Los Escritos de Maria Valtorta

561. Le séphorim Samuel,

561. En saforim Samuel, de sicario a discípulo.

561.1

Jésus est seul et encore dans la caverne. Un feu brille pour donner lumière et chaleur, et il se dégage une forte odeur de résine et de fagot dans l’antre, au milieu des crépitements et des étincelles. Jésus s’est retiré au fond, dans une crevasse où l’on a jeté des branches sèches, et il y reste en méditation. La flamme ondoie de temps à autre, baisse ou se ravive successivement au gré des bourrasques qui courent à travers les bois, pénètrent en hurlant à l’intérieur de la caverne et la font résonner comme un buccin. Ce n’est pas un vent continu. Il tombe, puis se relève comme les flots de la mer par temps de grande marée. Quand il souffle fort, la cendre et les feuilles sèches sont poussées vers l’étroit couloir rocheux par lequel Jésus est entré dans la plus grande grotte, et la flamme ploie jusqu’à lécher le sol de ce côté ; puis, une fois tombé le coup de vent, elle se redresse, frétille et recommence à flamber toute droite. Jésus ne s’en occupe pas. Il médite.

Peu à peu, au mugissement du vent s’unit le bruit de la pluie qui, d’abord rare, puis drue, frappe les feuillages des fourrés. Un véritable ouragan a vite fait de changer les sentiers en petits torrents grondants. Et c’est maintenant le battement de l’eau qui domine, car le vent tombe peu à peu. La lumière très relative d’un crépuscule orageux, et celle du feu qui, faute d’être alimenté, rougit mais ne flambe plus, éclaire à peine la caverne. L’obscurité est déjà complète dans les coins. Vêtu de sombre, Jésus n’est plus visible. Son visage est penché sur ses genoux qu’il tient relevés, et c’est à peine, quand il le relève, si on voit une blancheur se détacher sur la paroi obscure.

561.2

Un bruit de pas et des mots haletants comme d’une personne épuisée résonnent hors de la grotte, sur le sentier, puis une ombre obscure d’où l’eau dégoutte de tous côtés se profile dans le vide de l’entrée.

L’homme — car c’est un homme à la barbe touffue et noire — pousse un “ ah ! ” de soulagement et jette à terre son couvre-chef détrempé par l’eau, secoue son manteau et monologue :

« Hum ! Tu as beau le secouer, Samuel, il semble être tombé dans la cuve d’un foulon ! Et tes sandales ? De vraies barques ! Des barques au fond du fleuve ! Je suis trempé jusqu’aux os ! Regarde ici ces ruisseaux qui tombent des cheveux ! On dirait une gouttière rompue qui laisse passer l’eau par mille trous. Ça commence bien ! A-t-il peut-être Belzébuth pour le défendre ? Ouais ! La mise est belle… mais… »

Il se laisse tomber sur une pierre près du feu. Il n’y a plus de flammes, mais des tisons rouges qui forment des dessins étranges, dernière trace de vie du bois consumé. Il essaie de les raviver en soufflant dessus. Il enlève ses sandales et cherche à essuyer ses pieds boueux avec un pan du manteau moins trempé que le reste. Mais c’est avec de l’eau qu’il s’essuie. Le mal qu’il se donne ne sert qu’à enlever la boue de ses pieds pour la mettre sur le manteau.

Il continue à parler tout seul :

« Maudits soient-ils, lui, et tous les autres ! J’ai même perdu ma bourse, c’est sûr ! C’est déjà bien que je n’aie pas perdu la vie… “ C’est le chemin le plus sûr ”? m’ont-ils affirmé. Oui, mais ce ne sont pas eux qui l’ont pris ! Si je ne voyais pas cette flamme ! Qui a pu l’allumer ? Quelque malheureux comme moi. Où peut-il être maintenant ? Là, il y a un trou… Probablement une autre grotte… N’y aurait-il pas des voleurs ? Après tout… quel sot je fais ! Que pourraient-ils me prendre, puisque je n’ai pas le moindre sou ? Mais peu importe. Ce feu est plus qu’un trésor. Si je pouvais avoir quelques branches pour le raviver ! Je me déshabillerais, je sécherais mes vêtements ! Or je n’ai que ce vêtement jusqu’à mon retour !…

561.3

– Si tu veux des branches, mon ami, il y en a ici » dit Jésus sans quitter sa place.

L’homme, qui tournait le dos à Jésus, sursaute en entendant cette voix inattendue, et il bondit sur ses pieds en se retournant. Il paraît effrayé.

« Qui es-tu ? demande-t-il en écarquillant les yeux pour essayer d’y voir quelque chose.

– Un voyageur comme toi. C’est moi qui ai allumé le feu, et je suis content qu’il t’ait servi pour te diriger. »

Jésus s’avance avec une brassée de bois et la jette près du feu en ordonnant :

« Ranime la flamme avant que la cendre ne recouvre tout. Je n’ai pas d’amadou ni d’allume-feu, car celui qui me l’a prêté est parti après le coucher du soleil. »

Jésus parle amicalement, mais il ne s’avance pas pour que le feu l’éclaire. Au contraire, il retourne dans son coin en restant plus que jamais enveloppé dans son manteau.

561.4

L’homme, pendant ce temps, se penche pour souffler fort sur des feuilles qu’il a jetées sur le feu et reste ainsi occupé jusqu’à ce que la flamme jaillisse. Il rit en jetant des branches de plus en plus grosses qui ravivent le brasier. Jésus, retourné s’asseoir à sa place, l’observe.

« Je devrais maintenant me déshabiller pour faire sécher mes vêtements. Je préfère rester nu qu’ainsi trempé. Mais je n’y arrive pas. Il y a eu un glissement de terrain, et je me suis trouvé enseveli sous un éboulis de terre et d’eau. Ah ! me voilà frais ! Regarde ! J’ai déchiré mon vêtement. Maudit voyage! Si encore j’avais transgressé le sabbat ! Mais non, je me suis arrêté jusqu’au coucher du soleil. Après… Et maintenant comment vais-je faire ? Pour me sauver, j’ai laissé tomber ma bourse, et maintenant elle sera dans la vallée, ou accrochée à quelque buisson qui sait où…

– Voici mon vêtement. Il est sec et chaud. Mon manteau me suffit. Prends-le. Je suis en bonne santé, ne crains rien.

– Et bon. Tu es un bon ami. Comment te remercier ?

– En m’aimant comme un frère.

– En t’aimant comme un frère ! Tu ne sais même pas qui je suis ! Et si j’étais mauvais, voudrais-tu de mon amour ?

– Je le voudrais pour te rendre bon. »

L’homme, qui est jeune, à peu près de l’âge de Jésus, baisse la tête et réfléchit. Il a le vêtement de Jésus dans les mains, mais il ne le voit pas. Il pense, et machinalement il se le passe sur la peau nue, car il s’est déshabillé même de ses sous-vêtements.

561.5

Jésus, qui était revenu dans son coin, lui demande :

« Depuis quand n’as-tu pas mangé ?

– Depuis sexte. J’aurais dû dîner en arrivant dans le village, dans la vallée. Mais je me suis égaré et j’ai perdu ma bourse et mon argent.

– Voici. J’ai encore ici des restes de nourriture. Ils devaient me servir pour demain, mais prends-les. A moi, le jeûne ne me pèse pas.

– Mais… si tu dois marcher, tu auras besoin de forces…

– Oh ! je ne vais pas loin : à Ephraïm seulement…

– A Ephraïm ? Tu es Samaritain ?

– Cela t’indispose ? Je ne suis pas Samaritain.

– Effectivement… tu as l’accent de Galilée. Qui es-tu ? Pourquoi ne découvres-tu pas ton visage ? Tu dois te cacher parce que tu es coupable ? Je ne te dénoncerai pas.

– Je suis un voyageur, je te l’ai déjà dit. Mon nom ne te dirait rien, ou te dirait trop. Du reste, qu’est-ce que le nom, quand je t’offre un vêtement pour tes membres glacés, du pain pour ta faim, et surtout ma pitié pour ton cœur. As-tu besoin de connaître mon nom pour te sentir revigoré par les vêtements secs, la nourriture et l’affection ? Mais si tu veux m’en donner un, appelle-moi “ Pitié ”. Je n’ai rien de honteux qui m’oblige à me cacher. Mais ce n’est pas pour cette raison que tu ne me dénoncerais pas. Car tu as en ton cœur un dessein qui n’est pas bon, et une mauvaise pensée engendre de mauvaises actions. »

L’homme sursaute et s’approche de Jésus. Mais il ne voit de lui que les yeux, et même ceux-ci sont voilés par les paupières baissées.

« Mange, mange, mon ami. Il n’y a rien d’autre à faire. »

561.6

Tandis que Jésus reste pelotonné dans son coin, l’homme revient auprès du feu, et se restaure lentement, sans parler. Il est pensif. La chaleur du feu, le pain et la viande rôtie que Jésus lui a donnés, le mettent en train. Il se lève, s’étire, tend le cordon qui lui servait de ceinture, d’un éclat de roche à un piton rouillé fixé là qui sait par qui et depuis quand, et il étend dessus son vêtement, son manteau, son couvre-chef pour les faire sécher. Il secoue ses sandales et les présente à la flamme qu’il alimente généreusement.

Jésus semble sommeiller. L’homme s’assied à son tour et réfléchit, puis il se retourne pour dévisager l’inconnu. Il demande :

« Tu dors ? »

Jésus répond :

« Non. Je réfléchis et je prie.

– Pour qui ?

– Pour tous les malheureux, de toutes sortes. Il y en a tant !

– Tu es un pénitent ?

– Oui. La terre a grand besoin de pénitence pour donner aux faibles qui l’habitent la force de repousser Satan.

– Tu as raison. Tu parles comme un rabbi. Et je m’y connais? car je suis séphorim[1]. Je suis avec le rabbi Jonathas ben Uziel, son plus cher disciple. Et maintenant, si le Très-Haut m’assiste, je lui deviendrai encore plus cher. Mon nom sera exalté par tout Israël. »

Jésus ne répond rien.

561.7

Après un un certain temps, l’homme se lève et vient s’asseoir à côté de Jésus. Tout en lissant ses cheveux de la main — ils sont presque secs — et en remettant sa barbe en forme, il dit :

« Ecoute. Tu as indiqué que tu allais à Ephraïm. Mais y vas-tu par hasard ou y résides-tu ?

– J’habite à Ephraïm.

– Mais tu n’es pas samaritain, as-tu dit !

– Je le répète : je ne suis pas samaritain.

– Mais qui peut habiter là? si ce n’est… Ecoute : on assure que c’est à Ephraïm que s’est réfugié le Rabbi de Nazareth, le proscrit, le maudit. Est-ce vrai ?

– C’est vrai. Jésus, le Christ du Seigneur, s’y trouve.

– Ce n’est pas le Christ du Seigneur ! C’est un menteur ! C’est un blasphémateur ! Un démon ! C’est la cause de tous nos malheurs. Et personne ne se dresse pour l’abattre afin de venger tout un peuple ! s’écrie-t-il avec une violence fanatique.

– T’a-t-il donc fait du mal pour que tu en parles avec de tels accents de haine ?

– Pas à moi, non. C’est à peine si je l’ai aperçu une fois lors de la fête des Tentes, et dans un tel tumulte que j’aurais du mal à le reconnaître. Car, si je suis disciple du grand rabbi Jonathas ben Uziel, c’est depuis peu que je suis définitivement au Temple. Auparavant… cela m’était impossible pour plusieurs raisons, et c’est seulement quand le rabbi était chez lui que j’étais à ses pieds pour boire ses paroles de justice et son enseignement. Mais toi… tu m’as demandé si je le détestais, et j’ai senti un reproche caché dans tes paroles. Tu es peut-être un partisan du Nazaréen ?

– Non, je ne le suis pas. Mais quiconque est juste condamne la haine.

– La haine est sainte quand elle est dirigée contre un ennemi de Dieu et de la patrie. Le Rabbi nazaréen en est un, et il est saint de le combattre, de le haïr.

– Combattre l’homme, ou l’idée qu’il représente et la doctrine qu’il proclame ?

– Tout ! Tout ! On ne peut combattre une théorie si on épargne son auteur. C’est en l’homme que se trouvent sa doctrine et sa pensée. Il faut tout détruire, sans quoi cela ne sert à rien. Quand on embrasse une idée, on embrasse l’homme qui la représente et en même temps sa doctrine. Je le sais, car j’en fais l’expérience avec mon maître : ses idées sont les miennes, ses désirs une loi pour moi.

– En effet, un bon disciple agit ainsi. Il faut cependant savoir discerner si le maître est bon, et ne suivre qu’un bon maître. Car il n’est pas permis de perdre sa propre âme pour l’amour d’un homme.

– Jonathas ben Uziel est bon.

– Non, il ne l’est pas.

– Que dis-tu là ? C’est à moi que tu parles ? Alors que nous sommes seuls ici et que je pourrais te tuer pour venger mon maître ? Je suis fort, tu sais ?

– Je n’ai pas peur. Je ne crains pas la violence. Pourtant, même si tu me frappes, je ne réagirai pas.

561.8

– Ah ! j’ai compris ! Tu es un disciple du Rabbi, un “ apôtre ”. C’est ainsi qu’il appelle ses disciples les plus fidèles, et tu vas le rejoindre. Peut-être que celui qui était avec toi était l’un de tes semblables. Et tu attends quelqu’un comme toi.

– J’attends quelqu’un. Oui.

– Le Rabbi peut-être ?

– Il n’est pas nécessaire que je l’attende. Il n’a pas besoin de ma parole pour être guéri de son mal. Il n’a pas l’âme malade, pas plus que le corps. J’attends une pauvre âme empoisonnée, délirante, pour la guérir.

– Tu es un apôtre ! On sait qu’il les envoie évangéliser, car il a peur d’y aller lui-même depuis qu’il a été condamné par le Sanhédrin. C’est pour cela que tu connais sa doctrine ! Ne pas réagir contre celui qui offense, c’est l’un de ses enseignements.

– C’est l’un de ses enseignements, car lui, il enseigne l’amour, le pardon, la justice, la douceur. Il aime ses ennemis comme ses amis, parce qu’il voit tout en Dieu.

– Oh ! s’il me rencontrait, ou plutôt si, comme je l’espère, je le rencontre, je ne crois pas qu’il m’aimera. Ce serait un sot ! Mais je ne puis parler avec toi, son apôtre. Et je regrette d’avoir tenu ces propos, il y a un instant. Tu vas les lui rapporter.

– Cela n’est pas nécessaire. Mais en vérité, je t’assure qu’il t’aimera, et même qu’il t’aime déjà, bien que tu te rendes à Ephraïm pour l’entraîner dans un piège et le livrer au Sanhédrin, qui a promis une grande récompense à celui qui le fera.

– Tu es… prophète ou bien tu as l’esprit de python[2] ? Il t’a communiqué sa puissance ? Tu es donc un maudit, toi aussi ? Et moi, j’ai accepté ton pain, ton vêtement, tu as été pour moi un ami ! Il est écrit[3] : “ Tu ne lèveras pas la main contre celui qui t’a fait du bien. ” Or c’est ce que tu as fait ! Pourquoi, si tu savais que moi… Peut-être pour m’empêcher d’agir ? Mais si je t’épargne toi, parce que tu m’as donné le pain et le sel, le feu et le vêtement, et que je manquerais à la justice en te faisant tort, je n’épargnerai pas ton Rabbi, car lui, je ne le connais pas, et il ne m’a pas fait du bien, mais du mal.

– Ah ! malheureux ! Tu ne te rends pas compte que tu délires ? Comment quelqu’un que tu ne connais pas peut-il t’avoir fait du mal ? Comment peux-tu respecter le sabbat, si tu ne respectes pas le précepte de ne pas tuer ?…

– Je ne tue pas.

– Physiquement, non. Mais il n’y a pas de différence entre celui qui tue et celui qui remet la victime aux mains du tueur. Tu respectes la parole d’un homme qui dit de ne pas nuire à celui qui t’a fait du bien, et ensuite tu ne respectes pas celle de Dieu ! Et, au moyen d’un piège et pour une poignée d’argent, pour un peu d’honneurs — honneurs pourris d’avoir su livrer un innocent —, tu te prépares à commettre un crime !

– Je n’agis pas seulement pour l’argent et pour les honneurs, mais pour faire un acte agréable à Yahvé et salutaire pour notre patrie.

561.9

Je répète le geste de Yaël[4] et de Judith. »

Il est plus fanatique que jamais.

« Sisera et Holopherne étaient des ennemis de notre patrie. Ils étaient des envahisseurs, ils étaient cruels. Mais qu’est le Rabbi de Nazareth ? Qu’est-ce qu’il envahit ? Qu’est-ce qu’il usurpe ? Il est pauvre et ne veut pas de richesses. Il est humble, et ne veut pas d’honneurs. Il se montre bon avec tous. Des milliers de personnes ont reçu ses bienfaits. Pourquoi le haïssez-vous ? Et toi, pourquoi le hais-tu ? Il ne t’est pas permis de nuire à ton prochain. Tu sers le Sanhédrin, mais qui te jugera dans l’autre vie : le Sanhédrin ou Dieu ? Et comment te jugera-t-il ? Je ne dis pas : comment te jugera-t-il parce que tu auras tué le Christ ; mais : comment te jugera-t-il parce que tu auras tué un innocent. Tu ne crois pas que le Rabbi de Nazareth soit le Christ, c’est pourquoi ce crime ne te sera pas imputé. Dieu est juste, et il ne compte pas comme faute un acte accompli sans une complète connaissance. Il ne te jugera donc pas pour avoir tué le Christ puisque, à tes yeux, Jésus de Nazareth ne l’est pas. Mais il t’accusera d’avoir assassiné un innocent, car tu sais qu’il est innocent. Ils t’ont empoisonné, enivré par leurs paroles de haine, mais tu ne l’es pas au point de ne pas comprendre qu’il est innocent. Ses œuvres parlent en sa faveur. Votre peur — moins celle des disciples que celle des maîtres — redoute et voit des choses qui n’existent pas. La peur de ceux qui craignent d’être supplantés par lui. Ne craignez pas. Jésus vous ouvre les bras pour vous appeler : “ Frères ” ! Il n’envoie pas contre vous des troupes. Il ne vous maudit pas. Il voudrait seulement vous sauver, vous les grands et les disciples des grands, comme il veut sauver le dernier homme d’Israël ; vous, plus que le plus petit d’Israël, plus que l’enfant qui ignore encore ce que sont la haine et l’amour : vous en avez besoin plus que les ignorants et les enfants, parce que vous savez quelle est la réalité, et vous péchez en connaissance de cause. Si tu dépouilles ta conscience d’homme des idées qu’on y a déposées, si tu la purifies des poisons qui la font délirer, peut-elle avancer que le Christ est coupable ? Reconnais-le ! Sois sincère : l’as-tu vu un jour manquer à la Loi, ou conseiller d’y manquer ? L’as-tu vu être bagarreur, avide, luxurieux, calomniateur, dur de cœur ? Parle ! L’as-tu vu irrespectueux envers le Sanhédrin ? Il vit comme un proscrit, pour obéir au verdict du Sanhédrin. Il pourrait lancer un appel, et toute la Palestine le suivrait pour marcher contre le petit nombre de ceux qui le haïssent. Mais lui, au contraire, conseille à ses disciples la paix et le pardon. Puisqu’il est capable de rendre la vie aux morts, la vue aux aveugles, le mouvement aux paralytiques, l’ouïe aux sourds, la délivrance aux possédés — car ni le Ciel ni l’Enfer ne sont insensibles à ses volontés —, il pourrait vous foudroyer de ses foudres divines et se débarrasser ainsi de ses ennemis. Au lieu de cela, il prie pour vous et guérit vos familles, vous guérit le cœur, vous donne le pain, le vêtement, le feu.

561.10

Car c’est moi : je suis Jésus de Nazareth, le Christ, celui que tu cherches pour obtenir la somme promise à celui qui le livrera au Sanhédrin et les honneurs du libérateur d’Israël. Je suis Jésus de Nazareth, le Christ. Me voici. Prends-moi donc. Comme Maître et comme Fils de Dieu, je te libère de l’obligation et du péché de lever ou d’avoir levé la main sur celui qui t’a fait du bien. »

Jésus s’est levé en dégageant la tête de son manteau, et il tend les mains comme pour qu’on se saisisse de lui et qu’on le lie. Mais, grand comme il est — et il paraît encore plus élancé avec son seul sous-vêtement court et presque étriqué, avec son manteau foncé qui pend de ses épaules, le torse bien droit, les yeux fixés sur le visage de son persécuteur, dans le reflet mobile des flammes qui allument des points lumineux sur ses cheveux flottants et font briller ses larges pupilles dans le cercle bleu saphir des iris — si majestueux, franc, sans peur, il impose plus de respect que s’il était entouré d’une armée chargée de le défendre.

L’homme est comme fasciné… paralysé par l’étonnement. C’est seulement après un moment qu’il arrive à murmurer : “ Toi ! Toi ! Toi ! ” Il semble ne pas savoir dire autre chose.

Jésus insiste :

« Prends-moi donc ! Enlève ce cordon inutile, tendu pour soutenir un vêtement sale et déchiré, et lie mes mains. Je te suivrai comme un agneau suit le boucher, et je ne te haïrai pas si tu me conduis à la mort. Je te l’ai dit[5]. C’est la fin qui justifie l’acte et en change la nature. A tes yeux, je fais la ruine d’Israël et tu crois sauver ta patrie en me tuant. Pour toi, je suis coupable de tous les crimes, par conséquent tu sers la justice en supprimant un malfaiteur. Tu n’es donc pas plus coupable que le bourreau qui exécute un ordre qu’il a reçu. Veux-tu m’immoler ici, sur place ? A mes pieds, se trouve le couteau avec lequel j’ai découpé la nourriture. Prends-le. La lame, qui a servi à l’amour pour mon prochain, peut se changer en couteau de sacrificateur. Ma chair n’est pas plus dure que la viande d’agneau rôti que mon ami m’avait laissée pour ma faim et que je t’ai donnée pour te nourrir, toi, mon ennemi. Mais tu crains les patrouilles romaines. Elles arrêtent ceux qui tuent un innocent et elles ne nous laissent pas rendre la justice, car nous sommes les sujets et eux les maîtres. Aussi n’oses-tu pas me tuer, puis repartir vers ceux qui t’envoient portant sur les épaules l’Agneau égorgé comme une marchandise qui sert à gagner de l’argent. Eh bien, laisse ici mon cadavre, et cours avertir tes maîtres — car tu n’es pas un disciple, mais un esclave, tant tu as renoncé à cette souveraine liberté de pensée et de volonté que Dieu lui-même laisse aux hommes. Et tu sers servilement tes maîtres, jusqu’à commettre un crime. Mais tu n’es pas coupable. Tu es “ empoisonné ”. Tu es l’âme empoisonnée que j’attendais. Allons donc ! La nuit et l’endroit favorisent le crime. Je m’exprime mal : la rédemption d’Israël !

561.11

Mon pauvre enfant ! Tu prononces sans le savoir des paroles prophétiques ! Ma mort sera vraiment rédemption, et non seulement d’Israël, mais de toute l’humanité. Je suis venu pour être immolé. Je brûle de l’être pour être le Sauveur, et le Sauveur de tous. Toi qui es séphorim du docte Jonathas ben Uziel, tu connais certainement Isaïe. Voici : l’Homme des douleurs se tient devant toi. Et si je ne semble pas l’être, si je ne semble pas être celui que même David[6] a vu, avec les os à nu et disloqués, si je ne suis pas comme le lépreux annoncé par Isaïe, c’est parce que vous ne voyez pas mon cœur. Je ne suis qu’une plaie. Le manque d’amour, la haine, la dureté, votre injustice m’ont blessé et meurtri de toutes parts. Est-ce que je ne dissimulais pas mon visage lorsque tu me méprisais à cause de ce que je suis réellement : le Verbe de Dieu, le Christ ? Mais je suis habitué à la souffrance ! Et ne me jugez-vous pas comme un homme frappé par Dieu ? Est-ce que je ne me sacrifie pas parce que je le veux, pour vous guérir ?

561.12

Allons ! Frappe ! Regarde : je ne suis pas effrayé, et tu ne dois pas avoir peur non plus. Pour ma part, c’est que je suis l’Innocent et que je ne crains pas le jugement de Dieu ; moi, parce qu’en présentant mon cou à ton couteau, je fais en sorte que s’accomplisse la volonté de Dieu, en anticipant[7] de quelque temps mon heure pour votre bien. Même quand je suis né, j’en ai anticipé l’heure par amour pour vous, pour vous donner la paix avant le temps. Mais vous, de cette angoisse d’amour que j’éprouve, vous inventez une arme de négation… Ne crains rien ! Je n’appelle pas sur toi le châtiment de Caïn, ni les foudres de Dieu. Je prie pour toi. Je t’aime. Rien de plus. Je suis trop grand pour ta main d’homme ? C’est vrai ! En effet, l’homme ne pourrait frapper Dieu si Dieu ne se plaçait pas volontairement entre les mains de l’homme. Eh bien, je m’agenouille devant toi. Le Fils de l’homme est devant toi, à tes pieds. Frappe donc ! »

Jésus se met à genoux, et présente le couteau, qu’il tient par la lame, à son persécuteur qui recule en murmurant :

« Non ! Non !

– Allons ! Un moment de courage… et tu seras plus célèbre que Yaël et Judith ! Regarde, je prie pour toi. Isaïe le dit[8] : “ … et il pria pour les pécheurs. ” Tu ne viens toujours pas ? Pourquoi t’éloi­gnes-tu ? Ah ! peut-être crains-tu de ne pas voir comment meurt un Dieu. Voilà, je viens ici, près du feu. Le feu ne fait jamais défaut lors des sacrifices, il en fait partie. Voilà. Maintenant, tu me vois bien. »

Il s’est agenouillé à côté du foyer.

« Mais ne me regarde pas ainsi ! Ne me regarde pas ! Où dois-je donc fuir pour ne pas voir ton regard ? dit l’homme.

– Qui ? Qui veux-tu ne pas voir ?

– Toi… et mon crime. Vraiment, mon péché est devant moi !

561.13

Où fuir ? »

L’homme est terrorisé…

« Sur mon cœur, mon fils ! Ici, dans mes bras cessent les cauchemars et les peurs. Ici, c’est la paix. Viens ! Viens ! Rends-moi heureux ! »

Jésus s’est levé et tend les bras. Le feu est entre eux deux. Jésus rayonne dans le reflet des flammes.

L’homme tombe à genoux en se couvrant le visage et en criant :

« Aie pitié de moi, Dieu ! Aie pitié de moi ! Efface mon péché ! Je voulais frapper ton Christ ! Pitié ! Ah ! il ne peut y avoir de pitié pour un tel crime ! Me voilà damné ! »

Hocquetant, en larmes face contre terre, il gémit : “ Pitié ” et lance des imprécations : “ Maudits ! ”…

Jésus contourne la flamme et s’avance vers lui ; il se penche, lui touche la tête et lui dit :

« Ne maudis pas ceux qui t’ont dévoyé. Ils t’ont obtenu le plus grand bienfait : celui que je te parle, et que je te tienne ainsi dans mes bras. »

Le prenant par les épaules,il le relève et, s’asseyant par terre, il l’attire sur son cœur. L’homme s’abandonne sur ses genoux avec des sanglots moins violents, mais si purificateurs ! Jésus caresse sa tête brune et le laisse se calmer.

L’homme lève enfin la tête et, le visage tout changé, il gémit :

« Ton pardon ! »

Jésus s’incline et dépose un baiser sur son front.

561.14

L’homme jette ses bras autour de son cou et, la tête penchée sur l’épaule de Jésus, il pleure et raconte, il voudrait raconter comment on l’avait manipulé pour le pousser au crime. Mais Jésus le lui défend :

« Tais-toi ! Tais-toi ! Je n’en ignore rien. Quand tu es entré, je t’ai reconnu, à la fois pour ce que tu étais et pour ce que tu voulais faire. J’aurais pu m’éloigner et m’enfuir. Je suis resté pour te secourir. Tu es sauvé. Le passé est mort. Ne le rappelle pas.

– Mais… tu me fais ainsi confiance ? Et si je péchais de nouveau ?

– Non. Tu ne pécheras pas de nouveau. Je le sais. Tu es guéri.

– Oui, je le suis. Mais eux sont si rusés ! Ne me renvoie pas chez eux.

– Et où veux-tu aller, où ils ne soient pas ?

– Avec toi, à Ephraïm. Si tu vois mon cœur, tu te rendras compte que ce n’est pas un piège que je te tends, mais seulement une prière pour que tu me protèges.

– Je le sais. Viens, mais je t’avertis que là se trouve Judas, vendu au Sanhédrin et traître du Christ.

– Divine miséricorde ! Cela aussi, tu le sais ? ! »

Sa stupeur est à son comble.

« Je sais tout. Il croit que j’en ignore tout, mais c’est l’inverse. Et je sais aussi que tu es si bien converti que tu ne parleras pas à Judas, ni à aucun autre de cela. Cependant, pense à ceci : si Judas est capable de trahir son Maître, que ne saura-t-il pas faire pour te nuire ? »

L’homme réfléchit longuement, puis il dit :

« Peu importe ! Si tu ne me chasses pas, je reste avec toi, au moins pour quelque temps. Jusqu’à la Pâque, jusqu’à ce que tu te joignes à tes disciples. Je m’unirai à eux. Ah ! s’il est vrai que tu m’as pardonné, ne me chasse pas !

– Je ne te chasse pas.

561.15

Maintenant, allons là-bas, sur ces feuilles, pour attendre le matin, puis, à l’aube, nous partirons pour Ephraïm. Nous dirons que le hasard nous a réunis et que tu es venu parmi nous. C’est la vérité.

– Oui, c’est la vérité. A l’aube, mes vêtements seront secs et je te rendrai les tiens…

– Non. Laisse ici ces vêtements : c’est le symbole de l’homme qui se dépouille de son passé et revêt une nouvelle tenue. La mère de Samuel l’ancien a chanté[9] dans sa joie : “ Le Seigneur fait mourir et fait vivre, il conduit au séjour des morts et en fait revenir. ” Tu es mort, et te voilà revenu à la vie. Tu viens du séjour des morts vers la vraie Vie. Abandonne les vêtements qui ont subi le contact du tombeau rempli de pourriture. Et vis ! Vis pour ta vraie gloire : servir Dieu avec justice, le posséder pour l’éternité. »

Une fois qu’ils se sont installés dans le creux où se sont accumulées les feuilles, le silence s’installe vite, car l’homme, épuisé, s’est endormi, la tête appuyée contre l’épaule de Jésus, qui prie encore…

561.16

… Et c’est par une belle matinée de printemps qu’ils arrivent, par le sentier du torrent — qui va redevenir limpide après l’averse et dont le courant plus fourni chante plus fort et brille au soleil entre ses rives, que la pluie rend toujours luisantes — devant la maison de Marie, femme de Jacob.

Sur le seuil, Pierre pousse un cri et court à leur rencontre. Il se précipite pour étreindre Jésus, qui est tout enveloppé dans son manteau, et il dit :

« Oh ! mon Maître béni ! Quel triste sabbat tu m’as fait passer ! Je ne me décidais pas à partir sans t’avoir vu. J’aurais été tout perdu cette semaine, si j’étais parti avec l’incertitude au cœur et sans ton adieu ! »

Jésus l’embrasse, sans se défaire de son manteau. Pierre est tellement occupé à contempler son Maître qu’il ne remarque même pas la présence de l’étranger qui l’accompagne.

Entre-temps, les autres sont accourus, et Judas s’écrie :

« Samuel, toi ici ?

– Oui. Le Royaume de Dieu est ouvert à tous, en Israël. J’y suis entré. »

Judas a une sorte de petit rire étrange, mais il ne répond rien.

L’attention de tous se porte sur le nouveau venu, et Pierre demande :

« Qui c’est ?

– Un nouveau disciple. Le hasard nous a fait nous rencontrer. Ou plus exactement, c’est Dieu qui a suscité cette rencontre, et j’ai accueilli cet homme comme étant envoyé à moi par le Père. C’est bien ce que je vous dis de faire, vous aussi. Vous étiez sur le point de partir mais, puisque l’entrée d’une personne dans le Royaume des Cieux est l’occasion d’une grande fête, déposez vos sacs et vos manteaux et restons unis jusqu’à demain.

561.17

Et maintenant, Simon, laisse-moi aller, car j’ai donné mes vêtements à cet homme, or l’air frais du matin est mordant, si je reste dehors.

– Ah, j’en avais bien l’impression ! Mais tu vas te rendre malade, Maître, en agissant ainsi !

– Moi, je ne voulais pas, c’est lui qui a insisté, dit Samuel pour s’excuser.

– Oui, il avait été emportée par une crue, et c’est par sa seule volonté qu’il a été sauvé. Afin que rien ne subsiste en lui de ce moment pénible, et pour qu’il vienne à nous libre de toute saleté, je lui ai demandé d’abandonner ses habits déchirés et souillés, et je l’ai revêtu des miens » explique Jésus.

Tout en parlant, il regarde Judas, qui de nouveau rit bizar­rement, comme au début et comme lorsque Jésus a annoncé que l’entrée d’une personne dans le Royaume des Cieux est l’occasion d’une grande fête. Puis il se hâte d’entrer dans la maison pour aller s’habiller.

Les autres s’approchent du nouveau-venu et lui donnent le baiser de paix.

561.1

Jesús está solo, todavía en la caverna. Una lumbre resplandece dando luz y calor, un fuerte olor de resinas y ramajes se esparce, entre chasquidos y chisporroteos, por el antro. Jesús se ha retirado al fondo, a una concavidad en cuyo suelo hay ramajes secos; allí está meditabundo. La llama, de vez en cuando, ondea y merma y aumenta, alternativamente, debido a rachas de viento que enfilan la espesura de las plantas para introducirse silbando en la caverna, que resuena como una bocina. No es un viento continuo: cesa, luego se levanta de nuevo, como las olas de un mar en momentos de ola larga. Cuando silba fuerte, impulsa las cenizas y hojas secas hacia el estrecho pasillo rocoso por el que Jesús ha ido a la gruta más grande, y la llama se pliega hasta lamer el suelo en aquella dirección; luego, cuando cesa la racha de viento, la llama se eleva de nuevo, todavía ondulante, para resplandecer otra vez enhiesta. Jesús no hace caso. Medita.

Luego, al sonido del viento se une el de la lluvia, que golpea, primero rala, luego más densa, contra el follaje de las plantas. Un verdadero turbión transforma pronto los senderos de las laderas en ruidosos torrentes. Y ahora es la voz del agua la que predomina porque el viento lentamente calla. La luz, muy relativa, del crepúsculo borrascoso, y la del fuego, que, terminada la frasca, rojea, pero sin llama, apenas dan claridad a la caverna, cuyos rincones ya están totalmente en sombra. A Jesús, que está vestido de obscuro, ya no se le distingue; a duras penas, si levanta la cara —la tiene agachada, sobre las rodillas dobladas—, se ve un blancor que contrasta con la pared obscura.

561.2

Fuera de la gruta, en el sendero, ruido de pasos y palabras entrecortadas por jadeo, propias de uno cansado y agitado. Luego una sombra oscura que chorrea agua por todas partes se proyecta en el vacío de la entrada.

El hombre, porque es un hombre, y de barba tupida y negra, emite un «¡oh!» de alivio y arroja al suelo la prenda —empapada de agua— que cubre su cabeza, sacude el manto y monologa: «¡Mmm! ¡Bien vas a tener que sacudirlo, Samuel! ¡Parece que se hubiera caído en la hoya de un batanero! ¿Y las sandalias? ¡Barcas! ¡Barcas en el fondo del río! ¡Estoy mojado hasta los huesos! ¡Fíjate qué regueros de los pelos! Parezco un canalón roto que suelte agua por mil agujeros. ¡Pues bien empezamos! ¿Será que Belcebú está de su parte y le defiende? ¡Mmm! ¡La recompensa es alta… pero…!».

Se sienta dejándose caer sobre una piedra cercana al fuego, cuyos tizones, terminada ya la llama, rojean formando esos dibujos extraños que constituyen la última vida de la leña quemada, y trata de reavivarlo soplando. Se quita las sandalias y trata de secarse los pies fangosos con algunas partes del manto que están menos mojadas que el resto. Pero se seca con agua. Su esfuerzo sirve sólo para quitar el barro de los pies y pasarlo al manto.

Sigue monologando: «¡Malditos sean ellos, él y todos! Y he perdido incluso la bolsa. ¡Claro! Mucho es ya que no haya perdido la vida… “Es el camino más seguro” dijeron. ¡Ya! ¡Pero ellos no lo recorren! ¡Si no hubiera visto esta llama! ¿Quién la habrá encendido? Algún desgraciado como yo. Pero ¿dónde estará ahora? Allí hay un agujero… Quizás otra gruta… ¿No serán bandoleros! ¡Pero… qué tonto! ¿Qué me van a robar, si no tengo ni una perra? Bueno, no importa. Este fuego es más que un tesoro. ¡Si tuviera algo de ramulla para reavivarlo! Me quitaría y me secaría la ropa. ¡Digo yo, ¿no?! ¡No tengo otra cosa hasta el regre­so!…».

561.3

«Si quieres ramulla, amigo, aquí hay» dice Jesús sin moverse de su sitio.

El hombre, que estaba vuelto de espaldas respecto a Jesús, se sobresalta por esa voz imprevista; se pone inmediatamente en pie y se vuelve. Parece muy asustado. «¿Quién eres?» pregunta abriendo desmesuradamente los ojos para tratar de ver.

«Un viandante como tú. He sido Yo el que ha encendido el fuego, y me alegro de que te haya servido de guía». Jesús se acerca con un haz de leña en los brazos y lo deja caer al lado del fuego. Dice: «Reaviva la llama antes de que la ceniza cubra todo. No tengo ni yesca ni eslabón, porque el que me los prestó se ha marchado después de la puesta del Sol». Jesús habla en tono amistoso, pero no se acerca hasta el punto de que el fuego le ilumine. Al contrario, vuelve a su rincón y permanece allí, más envuelto que antes, en su manto.

561.4

El hombre, mientras, se agacha para soplar en las hojas que ha arrojado al fuego, y está ocupado en eso hasta que la llama resurge. Ríe mientras sigue echando ramas cada vez más gruesas que reaniman la llama. Jesús se ha vuelto a sentar en su sitio y le observa.

«Ahora tendría que desnudarme para secar la túnica. Prefiero estar desnudo antes que mojado como estoy. Pero ni puedo quitármela. Se ha venido abajo un trozo de ladera y me he visto debajo de una cascada de tierra y agua. ¡Ah, ahora estoy bien! ¡Fíjate! He roto la túnica. ¡Maldito viaje! ¡Si, al menos, hubiera transgredido el sábado! Pero no. Hasta la puesta del Sol he estado parado. Después… ¿Y ahora cómo me apaño? Para salvarme he soltado la bolsa, que se habrá caído hacia el valle o se habrá quedado enratada en algún matorral, ¡a saber dónde!…».

«Aquí tienes mi túnica. Está seca y caliente. A mí me basta con el manto. Tómala. Estoy sano. No temas».

«Y también eres bueno. Un buen amigo. ¿Cómo agradecértelo?».

«Queriéndome como a un hermano».

«¡Queriéndote como a un hermano? Pero si no me conoces. ¿Querrías mi estima aunque fuera un malvado?».

«La querría para hacerte bueno».

El hombre, que es joven, más o menos de la edad de Jesús, agacha la cabeza y reflexiona. Tiene la túnica de Jesús en sus manos, pero no la ve. Piensa. Y, instintivamente, se la pone sobre la piel desnuda (y es que se ha quitado todo, incluso la túnica de debajo).

561.5

Jesús, que había vuelto a su rincón, pregunta: «¿Cuándo has comido?».

«A la hora sexta. Hubiera debido comer al llegar al pueblo, abajo en el valle. Pero he perdido el camino, la bolsa y el dinero».

«Mira. Tengo aquí todavía algo de comida. Debía servirme para mañana. Pero tómalo. A mí no me pesa el ayuno».

«Pero… si tienes que andar, necesitarás fuerzas…».

«No voy lejos. Sólo a Efraím…».

«¡¿A Efraím?! ¿Eres samaritano?».

«¿Sientes repulsa? No soy samaritano».

«Efectivamente… tu acento es galileo. ¿Quién eres? ¿Por qué no muestras tu cara? ¿Necesitas ocultarte por algún delito? No te voy a denunciar».

«Soy un viandante, lo he dicho antes. Mi Nombre no te diría nada, o te diría demasiado. Y, además, ¿qué es el nombre? Si te ofrezco una túnica para tu cuerpo aterido, un pan para tu hambre y, sobre todo, mi piedad para tu corazón, acaso necesitas saber mi Nombre para sentir el alivio de la ropa seca, la comida y el afecto? Pero, si quieres darme un nombre, llámame “Piedad”. No tengo nada vergonzoso que me obligue a ocultarme. Pero no por ello no me denunciarías, porque tu corazón tiene dentro un pensamiento no bueno y los malos pensamientos dan frutos de malas acciones».

El hombre se sobresalta y va donde Jesús, pero de Jesús se ven solamente los ojos, y, además, velados por los párpados semicerrados.

«Come, come, amigo. No hay otra cosa que hacer».

561.6

El hombre se acerca de nuevo al fuego y come lentamente, sin decir nada. Está pensativo. Jesús está todo aovillado en su rincón. El hombre va reponiéndose. El calor de la hoguera, el pan y la carne asada que Jesús le ha dado le ponen contento. Se levanta, se estira, extiende desde una punta de roca hasta una gruesa escarpia oxidada —a saber quién, y cuándo, la clavó allí— el cordón que llevaba como cinto y tiende encima, para que se sequen, túnica, manto y gorro; sacude las sandalias, las acerca a la llama a la que alimenta generosamente.

Jesús parece estar adormilado. El hombre también se sienta, y piensa. Luego se vuelve y mira al Desconocido. Pregunta: «¿Duermes?».

Jesús responde: «No. Pienso y oro».

«¿Por quién?».

«Por todos los necesitados, de todas las clases. ¡Y son muchos!».

«¿Eres un penitente?».

«Soy un penitente. La Tierra tiene mucha necesidad de penitencia, para que los débiles en ella reciban la fuerza para rechazar a Satanás».

«Es como has dicho. Hablas como un rabí. Sé distinguir porque soy saforim[1]. Estoy con el rabí Jonatán ben Uziel. Soy su discípulo preferido. Y ahora, si el Altísimo me asiste, me apreciará todavía más. Todo Israel alabará mi nombre».

Jesús no replica.

561.7

El otro, pasado un rato, se alza y va a sentarse al lado de Jesús. Dice, mientras se alisa con la mano el pelo, que casi lo tiene ya seco, y ordenándose la barba: «Oye, has dicho que vas a Efraím. Pero ¿vas por azar o es que estás allí?».

«Vivo en Efraím».

«¡Pero has dicho que no eres samaritano!».

«Lo repito: no soy samaritano».

«¿Y quién puede vivir allí si no…? Oye, se dice que en Efraím se ha refugiado el Rabí de Nazaret, el proscrito, el maldito. ¿Es ver­­dad?».

«Es verdad. Jesús, el Cristo del Señor, está allí».

«¡No es el Cristo del Señor! ¡Es un embustero! ¡Un blasfemo! ¡Un demonio! Es la causa de todos nuestros males. ¡Y no surge un vengador de todo el pueblo que le derribe!» exclama, fanático de odio.

«¿Acaso te ha hecho algún mal, que hablas de Él con tanto odio en la voz?».

«A mí no. Sólo le vi una vez, en los Tabernáculos, y en medio de un gentío tal, que me costaría reconocerle. Porque aunque sea discípulo del gran rabí Jonatán ben Uziel, hace poco que estoy definitivamente en el Templo. Antes… no podía por muchas razones, y sólo cuando el rabí estaba en su casa estaba a sus pies bebiendo justicia y doctrina. Pero tú… me has preguntado si le odio, y he sentido una celada reprensión en tus palabras. ¿Es que eres un seguidor del Nazareno?».

«No lo soy. Pero cualquiera que sea justo condenará el odio».

«El odio es santo cuando va contra un enemigo de Dios y de la Patria. El Rabí nazareno es eso. Destruirle y odiarle es santo».

«¿Destruir al hombre o a la idea que representa y la doctrina que proclama?».

«¡Todo! ¡Todo! No se puede destruir una de esas cosas si se pasa por altro otra. En el hombre está su doctrina y su idea. O se abate todo o no sirve para nada. Cuando se abraza una idea se abraza conjuntamente al hombre que la representa y a su doctrina. Esto lo sé porque lo experimento respecto a mi maestro. Sus ideas son las mías; sus deseos, leyes para mí».

«Efectivamente, un buen discípulo actúa así. Pero hay que saber distinguir si es bueno el maestro, y seguir sólo a un maestro bueno. Porque no es lícito perder la propia alma por amor hacia un hombre».

«Jonatán ben Uziel es bueno».

«No. No lo es».

«¿Qué dices? ¿Me dices a mí eso estando aquí solos y pudiendo matarte para vengar a mi maestro? Ten en cuenta que soy robusto».

«No tengo miedo. No tengo miedo de la violencia. Y no tengo miedo ni aun sabiendo que, si arremetes contra mí, no voy a reaccio­nar».

561.8

«¡Ah, ahora entiendo! Eres un discípulo del Rabí, un “apóstol”.

Él llama así a sus discípulos más fieles. Y vas donde Él. Quizás el que estaba contigo era un compañero tuyo y estás esperando a algún otro compañero».

«Espero a alguien, sí».

«¿Al Rabí!».

«No hay necesidad de que le espere. Él no necesita mi palabra para ser curado de su enfermedad: no tiene ni el alma ni el cuerpo enfermos. Espero a una pobre alma envenenada, delirante, para curarla».

«¡Eres un apóstol! Porque se sabe que Él los manda a evangelizar, ya que Él tiene miedo de ir desde que ha sido condenado por el Sanedrín. ¡Por eso tú tienes sus doctrinas! No reaccionar contra el que ofende es una de sus doctrinas».

«Es una de sus doctrinas porque enseña el amor, el perdón, la justicia, la mansedumbre. Ama a los enemigos y no sólo a los amigos. Porque lo ve todo en Dios».

«Si me encontrara… si, como espero, le encuentro, no creo que a mí me ame. ¡Sería un necio! Pero no puedo hablar contigo, que eres un apóstol suyo. Y me arrepiento de haber dicho lo que he dicho, porque se lo referirás a Él».

«No hay necesidad. Pero, en verdad te digo que te amará; es más, que te ama, a pesar de que vayas a Efraím para tenderle una trampa y entregarle al Sanedrín, que ha prometido un cuantioso premio al que haga eso».

«¿Eres… profeta o tienes espíritu pitón? ¿Te ha comunicado Él su poder? ¿Eres un maldito tú también? ¡Y yo he aceptado tu pan, tu túnica! ¡Te has comportado conmigo como amigo! Está escrito: “No alzarás tu mano contra el que te ha hecho el bien”. ¡Y tú esto has hecho! Porque, si sabías que yo… ¿Quizás para impedirme actuar? Bueno pues, si contigo voy a ser clemente por haberme dado pan, sal, fuego y vestido, y faltaría contra la justicia haciéndote un mal, no voy a ser clemente con tu Rabí, porque a Él no le conozco y no me ha hecho el bien sino el mal».

«¡Desdichado! ¿No te das cuenta de que deliras? ¿Cómo puede uno que no conoces haberte hecho el mal? ¿Cómo puedes respetar el sábado si no respetas el precepto de no matar?…».

«Yo no mato».

«Materialmente, no. Pero no hay diferencia entre quien mata y quien pone la víctima en las manos del que mata. Respetas la palabra de un hombre, que dice que no se debe perjudicar a quien te ha hecho un bien, y luego no respetas la palabra de Dios y, tendiendo una trampa, por un puñado de monedas, por un poco de honor, el sucio honor de haber sabido traicionar a un inocente, te preparas a cometer un delito…».

«No lo hago sólo por las monedas y el honor, sino por hacer una cosa grata a Yeohveh y beneficiosa para la Patria.

561.9

Repito el gesto de Yael[2] y Judit». Está más exaltado que antes.

«Sísara y Holofernes eran enemigos de nuestra Patria. Eran invasores. Eran crueles. ¿Pero qué es el Rabí de Nazaret? ¿Qué invade? ¿Qué usurpa? Es pobre y no quiere riquezas, es humilde y no quiere honores, es bueno, bueno con todos. Los que se han visto agraciados por Él se cuentan a millares. ¿Por qué le odiáis? ¿Tú por qué le odias? No te es lícito hacer el mal a tu prójimo. Sirves al Sanedrín. Pero ¿será el Sanedrín el que te juzgue en la otra vida, o será Dios? ¿Y cómo te juzgará? No te digo que te vaya a juzgar por haber matado al Cristo, pero sí te digo que te juzgará por haber matado a un inocente. Tú no crees que el Rabí de Nazaret sea el Cristo, y por eso, por tu idea de que no lo es, no se te imputará este delito. Dios es justo y no juzga como culpa el acto llevado a cabo sin plena advertencia. No te juzgará, por tanto, por haber matado al Cristo, porque para ti Jesús de Nazaret no es el Cristo. Pero sí que te acusará de haber matado a un inocente. Porque tú sabes que es inocente. Te han envenenado, embriagado con palabras de odio; pero no lo estás tanto como para no entender que Él es inocente. Sus obras hablan en su favor. Vuestro miedo —más el de los maestros que el vuestro de discípulos— teme y ve lo que no existe; es el miedo de quienes temen que Él los suplante. ¡No temáis, que Él os abre los brazos para deciros: “Hermanos”! No envía soldados contra vosotros. No os maldice. Lo único que quisiera sería salvaros, salvaros a vosotros, a los grandes y a los discípulos de los grandes, de la misma forma que quiere salvar al último de Israel; a vosotros más que al ínfimo de Israel, más que al niño que todavía no sabe lo que es el odio y el amor. Porque vosotros tenéis más necesidad de ser salvados que los ignorantes y los niños, porque sabéis, y pecáis sabiendo. ¿Tu conciencia de hombre, si la despojas de las ideas que en ella han metido, si la depuras de los venenos que te hacen delirar, te puede decir que Él es culpable? ¡Dilo! Sé sincero. ¿Acaso le has visto un solo día faltar contra la Ley, o aconsejar que se falte contra ella? ¿Le has visto pendenciero, ávido, lujurioso, calumniador, duro de corazón? ¡Habla! ¿Le has visto, acaso, irrespetuoso para con el Sanedrín? Vive como un proscrito por obedecer al veredicto del Sanedrín. Podría lanzar un grito y toda Palestina le seguiría para marchar contra los pocos que le odian, y, sin embargo, aconseja a sus discípulos paz y perdón. Podría —de la misma manera que da vida a los muertos, vista a los ciegos, movimiento a los paralíticos, oído a los sordos, liberación a los endemoniados, porque ni el Cielo ni el Infierno son insensibles a su voluntad— podría fulminaros con el rayo divino y liberarse así de sus enemigos. Y, sin embargo, ruega por vosotros y os cura a vuestros parientes, os cura el corazón, os da pan, vestidos, fuego.

561.10

Porque Yo soy Jesús de Nazaret, el Cristo, Aquel que tú buscas para recibir la recompensa prometida a quien le entregue al Sanedrín y ganarte los honores de liberador de Israel. Yo soy Jesús de Nazaret, el Cristo. Aquí me tienes. Préndeme, pues. Como Maestro y como Hijo de Dios te libero y te absuelvo de la obligación y del pecado de no alzar o de haber alzado la mano contra quien te ha favorecido».

Jesús se ha levantado quitándose de la cabeza el manto, y extiende las manos como para ser capturado, atado. Pero con su altura —y, habiéndose quedado sólo con la túnica interna, corta y ceñida, con el manto obscuro pendiéndole de los hombros, y bien erguido, parece incluso más esbelto—, con sus ojos clavados en el rostro de su perseguidor, el reflejo móvil de las llamas que le encienden puntos luminosos en sus cabellos sueltos y hacen brillar sus grandes pupilas dentro del círculo zafíreo de los iris, y con esa majestad suya y lealtad sin miedo, infunde más respeto que si estuviera rodeado de un ejército que le defendiera.

El hombre está como hechizado… paralizado de estupor. Sólo al cabo de un rato logra susurrar: «¡Tú! ¡Tú! ¡Tú!». Parece como si no supiera decir nada más.

Jesús insiste: «¡Captúrame, pues! Quita esa inútil cuerda extendida para sostener una túnica sucia y desgarrada, y ata mis manos. Te seguiré como un cordero sigue al matarife. Y no te voy a odiar porque me lleves a la muerte. Ya te lo he dicho[3]. Es el fin el que justifica la acción y transforma su naturaleza. Para ti Yo soy la ruina de Israel y tú crees salvar a Israel matándome. Para ti Yo soy responsable de todo delito, y, por tanto, sirves a la justicia eliminando a un malhechor. No eres, pues, más culpable que el verdugo que ejecuta una orden recibida. ¿Quieres inmolarme aquí en el sitio? Ahí, a mis pies, está el cuchillo con el que te he rebanado la comida. Cógelo. Puede transformarse, de hoja que ha servido para el amor a mi prójimo, en cuchillo de sacrificador. Mi carne no es más dura que la carne de cordero asado que mi amigo me había dejado para que saciara mi hambre y que Yo te he dado a ti, enemigo mío, para saciar tu hambre. Pero tienes miedo de las patrullas romanas, que arrestan al que mata a un inocente y que no permiten que nosotros administremos la justicia porque nosotros somos los súbditos y ellos los dominadores. Por eso no te atreves a matarme y luego ir adonde los que te han enviado, con el Cordero degollado cargado sobre tus hombros cual mercancía que hace ganar dinero. Bueno, pues deja aquí mi cadáver y ve a advertir a tus amos. Porque tú tanto has renunciado a esa soberana libertad de pensamiento y voluntad que el propio Dios deja a los hombres, que no eres un discípulo, sino un esclavo. Y sirves, rendidamente sirves, a tus amos; hasta llegar al delito, los sirves. Pero no eres culpable. Estás “envenenado”. Tú eres esa alma envenenada que Yo esperaba. ¡Ánimo, pues! La noche y el lugar son propicios para el delito. ¡Mejor dicho: para la redención de Israel!

561.11

¡Oh, pobre niño! ¡Dices palabras proféticas sin saberlo! Verdaderamente mi muerte significará redención, y no de Israel solamente, sino de toda la Humanidad. Y Yo he venido para ser inmolado. Ardo en deseos de serlo para ser Salvador. De todos. Tú, saforim del docto Jonatán ben Uziel, ciertamente conoces Isaías. Pues mira, tienes delante de ti al Varón de dolores. Y si no lo parezco, si no parezco aquel que fue visto también por David[4], con los huesos descubiertos y dislocados, si no soy como el leproso visto por Isaías, es porque no veis mi corazón. Soy todo una llaga. Vuestro desamor y odio, vuestra dureza e injusticia me han llagado y quebrantado por entero. ¿Y no tenía escondido mi rostro mientras me vejabas por ser lo que realmente soy: el Verbo de Dios, el Cristo? ¡Pero soy el hombre avezado a padecer! ¿Y no me juzgáis como hombre castigado por Dios? ¿Y no me sacrifico porque quiero hacerlo para, con mi sacrificio, devolveros la salud?

561.12

¡Ánimo! ¡Descarga tu mano! Mira: no tengo miedo y tú tampoco debes tenerlo: Yo porque soy el Inocente y no temo el juicio de Dios; Yo porque, ofreciendo mi cuello para tu cuchillo hago que se cumpla la voluntad de Dios, anticipando un poco mi hora para bien vuestro. También cuando nací anticipé la hora por amor a vosotros, para daros la paz antes de su tiempo. Pero vosotros, de esta ansia mía de amor, hacéis arma para negar… ¡No temas! No invoco para ti el castigo de Caín ni los rayos divinos. Oro por ti. Te amo. Nada más. ¿Soy demasiado alto para tu mano de hombre? ¡Así es! ¡Es verdad! El hombre no podría asestar golpe alguno contra Dios si Dios no se pusiera voluntariamente en las manos del hombre. Pues bien, Yo me arrodillo ante ti. El Hijo del hombre está delante de ti, a tus pies. ¡Descarga el golpe, pues!».

Y Jesús, efectivamente, se arrodilla y ofrece a su perseguidor el cuchillo sujetándolo por la hoja. El hombre retrocede susurrando: «¡No! ¡No!».

«¡Ánimo! Un momento de valor… ¡y serás más célebre que Yael y Judit! Mira, oro por ti. Lo dice Isaías: “… y oró por los pecadores”. ¿No vienes todavía? ¿Por qué te alejas? ¡Ah!, ¿es porque temes no ver cómo muere un Dios? Pues mira, voy ahí, al lado del fuego. El fuego no falta nunca en los sacrificios. Forma parte de ellos. Mira, ahora me ves bien». Se ha arrodillado cerca del fuego.

«¡No me mires! ¡No me mires! ¡Oh! ¿A dónde huyo para no ver tu mirada?» grita el hombre.

«¿A quién? ¿A quién quieres no ver?».

«A ti… y tampoco mi delito. ¡Verdaderamente mi pecado está frente a mí!

561.13

¿A dónde, a dónde huir?». El hombre está aterrorizado…

«¡A mi corazón, hijo! Aquí, en estos brazos cesan las pesadillas y los miedos. Aquí hay paz. ¡Ven! ¡Ven! ¡Hazme feliz!». Jesús se ha levantado y ahora alarga los brazos. El fuego los separa. Jesús centellea con el reflejo de las llamas.

El hombre cae de rodillas, se cubre el rostro y grita: «¡Piedad de mí, oh Dios! ¡Piedad de mí! ¡Borra mi pecado! ¡Quería matar a tu Cristo! ¡Piedad! ¡Ah, no puede haber piedad para un delito de esta naturaleza! ¡Estoy condenado!». Llora rostro en tierra, convulso por los sollozos, y gime: «Piedad», e impreca: «¡Malditos!»…

Jesús da la vuelta a la llama y va donde él; se agacha, le toca en la cabeza, le dice: «No maldigas a los que te pervirtieron. Te han procurado el mayor de los bienes: el que Yo te hablara, así, y te tuviera así, entre mis brazos».

Le ha tomado de los hombros y le ha levantado. Se ha sentado en el suelo y le ha acercado a su corazón. El hombre se relaja sobre las rodillas de Jesús, con un llanto menos delirante. Pero ¡qué llanto tan purificador! Jesús acaricia su cabeza morena mientras le deja calmarse.

El hombre, al fin, alza la cabeza y, cambiada su cara, gime: «¡Tu perdón!».

Jesús se inclina y le besa en la frente.

561.14

El hombre le echa los brazos al cuello y, reclinada su cabeza sobre el hombro de Jesús, llora y narra, quisiera narrar, cómo le habían persuadido a que cometiera el delito. Pero Jesús no deja que lo haga, diciéndole: «¡Calla! ¡Calla! No ignoro nada. Cuando has entrado te he conocido, respecto a lo que eras y a lo que querías hacer. Habría podido alejarme de allí y evitarte. Me he quedado allí para salvarte. Salvado estás. El pasado ha muerto. No lo evoques ya».

«Pero… ¿te fías así? ¿Y si pecara de nuevo?».

«No, no pecarás de nuevo. Lo sé. Tú estás curado».

«Sí, estoy curado, pero son muy astutos; no me mandes otra vez con ellos».

«¿Y a dónde vas a ir que ellos no estén?».

«Contigo, a Efraím. Si ves lo que hay en mi corazón, verás que no te estoy tendiendo una trampa, sino que sólo hay una súplica de ser protegido».

«Lo sé. Ven. Pero te advierto que allí está Judas de Keriot, que está vendido al Sanedrín y es un traidor del Cristo».

«¡Divina Misericordia! ¡¿También sabes eso?!». El estupor alcanza su punto máximo.

«Sé todo. Él cree que Yo no lo sé. Pero sé todo. Y sé también que tú estás tan convertido, que no hablarás a Judas ni a ningún otro de esto. Pero piensa que si Judas sabe traicionar a su Maestro, ¿qué no sabrá hacer en perjuicio tuyo?».

El hombre piensa durante un largo rato. Luego dice: «¡No importa! Si no me rechazas, me quedo contigo; al menos durante un tiempo, hasta la Pascua, hasta que vuelvas a reunirte con tus discípulos. Yo me uniré a ellos. ¡Oh, si es verdad que me has perdonado, no me rechaces!».

«No te rechazo.

561.15

Ahora vamos allá. Esperaremos sobre esas hojas a que llegue la mañana. Al amanecer iremos a Efraím. Diremos que el azar nos ha unido y que vienes con nosotros. Es la verdad».

«Sí, es la verdad. Al amanecer estará seca mi ropa y te devolveré tu túnica…».

«No. Deja ahí esa ropa. Son un símbolo: el hombre que se despoja de su pasado y viste el nuevo uniforme. La madre de Samuel, el antiguo, cantó[5] jubilosa: “El Señor da la muerte y la vida, conduce a la morada de los muertos y de ella hace regresar”. Tú has muerto y has renacido. Vienes de la morada de los muertos a la verdadera Vida. Deja la indumentaria que ha estado en contacto con los sepulcros llenos de inmundicia. ¡Y vive! Vive para tu verdadera gloria: servir a Dios con justicia, poseerle eternamente».

Se sientan en la concavidad de la roca, donde están amontonadas las hojas, y pronto el silencio desciende, porque el hombre, cansado, se duerme con la cabeza relajada sobre el hombro de Jesús, que sigue orando.

561.16

…Y en una hermosa mañana de primavera llegan frente a la casa de María de Jacob, por el sendero del torrente, que está poniéndose otra vez cristalino después del aguacero, y canta más fuerte por el mayor nivel del agua, y brilla bajo el sol, enmarcado entre las luminosas orillas todavía brillantes de lluvia.

Pedro, que está en la puerta, da un grito y corre al encuentro de ellos. Se abalanza sobre Jesús —el cual está bien arropado en su manto— y le abraza. Dice: «¡Oh, Maestro mío bendito! ¡Qué triste sábado me has hecho pasar! No me decidía a marcharme sin haberte visto antes. ¡Si me hubiera marchado con la incertidumbre en el corazón y sin tu despedida, habría estado toda la semana ato­lon­dra­do!».

Jesús le besa sin liberarse del manto. Pedro está tan atento a contemplar a su Maestro, que no advierte la presencia del extraño que le acompaña. Pero, entretanto, también los demás han llegado, y Judas de Keriot exclama: «¡Tú, Samuel!».

«Yo. El Reino de Dios está abierto a todos en Israel. He entrado en él» responde seguro el hombre.

Judas se ríe extrañamente, pero no replica.

La atención de todos converge hacia el que ha venido nuevo. Pedro pregunta: «¿Quién es?».

«Un nuevo discípulo. El azar ha hecho que nos encontráramos. O sea, Dios ha hecho que nos encontráramos, y, como persona enviada a mí por el Padre mío, le he acogido, y lo mismo os digo a vosotros: acogedle. Y, dado que hay gran fiesta cuando uno entra a formar parte del Reino de los Cielos, dejad las bolsas y los mantos, vosotros que estabais para salir, y vamos a estar juntos hasta mañana.

561.17

Ahora déjame, Simón, porque le he dado mi túnica y, estando aquí parado, el aire de la mañana muerde mis carnes».

«¡Ya decía yo! ¡De esa manera, Maestro, te vas a enfermar!».

«Yo no quería, pero Él quiso», se disculpa el hombre.

«Sí. Le había pillado una avalancha y se había salvado por su voluntad. Y, para que nada de ese penoso momento perdurase en él, y viniera a nosotros sin suciedades, le he dicho que dejara donde nos hemos encontrado su túnica desgarrada y sucia, y le he vestido con la mía» dice Jesús, y mira a Judas de Keriot, el cual repite su risita extraña de antes, la misma también de cuando Jesús ha dicho que se hace una gran fiesta cuando uno entra a formar parte del Reino de los Cielos. Luego entra en casa sin demora para irse a vestir.

Los otros se acercan al nuevo y le dan el saludo de la paz.


Notes

  1. séphorim : cela devrait signifier scribe, c’est-à-dire docteur de la Loi, mais ici il pourrait désigner un élève qui aspire à le devenir. L’homme se déclare en effet “ disciple ” d’un rabbi, et il précise plus bas que, pendant son enseignement, il se met “ à ses pieds ”, comme les disciples avaient coutume de le faire. On voit en 202.1 et en 594.4 également que les séphorim semblent distincts des docteurs. Les scribes sont souvent associés aux pharisiens, bien que les premiers constituent une classe d’israélites et les seconds un parti ou une secte. L’origine, la fonction, et la dégénérescence des uns et des autres sont précisées par Jésus dans le discours qui commence en 596.14 et dont on trouve diverses anticipations, comme en 252.10.
  2. l’esprit de python : esprit qui, selon la légende grecque, inspirait devins et pythonisses, qui dans l’Antiquité prédisaient l’avenir.
  3. Il est écrit (mais ce n’est pas à la lettre) en Pr 3, 29 3, 29 ; Si 7, 12 ; et à d’autres passages semblables. Mais il pourrait s’agir d’un précepte de rabbin, car Jésus le considère, un peu plus bas, comme “ la parole d’un homme ”.
  4. le geste de Yaël (contre Sisera) en Jg 4, 17-22, et de Judith (contre Holopherne) en Jdt 12, 10-20 ; 13.
  5. Je te l’ai dit : En introduisant son affirmation sur la fin qui justifie l’acte et en change la nature, Jésus fait référence au cas particulier de son interlocuteur : celui-ci pensait tuer un faux Messie, il y était poussé par des personnes ayant autorité, et il était convaincu de faire une bonne action. C’est de la même manière que Jésus justifie les cas considérés en 159.5/6 et en 580.3. Il ne s’agit donc pas de l’affirmation d’un principe moral qu’il faudrait considérer comme valable dans toute situation.
  6. David (dans le Ps 22) et Isaïe (en Is 52, 13-15 ; 53, 1-12) préfigurent Jésus en l’Homme des douleurs. On trouvera cette mention à d’autres passages, tels que 10.6 – 22.3 – 41.7 – 194.5 – 275.10 – 324.8.11 – 361.5 – 382.7 – 395.5 – 414.3 – 436.5 – 520.7 – 565.9 – 597.5.7/11 – 598.8 – 601.1/2 – 604.41 – 609.30 – 610.13 – 625.7/8.
  7. en anticipant, par les mérites de Marie, sa Mère, comme on le voit en 52.9 (“ Grâce à sa prière, j’anticipe même le temps de la grâce ”), en 136.6 (“ J’ai hâté la venue du Christ par la force de son amour ”), en 412.3 (“ Son parfum de sainteté fut si puissant qu’il m’a aspiré du Ciel ”), en 620.1 (où il est dit que les prières de Marie firent en sorte d’anticiper même la résurrection du Christ), ainsi qu’en 649.14.
  8. Isaïe le dit, en Is 53, 12.
  9. a chanté, en 1 S 2, 6.

Notas

  1. saforim debería significar escriba, es decir, doctor de la ley; pero aquí podria significar alumnoi que aspira a serlo. En efecto, él se declara “discípulo” de un rabí, y, más adelante, dice que mientras el rabí enseña él se pone “a sus pies”, justamente como solían hacer los alumnos. También en 594.4 parece que los saforimes fueran distintos de los doctores.
  2. el gesto de Yael (contra Sísara) en Jueces 4, 17-22, y Judit (contra Holofernes) en Judit 12, 10-20; 13.
  3. te lo he dicho. Introduciendo así la afirmación sobre el fin que justifica la acción y transforme su naturaleza, Jesús quiere corroboran lo que ya había sido dicho sobre el caso de su interlocutor (el cual pensaba matarle porque no creía que fuera el Mesías y porque estaba instigado por otros y convencido de obrar bien) sin querer afirmar un principio moral, que, no obstante, encontraremos, en cierto sentido, formulado y aclarado en 580.3.
  4. David (Salmo 22), Isaías (Isaías 52, 13-15; 53, 1-12): prefiguran a Jesús en el Varón de dolores, como se dice aquí y en otros lugares; por ejemplo, en 361.5, 382.7, 520.7.
  5. cantó, en 1 Samuel 2, 6.