Los Escritos de Maria Valtorta

560. Dialogue dans la nuit, près de Goféna,

560. En las cercanías de Gofená, coloquio durante la noche

560.1

C’est un chemin bien difficile que celui qu’a pris Manahen pour conduire Jésus à l’endroit où on l’attend : un étroit sentier de montagne, hérissé de pierres, qui traverse maquis et forêts. La lumière très claire de la lune à son premier quartier arrive difficilement à percer l’enchevêtrement des branches, et parfois disparaît tout à fait. Manahen y supplée par des torches qu’il a préparées et qu’il porte en bandoulière comme des armes sous son manteau. Lui devant, Jésus derrière, ils avancent sans parler dans le grand silence de la nuit. A deux ou trois reprises, un animal sauvage, en courant à travers les bois, imite un bruit de pas si bien que Manahen s’arrête, aux aguets. Mais à part cela, rien ne vient troubler leur marche déjà si fatigante.

« Voici Goféna, Maître. Nous allons maintenant tourner : je compterai trois cents pas et je serai aux grottes où ils nous attendent depuis le coucher du soleil. Le chemin t’a paru long ? Nous avons pourtant pris des raccourcis qui, je crois, respectent la distance légale. »

Jésus fait un geste comme pour dire :

« On ne pouvait faire autrement. »

Manahen, attentif à compter les pas, se tait. Ils parviennent dans un défilé rocheux et nu, ressemblant à une caverne qui s’élève entre les parois de la montagne qui se touchent presque. On dirait une fracture produite par quelque cataclysme, tant elle est étrange, comme si un énorme coup de couteau dans la masse de la montagne l’avait coupée sur un bon tiers à partir du sommet. Au-dessus, tout en haut, au-delà des parois perpendiculaires, au-delà de l’agitation bruyante des arbres qui ont poussé sur les bords de l’énorme entaille, resplendissent les étoiles, mais la lumière de la lune ne descend pas dans ce gouffre. La lueur fumeuse de la torche réveille des oiseaux de proie, qui crient en agitant leurs ailes au bord de leurs nids, au milieu des crevasses.

560.2

Manahen dit : « Voilà ! » et à l’intérieur d’une fente de la paroi rocheuse, il lance un cri qui ressemble à la plainte d’un gros hibou.

Venant du fond, une lueur rougeâtre s’avance par un autre couloir rocheux, pourtant fermé en haut. Joseph survient :

« Le Maître ? demande-t-il, car il ne voit pas Jésus qui se tient un peu en arrière.

– Je suis ici, Joseph. Paix à toi.

– A toi, la paix. Viens ! Venez. Nous avons fait du feu pour voir les serpents et les scorpions et pour chasser le froid. Je vous précède. »

Il fait demi-tour et, par les lacets du sentier dans les entrailles de la montagne, il les conduit vers un endroit éclairé par des flammes. Là, près du foyer, se trouve Nicodème, qui jette des branches de genévrier sur le feu.

« Paix à toi aussi, Nicodème. Me voici parmi vous.

560.3

Parlez.

– Maître, personne ne s’est aperçu de ta venue ?

– Et qui donc, Nicodème ?

– Tes apôtres ne sont pas avec toi ?

– Jean et Judas seulement. Les autres évangélisent depuis le lendemain du sabbat jusqu’au crépuscule du vendredi. Mais j’ai quitté la maison avant sexte en disant qu’il ne fallait pas m’attendre avant l’aube du lendemain du sabbat. Ils sont désormais trop habitués à mes absences de plusieurs heures pour que cela éveille des soupçons chez quelqu’un. Soyez donc tranquilles. Nous avons tout le temps de parler sans aucune crainte d’être surpris. Ici… l’endroit est commode.

– Oui, c’est une tanière de serpents et de vautours… ainsi que de voleurs à la belle saison, quand ces montagnes sont remplies de troupeaux. Mais en ce moment, ils préfèrent d’autres lieux où ils tombent plus rapidement sur les bercails et les caravanes. Nous regrettons de t’avoir fait venir jusqu’ici, mais nous pourrons en repartir par des chemins différents sans attirer l’attention de personne. Car, Maître, le Sanhédrin garde à l’œil ceux qu’il soupçonne d’amour pour toi.

– Sur ce point, je suis en désaccord avec Joseph. Il me semble que c’est nous, maintenant, qui voyons des ombres là où il n’y en a pas. J’ai aussi l’impression que cette suspicion s’est beaucoup apaisée depuis quelques jours… intervient Nicodème.

– Tu te trompes, mon ami, je t’assure. Le climat s’est apaisé en ce sens qu’ils ne s’efforcent plus de rechercher le Maître, car ils savent désormais où il se trouve. Aussi, c’est lui qu’ils surveillent, et non pas nous. C’est pourquoi j’ai recommandé de ne dire à personne que nous allions nous rencontrer, pour que personne ne soit tenté de… faire n’importe quoi, dit Joseph.

560.4

– Je ne crois pas que les habitants d’Ephraïm… objecte Manahen.

– Pas eux, ni qui que ce soit de Samarie, ne serait-ce que pour prendre le contre-pied de ce que nous faisons de l’autre côté…

– Non, Joseph, ce n’est pas pour cette raison. Mais eux n’ont pas dans le cœur ce mauvais serpent que vous avez. Eux ne craignent pas d’être dépouillés de quelque prérogative. Ils n’ont pas à défendre des intérêts de secte ou de caste. Ils n’ont rien, hormis un besoin instinctif de se sentir pardonnés et aimés par Celui qu’ont offensé leurs ancêtres et qu’ils continuent à offenser en restant en dehors de la Religion parfaite. S’ils sont en dehors, c’est que, vous comme eux, vous êtes orgueilleux, de sorte qu’aucun des deux côtés ne sait renoncer à la rancune qui sépare et se tendre la main au nom de l’unique Père. Oui, même si une telle bonne volonté avait existé chez eux, vous la briseriez, car vous, vous ne savez pas pardonner. Vous ne savez pas déclarer, en foulant aux pieds toute sottise : “ Le passé est mort, car le Prince du Siècle à venir s’est levé et il nous rassemble tous sous son signe. ” De fait, je suis venu et je rassemble. Mais vous ! Pour vous, mon simple désir de vous voir tous rassemblés est anathème !

– Tu es sévère avec nous, Maître.

– Je suis juste.

560.5

Pouvez-vous soutenir que vous ne m’avez pas reproché dans votre cœur certains de mes actes ? Pouvez-vous soutenir que vous approuvez que ma miséricorde soit identique pour les juifs, les Galiléens, les Samaritains et les païens, et même encore plus grande pour eux et pour les grands pécheurs, justement parce qu’ils en ont encore plus besoin ? Pouvez-vous soutenir que vous n’attendez pas de moi des actes d’une violente majesté pour manifester mon origine surnaturelle et surtout — faites bien attention — ma mission de Messie, d’après l’idée que vous vous en faites ?

Soyez sincères : à part la joie de votre cœur devant la ré­surrection de votre ami, n’auriez-vous pas préféré que j’arrive à Béthanie beau et cruel comme[1] nos anciens à l’égard des Amorites et des Basanites, et comme Josué envers les habitants de Aï et de Jéricho ou, mieux encore, en faisant s’écrouler au son de ma voix les pierres et les murs sur mes ennemis, comme les trompettes de Josué le firent avec les murs de Jéricho ? Vous auriez peut-être voulu que je fasse pleuvoir du ciel de grosses pierres sur mes ennemis, comme cela s’est produit dans la descente de Béteron encore au temps de Josué ou, comme à une époque plus récente, que je fasse intervenir des cavaliers célestes chamarrés d’or s’élançant dans l’air, armés de lances comme des cohortes, et un défilé de cavaliers en escadrons bien ordonnés, tout cela suivi d’attaques de part et d’autre dans une effervescence de boucliers et d’armées coiffées de heaumes avec leur épée dégainée et lançant des flèches pour terroriser mes ennemis ? Oui, vous auriez préféré cela parce que, vous avez beau m’aimer beaucoup, votre amour est encore impur. Vous désirez ce qui n’est pas saint, ce qui alimente votre idée fixe d’Israélites, votre vieille idée d’un Messie conquérant. On la retrouve aussi bien chez Gamaliel que chez le plus humble homme en Israël, chez le grand-prêtre, le Tétrarque, le paysan, le berger, le nomade, l’homme de la Diaspora… Un tel Messie est la hantise de ceux qui redoutent qu’il ne les réduise à rien. Il est l’espoir de ceux qui aiment leur patrie avec la violence d’un amour humain. Il est le rêve de ceux qui sont opprimés sous d’autres puissances, dans d’autres terres. Ce n’est pas votre faute. La notion pure de ce que je suis, telle que Dieu l’a donnée, s’est couverte au cours des siècles de scories inutiles. Et peu savent, par la souffrance, ramener l’idée messianique à sa pureté initiale. Mais maintenant qu’approchent les temps où sera donné le signe qu’attend Gamaliel, et avec lui tout Israël, maintenant que viennent les temps de ma parfaite manifestation, Satan travaille à rendre plus imparfait votre amour et à altérer davantage votre pensée. Son heure vient, je vous l’affirme. Et en cette heure de ténèbres, même ceux qui voient clair aujourd’hui ou ont seulement la vue basse, seront complètement aveugles. Peu, bien peu, reconnaîtront en l’Homme abattu le Messie. Peu verront en lui le vrai Messie, justement parce qu’il sera abattu comme l’ont annoncé les prophètes. Moi, je voudrais, pour le bien de mes amis, que pendant qu’il fait encore jour, ils sachent me voir et me connaître, pour pouvoir me reconnaître et me voir même quand je serai défiguré et dans les ténèbres de l’heure du monde…

560.6

Mais dites-moi maintenant ce que vous vouliez me confier. L’heure avance rapidement et l’aube va venir. Je parle pour vous, car moi, je ne crains pas de rencontres dangereuses.

– Voilà : nous voulions te prévenir que quelqu’un doit avoir révélé l’endroit où tu te trouves, et cette personne n’est certainement ni Nicodème, ni Manahen, ni Lazare, ni ses sœurs, ni Nikê, ni moi. A qui d’autre as-tu parlé du lieu que tu as choisi pour refuge ?

– A personne, Joseph.

– Tu en es sûr ?

– Oui.

– Et as-tu donné des ordres à tes disciples pour qu’ils ne disent rien ?

– Avant le départ, je ne leur ai pas indiqué l’endroit. Arrivé à Ephraïm, je leur ai donné l’ordre d’aller évangéliser et d’agir à ma place. Et je suis sûr de leur obéissance.

– Et… tu es seul à Ephraïm ?

– Non. Jean et Judas sont avec moi, comme je vous l’ai déjà dit. Mais je lis dans tes pensées : Judas ne peut m’avoir fait tort par son irréflexion, car il ne s’est jamais éloigné de la ville, or à cette époque, il n’y passe pas de pèlerins venus d’ailleurs.

– Alors… c’est sûrement Belzébuth qui a parlé, car, au Sanhédrin, on sait que tu es ici.

– Eh bien ? Comment réagissent-ils à ma conduite ?

– De manières très différentes. Certains reconnaissent que c’est logique : puisqu’ils t’ont banni des lieux saints, il ne te restait qu’à te réfugier en Samarie. D’autres prétendent que cela révèle qui tu es réellement : un Samaritain d’esprit plus encore que de race, et cela leur suffit pour te condamner. Tous se réjouissent d’avoir pu t’imposer le silence et de pouvoir te désigner aux foules comme l’ami des Samaritains. Ils disent : “ Nous avons déjà gagné la bataille. Le reste ne sera qu’un jeu d’enfants. ” Mais, nous t’en prions, fais que cela ne soit pas vrai.

– Ce ne sera pas vrai. Laissez-les parler. Ceux qui m’aiment ne se troubleront pas à cause des apparences. Laissez tomber le vent. C’est un vent de terre. Puis viendra le vent du Ciel, et le voile s’ouvrira pour qu’apparaisse la gloire de Dieu.

560.7

Souhaitez-vous me faire part d’autre chose ?

– Non, pour ce qui te concerne. Sois vigilant, sois prudent, ne sors pas de là où tu es. Nous ajoutons que nous te ferons savoir…

– Non. Pas besoin. Restez où vous êtes. Je vais avoir bientôt avec moi les femmes disciples et — cela oui — dites à Elise et à Nikê de rejoindre les autres, si elles le désirent. Dites-le aussi aux deux sœurs. Comme le lieu où je me trouve est désormais connu, ceux qui ne craignent pas le Sanhédrin peuvent venir pour notre réconfort mutuel.

– Les deux sœurs ne peuvent se déplacer jusqu’au retour de Lazare. Il est parti en grande pompe ; Jérusalem tout entière a su qu’il se rendait dans ses propriétés lointaines, et on ne sait quand il reviendra. Mais son serviteur est déjà revenu de Nazareth, et il a dit — cela aussi, nous devions te l’apprendre — que ta Mère viendrait avec les autres avant la fin de cette lune. Elle se porte bien et de même Marie, femme d’Alphée. Le serviteur les a vues, mais elles tardent un peu, car Jeanne veut les accompagner, or elle ne le peut qu’à la fin de cette lune.

560.8

Et puis, voilà, si tu nous le permets, nous voudrions te venir en aide… en amis fidèles, même si imparfaits, comme tu le dis.

– Non. Les disciples qui vont évangéliser apportent la veille de chaque sabbat ce qu’il faut pour eux et pour nous qui restons à Ephraïm. Nous n’avons pas besoin de plus. L’ouvrier vit de son salaire. Cela est juste. Le reste serait du superflu. Donnez-le à des malheureux. C’est ce que j’ai imposé aussi aux habitants d’Ephraïm et à mes apôtres eux-mêmes. J’exige qu’à leur retour ils n’aient pas le moindre sou en réserve, que toute obole soit donnée en cours de route, et qu’ils ne gardent pour nous que le nécessaire pour notre nourriture très frugale de la semaine.

– Mais pourquoi, Maître ?

– Pour leur enseigner le détachement des richesses et la nécessité pour l’esprit de dominer les préoccupations du lendemain. C’est pour cela et pour mes autres bonnes raisons de Maître que je vous prie de ne pas insister.

– Comme tu voudras. Mais nous regrettons de ne pouvoir te servir.

– L’heure viendra où vous le ferez…

560.9

N’est-ce pas la première lueur de l’aube ? dit-il en se tournant vers l’orient, c’est-à-dire du côté opposé à celui par lequel il est venu, et en montrant une clarté timide qui apparaît par une ouverture sur des fonds lointains.

– Oui. Nous devons nous quitter. Moi, je retourne à Goféna où j’ai laissé ma monture, et Nicomède, par cet autre côté, descendra vers Bérot et de là à Rama, une fois le sabbat passé.

– Et toi, Manahen ?

– Moi, je vais prendre ouvertement les grandes routes en direction de Jéricho, où se trouve Hérode en ce moment. J’ai laissé mon cheval dans une maison de pauvres gens qui, pour une obole, n’ont honte de rien, pas même du Samaritain pour lequel ils me prennent. Mais pour le moment, je reste avec toi. Dans mon sac, j’ai des vivres pour deux.

– Alors saluons-nous.

560.10

Nous nous retrouverons lors de la Pâque.

– Non ! Tu ne voudrais pas t’exposer à ce danger ! s’exclament Joseph et Nicodème. Ne fais pas cela, Maître !

– En vérité, vous êtes de mauvais amis, car vous me conseillez le péché et la lâcheté. Pourriez-vous ensuite m’aimer, si vous réfléchissez à ma conduite ? Dites-le, soyez sincères. Où devrais-je aller adorer le Seigneur à la Pâque des Azymes ? Sur le mont Garizim[2], peut-être? Ne devrais-je pas paraître devant le Seigneur dans son Temple de Jérusalem comme le doit tout homme d’Israël aux trois grandes fêtes annuelles ? Ne vous souvenez-vous pas qu’on m’accuse déjà de violer le sabbat, bien que — Manahen est ici pour en témoigner — bien qu’aujourd’hui même, pour me plier à votre désir, j’ai pris mon départ le soir à un endroit pouvant concilier votre demande avec la loi sabbatique ?

– Nous aussi, nous nous sommes arrêtés à Goféna pour cette raison… et nous ferons un sacrifice pour expier une transgression involontaire pour un motif qui s’imposait. Mais toi, Maître !… Ils te verront aussitôt…

– Même s’ils ne me voyaient pas, je ferai en sorte qu’ils me voient.

– Tu cours à ta perte ! C’est comme si tu te tuais…

– Non. Votre esprit est tout enveloppé de ténèbres. Ce n’est pas comme si je voulais me tuer, mais c’est uniquement obéir à la voix de mon Père qui me dit : “ Va, l’heure est venue. ” J’ai toujours essayé de concilier la Loi avec la nécessité, même le jour où j’ai dû m’enfuir de Béthanie et me réfugier à Ephraïm parce qu’il n’était pas encore temps qu’on se saisisse de moi. L’Agneau du Salut ne peut être immolé que pendant la Pâque des Azymes. Voudriez-vous que, si j’ai agi ainsi à l’égard de la Loi, je n’en fasse pas autant pour obéir à mon Père ? Allez, allez ! Ne vous affligez pas ainsi ! Et pourquoi suis-je venu, si ce n’est pour être proclamé roi de toutes les nations ? Car c’est bien la signification de “ Messie ”, n’est-ce pas ? Cela veut également dire “ Rédempteur ”. Or le véritable sens de ces deux mots ne correspond pas à ce que vous vous figurez.

560.11

Mais moi, je vous bénis en implorant qu’un rayon céleste des­cende sur vous avec ma bénédiction, car je vous aime et vous m’aimez. Je voudrais que votre justice soit toute lumineuse. Car vous n’êtes pas mauvais, mais vous êtes vous aussi le “ vieil Israël ”, et vous n’avez pas la volonté héroïque de vous dépouiller du passé et de vous renouveler.

Adieu, Joseph. Sois juste. Juste comme celui qui fut mon tuteur pendant tant d’années, et qui fut capable de se renouveler complètement pour servir le Seigneur son Dieu. S’il était présent parmi nous, comme il vous enseignerait à savoir servir Dieu parfaitement, à être justes, justes, justes ! Mais il est bon qu’il soit déjà dans le sein d’Abraham… Pour ne pas voir l’injustice d’Israël. Quel saint serviteur de Dieu !… Lui qui était un nouvel Abraham, c’est le cœur transpercé, mais avec une volonté parfaite que, loin de me conseiller la lâcheté, il m’aurait dit la parole dont il avait l’habitude de se servir quand quelque chose de pénible pesait sur nous : “ Elevons notre esprit. Nous rencontrerons le regard de Dieu, et nous oublierons que ce sont les hommes qui nous font souffrir ; et faisons tout ce qui est pénible comme si c’était le Très-Haut qui nous le présentait. De cette façon, nous sanctifierons nos plus petits faits et gestes, et Dieu nous aimera. ” C’est ainsi qu’il m’aurait encouragé à subir les plus grandes douleurs… Il nous aurait réconfortés… Oh ! ma Mère !… »

Jésus laisse aller Joseph, qu’il tenait dans les bras, et, certainement plongé dans la contemplation de son prochain martyre et de celui de sa pauvre Mère, il baisse la tête en silence… Puis il se redresse et embrasse Nicodème :

« La première fois que tu es venu[3] à moi comme disciple secret, je t’ai dit que, pour avoir le Royaume de Dieu en vous et y entrer, il est nécessaire que votre esprit renaisse et que vous aimiez la Lumière plus que le monde ne l’aime. Aujourd’hui — et c’est peut-être la dernière fois que nous nous rencontrons en secret — je te répète les mêmes paroles. Renais spirituellement, Nicodème, pour pou­voir aimer la lumière que je suis et pour que j’habite en toi comme Roi et Sauveur. Allez, et que Dieu soit avec vous. »

560.12

Les deux membres du Sanhédrin disparaissent du côté opposé à celui par lequel Jésus est arrivé.

Quand le bruit de leurs pas s’est éloigné, Manahen, qui s’était placé à l’entrée de la grotte pour les regarder partir, fait demi-tour pour dire d’un air très expressif :

« Pour une fois, ce seront eux qui violeront la distance permise un jour de sabbat ! Et ils n’auront pas de paix tant qu’ils n’auront pas réglé leur dette envers l’Eternel par le sacrifice d’un animal ! Ne vaudrait-il pas mieux pour eux sacrifier leur tranquillité en se disant ouvertement “ tiens ” ? Ne serait-ce pas plus agréable au Très-Haut ?

– Ce le serait certainement, mais ne les juge pas. Ce sont des pâtes qui lèvent lentement, mais, le moment venu, quand beaucoup qui se croient meilleurs qu’eux s’écrouleront, eux se dresseront contre tout un monde.

– Dis-tu cela pour moi, Seigneur ? Enlève-moi plutôt la vie, mais fais que je ne te renie pas.

– Tu ne renieras pas. Mais tu as déjà en toi des éléments différents des leurs pour t’aider à rester fidèle.

560.13

– Oui. Je suis… hérodien, ou plutôt je l’étais. En effet, comme je me suis détaché du Conseil, je me suis détaché du parti quand je l’ai vu lâche et injuste comme les autres envers toi. Etre hérodien !… Pour les autres castes, c’est être à peine moins que païen. Je ne prétends pas que nous soyons des saints, c’est vrai. Dans un but impur, nous avons commis l’impureté. Je parle comme si j’étais encore l’hérodien d’autrefois, avant que je sois à toi. Nous sommes donc doublement impurs, selon le jugement humain, parce que nous nous sommes alliés aux Romains et parce que nous l’avons fait dans un but intéressé. Mais réponds-moi, Maître, toi qui dis toujours la vérité et qui ne t’en abstiens pas par crainte de perdre un ami : entre nous, qui sommes alliés avec Rome pour… en obtenir encore d’éphémères triomphes personnels, et les pharisiens, les chefs des prêtres, les scribes, les sadducéens qui s’allient à Satan pour t’abattre, quels sont les plus impurs ? Moi, comme tu vois, maintenant que j’ai vu que le parti des hérodiens se déclare contre toi, je les ai quittés. Je ne dis pas cela pour que tu me félicites, mais pour te faire part de ma pensée. Quant aux pharisiens et aux prêtres, scribes et sadducéens, ils s’imaginent pouvoir tirer profit de cette alliance imprévue des hérodiens avec eux ! Les malheureux ! Ils ne savent pas que les hérodiens le font pour avoir plus de mérite et par conséquent plus de protection de la part des Romains, après quoi… une fois que ce qui les unit actuellement sera devenu sans objet, ils en profiteront pour abattre ceux qu’ils prennent maintenant comme alliés. C’est ainsi que l’on joue des deux côtés. Tout est basé sur le mensonge, et cela me répugne tellement, que je me suis rendu indépendant de tout. Toi… Tu es un grand fantôme qui les effraie. Tous ! Et tu es aussi un prétexte pour le jeu louche des intérêts des divers partis. Le motif religieux ? L’indignation sacrée devant “ le blasphémateur ”, comme ils t’appellent ? Tout cela n’est que mensonge ! L’unique raison est, non pas la défense de la religion, ni quelque zèle sacré pour le Très-Haut, mais leurs intérêts, cupides, insatiables. Ce sont des ordures, ils me dégoûtent. Et je voudrais… Oui, je voudrais que soient plus audacieuses les rares personnes qui ne sont pas comme eux. Ah ! cela me pèse désormais d’avoir une double vie ! Je voudrais te suivre, toi seul. Mais je te sers ainsi plus que si je te suivais. Cela me pèse… Néanmoins, tu dis que ce sera bientôt… Comment…

560.14

Seras-tu réellement immolé parce que tu es l’Agneau ? N’est-ce pas qu’une manière de parler ? La vie d’Israël est un tissu de symboles et de figures…

– Et tu voudrais qu’il en soit ainsi pour moi… Mais en ce qui me concerne, ce n’est pas une figure.

– Non ? En es-tu sûr ? Je pourrais… Nous serions nombreux à pourvoir réitérer les gestes antiques, te faire oindre comme Messie et te défendre. Il suffirait d’un mot, et c’est par milliers que se lèveraient les défenseurs du vrai Pontife, saint et sage. Je ne parle plus d’un roi terrestre, puisque je sais maintenant que ton Royaume est tout spirituel. Mais puisque, humainement parlant, nous ne serons plus jamais forts et libres, qu’il y ait au moins ta sainteté pour soutenir et guérir Israël corrompu. Personne, comme tu le sais, n’aime le sacerdoce actuel et ceux qui le soutiennent. Le veux-tu, Seigneur ? Ordonne et j’agirai.

– Manahen, tu as déjà beaucoup changé ta manière de voir. Mais tu es encore aussi loin du but que la terre l’est du soleil. Je serai Prêtre, et pour l’éternité, Pontife immortel dans un organisme que je vivifierai jusqu’à la fin des siècles. Mais je ne serai pas oint avec l’huile d’allégresse, ni proclamé et défendu par la violence d’actes voulus par une poignée de fidèles pour jeter notre patrie dans le schisme le plus féroce et la rendre plus esclave qu’elle ne l’a jamais été. Crois-tu qu’une main d’homme puisse oindre le Christ ? En vérité, je te dis que non. La véritable Autorité qui m’oindra Pontife et Messie, c’est celle de Celui qui m’a envoyé. Nul autre que Dieu ne pourrait oindre Dieu comme Roi des rois et Seigneur des seigneurs, pour l’éternité.

– Alors, il n’y a vraiment rien à faire ? Oh ! que cela me peine !

– Si, il y a tout à faire : m’aimer. Tout revient à cela. Aimer non pas la créature qui a pour nom Jésus, mais ce qu’est Jésus. M’aimer humainement et spirituellement, comme moi je vous aime avec mon esprit et mon humanité, pour être avec moi au-delà de l’humanité.

560.15

Regarde cette belle aurore. La lumière paisible des étoiles n’arrivait pas ici à l’intérieur, mais l’éclat triomphant du soleil, si. Ainsi en adviendra-t-il dans le cœur des personnes qui arriveront à m’aimer avec justice. Viens au-dehors, dans le silence de la montagne dont les voix rauques des intérêts humains n’altèrent pas la pureté. Regarde là-haut ces aigles s’éloigner, en larges vols, à la recherche de leur proie. Voyons-nous cette proie ? Non. Mais eux, si. Car l’œil de l’aigle est plus perçant que le nôtre, et des hauteurs où il se déplace, il voit un large horizon et sait choisir. Moi aussi, je vois ce que vous ne distinguez pas et, des hauteurs où plane mon esprit, je sais choisir mes douces proies, non pour les dévorer comme le font les vautours et les aigles, mais pour les emporter avec moi. Nous serons si heureux là-haut, dans le Royaume de mon Père, nous qui nous aimons ! »

Tout en parlant, Jésus est sorti s’asseoir au soleil sur le seuil de la grotte. Il a Manahen à côté de lui et l’attire à lui sans mot dire, en souriant à je ne sais quelle vision…

560.1

Es un camino muy dificultoso el que ha tomado Manahén para guiar a Jesús al lugar donde le esperan. Es un camino todo él montano, estrecho, pedregoso, entre espesuras y bosques. La luz de una clarísima Luna en su primera fase a duras penas se abre paso entre la maraña de las ramas. A veces desaparece por completo y Manahén la suple con antorchas ya preparadas, que ha llevado consigo en bandolera como armas bajo el manto. Él delante y Jesús detrás, caminan en silencio en medio del gran silencio de la noche. Dos o tres veces algún animal salvaje, corriendo por los bosques, hace un rumor semejante a sonido de pasos, y ello hace que Manahén se detenga receloso. Pero, aparte de esto, ninguna otra cosa turba el camino, ya de por sí muy fatigoso.

«Maestro, aquello de allí es Gofená. Ahora torcemos por aquí. Cuento trescientos pasos y estaré en las grutas donde esperan desde la puesta del Sol. ¿Te ha parecido largo el camino? Pues hemos venido por atajos que creo que mantienen la distancia legal».

Jesús hace un gesto como queriendo decir: «No se podía hacer de otra manera».

Manahén, atento a contar sus pasos, se calla. Ahora están en un pasaje rocoso y pelado, que asemeja a una caverna en subida entre las paredes del monte que casi se tocan. Se diría que la fractura —tan extraña es— la produjo algún cataclismo, una enorme cuchillada en la roca del monte que hubiera cortado a éste al menos un tercio desde la cima. Arriba, por encima de las paredes cortadas a pico, por encima del rumor agitado de las plantas nacidas en el borde del enorme tajo, brillan las estrellas; pero la Luna no baja aquí, a esta sima. La luz humosa de la antorcha despierta a algunas aves de rapiña, que gañen agitando las alas en los bordes de sus nidos entre las grietas.

560.2

Manahén dice: «¡Ahí es!», e introduce en una brecha de la pared rocosa un grito semejante al quejido de un voluminoso búho.

Del fondo viene una luz rojiza por otro pasillo rocoso que está cerrado por encima, como un zaguán. José aparece: «¿El Maestro?» pregunta, al no ver a Jesús, que está un poco atrás.

«Estoy aquí, José. Paz a ti».

«A ti, la paz. ¡Ven! Venid. Hemos encendido fuego para ver sierpes y escorpiones y combatir el frío. Yo voy delante».

Se vuelve y, por las ondulaciones del sendero que va entre las entrañas del monte, los guía hacia un lugar iluminado con lumbre. Allí está Nicodemo, alimentando el fuego con ramajes y enebros.

«La paz también a ti, Nicodemo. Aquí estoy, con vosotros.

560.3

Ha­blad».

«Maestro, ¿nadie se ha percatado de que venías aquí?».

«¿Quién se hubiera podido dar cuenta, Nicodemo?».

«¿Tus discípulos no están contigo?».

«Conmigo están Juan y Judas de Simón. Los otros evangelizan desde el día siguiente del sábado hasta el ocaso del viernes. Pero he salido de casa antes de la hora sexta diciendo que no se me esperara antes del alba siguiente al sábado. Ya es demasiado habitual en mí ausentarme durante varias horas, como para que ello pueda suscitar sospechas en alguno. Estad, por tanto, tranquilos. Tenemos todo el tiempo que queramos para hablar sin preocupación alguna de ser sorprendidos. Éste… es lugar propicio».

«Sí. Madrigueras de serpientes y buitres… y de bandidos cuando viene el tiempo bueno, cuando estos montes se llenan de rebaños. Pero ahora los bandidos prefieren otros lugares en que puedan abalanzarse más rápidamente sobre apriscos y caminos de caravanas. Sentimos haberte traído hasta aquí, pero es que de aquí nosotros podremos marcharnos por caminos distintos; sin llamar la atención de nadie. Porque, Maestro, la atención del Sanedrín está apuntada hacia los lugares donde hay sospecha de que te estiman».

«Bueno, en esto disiento de José. A mí me parece que ya somos nosotros los que vemos sombras donde no las hay. Y también me parece que, desde hace algunos días, se ha calmado mucho la cosa…» dice Nicodemo.

«Te engañas amigo. Te lo digo yo. Se ha calmado en cuanto que ya no existe el estímulo de buscar al Maestro, porque ya saben dónde está. Por eso le vigilan a Él y no a nosotros. Por eso le he recomendado que no dijera a nadie que nos íbamos a ver. No fuera que hubiera alguno dispuesto… a cualquier cosa» dice José.

560.4

«No creo que los de Efraím…» objeta Manahén.

«No, los de Efraím no, y ningún otro de Samaria. Sólo por actuar de forma distinta a como actuamos nosotros, los de la otra parte…».

«No, José. No es por ese motivo. Es porque ellos no tienen en su corazón esa maligna serpiente que tenéis vosotros. Ellos no temen ser despojados de ninguna prerrogativa. No tienen que defender intereses sectarios ni de casta. No tienen nada, aparte de una instintiva necesidad de sentirse perdonados y amados por Aquel al que sus antepasados ofendieron y al que ellos siguen ofendiendo al permanecer fuera de la Religión perfecta. Y permanecen fuera porque, siendo orgullosos ellos y siéndolo vosotros, no se sabe, por ambas partes, deponer el rencor que divide y tender la mano en nombre del único Padre. Claro que, aunque ellos tuvieran tanta voluntad como para eso, vosotros la demoleríais, porque no sabéis perdonar, no sabéis decir, hollando toda necedad: “El pasado ha muerto porque ha surgido el Príncipe del Siglo futuro, que a todos recoge bajo su Signo”. Yo, en efecto, he venido y recojo. Pero vosotros, ¡oh, vosotros consideráis siempre maldito incluso aquello que Yo he considerado merecedor de ser recogido!».

«Eres severo con nosotros, Maestro».

«Soy justo.

560.5

¿Podéis, acaso, decir que en vuestro corazón no me censuráis por ciertas acciones mías? ¿Podéis decir que aprobáis mi pareja misericordia hacia judíos y galileos y hacia samaritanos y gentiles, o incluso más amplia para con éstos y los grandes pecadores, precisamente porque ellos la necesitan mayormente? ¿Podéis decir que no pretenderíais de mí gestos de violenta majestad para manifestar mi origen sobrenatural y, sobre todo, fijaos bien, y, sobre todo, mi misión de Mesías según vuestro concepto del Mesías? Decid sinceramente la verdad: aparte de la alegría de vuestro corazón por la resurrección de vuestro amigo, ¿no habríais preferido, antes que esta resurrección, que Yo hubiera llegado a Betania apuesto y cruel, como[1] nuestros antiguos respecto a los amorreos y los de Basán, y como Josué respecto a los de Ay y Jericó, o, mejor aún, haciendo caer con mi voz las piedras y los muros sobre los enemigos, como las trompetas de Josué hicieron respecto a las murallas de Jericó, o haciendo caer del cielo sobre los enemigos gruesas piedras, como sucedió en el descenso de Beterón también en tiempos de Josué, o, como en tiempos más recientes, llamando a celestes jinetes que corrieran por los aires, vestidos de oro, armados de lanzas, formados en cohortes, y que hubiera movimiento de escuadrones de caballería, y asaltos por una y otra parte, y agitación de escudos, y ejércitos con yelmos y espadas desenvainadas, y lanzamiento de dardos para aterrorizar a mis enemigos? Sí, habríais preferido esto porque, a pesar de que me améis mucho, vuestro amor es todavía impuro, y la seducción —en cuanto a desear lo no santo— se la proporciona vuestro pensamiento de israelitas, vuestro viejo pensamiento. El que tiene Gamaliel igual que el último de Israel, el que tiene el Sumo Sacerdote, el Tetrarca, el labriego, el pastor, el nómada, el hombre de la Diáspora. El pensamiento fijo del Mesías conquistador. La pesadilla de quien teme ser aniquilado por Él. La esperanza de quien ama a la Patria con la violencia de un humano amor. El suspiro de quien está oprimido por otras potencias en otras tierras. No es culpa vuestra. El pensamiento puro como había sido dado por Dios acerca de lo que Yo soy se ha ido cubriendo, a lo largo de los siglos, de estratos de escorias inútiles. Y pocos saben, con sufrimiento, restituir a la idea mesiánica su pureza inicial. Ahora, además —estando ya cercano el tiempo en que será dado el signo que Gamaliel espera, y todo Israel con él, y llegando ya el tiempo de mi perfecta manifestación—, Satanás trabaja para hacer más imperfecto vuestro amor y más torcido vuestro pensamiento. Llega su hora. Yo os lo digo. Y, en esa hora de tinieblas, incluso los que actualmente ven o están solamente un poco privados de vista, resultarán ciegos del todo. Pocos, muy pocos, en el Hombre abatido reconocerán al Mesías. Pocos le reconocerán como verdadero Mesías, precisamente porque será abatido, como le vieron los profetas. Yo quisiera, por el bien de mis amigos, que supieran verme y conocerme mientras es de día para poder también reconocerme desfigurado y verme en las tinieblas de la hora del mundo…

560.6

Pero decidme ahora lo que queríais decirme. La hora avanza rápida y vendrá el alba. Lo digo por vosotros, porque Yo no temo encuentros peligrosos».

«Pues lo que te queríamos decir era que alguien debe haber dicho dónde estás, y que este alguien ciertamente no somos ni yo ni Nicodemo ni Manahén ni Lázaro y sus hermanas ni Nique. ¿Con quién más has hablado del lugar elegido para refugio tuyo?».

«Con ninguno, José».

«¿Estás seguro?».

«Seguro».

«¿Y has dado orden a tus discípulos de que no hablaran de ello?».

«Antes de partir no les hablé del lugar. Llegado a Efraím, di orden de que fueran evangelizando y de actuar en representación mía. Y estoy seguro de su obediencia».

«Y… ¿estás Tú solo en Efraím?».

«No. Estoy con Juan y Judas de Simón. Ya lo he dicho. Él, Judas, porque leo tu pensamiento, no puede haberme perjudicado con su irreflexión, porque nunca se ha alejado de la ciudad y en esta época no pasan por ella peregrinos de otros lugares».

«Entonces… Ha sido Belcebú en persona el que ha hablado. Porque en el Sanedrín se sabe que estás allí».

«¿Y entonces? ¿Cuáles han sido las reacciones del Sanedrín ante este movimiento mío?».

«Varias, Maestro. Muy distintas unas de otras. Hay quien dice que es lógico: dado que te han proscrito en los lugares santos, no te quedaba otra solución que refugiarte en Samaria. Otros, sin embargo, dicen que esto revela de ti lo que eres: un samaritano de alma, más que si lo fueras de raza; y que ello es suficiente para condenarte. Bueno y todos están muy contentos de haberte podido reducir al silencio y de poder señalarte ante las masas como amante de samaritanos. Dicen: “Ya hemos ganado la batalla. Lo demás será un juego de niños”. Pero, haz que eso no sea verdad. Te lo rogamos».

«No será verdad. Dejad que hablen. Los que me aman no se turbarán por las apariencias. Dejad que el viento cese del todo. Es viento de tierra. Luego vendrá el viento del Cielo y se abrirá el entrecielo apareciendo la gloria de Dios.

560.7

¿Tenéis algo más que decirme?».

«Respecto a ti, no. Vigila, sé cauto, no salgas de donde estás. Y decirte que te tendremos informado…».

«No. No hace falta. Permaneced donde estáis. Pronto tendré conmigo a las discípulas y —esto sí— decid a Elisa y a Nique que se unan a las otras, si quieren. Decídselo también a las dos hermanas. Siendo ya conocido el lugar donde me hallo, los que no temen al Sanedrín pueden ya venir y experimentar recíproca consolación».

«No pueden venir las dos hermanas hasta que Lázaro no regrese. Salió con gran pompa. Toda Jerusalén ha sabido que se marchaba a sus propiedades lejanas, y no se sabe cuándo va a volver. Pero su criado ha vuelto ya de Nazaret y ha dicho —también tenemos que decirte esto— que tu Madre estará aquí con las otras antes de que concluya esta luna. Ella está bien, y también María de Alfeo. El criado las ha visto. Pero tardan un poco porque Juana quiere venir con ellas y no puede hacerlo hasta el final de esta luna.

560.8

Y también… como amigos fieles, aunque… imperfectos como dices, si nos lo permites, quisiéramos ofrecerte una ayuda…».

«No. Los discípulos que están evangelizando traen cada vigilia de sábado cuanto necesitan ellos y cuanto necesitamos nosotros los que estamos en Efraím. Más no hace falta. El obrero vive de su salario. Eso es justo. Lo demás sería superfluo. Dádselo a algún necesitado. Lo mismo he impuesto a los de Efraím y a mis propios apóstoles. Exijo que a su regreso no tengan ni una moneda de reserva y que toda dádiva sea repartida por el camino, tomando para nosotros lo mínimo indispensable para la frugalísima comida de una semana».

«¿Por qué, Maestro?».

«Para enseñarles el desapego de las riquezas y el dominio espiritual sobre las preocupaciones del mañana. Y por esto y por otras buenas razones mías de Maestro, os ruego que no insistáis».

«Como quieras. Pero nos apena el no poder servirte».

«Llegará la hora en que lo haréis…

560.9

¿No es ya aquella la primera luz del alba?» dice volviéndose hacia Oriente, o sea, hacia el lado opuesto a aquel por el que ha venido, e indicando un tímido claror que aparece lejano a través de una abertura.

«Lo es. Tenemos que dejarnos. Yo vuelvo a Gofená, donde he dejado la cabalgadura, y Nicodemo, por esta otra parte, bajará hacia Berot, y desde allí a Ramá, terminado el sábado».

«¿Y tú, Manahén?».

«Bueno, yo iré abiertamente por los caminos descubiertos que van hacia Jericó, donde ahora está Herodes. Tengo el caballo en una casa de gente pobre que por una limosna no sienten repulsa de nada, ni siquiera de un samaritano como creen que soy. Pero por ahora sigo contigo. En la bolsa tengo comida para dos».

«Entonces nos despedimos.

560.10

Para la Pascua nos veremos de nuevo».

«¡No! ¡No querrás ya arriesgarte a esa prueba!» dicen José y Nicodemo. «¡No lo hagas, Maestro!».

«Verdaderamente sois malos amigos porque me aconsejáis el pecado y la cobardía. ¿Cómo, reflexionando sobre el gesto que pongo, podríais amarme? Decidlo. Sed sinceros. ¿A dónde habría que ir para adorar al Señor en la Pascua de los Ácimos? ¿Al monte Garizim[2]? ¿O no debería, más bien, presentarme ante el Señor en el Templo de Jerusalén, como deben hacer todos los varones de Israel en las tres grandes fiestas anuales? ¿Habéis olvidado que ya se me acusa de no respetar el sábado, a pesar de que —Manahén lo puede testificar—, hoy sin ir más lejos, Yo, secundando vuestro deseo, de noche haya recorrido un camino que armonizara vuestro deseo y la ley sabática?».

«Nosotros también hemos estado en Gofená por este motivo… Y ofreceremos un sacrificio para expiar una involuntaria transgresión por un motivo ineluctable. ¡Pero Tú, Maestro!… Te van a ver inmediatamente…».

«Si no me vieran ellos, Yo me encargaría de que me vieran».

«¡Buscas tu destrucción! Es como si te mataras…».

«No. Vuestra mente está muy envuelta en sombras. No es como quererme matar. Es únicamente obedecer a la voz del Padre mío que me dice: “Ve. Es la hora”. Siempre he buscado conciliar la Ley con las necesidades, incluso el día que tuve que huir de Betania y refugiarme en Efraím porque todavía no era la hora de ser capturado. El Cordero de Salvación sólo puede ser inmolado en la Pascua de los Ácimos. ¿Podréis pretender que, si eso he hecho respecto a la Ley, no lo haga respecto a la orden del Padre mío? Ahora marchaos, y no os aflijáis de esa manera. ¿Para qué he venido, sino para ser proclamado Rey de todas las gentes? Porque eso quiere decir “Mesías”, ¿no es verdad? Sí, quiere decir eso. Y “Redentor” también quiere decir eso. Pero la verdad del significado de estos dos nombres no corresponde con lo que vosotros os imagináis.

560.11

De todas formas, os bendigo, implorando que un rayo celeste descienda sobre vosotros junto con mi bendición. Porque os quiero y porque me queréis. Porque quisiera que vuestra justicia fuera plenamente luminosa. Y es que no sois malos pero sois, también vosotros, “viejo Israel” y no tenéis la voluntad heroica de despojaros del pasado y haceros nuevos. Adiós, José. Sé justo. Justo como aquel que durante muchos años fue para mí tutor y fue capaz de realizar toda renovación para servir al Señor su Dios. Si él estuviera aquí entre nosotros, ¡cómo os enseñaría a saber servir a Dios con perfección; a ser justos, justos, justos! ¡Pero justo es que esté ya en el seno de Abraham!… Para no ver la injusticia de Israel. ¡Oh, santo siervo de Dios!… Nuevo Abraham —de corazón traspasado pero de voluntad perfecta—, él no me habría aconsejado la cobardía, sino que me habría dicho las palabras que usaba cuando alguna realidad penosa pesaba sobre nosotros: “Levantemos el espíritu. Encontraremos la mirada de Dios y olvidaremos que son los hombres los que causan el dolor. Y hagamos todas las cosas que nos significan un peso como si el Altísimo nos las presentase. De esta manera santificaremos hasta las más pequeñas cosas y Dios nos amará”. Eso habría dicho, incluso animándome a sufrir los más graves dolores… Nos habría animado… ¡Oh, Madre!…».

Jesús suelta a José —le tenía abrazado— y, agachando la cabeza, permanece en silencio, contemplando, sin duda, su ya cercano martirio y el de su pobre Madre…

Luego alza la cabeza y abraza a Nicodemo diciendo: «La primera vez que viniste[3] a mí como discípulo oculto te dije que para entrar en el Reino de Dios y tener el Reino de Dios en vosotros era necesario que renacierais en espíritu y vuestro amor por la Luz fuera mayor del que por ella tenga el mundo. Hoy, y quizás es la última vez que nos encontramos en secreto, te repito las mismas palabras. Renace en tu espíritu, Nicodemo, para poder amar la Luz que soy Yo, y Yo more en ti como Rey y Salvador. Ahora marchaos. Que Dios esté con vosotros».

560.12

Los dos Ancianos se marchan por la parte opuesta a aquella por la que ha venido Jesús.

Cuando ya el ruido de sus pasos se ha alejado, Manahén, que había ido hasta la entrada de la gruta para verlos marcharse, vuelve y dice con cara muy expresiva: «¡Al menos una vez serán ellos los que infrinjan la medida sabática! ¡Y no se sentirán tranquilos hasta que no regularicen su deuda con el Eterno con el sacrificio de un animal! ¿No sería mejor para ellos sacrificar su tranquilidad declarándose abiertamente “tuyos”? ¿No sería eso más grato al Altísimo?».

«Ciertamente lo sería. Pero no los juzgues. Son masa que fermenta despacio. Pero, en su momento, ellos, cuando muchos que se creen mejores caigan, se erguirán contra todo un mundo».

«¿Lo dices por mí, Señor? Quítame la vida, antes que permitir que reniegue de ti».

«Tú no me renegarás. Pero en ti hay elementos distintos de los suyos para ayudarte a ser fiel».

560.13

«Sí. Yo soy… el herodiano. O sea, era el herodiano. Porque, de la misma manera que me he apartado del Consejo, me he apartado del partido desde que lo veo ruin e injusto —como los otros— respecto a ti. ¡Ser herodiano!… Para las otras castas es poco más que pagano. No digo que seamos unos santos. Es verdad que no lo somos. Hemos incurrido en impureza por una finalidad impura. Hablo como si fuera todavía el herodiano de antes de ser tuyo. Somos, por tanto, doblemente impuros, según el juicio humano: porque nos hemos aliado con los romanos y porque lo hemos hecho buscando nuestro propio beneficio. Pero, dime, Maestro, Tú que siempre dices la verdad y no te abstienes de decirla por temor a perder un amigo. Entre nosotros, que nos hemos aliado con Roma para… gozar todavía de efímeros triunfos personales, y los fariseos, jefes de los sacerdotes, escribas, saduceos, que se alían con Satanás para destruirte a ti, ¿quién es más impuro? Yo, ya ves que, ahora que he visto que el partido de los herodianos se pone contra ti, los he dejado. No digo esto para que me alabes, sino para manifestarte cómo pienso. ¡Y ellos —hablo de los fariseos y sacerdotes, escribas y saduceos— creen que sacan un beneficio de esta inesperada alianza de los herodianos con ellos! ¡Desdichados! No saben que los herodianos lo hacen para ganar méritos ante los romanos y, por tanto, mayor protección de éstos, y, después… definidos y terminados la causa y el motivo que los une ahora, abatir a los que ahora toman como aliados. Éste es el juego recíproco de los unos y los otros. Todo está basado en el engaño. Y esto me repugna de tal manera, que me he independizado del todo. Tú… Tú apareces como un gran fantasma amedrentador. ¡Para todos! Y eres también el pretexto para el sucio juego de los intereses de los distintos partidos. ¿El motivo religioso? ¿El sagrado desdén hacia “el blasfemo”, como te llaman? ¡Todo engaños! El único motivo es, no la defensa de la Religión, no el sagrado celo por el Altísimo, sino sus intereses, ávidos, insaciables. Me dan asco como cosa inmunda. Y quisiera… quisiera que fueran más valerosos los pocos que no son inmundicia. ¡Ya me es gravoso llevar una vida doble! Quisiera seguirte sólo a ti, pero te sirvo así más que si te siguiera. Siento este peso…

Pero dices que será pronto… Como…

560.14

¿Pero realmente serás inmolado como el Cordero? ¿No es lenguaje figurado? La vida de Israel está tejida con símbolos y figuras…».

«Y quisieras que conmigo fuera así… No, mi caso no es una figura».

«¿No lo es? ¿Estás completamente seguro? Yo podría… Muchos podríamos repetir antiguos gestos haciendo que te ungieran como Mesías, y podríamos defenderte. Bastaría una palabra para que surgieran a millares los defensores del verdadero Pontífice santo y sabio. Ya no hablo de un rey terreno, porque ya sé que tu Reino es enteramente espiritual. Pero, dado que humanamente fuertes y libres no lo seremos ya nunca, pues, al menos, que sea tu santidad la que gobierne y dé nueva salud al corrompido Israel. Nadie —Tú lo sabes— aprecia al actual sacerdocio o a quienes lo sostienen. ¿Quieres esto, Señor? Ordena y yo actuaré».

«Ya has avanzado mucho en tu pensamiento, Manahén. Pero todavía estás tan lejos de la meta como la Tierra del Sol. Yo seré Sacerdote, y lo seré eternamente, Pontífice inmortal, en un organismo que vivificaré hasta el final de los siglos. Pero no seré ungido con el óleo de la alegría, ni proclamado y defendido con actos violentos —expresión de la voluntad de un puñado de fieles— que llevarían a la Patria a una escisión más feroz aún y a hacerla más esclava que nunca. ¿Y crees que una mano de hombre puede ungir al Cristo? En verdad te digo que no. La verdadera Autoridad que me ungirá Pontífice y Mesías es la de Aquel que me ha enviado. Nadie, aparte de Dios, podría ungir a Dios como Rey de reyes y Señor de señores para toda la eternidad».

«¡¿Entonces nada?! ¡¿Nada que hacer?! ¡Oh, mi dolor!».

«Todo. Amarme. En eso se resume todo. Amar no a la criatura que lleva por nombre Jesús, sino a lo que Jesús es. Amarme con la humanidad y con el espíritu, de la misma forma que Yo os amo con el Espíritu y la Humanidad para estar conmigo más allá de la Humanidad.

560.15

Mira qué hermosa aurora. La luz tímida de las estrellas no llegaba hasta aquí dentro; pero la luz segura del Sol, sí. Lo mismo sucederá en los corazones de aquellos que lleguen a amarme con justicia. Vamos afuera, al silencio del monte, exento de voces humanas enronquecidas de intereses. Mira aquellas águilas. Mira cómo se alejan con amplios vuelos en busca de presa. ¿Vemos las presas? Nosotros, no; pero las águilas sí, porque el ojo del águila es más poderoso que el nuestro y, desde arriba, donde se cierne en vuelo, ve un amplio horizonte y sabe elegir. Yo también. Lo que vosotros no veis Yo lo veo. Y, desde arriba, donde aletea mi espíritu, sé elegir a mis dulces presas. No para despedazarlas, como hacen los buitres y las águilas, sino para llevarlas conmigo. ¡Seremos así felices allí, en el Reino del Padre mío, nosotros, que nos hemos querido!…».

Y Jesús, que, hablando, ha salido a sentarse al sol a la entrada de la caverna, teniendo a su lado a Manahén, le arrima ahora hacia sí y calla y sonríe contemplando quién sabe qué visión…


Notes

  1. comme : ces récits sont racontés en Nb 21, 21-35 ; Dt 2, 26-37 ; Jos 6-8 ; 10 ; 2 M 5, 1-4.
  2. sur le mont Garizim où se trouvait le Temple des Samaritains (dont il est déjà fait mention en 558.6), en opposition avec celui de Jérusalem : Dt 11, 26-32 ; 27, 11-13 ; Jos 8, 30-35 ; 2 M 6, 1-2.
  3. venu : en 116.4/11.

Notas

  1. como: siguen comparaciones con las gestas narradas en: Números 21, 21-35; Deuteronomio 2, 26-37; Josué 6-8; 10; 2 Macabeos 5, 1-4.
  2. al monte Garizim, donde los samaritanos tenían su Templo, opuesto al de Jerusalén (deuteronomio 11, 26-32; 27, 11-13; Josué 8, 30-35; 2 Macabeos 6, 1-2).
  3. veniste, en 116.4/11.