ido con Pedro a las habitaciones. Traen las provisiones. Calientan en el fuego el corderito que Nique había asado. Lo llevan a la mesa. Jesús ofrece y bendice, y quiere que la ancianita esté con ellos, no comiendo en su rinconcito la pobre achicoria de su cena…

El exilio en los confines de Judea ha comenzado…


Notes

  1. il nous a recommandé, en 80.10.
  2. Malachie est le nom du chef de la synagogue d’Ephraïm, comme nous le verrons en 552.5 et par la suite. Il peut s’agir du notable rencontré en 484.1/2, qui pourrait avoir parlé de Marie, femme de Jacob, pendant qu’il marchait avec Jésus, comme on le voit en 484.7.

Notas

  1. Malaquías es el jefe de la sinagoga de Efraím, como veremos en 552.5. Podría ser uno de los notables (el que habló por todos) presentes en 484.1/2, el cual podría haber hablado de María de Jacob a Jesús cuando se puse en camino con Él, como está escrito en 484.7.