Los Escritos de Maria Valtorta

604. Les procès et le reniement de Pierre.

604. Los procesos.

604.1

Alors commence la douloureuse marche, par le chemin pierreux qui mène de la petite place où Jésus a été capturé au Cédron et, de là, par un autre chemin, à la ville. Aussitôt les moqueries s’élèvent, les sévices se déclenchent.

Jésus, lié aux poignets et à la ceinture comme s’il était un fou dangereux, avec les bouts des cordes confiés à des énergumènes ivres de haine, est ballotté d’un côté et de l’autre comme un chiffon abandonné à la colère d’une meute de chiens. Encore seraient-ils excusables si c’étaient des chiens. Mais ce sont des hommes, bien qu’ils n’aient d’humain que l’aspect. Pour accroître la souffrance, ils ont imaginé de joindre deux cordes en sens contraire : l’une sert seulement à emprisonner les poignets qu’elle griffe et irrite par son frottement rugueux, et l’autre, celle de la ceinture, comprime les coudes contre le thorax, et oppresse le haut de l’abdomen jusqu’à le scier, en torturant le foie et les reins où ils ont fait un énorme nœud. De temps à autre, l’homme qui tient les bouts des cordes s’en sert pour fouetter Jésus en lançant : “ Hue ! Allez ! Trotte, baudet ! ” et il y ajoute des coups de pieds, appliqués derrière les genoux du Torturé, qui chancelle. S’il ne tombe pas, c’est uniquement parce que les cordes le maintiennent debout. Mais cela n’évite pas que, tiré à droite par celui qui s’occupe des mains et à gauche par celui qui tient la corde de la ceinture, Jésus aille heurter les murets et les arbres, et tombe brutalement contre le parapet du petit pont sur le Cédron à cause d’un coup plus cruel reçu au moment de le franchir. La bouche contusionnée de Jésus saigne. Il lève ses mains liées pour essuyer le sang qui lui souille la barbe, en silence. C’est vraiment l’agneau qui ne mord pas son bourreau.

Pendant ce temps, des gens sont descendus ramasser des galets et des cailloux sur la rive et, d’en-bas, une grêle de pierres commence à s’abattre sur une cible facile à atteindre. Comme la marche s’est ralentie sur ce pont étroit et peu sûr, sur lequel les gens s’entassent au point de se gêner les uns les autres, les pierres atteignent Jésus à la tête et aux épaules, mais aussi ses gardiens, qui réagissent en lançant des bâtons et en renvoyant les pierres. Et tout sert à frapper de nouveau Jésus à la tête et au cou. Finalement le pont se dégage, et c’est alors une étroite ruelle qui jette son ombre sur la mêlée : en effet, la lune, qui commence à descendre, n’éclaire pas ce sentier tortueux, et beaucoup de torches se sont éteintes au cours de la cohue.

Mais la haine tient lieu de lumière pour voir le pauvre Martyr dont la haute taille facilite la torture. Comme il est le plus grand, il est facile de le frapper, de l’attrapper par les cheveux pour l’obliger à renverser violemment la tête, sur laquelle on lance une poignée d’immondices qui doit forcément entrer dans la bouche et dans les yeux, et provoquer nausée et souffrance.

604.2

Le cortège en vient à traverser le faubourg d’Ophel, ce faubourg où il a accordé tant de bienfaits. La foule hurle pour appeler les dormeurs sur les seuils. Les femmes poussent des cris de douleur et, terrorisées, s’enfuient à la vue de ce qui arrive, mais les hommes qui ont pourtant obtenu de Jésus guérisons, secours, paroles amicales soit baissent la tête par indifférence, soit affectent l’insouciance, quand ils ne passent pas de la curiosité à la colère, aux ricanements, aux gestes de menace, avant de suivre le cortège pour continuer à harceler Jésus. Satan est déjà à l’œuvre…

Un homme[1] qui veut suivre Jésus pour s’en prendre à lui, est saisi au bras par sa femme qui lui crie :

« Lâche ! C’est grâce à lui que tu es vivant, homme dégoûtant, espèce de pourri ! Souviens-t’en ! »

Mais la femme est vaincue par l’homme qui la frappe bestialement en la jetant par terre, et qui court ensuite rejoindre le Martyr sur la tête de qui il jette une pierre.

Une autre femme, d’un certain âge, cherche à barrer le chemin à son fils au visage de hyène qui accourt avec un bâton pour s’en prendre lui aussi à Jésus. Elle lui crie :

« Tant que je vivrai, tu ne seras pas l’assassin de ton Sauveur ! »

Mais la malheureuse, frappée par son fils d’un coup de pied brutal à l’aine, s’abat en hurlant :

« Déicide et matricide ! Pour le sein que tu déchires une seconde fois et pour le Messie que tu accables, sois maudit ! »

604.3

La violence s’accroît à mesure que le cortège approche de la ville.

Jean et Pierre se tiennent devant la porte de la ville. Elle est déjà ouverte, et les soldats romains, l’arme au pied, observent d’où vient le tumulte et comment il se développe, prêts à intervenir si le prestige de Rome devait être lésé. Je crois qu’ils sont arrivés là par un raccourci, après avoir franchi le Cédron en amont du pont, puis précédé rapidement la foule qui, gênée par le nombre, avance lentement. Ils se trouvent dans la pénombre d’une entrée, près d’une petite place qui précède les murs. Ils ont mis leurs manteaux sur la tête pour dissimuler leur visage. Mais à l’arrivée de Jésus, Jean laisse tomber son manteau et découvre son visage pâle et bouleversé au clair de lune, qui brille encore avant de disparaître derrière la colline qui se trouve au-delà des murs — je l’entends appeler Tofet par les sbires qui ont capturé Jésus. Pierre n’ose pas se découvrir, mais il s’avance pour être vu…

Jésus les regarde… Il a un sourire d’une infinie bonté. Pierre fait demi-tour et revient dans son coin obscur, les mains sur les yeux, courbé, vieilli, déjà une loque humaine. Jean reste courageusement à sa place et ne rejoint Pierre qu’une fois la foule hurlante passée. Il le prend par le coude, le conduit comme si c’était un jeune garçon qui guide son père aveugle, et ils entrent tous deux dans la ville, derrière la foule vociférante.

J’entends les exclamations étonnées, narquoises, affligées des soldats romains. L’un d’eux maudit ceux qui l’ont fait se lever à cause de ce “ mouton imbécile ” ; un autre se moque des Juifs capables de “ prendre une femmelette ” ; un troisième a pitié de la Victime “ qu’il a toujours vue pleine de bonté ” ; l’un des soldats va jusqu’à dire :

« J’aurais préféré qu’ils me tuent plutôt que de le voir entre leurs mains. C’est un grand homme. Si je vénère quoi que ce soit en ce monde, c’est bien lui et Rome.

– Par Jupiter ! s’écrie le plus élevé en grade, je ne veux pas d’ennuis. Je vais aller trouver le porte-enseigne. C’est à lui d’en parler à qui de droit. Je ne veux pas que l’on m’envoie combattre les Germains. Ces Hébreux sentent mauvais, ce sont des serpents qui ne nous causent que des ennuis. Mais ici, la vie est sûre. Or je suis sur le point de finir mon temps, et j’ai une petite fille près de Pompéi… »

604.4

Je perds le reste pour suivre Jésus. Celui-ci s’avance sur le chemin qui monte en tournant vers le Temple. Mais je vois et comprends que la maison d’Hanne, où ils veulent l’amener, est située dans ce labyrinthe qu’est le Temple, qui occupe toute la colline de Sion. Plus exactement, elle y est et elle n’y est pas : elle se trouve à son extrémité, près d’une série de grosses murailles qui semblent marquer la limite de la ville, avant de s’étendre avec des portiques et des cours à travers le flanc de la colline pour arriver dans l’enceinte du Temple proprement dit, c’est-à-dire là où les juifs se rendent pour les diverses manifestations du culte.

Un haut portail en fer perce la muraille. Vers lui accourent des hyènes volontaires qui y frappent violemment. A peine est-il entrebaillé qu’ils se ruent à l’intérieur en faisant presque tomber la servante venue pour ouvrir, et ils la piétinent afin d’ouvrir tout grand le vantail pour que la foule hurlante, avec le Capturé au milieu, puisse entrer. Une fois tous à l’intérieur, ils le ferment par une barre, peut-être par peur de Rome ou des partisans du Nazaréen.

Ses partisans ! Où sont-ils ?…

Une fois passé l’atrium de l’entrée, ils traversent une vaste cour, un couloir, un autre portique et une nouvelle cour. Traînant Jésus, ils lui font alors monter trois marches, puis ils le font passer au pas de course sous des arcades surélevées au-dessus de la cour, pour arriver plus vite à une riche salle où se trouve un homme âgé habillé en prêtre.

« Que Dieu te console, Hanne » dit celui qui semble être l’officier, si on peut appeler ainsi le gredin qui commande ces brigands. « Voici le coupable. Je le confie à ta sainteté pour qu’Israël soit purifié de la faute.

– Que Dieu te bénisse pour ta sagacité et ta foi. »

Belle sagacité ! Il avait suffi de la voix de Jésus pour les faire tomber par terre à Gethsémani.

604.5

« Qui es-tu ?

– Jésus de Nazareth, le Rabbi, le Christ. Tu me connais. Je n’ai pas agi dans les ténèbres.

– Dans les ténèbres, non. Mais tu as dévoyé les foules par des doctrines ténébreuses. Et le Temple a le droit et le devoir de protéger l’âme des enfants d’Abraham.

– L’âme ! Prêtre d’Israël, peux-tu dire que tu as souffert pour l’âme du plus petit ou du plus grand de ce peuple ?

– Et toi donc ? Qu’as-tu fait qui puisse s’appeler souffrance ?

– Ce que j’ai fait ? Pourquoi me le demandes-tu ? Israël tout entier en parle. De la cité sainte au plus misérable, les pierres elles-mêmes parlent pour dire ce que j’ai fait. J’ai rendu aux aveugles la vue des yeux et celle du cœur. J’ai ouvert l’ouïe à ceux qui étaient sourds aux voix de la terre et aux voix du Ciel. J’ai fait marcher les estropiés et les paralytiques pour qu’ils commencent leur marche vers Dieu par la chair, puis progressent avec l’esprit. J’ai purifié les lépreux : des lèpres que la Loi mosaïque signale et de celles qui rendent impur auprès de Dieu : les péchés. J’ai ressuscité les morts ; je ne prétends pas que rappeler à la vie une chair est extraordinaire, mais c’est une grande œuvre de racheter un pécheur, et je l’ai fait. J’ai secouru les pauvres en enseignant aux Hébreux avides et riches le saint précepte de l’amour du prochain et, en restant pauvre malgré les fleuves d’or qui me sont passés par les mains, j’ai essuyé plus de larmes, moi seul, que vous tous, les possesseurs de richesses. J’ai apporté enfin une richesse qui n’a pas de nom : la connaissance de la Loi, la connaissance de Dieu, la certitude que nous sommes tous égaux et que, aux yeux saints du Père, égaux sont les pleurs ou les crimes, qu’ils soient versés ou accomplis par le Tétrarque et le Pontife, ou par le mendiant et le lépreux qui meurt au bord du chemin. Voilà ce que j’ai fait. Rien de plus.

604.6

– Sais-tu que tu t’accuses toi-même ? Tu parles de lèpres qui rendent impur aux yeux de Dieu et ne sont pas signalées par Moïse. Tu insultes Moïse et tu insinues qu’il y a des lacunes dans sa Loi…

– Ce n’est pas la sienne, mais celle de Dieu. C’est ainsi. Plus que la lèpre, ce malheur de la chair qui a une fin, je déclare grave la faute qui est un malheur, et un malheur éternel de l’âme.

– Tu oses dire que tu peux remettre les péchés. Comment le fais-tu ?

– S’il est permis et croyable qu’on annule une faute par un peu d’eau lustrale et le sacrifice d’un bêlier, qu’on l’expie et qu’on en est purifié, comment mes larmes, mon sang et ma volonté ne le pourront-ils pas ?

– Mais tu n’es pas mort. Où donc est le sang ?

– Je ne suis pas encore mort. Mais je le serai, car c’est écrit. C’était écrit au Ciel avant que n’existent Moïse, Jacob et Abraham, mais depuis que le roi du Mal a mordu l’homme au cœur et l’a empoisonné, lui et sa descendance. C’est écrit sur la terre dans le Livre où sont rassemblées les paroles des prophètes. C’est écrit dans les cœurs : dans le tien, dans celui de Caïphe et des membres du Sanhédrin qui ne me pardonnent pas ; non, ces cœurs ne me le pardonnent pas d’être bon. J’ai absous, en anticipant sur mon sang. Maintenant, j’accomplis l’absolution par un bain dans ce sang.

– Tu nous accuses d’être avides et ignorants du précepte d’amour…

– N’est-ce pas vrai ? Pourquoi me tuez-vous ? Parce que vous avez peur que je vous détrône. Oh ! ne craignez rien. Mon Royaume n’est pas de ce monde. Je vous laisse maître de tout pouvoir. L’Eternel sait quand il faut dire les mots “ Cela suffit ! ” qui vous feront tomber, foudroyés…

– Comme Doras[2] ?

– Il est mort de colère, non par la foudre du Ciel. Dieu l’attendait de l’autre côté pour le foudroyer.

– C’est à moi, son parent, que tu oses dire cela ?

– Je suis la Vérité. La Vérité n’est jamais lâche.

– Orgueilleux et fou que tu es !

– Non : sincère. Tu m’accuses de vous offenser, mais est-ce que vous ne vous haïssez pas tous ? C’est votre animosité contre moi qui vous unit aujourd’hui. Mais demain, quand vous m’aurez tué, votre haine mutuelle renaîtra, encore plus féroce, et vous vivrez avec cette hyène dans le dos et ce serpent dans le cœur. J’ai enseigné l’amour, par pitié pour le monde. J’ai enseigné à ne pas être avide, à faire preuve de pitié.

604.7

De quoi m’accuses-tu ?

– D’avoir apporté une doctrine nouvelle.

– O prêtre ! Israël pullule de doctrines nouvelles : esséniens, sadducéens, pharisiens, tous ont la leur. Ensuite, chacun a sa doctrine secrète qui, pour l’un s’appelle plaisir, pour l’autre or, pour un troisième puissance. Chacun a son idole. Pas moi. J’ai repris la Loi piétinée de mon Père, du Dieu éternel, et je suis revenu dire simplement les dix propositions du Décalogue. Je me suis desséché les poumons pour les faire entrer dans des cœurs qui ne les connaissaient plus.

– Horreur ! Blasphème ! C’est à moi, un prêtre, que tu dis cela ? Israël n’a-t-il pas de Temple ? Sommes-nous comme les exilés à Babylone[3] ? Réponds.

– C’est ce que vous êtes et plus encore. Il y a bien un Temple, oui, un édifice. Mais Dieu n’y est pas. Il a fui devant l’abomination qui occupe sa maison. Mais pourquoi tant m’interroger puisque ma mort est décidée ?

– Nous ne sommes pas des assassins. Nous tuons si nous en avons le droit pour une faute avérée.

604.8

Mais moi, je veux te sauver. Parle, et je te sauverai. Où sont tes disciples ? Si tu me les livres, je te laisse libre. Je veux les noms de tous, et ceux qui sont secrets davantage que ceux qui sont connus. Dis-moi : Nicodème est-il à toi ? Et Joseph ? Et Eléazar ? Gamaliel aussi ? Et… pour celui-ci, je suis au courant… inutile de te le demander. Parle, parle. Tu le sais : je peux te tuer et te sauver. Je suis puissant.

– Tu n’es que fange. Je laisse à la fange le métier d’espion. Moi, je suis Lumière. »

Un sbire lui donne un coup de poing.

« Je suis Lumière. Lumière et Vérité. J’ai parlé ouvertement au monde, j’ai enseigné dans les synagogues et au Temple où se rassemblent les juifs, et je n’ai rien dit en secret. Je le répète : pourquoi m’interroges-tu ? Interroge ceux qui ont entendu mes paroles. Eux le savent. »

Un autre sbire le gifle en criant :

« C’est ainsi que tu réponds au grand-prêtre ?

– C’est à Hanne que je parle. Le grand-prêtre, c’est Caïphe. Et je m’adresse à lui avec le respect dû à un vieillard. Mais s’il te semble que j’ai mal parlé, montre-le-moi. Autrement, pourquoi me frappes-tu ?

– Laissez-le faire.

604.9

Je vais trouver Caïphe. Vous, gardez-le ici jusqu’à ce que j’en décide autrement. Et faites en sorte qu’il ne parle à personne. »

Hanne sort.

Jésus ne parle pas, non, il ne parle pas. Pas même à Jean qui ose rester sur le pas de la porte en défiant toute la gent policière. Mais Jésus doit, sans mot dire, lui donner un ordre, car Jean, après un regard affligé, sort de là, et je le perds de vue.

Jésus reste avec ses gardes. Coups de corde, crachats, injures, coups de pied, cheveux arrachés, c’est ce qui lui reste, jusqu’au moment où un serviteur vient demander qu’on amène le Prisonnier dans la maison de Caïphe.

Toujours lié et maltraité, Jésus passe de nouveau sous les arcades, jusqu’à une entrée, puis il traverse une cour où une foule nombreuse se réchauffe à un feu, car la nuit est devenue froide et venteuse à ces premières heures du vendredi. Pierre et Jean s’y trouvent, mêlés à la foule hostile. Ils doivent avoir un beau courage pour rester là… Jésus les regarde, et une ombre de sourire passe sur ses lèvres déjà enflées par les coups.

Le chemin est long, à travers portiques, atriums, cours et couloirs. Mais quelles maisons avaient donc ces personnages attachés au Temple ?

La foule n’entre pas dans les murs de la maison du grand-prêtre. Elle est repoussée dans l’atrium d’Hanne. Jésus s’avance, seul au milieu des sbires et des prêtres.

604.10

Il pénètre dans une vaste salle qui semble perdre sa forme rectangulaire à cause des nombreux sièges disposés en fer à cheval sur trois côtés, laissant au milieu un espace vide au-delà duquel se trouvent deux ou trois fauteuils montés sur des estrades.

Au moment où Jésus est sur le point d’entrer, le rabbi Gamaliel le rejoint, et les gardes donnent un coup au Prisonnier pour qu’il cède le passage au rabbi d’Israël. Mais celui-ci, raide comme un piquet, hiératique, ralentit et, presque sans remuer les lèvres, sans regarder personne, il demande :

« Qui es-tu ? Dis-le-moi. »

Et Jésus, doucement :

« Lis les prophètes et tu trouveras ta réponse. Le premier signe est chez eux. L’autre va venir. »

Gamaliel resserre son manteau et entre, suivi de Jésus. Pendant que Gamaliel va s’asseoir, Jésus est traîné au milieu de la salle, en face du grand-prêtre — une vraie figure de criminel —, et on attend qu’entrent tous les membres du Sanhédrin. Enfin, la séance commence. Mais Caïphe voit deux ou trois sièges vides, et il demande :

« Où est Eléazar ? Et où est Jean ? »

Un jeune scribe, je crois, se lève, s’incline :

« Ils ont refusé de venir. Voici l’écrit.

– Qu’on le conserve et qu’on le note, ils en répondront.

604.11

Qu’est-ce que les saints membres de ce Conseil ont à dire à son sujet ?

– C’est moi qui prends la parole : dans ma maison, il a violé le sabbat. Dieu m’est témoin que je ne mens pas. Ismaël ben Phabi ne ment jamais.

– Est-ce vrai, accusé ? »

Jésus se tait.

« Je l’ai vu vivre avec des courtisanes connues. En faisant le prophète, il avait transformé son repaire en lupanar, et pour comble avec des femmes païennes. Avec moi, il y avait Sadoq, Ben Calba Schéboua et Nahum, l’homme de confiance d’Hanne. Est-ce que je dis vrai, Sadoq et Ben Calba Schéboua ? Démentez-moi, si je le mérite.

– C’est vrai. C’est vrai.

– Que dis-tu ? »

Jésus se tait.

« Il ne manquait pas une occasion de nous ridiculiser et de nous faire ridiculiser. La foule ne nous aime plus à cause de lui.

– Tu les entends ? Tu as profané les membres saints. »

Jésus se tait.

« Cet homme est possédé du démon. Revenu d’Egypte, il exerce la magie noire.

– Peux-tu le prouver ?

– Je le jure par ma foi et par les tables de la Loi !

– Grave accusation. Disculpe-toi. »

Jésus se tait.

« Ton ministère est illégal, tu le sais, et passible de mort. Parle. »

Mais Gamaliel intervient :

« Cette séance est illégale. Lève-toi, Siméon, et partons.

– Mais rabbi, tu deviens fou ?

– Je respecte les règles. Il n’est pas permis de procéder ainsi, et j’en ferai une accusation publique. »

Et le rabbi Gamaliel sort, raide comme une statue, suivi d’un homme d’environ trente-cinq ans qui lui ressemble.

604.12

Il se fait un peu de tumulte dont profitent Nicodème et Joseph pour parler en faveur du Martyr.

« Gamaliel a raison. L’heure et l’endroit sont illicites, et les accusations manquent de consistance. Quelqu’un peut-il l’accuser d’avoir méprisé notoirement la Loi ? Je suis son ami et je jure que je l’ai toujours trouvé respectueux de la Loi, déclare Nicodème.

– Et moi également. Et pour ne pas souscrire à un crime je me couvre la tête, non à cause de lui, mais à cause de nous. Je sors. »

Joseph s’apprête à descendre de sa place pour partir.

Mais Caïphe braille :

« C’est-ce que vous dites ? Dans ce cas, faisons entrer les témoins assermentés. Ecoutez-les, puis vous vous en irez. »

Entrent deux figures de galériens. Regards fuyants, sourires cruels, mouvements sournois.

« Parlez.

– Il n’est pas licite de les entendre ensemble, crie Joseph.

– Je suis le grand-prêtre. C’est moi qui commande. Et silence ! »

Joseph donne un coup de poing sur la table et lance :

« Que les flammes du Ciel s’ouvrent sur toi ! A partir de ce moment, sache que Joseph l’Ancien est ennemi du Sanhédrin et ami du Christ. Et je vais de ce pas avertir le Préteur qu’ici on tue sans respect pour Rome ! »

A ces mots, il sort en repoussant violemment un jeune scribe maigre qui tentait de le retenir.

Nicodème, plus paisible, s’éloigne sans dire un mot. En passant devant Jésus, il le regarde…

604.13

Nouveau tumulte. On craint Rome. Et la victime expiatoire est encore et toujours Jésus.

« Tout cela, c’est à cause de toi ! Tu es le corrupteur des meilleurs Juifs. Tu les as prostitués. »

Jésus se tait.

« Qu’on entende les témoins ! crie Caïphe.

– Oui, celui-ci utilisait le… le… Nous le savions… Comment ça s’appelle, déjà?

– Le tétragramme, peut-être ?

– Voilà ! Tu l’as dit ! Il invoquait les morts. Il enseignait la rébellion pour le sabbat et la profanation pour l’autel. Nous le jurons. Il disait qu’il voulait détruire le Temple pour le reconstruire en trois jours avec l’aide des démons.

– Non. Il disait : il ne sera pas fait de main d’homme. »

Caïphe descend de son siège et s’approche de Jésus. Petit, obèse, laid, il ressemble à un énorme crapaud près d’une fleur. Car Jésus, malgré ses blessures, ses contusions, souillé et dépeigné, est encore très beau et majestueux.

« Tu ne dis rien? Quelles horribles accusations ils font contre toi ! Parle pour te laver de cette honte ! »

Mais Jésus se tait. Il le regarde et se tait.

604.14

« Adresse-toi à moi, alors. Je suis ton grand-prêtre. Au nom du Dieu vivant, je t’en conjure. Réponds-moi : es-tu le Christ, le Fils de Dieu ?

– C’est toi qui l’a dit. Je le suis. Et vous verrez le Fils de l’homme, assis à la droite de la puissance du Père, venir sur les nuées du ciel. Du reste, pourquoi m’interroges-tu ? J’ai parlé en public pendant trois ans. Je n’ai rien dit de caché. Interroge ceux qui m’ont entendu. Ils te rapporteront ce que j’ai dit et ce que j’ai fait. »

Un des soldats qui le tiennent le frappe sur la bouche en le faisant saigner de nouveau, et hurle :

« C’est ainsi que tu réponds au Grand Prêtre, ô satan ? »

Mais Jésus leur répond à tous les deux avec douceur :

« Si j’ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu ? Si j’ai mal parlé, pourquoi ne me dis-tu pas en quoi je me trompe ? Je le répète : je suis le Christ, Fils de Dieu. Je ne puis mentir. Le Grand-prêtre, le Prêtre éternel, c’est moi. Je suis seul à porter le vrai Rational sur lequel il est écrit : Doctrine et Vérité. Et je leur suis fidèle, jusqu’à la mort, ignominieuse aux yeux des hommes, sainte aux yeux de Dieu, et jusqu’à la bienheureuse Résurrection. Je suis l’Oint. Je suis Grand-prêtre et Roi. Je suis sur le point de prendre mon sceptre et de m’en servir comme d’un van pour purifier l’aire. Ce Temple sera détruit et ressuscitera, nouveau, saint, car celui-ci est corrompu et Dieu l’a abandonné à son destin.

– Blasphémateur ! crient-ils tous ensemble.

– Tu ferais cela en trois jours ? Tu es fou et possédé !

– Non, pas celui-ci, mais le mien se dressera, le Temple du Dieu vrai, vivant, saint, trois fois saint.

– Anathème ! » hurlent-ils de nouveau.

Caïphe déchire ses vêtements de lin avec des gestes d’horreur étudiés, et s’exclame de sa voix éraillée :

« Quels autres témoignages avons-nous besoin d’entendre ? Il a blasphémé. Que faisons-nous donc ? »

Et tous en chœur :

« Il est passible de mort. »

Avec des gestes indignés et scandalisés, ils sortent de la salle, laissant Jésus à la merci des sbires et de la populace des faux témoins. Ceux-ci le giflent, lui donnent des coups de poing, le couvrent de crachats, lui bandent les yeux avec un chiffon puis, en lui tirant violemment les cheveux, ils l’envoient çà et là, les mains liées de façon qu’il heurte les tables, les chaises et les murs. En même temps il lui demandent :

« Qui t’a frappé ? Devine ! »

Plusieurs fois, ils lui font des crocs-en-jambe pour le faire tomber par terre et rient vulgairement en voyant comment, les mains liées, il peine à se relever.

604.15

Les heures passent ainsi, et les bourreaux fatigués songent à prendre un peu de repos. Ils décident de conduire Jésus dans un débarras, mais ils doivent pour cela traverser de nombreuses cours au milieu des moqueries de la foule, déjà dense dans l’enceinte des maisons pontificales.

Jésus arrive dans la cour où se trouve Pierre près de son feu, et il le regarde. Mais Pierre évite son regard. Jean n’est plus là, je ne le vois pas. Je pense qu’il est parti avec Nicodème…

L’aurore apporte une lueur vert pâle. Un ordre est donné : il faut ramener le Prisonnier dans la salle du Conseil pour un procès plus légal. C’est à ce moment-là que Pierre nie pour la troisième fois connaître le Christ quand celui-ci passe, déjà marqué par ses souffrances. Et dans la lumière verte de l’aube, les contusions semblent encore plus atroces sur le visage terreux de Jésus, ses yeux plus profonds et vitreux. Jésus est comme assombri par la douleur du monde…

Un coq lance dans l’air à peine remué de l’aube son cri railleur, sarcastique, gamin. Dans le grand silence qui s’est fait à l’apparition du Christ, on entend la voix rauque de Pierre qui dit : “ Je te le jure, femme. Je ne le connais pas ”, affirmation tranchante, sûre, à laquelle, comme un rire moqueur, répond aussitôt le chant du petit coq.

Pierre sursaute. Il fait demi-tour pour fuir et se trouve en face de Jésus, qui le regarde avec une infinie pitié, avec une douleur si profonde et si intense qu’elle me brise le cœur comme si, après cela, je devais voir se dissoudre mon Jésus, et pour toujours. Pierre fait entendre un sanglot et sort en titubant comme s’il était ivre. Il s’enfuit derrière deux serviteurs qui sortent dans la rue et se perd dans la route encore à moitié obscure.

Jésus est ramené dans la salle, et ils lui répètent en chœur la question captieuse :

« Au nom du vrai Dieu, réponds-nous : es-tu le Christ ? »

Comme ils obtiennent la même réponse que précédemment, ils le condamnent à mort et donnent l’ordre de le conduire à Pilate.

604.16

Jésus, escorté par tous ses ennemis hormis Hanne et Caïphe, sort, en repassant par ces cours du Temple où tant de fois il avait parlé, répandu des bienfaits et guéri. Après avoir franchi l’enceinte crénelée, il entre dans les rues et, plutôt traîné que conduit, descend vers la ville qui rosit dans une première annonce de l’aurore.

Je crois que, dans l’unique but de le tourmenter plus longuement, ils lui font faire un long tour vicieux dans Jérusalem, en passant exprès par les marchés, devant les écuries et les auberges bondées en raison de la Pâque. Les déchets des légumes des marchés, tout comme les excréments des animaux des écuries deviennent alors des projectiles lancés sur l’Innocent dont le visage, voilé par les ordures variées qui se sont répandues sur lui, montre de plus en plus de bleus et de petites lacérations sanglantes. Les cheveux, déjà alourdis et légèrement plaqués par la sueur sanguinolente, sont devenus plus opaques. Comme on les lui ébouriffe pour lui voiler le visage, ils pendent, dépeignés, mêlés de pailles et d’immondices, devant ses yeux.

Sur les marchés, acheteurs et vendeurs laissent tout en plan pour suivre, et non par amour, le Malheureux. Les garçons d’écuries et les serviteurs des auberges sortent en masse, sourds aux appels et aux ordres de leurs maîtresses. A dire vrai, celles-ci comme presque toutes les autres femmes sont, sinon opposées aux offenses, du moins indifférentes au tumulte, et elles se retirent en grommelant parce qu’on les laisse seules avec tant de clients à servir.

La troupe hurlante grossit de minute en minute. Il semble que, par quelque subite épidémie, les âmes et les physionomies changent de nature : les premières deviennent des âmes de criminels et les secondes des masques féroces sur des visages bleus de rage ou rouges de colère ; les mains deviennent des griffes, les bouches changent de forme pour hurler comme des loups, les yeux deviennent torves, comme ceux des fous. Seul Jésus est toujours lui-même, bien que maintenant couvert d’immondices jetées sur son corps et altéré par les bleus et les œdèmes.

604.17

A une arcade qui resserre le chemin comme un anneau, alors que tout s’engorge et ralentit, un cri fend l’air : “ Jésus ! ” C’est Elie, le berger, qui cherche à se frayer un passage en faisant tournoyer une lourde matraque. Vieux, puissant, menaçant et fort, il parvient presque à rejoindre le Maître. Mais la foule, déroutée par l’assaut imprévu, serre les rangs et sépare, repousse, maîtrise cet homme qui est seul contre tout un peuple.

« Maître ! crie-t-il pendant que le tourbillon de la foule l’absorbe et le repousse.

– Va !… Ma Mère… Je te bénis… »

Une fois le passage étroit franchi, le cortège, comme une eau qui retrouve le large après une écluse, se déverse tumultueusement dans une vaste avenue élevée au-dessus d’une dépression entre deux collines, au bout desquelles s’élèvent de splendides palais de grands seigneurs.

Je recommence à voir le Temple en haut de sa colline, et je comprends que l’on revient au point de départ après le tour inutile imposé au Condamné pour en faire un objet de moquerie pour toute la ville et pour permettre à tous de l’injurier, en augmentant à chaque pas le nombre de ceux qui l’insultent.

604.18

D’un palais, un cavalier sort au galop. Le caparaçon pourpre sur la blancheur du cheval arabe et la majesté de son aspect, l’épée brandie nue et manœuvrée d’estoc et de taille sur les échines et sur les têtes qui saignent, le font ressembler à un archange. Il a trouvé le meilleur moyen de s’ouvrir un passage dans la foule : il pousse son cheval à se cabrer, en faisant des sabots une arme de défense pour la monture et son maître. Ce mouvement fait tomber de sa tête le voile pourpre et or qui la couvrait, tenu serré par une bande d’or, et je reconnais Manahen.

« Arrière ! » crie-t-il. « Comment vous permettez-vous de troubler le repos du Tétrarque ? » Mais ce n’est qu’une feinte pour justifier son intervention et sa tentative d’arriver à Jésus. « Cet homme… Laissez-moi le voir… Ecartez-vous, ou j’appelle les gardes… »

Sous la grêle de coups de plat d’épée et des ruades du cheval et devant les menaces du cavalier, la foule s’ouvre, et Manahen rejoint le groupe de Jésus et des gardes du Temple qui le maintiennent.

« Laissez passer ! Le Tétrarque est plus grand que vous, serviteurs dégoûtants. Arrière ! Je veux lui parler ! »

Et il y arrive en chargeant avec son épée le plus acharné des geôliers.

« Maître !…

– Merci, mais va-t’en ! Et que Dieu te réconforte !»

Et, comme il le peut de ses mains liées, Jésus esquisse un geste de bénédiction.

La foule siffle de loin, et dès qu’elle voit que Manahen s’est retiré, elle se venge d’avoir été repoussée, par une grêle de pierres et d’immondices sur le Condamné.

604.19

Par une ruelle qui monte et que le soleil a déjà réchauffée, le cortège se dirige vers la tour Antonia, dont la masse apparaît au loin.

Un cri aigu de femme fend l’air :

« Oh ! mon Sauveur ! Ma vie pour la sienne, ô Eternel ! »

Jésus tourne la tête et voit, en haut de la loge fleurie qui couronne une belle maison, Jeanne, femme de Kouza, qui se tient au milieu de ses servantes et serviteurs, avec les petits Matthias et Marie autour d’elle, et lève les bras au ciel.

Mais le Ciel n’entend pas les prières, aujourd’hui ! Jésus lève les mains et trace un geste de bénédiction et d’adieu.

« A mort ! A mort le blasphémateur, le corrupteur, le satan ! A mort ses amis ! »

Sifflets et pierres volent vers la haute terrasse. Je ne sais si quelqu’un est blessé. J’entends un cri aigu et je vois le groupe se séparer et disparaître.

La longue montée se poursuit… Jérusalem montre ses maisons au soleil, vidées par la haine qui pousse contre Jésus désarmé toute une cité, avec ses habitants effectifs et les occasionels venus pour la Pâque.

604.20

Des soldats romains, tout un manipule, sortent en courant de l’Antonia, leurs lances dirigées contre la populace, qui se disperse en criant. Restent au milieu du chemin Jésus, les gardes et les chefs des prêtres, des scribes et des anciens du peuple.

« Qui est cet homme ? Pourquoi cette sédition ? Vous en répondrez à Rome, dit avec hauteur un centurion.

– Il est passible de mort selon notre loi.

– Et depuis quand vous a-t-on rendu le jus gladii et sanguinis[4] ? » demande toujours le plus ancien des centurions, un vrai Romain au visage sévère dont une joue est lacérée par une cicatrice profonde. Il parle avec le mépris et le dégoût avec lequel il se serait adressé à des galériens pouilleux.

« Nous savons que nous n’avons pas ce droit. Nous sommes les fidèles sujets de Rome…

– Ah ! Ah ! Ah ! Entends-les, Longinus ! Fidèles ! Sujets ! Charognes ! Je vous donnerais les flèches de mes archers en guise de récompense.

– Ce serait une trop noble mort ! Pour les échines des mulets, il n’y a que le fouet… » répond Longinus avec un flegme ironique.

Les chefs des prêtres, les scribes et les anciens écument leur venin. Mais ils veulent parvenir à leur but. Alors ils se taisent, ils avalent l’offense sans montrer qu’ils la comprennent et, s’inclinant devant les deux chefs, ils demandent que Jésus soit conduit à Ponce Pilate pour qu’il “ le juge et le condamne avec la justice bien connue et honnête de Rome ”.

« Ah ! Ah ! Ah ! Tu les entends ? Nous sommes devenus plus sages que Minerve… Ici ! Amenez-le ! Et marchez en avant ! On ne sait jamais. Vous êtes d’immondes chacals. Vous avoir derrière nous est un danger. En avant !

– Nous ne pouvons pas.

– Et pourquoi ? Quand quelqu’un accuse, il doit venir devant le juge avec l’accusé. C’est le règlement de Rome.

– La maison d’un païen est impure à nos yeux, or nous nous sommes déjà purifiés pour la Pâque.

– Oh ! les pauvres ! Ils se contaminent à entrer ! Et le meurtre de l’unique Hébreu qui soit un homme et non un chacal, un reptile comme vous, cela ne vous souille pas ? C’est bien. Restez là où vous êtes, alors. N’avancez pas, sinon on vous enfilera sur les lances. Une décurie autour de l’Accusé ! Les autres contre cette racaille qui sent du bec mal lavé. »

604.21

Jésus entre au Prétoire au milieu des dix lanciers, qui forment un carré de hallebardes autour de sa personne. Les deux centurions marchent en avant. Jésus s’arrête dans un large atrium, au-delà duquel se trouve une cour que l’on entrevoit derrière un rideau que le vent remue ; eux disparaissent derrière une porte. Ils reviennent avec le Gouverneur, vêtu d’une toge très blanche sur laquelle est posé un manteau écarlate. C’est peut-être ainsi qu’il leur fallait s’habiller quand ils représentaient officiellement Rome.

L’air indolent, un sourire sceptique sur son visage rasé, il entre en frottant entre ses mains des feuilles de cédrat dont il hume l’odeur avec volupté. Il se dirige vers un cadran solaire, y jette un coup d’œil et fait demi-tour. Il lance quelques grains d’encens dans un brasier placé aux pieds d’une divinité. Il se fait apporter de l’eau de cédrat et se gargarise. Il regarde sa coiffure toute bouclée dans un miroir de métal très propre. Il semble avoir oublié le Condamné qui attend son assentiment à sa mort. Il mettrait même des pierres en colère.

Comme l’atrium est complètement ouvert par devant et surélevé de trois hautes marches au-dessus du niveau du vestibule, qui s’ouvre sur la rue, déjà surélevé de trois autres marches par rapport à celle-ci, les Juifs voient tout parfaitement et frémissent, mais ils n’osent pas se rebeller par peur des lances et des javelots.

Finalement, après avoir marché en long et en large dans la vaste pièce, Pilate va se placer en face de Jésus, le regarde et demande aux deux centurions :

« C’est lui ?

– Oui.

– Que ses accusateurs approchent ! »

Et il va s’asseoir sur un siège placé sur une estrade. Au-dessus de sa tête, les insignes de Rome s’entrecroisent avec leurs aigles dorées et leur sigle puissant.

« Ils ne peuvent pas venir : ils se contamineraient.

– Eh bien, cela vaut mieux. Nous épargnerons des fleuves d’essences pour enlever de la pièce leur odeur de bouc. Faites-les du moins approcher là-dessous, et veillez à qu’ils n’entrent pas, puisqu’ils s’y refusent. Cet homme peut être un prétexte pour une sédition.»

Un soldat part porter l’ordre du Procurateur romain. Les autres s’alignent sur le devant de l’atrium à des distances régulières, beaux comme neuf statues de héros.

604.22

Les chefs des prêtres, les scribes et les anciens s’avancent alors et saluent avec des courbettes serviles, puis ils s’arrêtent sur la petite place qui se trouve devant le Prétoire, au-delà des trois degrés du vestibule.

« Parlez, mais soyez brefs. Déjà vous êtes en faute pour avoir troublé la nuit et obtenu par la force l’ouverture des portes. Mais je vérifierai cela. Mandants et mandataires répondront de leur désobéissance au décret. »

Pilate s’est avancé vers eux, tout en restant dans le vestibule.

« Nous venons soumettre à Rome, dont tu représentes le divin empereur, notre jugement sur cet homme.

– Quelle accusation portez-vous contre lui ? Il me semble inoffensif…

– Si ce n’était pas un malfaiteur, nous ne te l’aurions pas amené. »

Et dans leur violent désir d’accuser, ils font quelques pas en avant.

« Repoussez cette plèbe ! Six pas au-delà des gradins de la place ! Les deux centuries aux armes ! »

Les soldats obéissent rapidement : cent s’alignent sur le degré extérieur le plus haut, dos au vestibule, et cent sur la petite place sur laquelle s’ouvre le portail d’entrée de la demeure de Pilate. J’ai parlé de portail d’entrée : je devrais dire porte cochère ou arc de triomphe, parce que c’est une très vaste ouverture bordée d’une grille, actuellement ouverte, qui permet de pénétrer dans l’atrium grâce au long couloir du vestibule large de six mètres au moins, de sorte que l’on voit bien ce qui arrive dans l’atrium surélevé. Au-delà du vestibule, on voit les figures bestiales des Juifs qui regardent, l’air menaçant, satanique même, vers l’intérieur, par delà la barrière armée des soldats qui, coude à coude, comme pour une parade, présente deux cents pointes de lances aux lâches assassins.

« Je le répète : quelle accusation portez-vous contre lui ?

– Il a commis un crime contre la Loi de nos pères.

– Et vous venez me déranger pour cela ? Prenez-le vous-mêmes, et jugez-le selon vos lois.

– Nous ne pouvons pas mettre quelqu’un à mort. Nous ne sommes pas savants. Le droit hébraïque n’est qu’un enfant déficient en comparaison du droit parfait de Rome. En tant qu’ignorants et sujets de Rome, notre maîtresse, nous avons besoin…

– Depuis quand vous faites-vous tout miel ? Mais vous avez dit une vérité, ô maîtres du mensonge ! Vous avez besoin de Rome ! Oui. Pour vous débarrasser de lui, qui vous gêne. J’ai compris. »

Et Pilate rit en regardant le ciel serein qui s’encadre comme un ruban rectangulaire de turquoise foncée entre les blancs murs de marbre de l’atrium.

« Dites-moi : en quoi a-t-il commis un crime contre vos lois ?

– Nous avons trouvé qu’il mettait le désordre dans notre nation et qu’il empêchait de payer le tribut à César, en se prétendant le Christ, le roi des Juifs. »

604.23

Pilate retourne près de Jésus, qui se tient au milieu de l’atrium, laissé là par les soldats, lié mais sans escorte tant apparaît nettement sa douceur. Il lui demande :

« Es-tu le roi des Juifs ?

– Me poses-tu cette question de toi-même ou parce que d’autres l’insinuent ?

– Que m’importe ton royaume ? Est-ce que je suis juif, moi ? Ta nation et ses chefs t’ont livré pour que je juge. Qu’as-tu fait ? Je sais que tu es loyal. Parle. Est-il vrai que tu aspires à régner ?

– Mon Royaume n’est pas de ce monde. Si c’était un royaume du monde, mes ministres et mes soldats auraient combattu pour que les Juifs ne s’emparent pas de moi. Mais mon Royaume n’est pas de la terre et tu sais que je ne brigue pas le pouvoir.

– C’est vrai. Je le sais, on me l’a dit. Mais tu ne nies pas que tu es roi ?

– Tu le dis. Je suis Roi. C’est pour cela que je suis venu au monde : pour rendre témoignage à la Vérité. Qui est ami de la vérité écoute ma voix.

– Qu’est-ce que c’est la vérité ? Tu es philosophe ? Cela ne sert à rien devant la mort. Socrate est quand même mort.

– Mais cela lui a servi devant la vie, à bien vivre, mais aussi à bien mourir et à entrer dans la seconde vie sans avoir trahi les vertus civiques.

– Par Jupiter ! »

Pilate le regarde un instant avec admiration, puis il reprend son sarcasme sceptique. Il fait un geste d’ennui, lui tourne le dos, et retourne vers les Juifs.

« Je ne trouve en lui aucune faute. »

La foule se déchaîne, prise par la panique de perdre sa proie et le spectacle du supplice. Elle hurle :

« C’est un rebelle !

– Un blasphémateur !

– Il encourage le libertinage !

– Il pousse à la rébellion !

– Il refuse le respect dû à César !

– Il veut se faire passer pour prophète !

– Il fait de la magie !

– C’est un satan !

– Il soulève le peuple par ses doctrines en les enseignant dans toute la Judée, où il est venu de Galilée enseigner.

– A mort !

– A mort !

– Il est galiléen ? Tu es galiléen ? »

Pilate revient vers Jésus :

« Tu entends comme ils t’accusent ? Disculpe-toi. »

Mais Jésus se tait.

604.24

Pilate réfléchit… Puis il prend sa décision.

« Une centurie ! Qu’on le conduise à Hérode ! Qu’il le juge, c’est son sujet. Je reconnais le droit du Tétrarque et je souscris à l’avance à son verdict. Qu’on le lui dise. Allez. »

Encadré comme un gredin par cent soldats, Jésus retraverse la ville et rencontre une nouvelle fois Judas, qu’il avait déjà rencontré près d’un marché. J’avais oublié de le dire, tant j’étais écœurée par la bagarre de la populace. Même regard de pitié sur le traître…

Maintenant, il est plus difficile de lui donner des coups de pieds et de bâtons, mais les pierres et les immondices ne manquent pas et, si les pierres font seulement du bruit sur les casques et les cuirasses des Romains, elles laissent des marques quand elles atteignent Jésus qui s’avance avec son seul vêtement, puisqu’il a laissé son manteau à Gethsémani.

En entrant dans le somptueux palais d’Hérode, il rencontre Kouza… qui ne peut le regarder et qui se couvre la tête de son manteau pour ne pas le voir dans cet état.

604.25

Le voilà dans la salle, devant Hérode. Derrière lui se tiennent les scribes et les pharisiens, qui se sentent ici à leur aise, et entrent en qualité de faux accusateurs. Seul le centurion et quatre soldats l’escortent devant le Tétrarque.

Celui-ci descend de son siège et tourne autour de Jésus en écoutant les accusations de ses ennemis. Il sourit et se moque. Puis il feint une pitié et un respect qui ne troublent pas plus le Martyr que ses railleries.

« Tu es grand, je le sais. Je t’ai suivi et je me suis réjoui que Kouza soit ton ami et Manahen ton disciple. Moi… les soucis de l’Etat… Mais je désire vivement te dire combien tu es grand… et te demander pardon… L’œil de Jean… sa voix… m’accusent et sont toujours devant moi. Tu es le saint qui efface les péchés du monde. Absous-moi, ô Christ. »

Jésus se tait.

« J’ai entendu dire qu’on t’accuse de t’être dressé contre Rome. Mais n’es-tu la verge promise[5] pour frapper Assur ? »

Jésus se tait.

« On m’a dit que tu prophétises la fin du Temple et de Jérusalem. Mais le Temple n’est-il pas éternel comme esprit, puisqu’il est voulu par Dieu, qui est éternel ? »

Jésus se tait.

« Tu es fou ? Tu as perdu ton pouvoir ? Satan te coupe la parole ? Il t’a abandonné ? »

Hérode rit franchement.

604.26

Mais sur son ordre, des serviteurs accourent avec un lévrier dont la jambe est cassée et qui glapit lamentablement, et un palefrenier simple d’esprit dont la tête est pleine d’eau, un avorton qui bave, le jouet des serviteurs.

Les scribes et les prêtres fuient en criant au sacrilège à la vue du chien sur un brancard.

Hérode, faux et railleur, explique :

« C’est le préféré d’Hérodiade. Un cadeau de Rome. Il s’est cassé une patte hier et elle pleure. Ordonne qu’il guérisse. Fais un miracle. »

Jésus le regarde avec sévérité et se tait.

« Je t’ai offensé ? Alors celui-ci : c’est un homme, bien qu’il ne soit guère plus qu’une bête. Donne-lui l’intelligence, toi qui es l’Intelligence du Père… N’est-ce pas ce que tu dis ? »

Et il rit, offensant.

Autre regard plus sévère de Jésus, et même silence…

« Cet homme est trop abstinent et le voilà maintenant abruti par les mépris. Amenez du vin et des femmes, et qu’on le délie. »

Pendant qu’on libère Jésus de ses liens, des serviteurs en grand nombre apportent des amphores et des coupes, des danseuses entrent… couvertes de rien. Une frange multicolore de lin ceint pour unique vêtement leur mince personne de la taille aux hanches. Rien d’autre. Bronzées parce qu’africaines, souples comme de jeunes gazelles, elles commencent une danse silencieuse et lascive.

Jésus repousse les coupes et ferme les yeux sans mot dire. La cour d’Hérode rit de son indignation.

« Prends celle que tu veux. Vis donc ! Apprends à vivre !… » insinue Hérode.

Jésus est une vraie statue. Les bras croisés, les yeux fermés, il ne bouge pas même quand les danseuses impudiques le frôlent de leurs corps nus.

« Cela suffit. Je t’ai traité en Dieu, et tu n’as pas agi en Dieu. Je t’ai traité en homme, et tu n’as pas agi en homme. Tu es fou. Un vêtement blanc ! Revêtez-le de celui-ci pour que Ponce Pilate sache que le Tétrarque a jugé son sujet fou. Centurion, tu diras au Proconsul qu’Hérode lui présente humblement son respect et vénère Rome. Allez. »

Alors Jésus, attaché de nouveau, sort avec une tunique de lin qui lui arrive aux genoux par dessus son vêtement rouge de laine.

Et ils reviennent chez Pilate.

604.27

Maintenant la centurie fend non sans peine la foule, qui ne s’est pas lassée d’attendre devant le palais proconsulaire. Il est étrange de voir une foule si nombreuse en ce lieu et dans le voisinage, alors que le reste de la ville paraît vide. Jésus voit les bergers en groupe ; ils sont au complet : il y a là Isaac, Jonathas, Lévi, Joseph, Elie, Matthias, Jean, Siméon, Benjamin et Daniel, avec un petit groupe de Galiléens parmi lesquels je reconnais Alphée et Joseph, fils d’Alphée, ainsi que deux autres que je ne connais pas, mais leur coiffure me laisse croire qu’ils sont juifs. Plus loin, il aperçoit Jean qui s’est glissé à l’intérieur du vestibule, à demi caché derrière une colonne, avec un Romain, probablement un serviteur. Il sourit à celui-ci et à ceux-là… Ses amis… Mais que sont ces quelques amis, et Jeanne, Manahen, ou Kouza au milieu d’un océan de haine qui bout ?…

604.28

Le centurion salue Ponce Pilate et fait son rapport.

« Encore là ? Maudite race ! Faites avancer la populace et amenez ici l’accusé. Ah ! Quel ennui ! »

Il s’avance vers la foule en s’arrêtant toujours au milieu du vestibule.

« Hébreux, écoutez. Vous m’avez amené cet homme comme fauteur de troubles. Devant vous, je l’ai examiné, et je n’ai trouvé en lui aucun des crimes dont vous l’accusez. Hérode lui non plus n’a rien vu de coupable, et il nous l’a renvoyé. Il ne mérite pas la mort. Rome a parlé. Cependant, pour ne pas vous déplaire en vous enlevant votre amusement, je vais vous donner Barabbas[6] en échange.

Et lui, je le ferai frapper par quarante coups de bâton. Cela suffit.

– Non, non ! Pas Barabbas ! Pas Barabbas ! Pour Jésus il faut la mort ! Une mort horrible ! Libère Barabbas et condamne le Nazaréen.

– Ecoutez ! J’ai parlé de coups de bâton. Cela ne suffit pas ? Je vais le faire flageller alors ! C’est atroce, savez-vous ? On peut en mourir. Qu’a-t-il fait de mal ? Je ne trouve aucune faute en lui et je le délivrerai.

– Crucifie-le ! Crucifie-le ! A mort ! Tu protèges les criminels ! Païen ! Satan toi aussi ! »

La foule s’avance par dessous et le premier rang de soldats se déforme dans le heurt, car ils ne peuvent se servir de leurs lances. Mais le second rang, descendant d’un degré, fait tourner les lances et dégage ses compagnons.

« Qu’on le flagelle, ordonne Pilate à un centurion.

– Combien de coups ?

– Comme bon te semble… Le tout est d’en finir. Tout cela m’ennuie. Va… »

604.29

Jésus est emmené par quatre soldats dans la cour au-delà de l’atrium. Au milieu de cette cour pavée de marbres de couleur, il y a une haute colonne semblable à celle du portique. A environ trois mètres du sol, un bras de fer dépasse d’au moins un mètre et se termine en anneau. On y attache Jésus, mains jointes au-dessus de la tête, après l’avoir fait déshabiller. Il ne garde qu’un petit caleçon de lin et ses sandales. Les mains, attachées au niveau des poignets, sont élevées jusqu’à l’anneau, de façon que, malgré sa haute taille, il ne touche le sol que de la pointe des pieds… Cette position doit être une torture.

J’ai lu, je ne sais où, que la colonne était basse et que Jésus se tenait courbé. C’est possible. Moi, je dis ce que je vois.

Derrière lui se place un bourreau au net profil hébraïque, devant lui un autre personnage semblable. Ils sont armés d’un fouet composé de sept lanières de cuir, attachées à un manche et qui se terminent par un martelet de plomb. Rythmiquement, comme pour un exercice, ils se mettent à frapper, l’un devant, l’autre derrière, de manière que le tronc de Jésus se trouve pris dans un tourbillon de coups de fouets.

Indifférents, les quatre soldats auxquels il a été remis se sont mis à jouer aux dés avec trois autres qui se sont joints à eux. Et les voix des joueurs suivent la cadence des fouets, qui sifflent comme des serpents puis résonnent comme des pierres lancées sur la peau tendue d’un tambour. Ils frappent le pauvre corps si mince et d’un blanc de vieil ivoire de Jésus. D’abord zébré d’un rosé de plus en plus vif, puis violet, il se couvre de traces d’indigo gonflées de sang, qui se rompent en laissant couler du sang de tous côtés. Ils frappent en particulier le thorax et l’abdomen, mais il ne manque pas de coups donnés aux jambes et aux bras et même à la tête, pour qu’il ne reste pas un lambeau de la peau qui ne souffre pas.

Et pas une plainte… S’il n’était pas soutenu par les cordes, il tomberait. Mais il ne tombe pas et ne gémit pas. Seulement, après une grêle de coups, sa tête pend sur sa poitrine comme s’il s’évanouissait.

« Arrête-toi ! Il doit être tué vivant » bougonne un soldat.

Les deux bourreaux s’arrêtent et essuient leur sueur.

« Nous sommes épuisés » disent-ils. « Donnez-nous notre paye, pour que nous puissions boire et nous désaltérer…

– C’est la potence que je vous donnerais ! Mais prenez… ! »

Et le décurion jette une grande pièce à chacun des deux bourreaux.

« Vous avez bien travaillé. Il ressemble à une mosaïque. Titus, tu dis que c’était vraiment lui, l’amour d’Alexandre[7] ? Dans ce cas, nous l’en informerons pour qu’il en fasse le deuil. Détachons-le un peu. »

604.30

Une fois délié, Jésus s’abat sur le sol comme s’il était mort. Ils le laissent là, le heurtant de temps en temps de leurs pieds chaussés de caliges pour voir s’il gémit.

Mais lui se tait.

« Est-il possible qu’il soit mort ? Il est jeune et c’est un artisan, m’a-t-on dit… or on dirait une dame délicate.

– Je vais m’en occuper » propose un soldat.

Il l’assied, le dos appuyé à la colonne. Des caillots de sang restent à l’endroit où Jésus se trouvait… Puis il se dirige vers une fontaine qui coule sous le portique, remplit d’eau une cuvette et la renverse sur la tête et le corps de Jésus.

« Voilà ! L’eau fait du bien aux fleurs. »

Jésus soupire profondément et fait mine de se lever, mais il garde les yeux fermés.

« Bien ! Allons, mon mignon ! Ta dame t’attend !… »

Mais c’est en vain que Jésus appuie ses mains sur le sol pour tenter de se redresser.

« Allons ! Vite ! Tu es faible ? Voilà pour te redonner des forces » ironise un autre soldat.

Et du manche de sa hallebarde, il lui donne une volée de coups au visage et atteint Jésus entre la pommette droite et le nez, qui se met à saigner.

Jésus ouvre les yeux, il les tourne. Un regard voilé… Il fixe le soldat qui l’a frappé, s’essuie le sang avec la main, puis se lève avec effort.

« Habille-toi. Ce n’est pas décent de rester ainsi. Impudique ! »

Tous rient, en cercle autour de lui.

Il obéit sans mot dire. Il s’incline et lui seul sait ce qu’il souffre en se penchant ainsi vers le sol, couvert de contusions comme il l’est et avec des plaies qui s’ouvrent plus encore lorsque la peau se tend, et d’autres qui se forment à cause des cloques qui crèvent. Un soldat donne un coup de pied aux vêtements et les éparpille. Jésus titube vers l’endroit où ils sont tombés, mais chaque fois qu’il veut les reprendre, un soldat les repousse ou les lance dans une autre direction. Et Jésus, qui éprouve une souffrance aiguë, les suit sans dire un mot pendant que les soldats se moquent de lui en tenant des propos obscènes.

Il peut finalement se rhabiller. Il remet aussi son vêtement blanc, resté propre dans un coin. Il semble qu’il veuille cacher le rouge qui, hier seulement, était si beau et qui maintenant est sale et taché par le sang versé à Gethsémani. Avant d’enfiler sa tunique courte sur la peau, il s’en sert pour essuyer son visage mouillé et le nettoie ainsi de la poussière et des crachats. Le pauvre, le saint visage de Jésus, paraît alors propre, marqué seulement de bleus et de petites blessures. Il redresse sa coiffure tombée en désordre, et sa barbe, par un besoin inné d’être ordonné.

Puis il s’accroupit au soleil, car il tremble, mon Jésus… La fièvre commence à se glisser en lui avec ses frissons, et la faiblesse due au sang perdu, au jeûne, au long chemin se fait sentir.

604.31

On lui lie de nouveau les mains, et la corde revient le scier à l’endroit où l’on voit déjà un bracelet rouge de peau écorchée.

« Et maintenant ? Qu’en faisons-nous ? Moi, je m’ennuie !

– Attends. Les Juifs veulent un roi, nous allons leur en donner un. Celui-là… » dit un soldat.

Et il sort en courant, certainement dans une cour qui se trouve derrière, d’où il revient avec un fagot de branches d’aubépine sauvage. Elles sont encore flexibles, car le printemps garde les branches relativement souples, mais leurs épines longues et pointues sont bien dures. De leur dague, ils enlèvent les feuilles et les fleurs, ils plient les branches en forme de cercle et les enfoncent sur la pauvre tête de Jésus. Mais cette couronne barbare lui retombe sur le cou.

« Elle ne tient pas. Il la faut plus étroite. Retire-la. »

En l’enlevant, ils griffent les joues de Jésus en risquant de l’aveugler et arrachent ses cheveux. Ils la resserrent. Elle est maintenant trop étroite et, bien qu’ils l’enfoncent en faisant pénétrer les épines dans la tête, elle menace de tomber. Ils l’enlèvent de nouveau en lui arrachant d’autres cheveux. Ils la modifient encore. Finalement, elle va bien. Par devant, elle forme un triple cordon épineux, mais derrière, là où les extrémités des branches se croisent, c’est un vrai nœud d’épines qui pénètrent dans la nuque.

« Tu vois comme tu es beau ? Bronze naturel et vrais rubis. Regarde-toi, ô roi, dans ma cuirasse, bougonne celui qui a eu l’idée du supplice.

– La couronne ne suffit pas pour faire un roi. Il faut la pourpre et le sceptre. Dans l’écurie, il y a un roseau et aux ordures une chlamyde rouge. Va les chercher, Cornélius. »

Ils placent donc ce sale chiffon rouge sur les épaules de Jésus. Avant de mettre le roseau dans ses mains, ils lui en donnent des coups sur la tête en s’inclinant et en saluant : “ Salut, roi des Juifs ” et ils se tordent de rire.

Jésus les laisse faire. Il accepte de s’asseoir sur le “ trône ”, un bassin retourné, certainement employé pour abreuver les chevaux. Il se laisse frapper, railler, sans jamais parler. Il les regarde seulement… et c’est un regard d’une douceur et d’une souffrance si atroce que je ne puis le soutenir sans m’en sentir blessée au cœur.

604.32

Les soldats ne cessent leurs railleries qu’en entendant la voix acerbe d’un supérieur qui demande que l’on traduise le coupable devant Pilate.

Coupable ! Mais de quoi ?

Jésus est ramené dans l’atrium, maintenant couvert d’un précieux vélarium à cause du soleil. Il a encore la couronne, le roseau et la chlamyde.

« Avance, que je te montre au peuple. »

Jésus, bien que brisé, se redresse avec dignité. Oh ! comme il est vraiment roi !

« Ecoutez, Hébreux. L’homme est ici, je l’ai puni. Mais maintenant laissez-le aller.

– Non, non ! Nous voulons le voir ! Dehors ! Nous voulons voir le blasphémateur !

– Conduisez-le dehors et veillez à ce qu’on ne s’empare pas de lui. »

Et pendant que Jésus sort dans le vestibule et se montre dans le carré des soldats, Ponce Pilate le désigne de la main en disant :

« Voici l’homme. Voici votre roi. Cela ne suffit pas encore ? »

Le soleil d’une journée accablante, qui maintenant descend presque à pic — nous sommes juste entre tierce et sexte —, éclaire et met en relief les regards et les visages. Est-ce que ce sont des hommes ? Non, des hyènes enragées. Ils crient, montrent le poing, demandent la mort…

Jésus se tient debout. Et je vous assure que jamais il n’a eu une telle noblesse, pas même quand il faisait les miracles les plus puissants. Noblesse de la souffrance. Mais il est tellement divin que cela suffirait à le marquer du nom de Dieu. Mais pour dire ce nom, il faut être au moins des hommes. Or il n’y a pas d’hommes à Jérusalem aujourd’hui, seulement des démons.

Jésus tourne les yeux vers la foule, cherche, découvre quelques amis dans cette mer de visages haineux. Combien ? Moins de vingt amis parmi les milliers d’ennemis… Alors il incline la tête, frappé par cet abandon. Une larme tombe… puis une autre… encore une… La vue de ses pleurs ne suscite pas la pitié, mais une haine encore plus forte.

604.33

On le ramène dans l’atrium.

« Alors ? Laissez-le aller. C’est justice.

– Non. A mort ! Crucifie-le.

– Je vous donne Barabbas.

– Non. Le Christ !

– Dans ce cas, chargez-vous-en. Prenez sur vous de le crucifier, car moi je ne trouve aucune faute en lui qui justifie que je le fasse.

– Il s’est proclamé Fils de Dieu. Notre loi prescrit la mort pour celui qui se rend coupable d’un tel blasphème. »

Pilate devient pensif. Il rentre, et s’assied sur son petit trône. Il met la main à son front, son coude sur son genoux, et il scrute Jésus.

« Approche-toi » dit-il.

Jésus s’avance au pied de l’estrade.

« Est-ce vrai ? Réponds. »

Jésus se tait.

« D’où viens-tu ? Qu’est-ce que Dieu ?

– C’est le Tout.

– Et puis ? Que veut dire le Tout ? Qu’est le Tout pour l’homme qui meurt ? Tu es fou… Dieu n’existe pas. Moi, j’existe. »

Jésus se tait. Il a prononcé la grande parole à dire, puis il recommence à s’envelopper de silence.

604.34

Quelqu’un annonce :

« Ponce : l’affranchie de Claudia Procula demande à entrer. Elle a un écrit pour toi.

– Voici que les femmes s’en mêlent ! Qu’elle entre. »

Une Romaine entre et s’agenouille pour présenter une tablette de cire. Ce doit être celle où Procula prie son mari de ne pas condamner Jésus. La femme se retire à reculons pendant que Pilate lit.

« On me conseille d’éviter ton homicide. Est-ce vrai que tu es plus grand qu’un haruspice ? Tu me fais peur. »

Jésus se tait.

« Ne sais-tu pas que j’ai le pouvoir de te libérer ou de te crucifier ?

– Tu n’aurais aucun pouvoir s’il ne t’avait été donné d’en-haut. Aussi celui qui m’a mis entre tes mains est-il plus coupable que toi.

– Qui est-ce ? Ton Dieu ? J’ai peur… »

Jésus se tait. Pilate est sur des charbons ardents : il voudrait et ne voudrait pas. Il craint le châtiment de Dieu, il craint celui de Rome, il craint la vengeance des Juifs. Un moment, c’est la peur de Dieu qui l’emporte. Il va sur le devant de l’atrium et dit d’une voix tonitruante :

« Il n’est pas coupable.

– Si tu dis cela, tu es l’ennemi de César. Celui qui se fait roi est son ennemi. Tu veux libérer le Nazaréen. Nous en informerons César. »

Pilate est pris par la peur de l’homme.

« Vous voulez sa mort, en somme ? Soit ! Mais que le sang de ce juste ne soit pas sur mes mains. »

Et, s’étant fait apporter un bassin, il se lave les mains en présence du peuple, qui paraît pris de frénésie et crie :

« Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants. Nous ne le craignons pas. A la croix ! A la croix ! »

604.35

Ponce Pilate retourne sur son trône, il appelle le centurion Longinus et un esclave. Il se fait apporter par l’esclave une table sur laquelle il pose une pancarte et y fait écrire : “ Jésus de Nazareth, Roi des Juifs. ” Puis il la montre au peuple. Beaucoup s’exclament :

« Non, pas cela : pas roi des Juifs, mais : il s’est dit le roi des Juifs.

– Ce que j’ai écrit, je l’ai écrit » déclare durement Pilate.

Puis, debout, il étend les mains les paumes en avant et en bas et ordonne :

« Qu’il aille à la croix. Soldat, va préparer la croix. » (Ibis ad crucem ! I, miles, expedi crucem).

Puis il descend, sans même plus se retourner vers la foule agitée, ni vers le pâle Condamné. Il sort…

Jésus reste au milieu de l’atrium sous la garde des soldats, attendant la croix.

Le 10 mars 1944. Vendredi.

604.36

Jésus dit :

« Je veux te faire méditer le passage qui se rapporte à mes rencontres avec Pilate.

Jean a été presque toujours présent ou du moins très proche, ce qui fait de lui le témoin et le narrateur le plus exact. Il raconte comment, au sortir de la maison de Caïphe, je fus amené au Prétoire. Et il précise “ de bon matin ”. En fait, tu l’as vu, le jour commençait à peine. Il précise aussi : “ Eux (les Juifs) n’entrèrent pas pour ne pas se contaminer et pour pouvoir manger la Pâque. ” Hypocrites, comme toujours, ils pensaient se contaminer en piétinant la poussière de la maison d’un païen, mais ils ne trouvaient pas que tuer un innocent était un péché. Et, l’âme satisfaite par le crime accompli, ils purent, mieux encore, goûter la Pâque.

Ils ont, eux aussi, de nombreux imitateurs. Tous ceux qui intérieurement agissent mal et extérieurement professent le respect pour la religion et l’amour pour Dieu, leur ressemblent. Des formules, des formules, et pas de religion vraie ! Ils m’inspirent répugnance et indignation.

Les Juifs n’entrant pas chez Pilate, celui-ci sortit pour entendre ce qu’avait cette foule vociférante. Expert comme il l’était en matière de gouvernement et de jugement, il comprit dès le premier regard que le coupable n’était pas moi, mais ce peuple ivre de haine. La rencontre de nos regards fut une lecture réciproque de nos cœurs. Je jugeai l’homme pour ce qu’il était[8], et lui me jugea pour ce que j’étais. J’éprouvai pour lui de la pitié parce que c’était un faible. Il éprouva pour moi de la pitié parce que j’étais un innocent. Il chercha à me sauver dès le premier instant. Et comme c’était uniquement à Rome qu’était déféré et réservé le droit d’exercer la justice envers les malfaiteurs, il tenta de me sauver en disant : “ Jugez-le selon votre Loi. ”

604.37

Hypocrites une seconde fois, les Juifs ne voulaient pas prononcer de condamnation. Il est vrai que Rome avait le droit de juger, mais quand, par exemple, Etienne fut lapidé, Rome dominait toujours à Jérusalem et, malgré cela, ils prononcèrent le jugement et exécutèrent le supplice sans se soucier de Rome. Mais pour moi, ils avaient non pas de l’amour, mais de la haine et de la peur ; ils ne voulaient pas croire que j’étais le Messie, mais ne voulaient pas me tuer matériellement au cas où je l’aurais été. C’est pourquoi ils agirent d’une manière différente et m’accusèrent d’être un fauteur de troubles contre la puissance de Rome — vous diriez : “ rebelle ” —, pour obtenir que Rome me juge.

Dans leur salle infâme, et plusieurs fois pendant les trois ans de mon ministère, ils m’avaient accusé d’être blasphémateur et faux prophète ; comme tel, j’aurais dû être lapidé, ou tué d’une manière ou d’une autre. Mais cette fois, pour ne pas accomplir matériellement le crime dont ils sentaient instinctivement qu’ils seraient punis, ils le firent accomplir par Rome en m’accusant d’être malfaiteur et rebelle.

Rien de plus facile, quand les foules sont perverties et les chefs soumis à Satan, que d’accuser un innocent pour défouler leur passion de férocité et d’usurpation, et de supprimer celui qui représente un obstacle et un jugement.

Nous sommes revenus aux temps de cette époque. De temps en temps, et toujours après une incubation d’idées corrompues, le monde explose en de telles manifestations de perversité. Comme si elle était toute en état de gestation, la foule, après avoir nourri dans son sein son monstre avec des doctrines de fauves, le met au jour pour qu’il se révèle, qu’il dévore d’abord les meilleurs, puis se dévore elle-même.

604.38

Pilate rentre au Prétoire, m’appelle auprès de lui et m’interroge. Il avait déjà entendu parler de moi. Certains de ses centurions répétaient mon nom avec un amour reconnaissant, les larmes aux yeux et le sourire au cœur, et parlaient de moi comme d’un bienfaiteur. Dans leurs rapports au Préteur, lorsqu’on les interrogeait sur ce prophète qui attirait à lui les foules et prêchait une doctrine nouvelle qui traitait d’un royaume étrange, inconcevable à une mentalité païenne, ils avaient toujours répondu que j’étais un homme doux, bon, qui ne cherchait pas les honneurs de cette terre, et qui inculquait et pratiquait le respect et l’obéissance aux autorités. Plus sincères que les Juifs, ils voyaient la vérité et déposaient en sa faveur.

Le dimanche précédent, attiré par les cris de la foule, il s’était avancé sur la route et avait vu passer sur une jeune ânesse un homme désarmé qui bénissait, entouré d’enfants et de femmes. Il avait compris que cet homme n’aurait pu constituer un danger pour Rome.

Il veut donc savoir si je suis roi. Avec son ironique scepticisme païen, il voulait rire un peu de ce roi qui chevauche un âne, qui a pour courtisans des enfants nu-pieds, des femmes souriantes, des hommes du peuple, ce roi qui, depuis trois ans, prêche qu’il ne faut pas avoir d’attirance pour les richesses et le pouvoir, et qui ne parle d’autres conquêtes que de celles de l’esprit et de l’âme. Qu’est l’âme pour un païen ? Même ses dieux n’ont pas d’âme. Et l’homme pourrait-il en avoir une ? Maintenant aussi ce roi sans couronne, sans palais, sans cour, sans soldats, lui répète que son royaume n’est pas de ce monde. C’est si vrai qu’aucun ministre et aucune troupe ne se lèvent pour défendre leur roi et l’arracher à ses ennemis.

Pilate, assis sur son siège, me scrute : je suis une énigme pour lui. S’il débarrassait son âme des soucis humains, de l’orgueil de sa charge, de l’erreur du paganisme, il comprendrait tout de suite qui je suis. Mais comment la lumière pourrait-elle pénétrer là où trop de préjugés bouchent les ouvertures pour empêcher la lumière d’entrer ?

604.39

Il en est toujours ainsi, mes enfants, maintenant encore. Comment Dieu et sa lumière pourraient-ils entrer là où il n’y a plus de place pour eux, là où les portes et les fenêtres sont barricadées et défendues par l’orgueil, l’humanité, par le vice, par l’usure, par tant de gardiens au service de Satan contre Dieu ?

Pilate ne peut comprendre ce qu’est mon royaume. Et ce qui est plus douloureux, il ne demande pas que je le lui explique. A mon invitation à lui faire connaître la vérité, lui, l’indomptable païen, répond : “ Qu’est-ce que la vérité ? ”, et il laisse tomber la question en haussant les épaules.

Oh ! mes enfants ! mes enfants ! mes Pilate de maintenant ! Vous aussi, comme Ponce Pilate, vous laissez tomber, en haussant les épaules, les questions les plus vitales. Elles vous semblent inutiles, dépassées. Qu’est-ce que la vérité ? De l’argent ? Non. Des femmes ? Non. Le pouvoir ? Non. La santé physique ? Non. La gloire humaine ? Non. Dans ce cas, laissons-la tomber. Cette chimère ne mérite pas que l’on coure après elle. Argent, femmes, puissance, santé, confort, honneurs, voilà des choses concrètes, utiles, à aimer et à atteindre de toutes façons. C’est ainsi que vous raisonnez. Et, pires en cela qu’Esaü, vous troquez les biens éternels pour un aliment grossier qui nuit à votre santé physique et qui vous nuit pour votre salut éternel. Pourquoi ne persistez-vous pas à demander : “ Qu’est-ce que la vérité ” ? Elle, la Vérité, ne demande qu’à se faire connaître pour vous instruire à son sujet. Elle est devant vous comme pour Pilate, et elle vous observe avec les yeux d’un amour suppliant en vous implorant : “ Interroge-moi, je t’éclairerai ”.

Tu vois comment je regarde Pilate ? Je vous regarde tous ainsi. Et si j’ai un regard d’amour pour celui qui m’aime et demande à entendre mes paroles, je considère avec un amour affligé celui qui ne m’aime pas, ne me cherche pas, ne m’écoute pas. Mais c’est toujours de l’amour, car l’Amour est ma nature.

604.40

Pilate me laisse là où je suis sans m’interroger davantage, et il va trouver les mauvais qui parlent plus fort et s’imposent par leur violence. Et il les écoute, ce malheureux qui ne m’a pas écouté et qui a repoussé d’un haussement d’épaule mon invitation à connaître la vérité. Il écoute le mensonge. L’idolâtrie, quelle qu’en soit la forme, est toujours portée à respecter et à accepter le mensonge, quel qu’il soit. Et le mensonge, accepté par un faible, l’amène au crime.

Cependant Pilate, sur le seuil du crime, veut encore me sauver à plusieurs reprises. C’est alors qu’il m’envoie à Hérode. Il sait bien que le roi rusé, qui louvoie entre Rome et son peuple, agira de manière à ne pas blesser Rome et à ne pas heurter le peuple juif. Mais, comme tous les faibles, il recule de quelques heures la décision qu’il ne se sent pas en mesure de prendre, dans l’espoir que l’émeute se calmera.

Je vous l’ai dit[9] : “ Que votre parole soit : oui, oui ; non, non. ” Mais lui ne m’a pas entendu ou si quelqu’un le lui a répété, il a haussé les épaules comme d’habitude. Pour triompher dans le monde, pour obtenir honneurs et profits, il faut savoir faire un non d’un oui, ou un oui d’un non selon, que le bon sens (lis : le sens humain) le conseille.

Combien de Pilate compte le vingtième siècle ! Où sont les héros du christianisme qui disaient oui, constamment oui, à la vérité et pour la vérité, et non, constamment non, au mensonge ? Où sont les héros qui savent affronter le danger et les événements avec la force de l’acier et avec une sereine promptitude et sans atermoiement, car le bien, il faut l’accomplir tout de suite et fuir tout de suite le mal sans “ mais ” et sans “ si ” ?

604.41

A mon retour de chez Hérode, Pilate a tenté une nouvelle transaction : la flagellation. Qu’espérait-il ? Ne savait-il pas que la foule est un fauve qui devient plus féroce à la vue du sang ? Mais je devais être brisé pour expier vos péchés de la chair. Et je fus brisé. Il n’y a pas une partie de mon corps qui n’ait été frappée. Je suis l’Homme dont parle Isaïe. Et au supplice ordonné par Pilate s’ajouta celui qui ne l’était pas, mais qui fut suscité par la cruauté humaine : les épines.

Vous le voyez, hommes, votre Sauveur, votre Roi, couronné de douleur pour vous libérer la tête de tant de fautes qui y fermentent ? Réfléchissez-vous à la torture qu’a subie ma tête innocente pour expier pour vous, pour vos péchés toujours plus atroces de pensée qui se transforment en actes ? Vous qui vous offensez même quand il n’y a pas de motif de le faire, regardez le Roi offensé : et il est Dieu, avec son dérisoire manteau de pourpre déchiré, son sceptre de roseau et sa couronne d’épines. Il a beau être déjà mourant, ils le fouettent encore de leurs mains et de leurs moqueries. Et vous n’en éprouvez pas de pitié. Comme les Juifs, vous continuez à me montrer le poing et à crier : “ Dehors, dehors ! Nous n’avons pas d’autre Dieu que César ”, ô idolâtres qui n’adorez pas Dieu, mais vous-mêmes, et parmi vous celui qui est le plus autoritaire. Vous ne voulez pas du Fils de Dieu. Pour vos crimes, il ne vous aide pas. Satan est plus serviable. Aussi vous préférez Satan. Du Fils de l’homme, vous avez peur, comme Pilate. Et quand vous le sentez vous dominer par sa puissance, et s’agiter par la voix de la conscience qui vous fait des reproches en son nom, vous demandez comme Pilate : “ Qui es-tu ? ”

Qui je suis, vous le savez. Même ceux qui me nient savent ce que je suis et qui je suis. Ne mentez pas. Vingt siècles m’entourent, mettent en lumière qui je suis et vous font connaître mes prodiges. Pilate est plus pardonnable. Pas vous, qui avez un héritage de vingt siècles de christianisme pour soutenir votre foi ou pour vous l’inculquer, et ne voulez rien savoir. Pourtant je me suis montré plus sévère avec Pilate qu’avec vous. Je ne lui ai pas répondu. Avec vous je parle et, malgré cela, je ne réussis pas à vous persuader que je suis le Christ, et que vous me devez adoration et obéissance.

Vous m’accusez même d’être votre ruine, parce que je ne vous écoute pas. Vous dites que vous perdez la foi à cause de cela. Oh ! menteurs ! Où est-elle, votre foi ? Où est-il, votre amour ? Quand donc priez-vous et vivez-vous avec amour et foi ? Etes-vous des grands ? Rappelez-vous que vous êtes tels parce que je le permets. Etes-vous des anonymes dans la foule ? Rappelez-vous qu’il n’y a pas d’autre Dieu que moi. Personne n’est plus grand que moi et personne n’existait avant moi. Rendez-moi donc ce culte d’amour qui me revient et je vous écouterai, car vous ne serez plus des bâtards, mais des enfants de Dieu.

604.42

J’en viens à la dernière tentative de Pilate pour me sauver la vie, en admettant qu’il ait pu la sauver après l’impitoyable et illimitée flagellation que j’ai subie. Il me présente à la foule : “ Voilà l’Homme ! ” Je lui fais humainement pitié. Il espère dans la pitié de la foule. Mais devant la dureté qui résiste et la menace qui avance, il ne sait pas accomplir un acte surnaturellement — juste et bon par conséquent —, et dire : “ Je le libère parce qu’il est innocent. C’est vous qui êtes coupables, et si vous ne vous dispersez pas, vous allez connaître la rigueur de Rome. ” C’est cela qu’il devait dire s’il avait été juste sans calculer le mal qui pouvait lui en venir par la suite.

Pilate n’est pas vraiment bon. Longinus l’est, lui qui, bien que moins puissant que le Préteur et moins défendu — il est au milieu du chemin, entouré de peu de soldats et d’une multitude ennemie —, ose me défendre, m’aider, m’accorder du repos, me réconforter par la présence des saintes femmes, demander l’intervention de Simon de Cyrène pour m’aider, et enfin permettre à ma Mère de venir au pied de la croix. Celui-là fut un héros de la justice et devint ainsi un héros du Christ.

Sachez-le, ô hommes qui vous préoccupez uniquement de votre confort matériel, Dieu intervient même pour ses besoins quand il vous voit fidèles à la justice, qui est une émanation de Dieu. Je récompense toujours celui qui agit avec rectitude. Je défends celui qui me défend. Je l’aime et le secours. Je suis toujours celui qui a dit[10] : “ Qui donnera un verre d’eau en mon nom aura sa récompense. ” A qui me donne de l’amour – cette eau qui désaltère mes lèvres de Martyr divin –, je me donne moi-même, avec ma protection et ma bénédiction. »

604.1

Empieza el doloroso camino por la vereda pedregosa que lleva desde el calvero donde Jesús fue apresado hasta el Cedrón, y desde el Cedrón, por otro camino, hasta la ciudad. E inmediatamente empiezan las palabras y los gestos burlescos y las vejaciones.

Jesús, yendo atado por las muñecas, e incluso por la cintura, como si de un loco peligroso se tratara, confiados los cabos de las cuerdas a unos energúmenos embriagados de odio, se ve tirado de un lado y de otro como un trapajo abandonado a la ira de una manada de cachorros. Pero aún podrían tener justificación los que así actúan si fueran perros; sin embargo, tienen nombre de hombres, aunque de hombre no tengan más que la figura. Y si han pensado en esa atadura de dos sogas opuestas ha sido para causar mayor dolor. Una de las dos tiene la única función de inmovilizar las muñecas, y las lacera y va serrando con su áspero roce; la otra, la de la cintura, comprime los codos contra el tórax, y sierra y oprime la parte alta del abdomen, torturando el hígado y los riñones, donde han hecho un enorme nudo y donde, de vez en cuando, el que lleva los cabos de las sogas da latigazos con ellos y dice : «¡Arre! ¡Vamos! ¡Trota, burro!», y añade patadas detrás de las rodillas del Torturado, que a causa de estas patadas se tambalea y si no cae del todo es porque las sogas lo mantienen en pie. De todas formas, las cuerdas no evitan que —tirando de Él hacia la derecha el que se ocupa de las manos y hacia la izquierda el que sujeta la soga de la cintura— Jesús vaya chocando contra muretes y troncos y que, debido a un tirón más cruel, recibido cuando está para cruzar el puente del Cedrón, caiga duramente contra el pretil del puentecillo. La boca magullada sangra. Jesús alza las manos atadas, para limpiarse la sangre que embadurna la barba, y no habla: es verdaderamente el cordero que no muerde a sus torturadores.

Unos de entre la gente, entretanto, han bajado al guijarral a coger piedras y guijarros, y desde abajo empieza una pedrea contra el fácil objetivo; porque a duras penas se puede andar en el puentecillo estrecho e inseguro donde la gente se apiña obstaculizándose a sí misma, y las piedras golpean a Jesús en la cabeza, en los hombros; no sólo a Jesús, sino también a sus torturadores, que reaccionan lanzando palos y devolviendo las propias piedras. Y todo contribuye a golpear más a Jesús en la cabeza y en el cuello. El puente acaba por fin, y ahora la callejuela estrecha proyecta sombras sobre el gentío, porque la Luna, que comienza su ocaso, no desciende a esa callejuela tortuosa y, además, muchas antorchas, en medio de esa confusión, se han apagado. Mas el odio hace de lámpara para ver al pobre Mártir, para el que hasta su alta estatura es elemento torturador. Es el más alto de todos. Fácil, pues, golpearle, agarrarle por los cabellos, obligarle a echar violentamente hacia atrás la cabeza y echarle encima un puñado de materia inmunda que, por fuerza, debe entrarle en la boca y en los ojos, produciéndole náusea y dolor.

604.2

Empieza el trayecto a través del arrabal de Ofel, ese arrabal donde tanto bien y tantas caricias Él ha distribuido. La turba vociferante atrae a las puertas a los que duermen, y, si las mujeres gritan movidas por el dolor y, aterrorizadas, huyen al ver lo que ha sucedido, los hombres, esos hombres que incluso han recibido de Él curación, ayuda, palabras de Amigo, o bien agachan la cabeza con indiferencia, fingiendo desinterés al menos, o bien pasan de la curiosidad al livor, a la burla, al gesto amenazador, e incluso se ponen detrás del tropel de gente para vejar. Satanás está ya actuando…

Un hombre casado[1] que quiere seguirle para vejarlo, es aferrado por su mujer, que grita, que le grita: «¡Miserable! Si estás vivo es por Él, inmundo hombre lleno de podredumbre. ¡Recuérdalo!». Pero el hombre se impone a la mujer golpeándola brutalmente y arrojándola al suelo, y luego corre hasta donde el Mártir contra cuya cabeza lanza una piedra.

Otra mujer, anciana, trata de cortar el paso a su hijo, que viene con cara de hiena y con un palo, para golpear también a Jesús, y grita a su hijo: «¡Asesino de tu Salvador no serás mientras yo viva!». Pero la pobre, alcanzada en la ingle por una patada brutal de su hijo, se desploma gritando: «¡Deicida y matricida! ¡Por el seno que abres por segunda vez y por el Mesías al que hieres, maldito seas!».

604.3

La escena, a medida que van acercándose a la ciudad, va aumentando en violencia.

Antes de llegar a las murallas están Juan y Pedro. Ya están abiertas las puertas, y los soldados romanos, dispuestos para la defensa, observan dónde y cómo se desarrolla el tumulto, preparados para intervenir si el prestigio de Roma se viera dañado. Creo que Juan y Pedro han llegado allí por un atajo tomado cruzando el Cedrón más arriba del puente, y adelantándose rápidamente a la turba, que, obstaculizándose tanto a sí misma, se mueve lenta. Están en la penumbra de un zaguán, en una placita que precede a las murallas. Tienen cubiertas sus cabezas con los mantos, ocultando así sus caras. Pero, cuando Jesús llega, Juan —bajo la libre luz de la Luna, que allí todavía ilumina antes de desaparecer tras el collado que hay más allá de las murallas y que oigo que los esbirros capturadores lo llaman Tofet— deja caer el manto y muestra su pálido y descompuesto rostro. Pedro, aun no atreviéndose a destaparse, se adelanta para ser visto…

Jesús los mira… y sonríe (una sonrisa de una bondad infinita). Pedro se vuelve y regresa a su ángulo obscuro, llevándose las manos a los ojos, encorvado, envejecido, ya un despojo de hombre. Juan se queda valerosamente donde está, y sólo cuando la turba vociferante termina de pasar se reúne de nuevo con Pedro, lo toma de un codo, le guía como un muchacho guiaría a su padre ciego, y entran ambos en la ciudad detrás de la muchedumbre vociferante.

Oigo las exclamaciones de asombro o burlescas o apenadas de los soldados romanos: hay quien lanza maldiciones por haber sido sacado de la cama por ese «necio lacayo»; hay quien se burla de los judíos, que han sido capaces de «prender a una media hembra», hay quien se muestra compasivo hacia la Víctima, diciendo: «Siempre le he visto bueno», y hay quien dice: «Hubiera preferido que me hubieran matado a mí, antes que verle a Él en esas manos. Es un grande. Tengo dos devociones en el mundo: Él y Roma». «¡Por Júpiter! —exclama el de grado más alto— Yo no quiero líos después. Voy donde el alférez. Que se encargue él de decírselo a quien tenga que decírselo. No quiero que me manden a luchar contra los Germanos. Estos hebreos hieden y son sierpes y carroñas, pero aquí la vida es segura. ¡Estoy para terminar mi tiempo y en Pompeya tengo una muchacha…!».

604.4

Pierdo el resto por seguir a Jesús, que continúa caminando por la calle que hace un arco en subida para ir al Templo. Pero veo y comprendo que la casa de Anás, a donde quieren llevarle, está y no está en ese laberíntico conglomerado que es el Templo y que ocupa todo el collado de Sión. Está en el extremo, cerca de una serie de muros que parecen delimitar por esta parte a la ciudad y que desde ahí se prolongan en pórticos y patios, siguiendo la ladera del monte, hasta llegar al recinto de lo que es el Templo en el pleno sentido de la palabra, o sea, el lugar a donde van los israelitas para sus distintas manifestaciones de culto.

Una alta puerta guarnecida de hierro se abre en el muro. Se acercan a ella solícitas hienas y llaman con fuerza. En cuanto se entreabre, ya irrumpen dentro, casi tirando al suelo y pisoteando a la criada que ha venido a abrir; y abren la puerta de par en par, para que la turba vociferante, con el Capturado en el centro, pueda entrar. Una vez dentro, cierran y trancan, temerosos quizás de Roma o de los facciosos del Nazareno. ¡Sus facciosos! ¿Dónde están?…

Recorren el atrio de entrada y luego cruzan un amplio patio, un corredor, y otro pórtico y un nuevo patio, y suben a tirones a Jesús por tres escalones, haciéndole recorrer casi corriendo una galería realzada respecto al patio, para llegar antes a una rica sala donde hay un hombre anciano vestido de sacerdote.

«¡Que Dios te consuele, Anás» dice el que parece el oficial, si oficial puede llamarse al bribón que manda a esa canalla. «Aquí tienes al culpable. En manos de tu santidad lo pongo, para que Israel sea purificado de la culpa».

«Que Dios te bendiga por tu audacia y tu fe».

¡Vaya una audacia! Había sido suficiente la voz de Jesús para hacerle besar la tierra en el Getsemaní.

604.5

«¿Quién eres Tú?».

«Jesús de Nazaret, el Rabí, el Cristo. Y tú me conoces. No he actuado en las tinieblas».

«En las tinieblas, no. Pero has inducido a error a las muchedumbres con doctrinas tenebrosas. Y el Templo tiene el derecho y el deber de tutelar el alma de los hijos de Abraham».

«¡El alma! Sacerdote de Israel, ¿puedes decir que por el alma del más pequeño o del más grande de este pueblo has sufrido?».

«¿Y Tú entonces? ¿Qué has hecho que pueda llamarse sufrimiento?».

«¿Qué he hecho? ¿Por qué me lo preguntas? Todo Israel habla. Desde la ciudad santa al mísero pueblecillo, hasta las piedras hablan para decir lo que he hecho. He dado la vista a los ciegos: la de los ojos y la del corazón. He abierto los oídos a los sordos: para las voces de la Tierra y para las del Cielo. He hecho caminar a los tullidos y a los paralíticos, para que empezaran la marcha hacia Dios desde la carne y luego siguieran con el espíritu. He limpiado a los leprosos: de las lepras que la Ley mosaica señala y de las que hacen a un hombre leproso ante Dios, o sea, de los pecados. He resucitado a los muertos. Y no señalo que sea grande llamar a una carne de nuevo a la vida, sino que digo que grande es redimir a un pecador; y lo he hecho. He socorrido a los pobres, enseñando a los avarientos y ricos hebreos el precepto santo del amor al prójimo; y, siendo pobre a pesar del río de oro que ha pasado por mis manos, he enjugado Yo solo más lágrimas que todos vosotros, que poseéis riquezas. En fin, he dado una riqueza inefable: el conocimiento de la Ley, el conocimiento de Dios, la certeza de que somos todos iguales y de que, ante los ojos santos del Padre, igual es el llanto derramado —o el delito cometido— por el Tetrarca o por el Pontífice, por el mendigo o el leproso que mueren en el camino. Esto es lo que he hecho. Nada más».

604.6

«¿Sabes que por ti mismo te acusas? Dices: las lepras que hacen leprosos ante Dios y no son señaladas por Moisés. Estás insultando a Moisés e insinúas que hay lagunas en su Ley…».

«No suya: de Dios. Así es. Digo que más grave que la lepra, desgracia de la carne, desgracia acotada en el tiempo, es el pecado, que es desgracia, eterna, del espíritu».

«Osas decir que puedes absolver los pecados. ¿Cómo lo haces?».

«Si con un poco de agua lustral y el sacrificio de un macho cabrío es lícito y creíble cancelar un pecado, expiarlo y quedar limpio de él, ¿cómo no habrá de poder hacerlo mi llanto, mi Sangre y mi deseo?».

«Pero Tú no estás muerto. ¿Dónde está, entonces, la Sangre?».

«No estoy muerto todavía. Pero lo estaré, porque está escrito: en el Cielo, desde antes que Sión fuera, desde antes que existiera Moisés, desde antes de Jacob, desde antes de Abraham, desde cuando el rey del Mal hincó su mordedura en el corazón del hombre y envenenó el corazón del hombre y el de sus hijos; está escrito en la Tierra, en el Libro que recoge las palabras de los profetas; está escrito en los corazones, en el tuyo, en el de Caifás y de los miembros del Sanedrín, que no me perdonan. No, estos corazones no me perdonan el ser bueno. Yo he absuelto anticipadamente en vistas de la Sangre, ahora cumplo la absolución con el lavacro en la Sangre».

«Nos llamas ambiciosos y dices que ignoramos el precepto del amor…».

«¿Y no es, acaso, cierto? ¿Por qué me dais muerte? Porque tenéis miedo de que os destrone. ¡Oh! No temáis. Mi Reino no es de este mundo. Os dejo la posesión de todo poder. El Eterno sabe cuándo decir el “¡basta!” que os hará caer fulminados…».

«¿Como Doras[2], ¡eh!?».

«Él murió de ira, no por un rayo celeste. Dios le esperaba en la otra parte para fulminarle».

«¿Y esto me lo dices a mí, que soy su pariente? ¿Cómo te atreves?».

«Yo soy la Verdad. La Verdad nunca es cobarde».

«¡Soberbio y loco!».

«No: sincero. Me acusas de ofenderos. Pero ¿acaso no odiáis todos vosotros? Os odiáis unos a otros. Ahora os une el odio contra mí. Pero mañana, cuando me hayáis matado, volverá el odio a reinar entre vosotros. Y será un odio más fiero. Y viviréis con esa hiena sobre vuestras espaldas y esta serpiente en el corazón. Yo he enseñado el amor. Por piedad hacia el mundo. He enseñado a no ser ambiciosos sino a tener misericordia.

604.7

¿De qué me acusas?».

«De haber introducido una doctrina nueva».

«¡Oh, sacerdote! Israel está poblado de nuevas doctrinas: los esenios tienen la suya; los sadoquitas, la suya; los fariseos, la suya. Cada uno tiene su secreta doctrina, que para unos se llama placer, para otros oro, para otros poder; y cada uno tiene su ídolo. No Yo. Yo he tomado de nuevo la Ley de mi Padre, del Dios Eterno, que había sido pisoteada, y he vuelto a decir sencillamente las diez proposiciones del Decálogo, secándome los pulmones para hacerlas entrar en los corazones que ya no las conocían».

«¡Horror! ¡Blasfemia! ¿Decirme esto a mí, sacerdote? ¿No tiene un Templo Israel? ¿Somos como los castigados de Babilonia? Responde».

«Eso sois. Y más todavía. Hay un Templo, sí; un edificio. Dios no está. Se ha alejado, ante el abominio que hay en su casa. Pero ¿para qué me interrogas tanto, si en realidad mi muerte ya está decidida?».

«No somos asesinos. Matamos si, por una culpa probada, tenemos derecho a hacerlo.

604.8

Pero yo quiero salvarte. Respóndeme y te salvaré. ¿Dónde están tus discípulos? Si me los entregas, te dejaré libre. El nombre de todos, y más los ocultos que los conocidos. Di: ¿Nicodemo es tuyo?, ¿es tuyo José?, ¿y Gamaliel?, ¿y Eleazar?, ¿y…? Bueno de éste lo sé… no es necesario. Habla. Habla. Sabes que puedo darte muerte y salvarte. Soy poderoso».

«Eres fango. Dejo al fango el oficio de espía. Yo soy Luz».

Un esbirro le suelta un puñetazo.

«Yo soy Luz. Luz y Verdad. He hablado al mundo abiertamente. He enseñado en las sinagogas y en el Templo donde se reúnen los judíos, y nada he dicho en secreto. Lo repito. ¿Por qué me preguntas a mí? Pregunta a los que han oído lo que he dicho. Ellos lo saben».

Otro esbirro le suelta un bofetón, gritando: «¿Así respondes al Sumo Sacerdote?».

«Estoy hablando a Anás. El Pontífice es Caifás. Y hablo con el respeto debido a los ancianos. Pero, si crees que he hablado mal, demuéstramelo; si no, ¿por qué me hieres?».

«Déjale, déjale.

604.9

Voy donde Caifás. Vosotros tenedle aquí hasta nueva orden mía. Y ved porque no hable con nadie». Anás sale.

No habla Jesús, no. Ni siquiera con Juan, que se atreve a estar en la puerta, desafiando a toda la turba de los esbirros. Pero Jesús, sin pronunciar palabra, debe darle una orden, porque Juan, después de una mirada afligida, sale de allí y le pierdo de vista.

Jesús se queda entre sus verdugos. Zurriagazos con las cuerdas, esputos, burlas, patadas, tirones de pelo: esto es lo que le queda. Hasta que uno de la servidumbre viene a decir que lleven al Prisionero a la casa de Caifás.

Y Jesús, que sigue atado y sufriendo malos tratos, sale, y pasa al pórtico, lo recorre hasta un zaguán para cruzar luego un patio donde hay mucha gente calentándose alrededor de una hoguera (y es que la noche, ahora, en estas primeras horas del viernes, se ha puesto cruda y ventosa). Está también Pedro, con Juan; mezclados ambos entre el gentío hostil. Y deben tener mucho valor para estar allí… Jesús los mira. En su boca, ya hinchada por los golpes recibidos, se dibuja un atisbo de sonrisa.

Un largo camino entre pórticos y atrios, patios y corredores (¡pero que casas tenía esta gente del Templo!).

Mas la gente no entra en el recinto pontificio. Se les impide ir más allá del atrio de Anás. Jesús va solo, entre esbirros y sacerdotes.

604.10

Entra en una vasta sala que parece perder su forma rectangular debido a los asientos, muchos, dispuestos en forma de herradura y dejando en el centro un espacio vacío, tras el cual hay dos o tres asientos elevados sobre tarimas.

Cuando ya Jesús está para entrar, el rabí Gamaliel llega, y las guardias pegan un tirón al Prisionero para que ceda el paso al rabí de Israel. Pero éste, rígido como una estatua, hierático, aminora el paso y, moviendo apenas los labios, sin mirar a nadie, pregunta: «¿Quién eres? Dímelo». Y Jesús, dulcemente: «Lee a los profetas y obtendrás la respuesta. El primer signo está en ellos, el otro vendrá».

Gamaliel recoge su manto y entra. Y tras él entra Jesús, de quien, mientras Gamaliel va a un sitial, tiran para ponerle en el centro de la sala, frente al Pontífice, que verdaderamente tiene cara de malhechor. Se espera hasta que entran todos los miembros del Sanedrín.

Luego empieza la sesión. Pero Caifás ve dos o tres asientos vacíos y pregunta: «¿Dónde está Eleazar? ¿Dónde está Juan?».

Se alza un joven escriba —creo—, hace una reverencia y dice: «Han rehusado venir. Aquí está el escrito».

«Que se conserve y se escriba. Responderán de ello.

604.11

¿Qué tienen que decir los santos miembros del Consejo acerca de éste?».

«Yo hablo. En mi casa violó el sábado. Dios me es testigo de que no miento. Ismael ben Fabí no miente nunca».

«¿Es verdad, acusado?».

Jesús calla.

«Yo le vi convivir con conocidas meretrices. Fingiéndose profeta, había hecho de su guarida un prostíbulo, y, para colmo, con mujeres paganas. Conmigo estaban Sadoq, Calasebona y Nahúm, apoderado de Anás. ¿Es verdad lo que digo, Sadoq y Calasebona? Desacreditad mi testimonio, si lo merezco».

«Es verdad. Es verdad».

«¿Qué dices?».

Jesús calla.

«No desaprovechaba ocasión de burlarse de nosotros o de exponernos a la burla. La gente ya no nos estima, por Él».

«¿Los estás oyendo? Has profanado a los miembros santos».

Jesús calla.

«Este hombre está endemoniado. Vuelto de Egipto, ejercita la magia negra».

«¿Cómo lo pruebas?».

«¡Ante mi fe y las tablas de la Ley!».

«Grave acusación. Justifícate».

Jesús calla.

«Es ilegal tu ministerio, ¿lo sabes? Merece pena de muerte. Habla».

«Ilegal es esta sesión nuestra. Álzate, Simeón. Vamos» dice Gamaliel.

«Pero, rabí, ¿estás perdiendo la razón?».

«Respeto los procedimientos. No es lícito proceder como lo estamos haciendo. Y presentaré una acusación pública por ello». Y el rabí Gamaliel sale, rígido como una estatua, seguido por un hombre que se le parece, de unos treinta y cinco años.

604.12

Hay un poco de confusión, lo cual es aprovechado por Nicodemo y José para hablar en favor del Mártir.

«Gamaliel tiene razón. Son ilícitos la hora y el lugar. Y las acusaciones no son consistentes. ¿Puede alguien acusarle de visible vilipendio a la Ley? Yo soy amigo suyo, y juro que siempre le he visto respetuoso a la ley» dice Nicodemo.

«Y yo también. Y para no aceptar un delito me cubro la cabeza, no por Él, sino por vosotros, y salgo». Y José hace ademán de bajar de su sitio y salir.

Pero Caifás grita en modo descompuesto: «¡Ah! ¿Eso decís? Vengan entonces los testigos jurados. Y escuchad. Luego os marcháis».

Entran dos individuos de la peor calaña: miradas huidizas, risitas crueles, ademanes falsos.

«Hablad».

«No es lícito oírlos juntos» grita José.

«Yo soy el Sumo Sacerdote. Yo ordeno. ¡Y silencio!».

José da un puñetazo en una mesa y dice: «¡Se abran sobre tu cabeza las llamas del Cielo! Desde este momento sabe que el Anciano José es enemigo del Sanedrín y amigo del Cristo. Y con esta determinación voy a decir al Pretor que aquí, sin respeto a Roma, se da muerte», y sale violentamente, dando un empujón a un delgado y joven escriba que intenta frenarle.

Nicodemo, más morigerado, sale sin decir nada más. Y, al salir, pasa por delante de Jesús y le mira…

604.13

Nueva agitación. Se teme a Roma. Y la víctima expiatoria sigue siendo Jesús.

«¡Por tí todo esto, ¿lo ves?! Tú, corruptor de los mejores judíos. Los has pervertido».

Jesús calla.

«Que hablen los testigos» grita Caifás.

«Sí. Éste usaba el… el… Lo sabíamos… ¿Cómo se llama esa cosa?».

«¿Quizás el tetragrama?».

«¡Eso es! ¡Tú lo has dicho! Invocaba a los muertos. Enseñaba la rebelión contra el sábado y la profanación del altar. Lo juramos. Decía que quería destruir el Templo para reedificarlo en tres días con la ayuda de los demonios».

«No. Él decía que no sería fabricado por el hombre».

Caifás baja de su sitial y se acerca a Jesús. Pequeño, obeso, feo, parece un enorme sapo al lado de una flor. Porque Jesús, a pesar de estar herido, magullado, sucio y despeinado, aparece todavía muy hermoso y majestuoso. «¿No respondes? ¡Qué acusaciones contra ti! ¡Horrendas! Habla, para descargarte de su ignominia».

Pero Jesús calla. Le mira y calla.

604.14

«Respóndeme a mí, entonces. Soy tu Pontífice. En nombre del Dios vivo, te conjuro. Dime: ¿eres Tú el Cristo, el Hijo de Dios?».

«Tú lo has dicho. Lo soy. Y veréis al Hijo del hombre, sentado a la derecha del Poder de Dios, venir sobre las nubes del cielo. Pero, además, ¿por qué me interrogas? He hablado en público durante tres años. Nada he dicho ocultamente. Pregunta a los que me han oído. Ellos te dirán lo que he dicho y lo que he hecho».

Uno de los soldados que le tienen sujeto le golpea en la boca, haciéndola sangrar de nuevo, y grita: «¿Así respondes, satanás, al Sumo Pontífice?».

Y Jesús, mansamente, responde a éste como al de antes: «Si he hablado bien, ¿por qué me hieres? Si mal, ¿por qué no me dices dónde yerro? Repito: Yo soy el Cristo, Hijo de Dios. No puedo mentir. El sumo Sacerdote, el eterno Sacerdote soy Yo. Y sólo Yo llevo el verdadero Racional, en que está escrito: Doctrina y Verdad. Y a éstas soy fiel. Hasta la muerte, ignominiosa a los ojos del mundo, santa a los ojos de Dios; y hasta la bienaventurada Resurrección. Yo soy el Ungido. Pontífice y Rey Yo soy. Y estoy para tomar mi cetro y con él, como con aventador, limpiar la era. Este Templo será destruido y resurgirá, nuevo, santo, porque éste está corrompido y Dios lo ha abandonado a su destino».

«¡Blasfemo!» gritan todos en coro. «¿En tres días lo construirás, loco, poseído?».

«No éste, sino el mío es el que resurgirá, el Templo del Dios verdadero, vivo, santo, tres veces santo».

«¡Anatema!» gritan de nuevo en coro.

Caifás alza su voz ronca y se desgarra las vestiduras de lino, con gestos de estudiado horror, y dice: «¿Qué otra cosa hemos de oír de los testigos? La blasfemia está ya dicha. ¿Qué hacemos entonces?».

Y todos, en coro: «Sea reo de muerte».

Y con gestos de desdén y de escándalo salen de la sala y dejan a Jesús a merced de los esbirros y de la chusma de los falsos testigos, que, dándole bofetadas, puñetazos, escupiéndole, vendándole los ojos con un trapajo y luego tirándole violentamente de los cabellos, le arrojan de un lado para otro, con las manos atadas, de manera que choca contra mesas, sitiales y paredes. Y le preguntan: «¿Quién te ha pegado? Adivina». Y varias veces, poniéndole zancadillas, le hacen caer de bruces, y se ríen a carcajadas al ver cómo, con las manos atadas, a duras penas se levanta.

604.15

Pasan así las horas. Los torturadores, cansados, piensan en tomarse un poco de descanso. Llevan a Jesús a un tabuco haciéndole cruzar muchos patios exponiéndole a las burlas de la turba, ya muy numerosa en el recinto de las casas pontificales.

Jesús llega al patio donde está Pedro, al lado de su hoguera. Y le mira. Pero Pedro evita encontrar su mirada. Juan ya no está; supongo que se habrá marchado con Nicodemo…

El alba avanza fatigosamente, glauca. Una orden ha sido dada: llevar de nuevo al Prisionero a la sala del Consejo para un proceso más legal. Es el momento en que Pedro niega por tercera vez que conoce al Cristo, cuando Él pasa ya marcado por los padecimientos. Con la luz verdosa del alba, los moratones parecen aún más atroces en el rostro térreo, los ojos más hundidos y vítreos: un Jesús empañado por el dolor del mundo…

Un gallo lanza al aire apenas móvil del alba su grito burlón, sarcástico, pícaro. Y en este momento de gran silencio que se ha creado ante la presencia de Cristo, sólo se oye la voz áspera de Pedro decir: «Lo juro, mujer. No le conozco»: afirmación seca, segura, a la cual, como una carcajada burlona, responde en seguida el ribaldo canto del gallito.

Pedro reacciona. Se vuelve para huir, y se encuentra a Jesús de frente, mirándole con infinita piedad, con un dolor tan intenso y sentido, que me parte el corazón (como si después de eso yo hubiera de ver disolverse, para siempre, a mi Jesús). Pedro experimenta un conato de llanto. Sale, tambaleándose como si estuviera borracho. Huye detrás de dos domésticos que también salen. Se pierde cuesta abajo por la calle todavía semiobscura.

Llevan otra vez a la sala a Jesús. Le repiten en coro la pregunta capciosa: «En nombre del Dios verdadero, dinos: ¿eres el Cristo?».

Y, habiendo recibido la respuesta de antes, le condenan a muerte y dan la orden de conducirle ante Pilatos.

604.16

Jesús, escoltado por todos sus enemigos, menos Anás y Caifás, sale, pasando de nuevo por esos patios del Templo donde tantas veces había hablado, favorecido y curado; franquea el cinturón almenado, entra en las calles de la ciudad y, más arrastrado que conducido, baja hacia ésta, ahora rojiza por un primer anuncio de la aurora.

Creo que con la única finalidad de alargarle el tormento le hacen recorrer un largo trayecto superfluo por Jerusalén, pasando arteramente por las barracas de mercado, por delante de las caballerizas y de posadas colmadas de gente por la Pascua. Y tanto las verduras de desecho de los puestos como los excrementos de los animales de las cuadras se transforman en proyectiles para el Inocente, cuyo rostro presenta, cada vez más, mayores moraduras, pequeñas magulladuras sanguinolentas, y aparece velado por distintas inmundicias en él esparcidas. Los cabellos, ya recargados y ligeramente tiesos debido al sudor sanguíneo, y más opacos, ahora penden despeinados, impregnados de paja e inmundicias, y caen sobre los ojos, porque le revuelven aquéllos para taparle la cara.

La gente que está en las barracas, compradores y vendedores, abandonan todo para seguir — no con amor precisamente — al Desdichado. Los estableros y los criados de las posadas salen en masa, sordos a las voces de las amas (las cuales, como casi todas las otras mujeres, la verdad es que se muestran, si no totalmente contrarias a estas ofensas, sí, al menos, indiferentes a esta agitación, y se retiran echando pestes porque las dejan solas y tienen mucha gente a la que atender).

La turba vociferante se engrosa así a cada minuto que pasa, y parece como si por una repentina epidemia los corazones y las fisonomías cambiaran su naturaleza: aquéllos, transformándose en corazones de malhechores; éstas, en máscaras de crueldad en caras verdes de odio o rojas de ira. Las manos son ahora garras, las bocas adquieren forma y aullido de lobo, los ojos se hacen torvos, rojos, torcidos… como los de los locos. Sólo Jesús sigue igual, aunque cubierto de inmundicias esparcidas por su cuerpo alterado por moratones y tumefacciones.

604.17

Al llegar a un tramo abovedado que estrecha la calle como un anillo, mientras todo se tapona y se hace más lento, un grito corta el aire: «¡Jesús!». Es Elías, el pastor, que trata de abrirse paso enarbolando y haciendo girar un grueso palo. Viejo, robusto, con aire amenazador, fuerte, logra llegar casi donde el Maestro. Pero la muchedumbre, desbaratada por el inesperado asalto, aprieta sus filas y aparta, rechaza, vence a este hombre solo contra toda la turba. «¡Maestro!» grita, mientras el remolino de la muchedumbre lo absorbe y rechaza.

«¡Vete!… Mi Madre… Te bendigo…».

Y la turba rebasa el estrechamiento. Ahora, como agua que hallara respiro después de una esclusa, se vuelca, en tumulto, por un amplio paseo elevado respecto a una depresión del terreno situada entre dos lomas en cuyos límites pueden verse espléndidos palacios de señores de alta alcurnia.

Vuelvo a ver el Templo en lo alto de su monte, y comprendo que la vuelta ociosa que han hecho dar al Condenado para exponerle al escarnio de toda la ciudad y permitir a todos insultarle —habiendo aumentando a cada paso los que participaban en estos insultos— está para concluirse, volviendo así otra vez a los lugares de antes.

604.18

De un palacio sale al galope un caballero. La gualdrapa purpúrea sobre la blancura del caballo árabe y la solemnidad de su aspecto, la espada blandida desnuda, descargada de plano y filo sobre espaldas y cabezas que ya sangran, le hacen parecer un arcángel. Cuando un caracol, una empinadura del caballo que corvetea —haciendo de los cascos un arma de defensa para sí mismo y para su amo, y el más eficaz de los instrumentos de apertura para abrirse paso entre la multitud—, provoca la caída del velo de púrpura y oro que cubría su cabeza y que estaba sujeto por una cinta de color de oro, entonces reconozco a Manahén.

«¡Atrás!» grita. «¿Cómo os permitís turbar el descanso del Tetrarca?». Pero esto es sólo una excusa para justificar su intervención y su intento de llegar hasta Jesús. «Este hombre… dejádmelo ver… Apartaos, o llamo a la guardia…».

La gente, tanto por la lluvia de mandobles, como por las patadas del caballo, y por la amenaza del caballero, abre paso. Manahén puede, así, llegar al grupo de Jesús y de los miembros de la guardia del Templo que le tienen sujeto.

«¡Fuera! El Tetrarca es más que vosotros, sucios siervos. Atrás. Quiero hablar con Él», y lo obtiene, cargando con su espada contra el más encarnizado de sus apresadores.

«¡Maestro!…».

«Gracias. ¡Pero vete! ¡Y que Dios te conforte!». Y, como puede con las manos atadas, Jesús hace un gesto de bendición.

La muchedumbre silba desde lejos y, en cuanto ve que Manahén se retira, de haber sido arredrada se venga con una lluvia de piedras y porquerías contra el Condenado.

604.19

Por el paseo en subida, ya calentado por el sol, se va hacia la Torre Antonia, cuya mole ya aparece lejos.

Un grito agudo de mujer («¡Oh, mi Salvador! ¡Mi vida por la tuya, oh Eterno!») hiende el aire.

Jesús vuelve la cabeza y ve, en la alta terraza florida que corona una casa muy bonita, a Juana de Cusa, tendiendo los brazos al cielo, entre miembros de la servidumbre, hombres y mujeres, con los pequeños María y Matías al lado de ella. ¡Pero el Cielo hoy no escucha oraciones! Jesús alza las manos y traza un gesto de adiós y bendición.

«¡Muerte! ¡Muerte al blasfemo, al corruptor, al satanás! ¡Muerte a sus amigos!», y lanzan silbidos y piedras hacia la alta terraza. No sé si hieren a alguno. Oigo un grito agudísimo y luego veo que el grupo se deshace y desaparece.

Y siguen adelante, adelante, subiendo… Jerusalén muestra sus casas al sol, vacías, vaciadas por el odio, que impulsa a toda una ciudad (con los habitantes efectivos y los transeúntes que se han dado cita para la Pascua) contra un inerme.

604.20

Unos soldados romanos, un entero manípulo, sale, corriendo, de la Antonia, apuntadas las lanzas contra la chusma, que, gritando, se dispersa. Se quedan en medio de la calle Jesús y los miembros de la guardia con los jefes de los sacerdotes, algunos escribas y algunos Ancianos del pueblo.

«¿Este hombre? ¿Esta sedición? Responderéis ante Roma» dice, altanero, un centurión.

«Es reo de muerte, según nuestra ley».

«¿Y desde cuándo se os ha devuelto el ius gladii et sanguinis?» pregunta el mismo, el más anciano de los centuriones (de rostro severo, verdaderamente romano, con una mejilla dividida por una profunda cicatriz); y habla con el desprecio y el desdén con que hablaría a piojosos galeotes.

«Sabemos que no tenemos este derecho. Somos los fieles subordinados de Roma…».

«¡Ja! ¡Ja! ¡Ja! ¡Mira lo que dicen, Longino! ¡Fieles! ¡Subordinados!… ¡Carroña! Las flechas de mis arqueros os daría como premio».

«¡Demasiado noble una muerte así! Las espaldas de los mulos requieren el flagrum y no otra cosa!…» responde con irónica flema Longinos.

Los jefes de los sacerdotes, escribas y Ancianos, espuman veneno. Pero, como quieren obtener su objetivo, callan; tragan la ofensa sin dar muestras de haberla entendido, e inclinándose ante los dos jefes, piden que Jesús sea llevado a la presencia de Poncio Pilato para que «juzgue y condene con la bien conocida y honesta justicia de Roma».

«¡Ja! ¡Ja! ¡Mira lo que dicen! Ahora somos más sabios que Minerva… ¡Aquí! ¡Venga! ¡Id por delante! ¡Nunca se sabe! Sois unos chacales, y además hediondos. Teneros detrás es un peligro. ¡Venga!».

«No podemos».

«¿Por qué! Cuando uno acusa debe estar delante del juez con el acusado. Ésta es la regla de Roma».

«La casa de un pagano es impura ante nuestros ojos, y ya estamos purificados para la Pascua».

«¡Oh, pobrecitos! ¡Si entran, se contaminan!… ¿Y matar al único hebreo que es hombre, y no un chacal y un reptil como vosotros, no os contamina? Bien, de acuerdo, quedaos ahí. Si dais un paso adelante os veréis clavados en las lanzas. Una decuria en torno al Acusado. Las otras contra esta chusma hedionda de pico mal lavado».

604.21

Jesús entra en el Pretorio en medio de los diez asteros, que forman un cuadrado de alabardas en torno a su persona. Los dos centuriones van delante. Mientras Jesús espera en un vasto atrio, tras el cual hay un patio visible en parte a través de una cortina que el viento agita, ellos desaparecen tras una puerta.

Vuelven con el Gobernador, que viene vestido con una toga blanquísima, sobre la cual trae un manto de color escarlata: quizás vestían así cuando representaban oficialmente a Roma. Entra indolentemente, con una sonrisita escéptica en su cara afeitada. Tritura entre sus manos hojas de hierba luisa y las huele con voluptuosidad. Va a un cuadrante solar, lo mira, se vuelve, echa unos granos de incienso en un brasero que está colocado a los pies de un numen. Manda que le traigan agua de cidra y hace gárgaras con ella. Se contempla el peinado, hecho todo de ondas, en un espejo de metal tersísimo. Parece como si se hubiera olvidado del Condenado, que espera su aprobación para ser ejecutado. Haría airarse hasta a las mismas piedras.

Los hebreos, dado que el atrio está por el frente todo abierto, y elevado sobre tres altos escalones respecto del vestíbulo —el cual, a su vez, respecto a la calle a la que da, está ya de por sí elevado sobre otros tres escalones— ven todo perfectamente, y hierven por dentro. Pero no osan rebelarse por miedo a las lanzas y a las jabalinas.

Por fin, después de haber ido y venido por el amplio lugar, Pilatos va hacia Jesús. Le mira y pregunta a los dos centuriones: «¿Éste?».

«Éste».

«Que vengan sus acusadores», y va a sentarse en la silla que está encima de la tarima. Las enseñas de Roma, sobre su cabeza, se entrecruzan con las águilas doradas y la poderosa sigla.

«No pueden venir. Se contaminan».

«¡¡¡Hala!!! Mejor. Nos ahorraremos ríos de esencias para quitar el olor a cabra. Que se acerquen al menos. Aquí abajo. Y cuidad de que no entren, dado que no quieren hacerlo. Puede ser un pretexto este hombre para una sedición».

Un soldado sale para llevar la orden del Procurador romano. Los demás forman, delante del atrio a iguales distancias unos de otros, hermosos como nueve estatuas de héroes.

604.22

Se acercan los jefes de los sacerdotes, escribas y Ancianos. Saludan con serviles reverencias y se detienen en la placita que está delante del Pretorio, delante de los tres escalones del vestíbulo.

«Hablad y sed concisos. Ya tenéis culpa por haber turbado la noche y haber obtenido la apertura de las puertas con violencia. Pero verificaré estas cosas y mandantes y mandatarios responderán de la desobediencia al decreto». Pilato ha ido hacia ellos (aunque se ha quedado en el vestíbulo).

«Venimos a someter a Roma, a cuyo divino emperador tú representas, nuestro juicio sobre éste».

«¿Qué acusación traéis contra Él? Me parece un hombre ino­cuo…».

«Si no fuera un malhechor, no te lo habríamos traído». Y con el afán de acusar dan unos pasos hacia delante.

«¡Arredrad a esta plebe! Seis pasos más allá de los tres escalones de la plaza. ¡Las dos centurias, a las armas!».

Los soldados obedecen rápidamente alineándose cien sobre el escalón externo más alto, vueltas las espaldas al vestíbulo, y cien en la placita a la que da el portal de entrada de la morada de Pilato. He dicho “portal”, debería decir “zaguán” o arco triunfal, porque se trata de un vastísimo lugar abierto limitado por una verja, que ahora está abierta de par en par y que da acceso al atrio por el largo corredor del vestíbulo —de, al menos, seis metros de ancho—, de forma que se ve con claridad lo que sucede en el atrio realzado. Al pie del amplio vestíbulo se ven las caras bestiales de los judíos mirando, amenazadoras y satánicas, hacia el interior, mirando desde el otro lado de la barrera armada que, codo con codo, como para una revista, presenta doscientas puntas a los conejos asesinos.

«Repito: ¿qué acusación traéis contra éste?».

«Ha cometido delito contra la Ley de los padres».

«¿Y venís a darme la lata a mí por esto? Lleváosle vosotros y juzgadle según vuestras leyes».

«Nosotros no podemos ajusticiar a nadie. No somos doctos. El Derecho hebreo es un niño deficiente respecto al perfecto Derecho de Roma. Como ignorantes y como sujetos a Roma, maestra, tenemos necesidad…».

«¿Desde cuándo sois miel y mantequilla?… De todas formas, vosotros, maestros del embuste, habéis dicho una verdad. ¡Tenéis necesidad de Roma! Sí. Para deshaceros de este que os molesta. Entien­do». Y Pilato se ríe mientras mira al cielo sereno encuadrado como una lámina rectangular de turquesa obscura entre las marmóreas y cándidas paredes del atrio. «Decidme: ¿en qué ha cometido delito contra vuestras leyes?».

«Hemos visto que éste introducía el desorden en nuestra nación e impedía pagar el tributo a César, presentándose como el Cristo, rey de los judíos».

604.23

Pilato vuelve a acercarse a Jesús, que está en el centro del atrio (¡tan clara se ve su mansedumbre, que los soldados le han dejado allí, atado pero sin custodia!). Y le pregunta: «¿Eres Tú el rey de los judíos?».

«¿Lo preguntas por ti o por insinuación de otros?».

«¿Y qué me importa a mí de tu reino? ¿Soy yo, acaso, judío? Tu nación y los jefes de ella te han entregado a mí para que juzgue. ¿Qué has hecho? Sé que eres leal. Habla. ¿Es verdad que aspiras a reinar?».

«Mi Reino no viene de este mundo. Si fuera un reino del mundo, mis ministros y soldados habrían luchado para impedir que cayera en manos de los judíos. Pero mi Reino no es de la Tierra. Y tú sabes que no tiendo al poder».

«Eso es verdad. Lo sé. Me lo han dicho. De todas formas, ¿no niegas que eres rey?».

«Tú lo dices. Yo soy Rey. Para esto he venido al mundo: para dar testimonio de la Verdad. El que es amigo de la Verdad escucha mi voz».

«¿Y qué es la Verdad? ¿Eres filósofo? No sirve de nada frente a la muerte. Sócrates murió igualmente».

«Pero le sirvió ante la vida, para vivir bien. Y también para morir bien. Y para ir a la vida segunda sin nombre de traidor de las virtudes ciudadanas».

«¡Por Júpiter!». Pilato le mira admirado unos momentos. Luego vuelve a caer en el sarcasmo escéptico. Hace un gesto de fastidio, le vuelve las espaldas y va hacia los judíos. «No encuentro en Él ninguna culpa».

La muchedumbre, temiendo perder la presa y el espectáculo del suplicio, se agita. Gritan: «¡Es un rebelde!»; «es un blasfemo»; «incita al libertinaje»; «anima a la rebelión»; «niega respeto a César»; «se finge profeta sin serlo»; «hace magia»; «es un satanás»; «agita al pueblo con sus doctrinas, enseñando en toda Judea, a donde ha venido de Galilea enseñando»; «¡a muerte!»; «¡a muerte!».

«¿Es galileo? ¿Eres galileo?». Pilato vuelve a acercarse a Jesús: «¿Oyes cómo te acusan? Justifícate».

Pero Jesús calla.

604.24

Pilato piensa… y decide. «Una centuria, y éste donde Herodes. Que le juzgue él. Es súbdito suyo. Reconozco el derecho del Tetrarca y ratifico de antemano su veredicto. Que se le informe. Marchaos».

Y Jesús, encuadrado como un granuja por cien soldados, vuelve a cruzar la ciudad, y vuelve a ver a Judas Iscariote, al que ya había visto una vez en un mercado. Antes, invadida por el desagrado del alboroto del pueblo, me había olvidado de decirlo. La misma mirada de piedad hacia el traidor…

Ahora es más difícil descargar sobre Él patadas y palos, pero no faltan ni las piedras ni las porquerías, y si las piedras caen y sólo suenan, sin herir, en los yelmos y corazas romanos, sí que dejan señal cuando caen sobre Jesús, que camina sólo con la túnica, pues que había dejado el manto en el Getsemaní.

Al entrar en el fastuoso palacio de Herodes, Jesús ve a Cusa… que no sabe mirarle, y que huye para no verle en ese estado, cubriéndose la cabeza con el manto.

604.25

Ya está en la sala en presencia de Herodes. Y detrás de Jesús —escoltado hasta el Tetrarca sólo por el centurión y cuatro soldados— ya entran como acusadores embusteros los fariseos escribas, que aquí se sienten a sus anchas.

Herodes baja de su sitial y da vueltas en torno a Jesús mientras escucha las acusaciones de sus enemigos. Sonríe. Hace burla. Luego finge una piedad y un respeto que no turban al Mártir, como tampoco le han turbado las burlas.

«Eres grande. Lo sé. He seguido tus pasos con atención, y me he alegrado cuando he visto que Cusa era amigo tuyo y Manahén discípulo. Yo… las preocupaciones del Estado… Pero sentía un gran deseo de decirte que eres grande… de pedirte perdón… La mirada de Juan… su voz… me acusan y siempre están delante de mí. Tú eres el santo que borra los pecados del mundo. Absuélveme, Cristo».

Jesús calla.

«He oído que te acusan de haberte alzado contra Roma. ¿Pero no eres Tú la vara prometida[3] para castigar a Asur?».

Jesús calla.

«Me han dicho que profetizas el final del Templo y de Jerusalén. Pero, dado que existe por voluntad del Eterno, ¿no es eterno el Templo como espíritu?».

Jesús calla.

«¿Estás loco? ¿Has perdido el poder? ¿Es que Satanás te traba la palabra? ¿Te ha abandonado?». Herodes ahora se ríe.

604.26

Luego da una orden, y unos siervos traen un galgo con una pata rota, que gañe quejumbrosamente, y a un establero idiota, hidrocéfalo, baboso, un aborto de hombre, juguete de los siervos. Los escribas y los sacerdotes huyen, gritando por el sacrilegio, cuando ven la camilla del perro. Herodes, falso y burlón, explica: «Es el preferido de Herodías. Regalo de Roma. Ayer se rompió una pata y ella llora. Ordena que se cure. Haz el milagro».

Jesús le mira severamente. Y calla.

«¿Te he ofendido? Entonces a éste. Es un hombre, aunque en poco supere a un animal salvaje. Dale la inteligencia, Tú, Inteligencia del Padre… ¿No dices eso?». Y se ríe, ofensivo.

Otra mirada, más severa, de Jesús. Y silencio.

«Este hombre está demasiado abstinente, y ahora está aturdido por los desprecios. Vino y mujeres, aquí. Y desatadlo».

Le desatan y, mientras gran número de servidores traen ánforas y copas, entran bailarinas… tapadas con nada: una franja multicolor de lino ciñe, como único vestido, desde la cintura a los muslos, sus gráciles cuerpos; nada más. Broncíneas —son africanas—, livianas como gacelas jovencitas, comienzan una danza silenciosa y lasciva.

Jesús rechaza las copas y cierra los ojos. Calla. La corte de Herodes, ante este desdén suyo, ríe.

«Toma la que quieras. ¡Vive! ¡Aprende a vivir!…» insinúa Herodes.

Jesús parece una estatua. Con los brazos cruzados, los ojos bien cerrados, no reacciona ni siquiera cuando las impúdicas bailarinas le pasan rozando con sus cuerpos desnudos.

«Basta. Te he tratado como a Dios y no has actuado como Dios. Te he tratado como hombre y no has actuado como hombre. Estás loco. Una túnica blanca. Ponédsela para que Poncio Pilato sepa que el Tetrarca ha juzgado loco a su súbdito. Centurión, dirás al Procónsul que Herodes le presenta humildemente sus respetos y venera a Roma. Marchaos».

Y Jesús, atado de nuevo, sale, con una túnica de lino que le llega hasta la rodilla, encima de la túnica roja de lana.

Y vuelven donde Pilato.

604.27

Ahora, cuando la centuria a duras penas hiende la masa de gente —no se han cansado de esperar ante el palacio proconsular, y es extraño el ver a tanta gente en ese sitio y en los lugares cercanos mientras que el resto de la ciudad aparece vacío—, Jesús ve en grupo a los pastores. Están al completo, o sea: Isaac, Jonatán, Leví, José, Elías, Matías, Juan, Simeón, Benjamín y Daniel. Con ellos también un grupito de galileos, de los cuales reconozco a Alfeo y a José de Alfeo, junto a dos otros que no conozco, pero que, por el peinado, diría que son judíos. Y un poco detrás, semiescondido tras una columna, junto a un romano que parece ser un servidor, ve a Juan, que ha entrado en el vestíbulo. Jesús sonríe a éste y a aquéllos… sus amigos… Pero ¿qué son estos pocos y Juana y Manahén y Cusa en medio de un océano de odio en agitación?…

604.28

El centurión saluda a Poncio Pilato e informa.

«¡¿Aquí otra vez?! ¡Uf! ¡Maldita esta raza! Que se acerque la chusma. Traed aquí al Acusado. ¡Uf, qué lata!».

Va hacia la muchedumbre, aunque también esta vez se detiene en la mitad del vestíbulo.

«Hebreos, escuchad. Me habéis traído a este hombre como agitador del pueblo. Delante de vosotros le he examinado y no he hallado en Él ninguno de los delitos de que le acusáis. Herodes no ha encontrado más que yo. Y nos le ha devuelto. No merece la muerte. Roma ha hablado. De todas formas, por no contrariaros privándoos de la recreación, os daré a cambio a Barrabás. Y a Él mandaré que le den cuarenta azotes. Así basta».

«¡No, no! ¡No a Barrabás! ¡No a Barrabás! ¡A Jesús la muerte! ¡Y una muerte horrenda! Libera a Barrabás y condena al Nazareno».

«¡Pero oíd! He dicho fustigación. ¿No es suficiente? ¡Entonces mandaré que le flagelen! ¿Sabéis que es atroz? Puede morir por ello. ¿Qué mal ha hecho? No encuentro ninguna culpa en Él, así que le liberaré».

«¡Crucifica! ¡Crucifica! ¡A muerte! ¡Eres un protector de los malhechores! ¡Pagano! ¡Tú también otro satanás!».

La muchedumbre se acerca hasta el pie del vestíbulo y la primera formación de soldados, no pudiendo usar las lanzas, ondea por el choque. Pero la segunda fila, bajando un peldaño, blande las lanzas y libera a los compañeros.

«Que sea flagelado» ordena Pilato a un centurión.

«¿Cuánto?».

«Lo que te parezca… Total, ésta es una cuestión concluida. Y yo ya estoy aburrido. Venga, ve».

604.29

Cuatro soldados llevan a Jesús al patio que está después del atrio. En él, enteramente enlosado con mármoles de color, en su centro hay una alta columna semejante a las del pórtico. A unos tres metros del suelo, la columna tiene un brazo de hierro que sobresale al menos un metro y que termina en una argolla. A ésta columna —tras haberle hecho desvestirse, de forma que ha quedado únicamente con un pequeño calzón de lino y las sandalias— atan a Jesús, con las manos unidas por encima de la cabeza. Levantan las manos, atadas por las muñecas, hasta la argolla, de forma que Él, a pesar de ser alto, no apoya en el suelo más que la punta de los pies… Y también esta postura debe ser un tormento.

He leído, no sé dónde, que la columna era baja y que Jesús estaba encorvado. Será eso. Yo lo veo así y así lo digo.

Detrás de Él se coloca uno de cara de verdugo y neto perfil hebreo; delante, otro, con la misma cara. Están armados con el flagelo de siete tiras de cuero unidas a un mango y acabadas en un martillito de plomo. Rítmicamente, como si estuvieran haciendo un ejercicio, se ponen a dar golpes. Uno, delante; el otro, detrás. De forma que el tronco de Jesús se halla dentro de una rueda de azotes y flagelos.

Los cuatro soldados a los que ha sido entregado, indiferentes, se han puesto a jugar a los dados con otros tres soldados que han llegado en ese momento. Y las voces de los jugadores se acompasan con el sonido de los flagelos, que silban como sierpes y luego suenan como piedras arrojadas contra la membrana tensa de un tambor, golpeando el pobre cuerpo, ese pobre cuerpo tan delgado y de un color blanco de marfil viejo, que primero se pone cebrado, de un rosa cada vez más vivo, luego morado, para ornarse luego de relieves de color añil, hinchados de sangre, y luego se abre y rompe y suelta sangre por todas partes. Los verdugos se ceban especialmente en el tórax y en el abdomen; pero no faltan los golpes en las piernas y en los brazos, e incluso en la cabeza, para que no hubiera un lugar de la piel sin dolor.

Y ni una queja siquiera… Si no estuviera sujetado por la cuerda, se caería. Pero ni se cae ni gime. Eso sí, la cabeza le pende —después de golpes y más golpes recibidos— sobre el pecho, como por desvanecimiento.

«¡Eh, para ya!» grita un soldado, y, en tono de mofa: «Que tienen que matarle estando vivo».

Los dos verdugos se paran y se secan el sudor.

«Estamos agotados» dicen. «Dadnos la paga, para poder echar un trago y así reponernos…».

«¡La horca os daría! En fin, tomad…», y un decurión arroja una moneda grande a cada uno de los dos verdugos.

«Habéis trabajado a conciencia. Parece un mosaico. Tito: ¿tú dices que era éste el amor de Alejandro[4]? Le daremos la noticia para que cumpla el luto. Le desatamos un poco, ¿eh?».

604.30

Le desatan, y Jesús se derrumba como muerto. Le dejan ahí en el suelo, y de vez en cuando le golpean con el pie calzado con las cáligas para ver si gime. Pero Él calla.

«¿Estará muerto? ¿Pero es posible? Es joven. Y artesano. Eso me han dicho… Parece una dama delicada».

«Déjalo de mi cuenta» dice un soldado. Y le sienta con la espalda apoyada en la columna. Donde estaba, ahora hay grumos de sangre… Luego va a una pequeña fuente que gorgotea bajo el pórtico. Llena de agua un barreño y lo arroja sobre la cabeza y el cuerpo de Jesús. «¡Así! A las flores les viene bien el agua».

Jesús suspira profundamente. Intenta levantarse. Pero todavía tiene los ojos cerrados.

«¡Eso es! ¡Bien! ¡Arriba, majo! ¡Que te espera la dama!…».

Pero Jesús inútilmente apoya en el suelo los puños intentando erguirse.

«¡Arriba! ¡Rápido! ¿Te sientes débil? Con esto te vas a reponer» dice otro soldado con sonrisa socarrona. Y con el asta de su alabarda descarga un golpe en la cara de Jesús, dándole entre el pómulo derecho y la nariz, por donde empieza a sangrar.

Jesús abre los ojos, los vuelve. Es una mirada empañada… Mira fijamente al soldado que le ha golpeado. Se enjuga la sangre con la mano. Luego, con mucho esfuerzo, se pone de pie.

«Vístete. No es decente estar así. ¡Impúdico!». Todos se ríen, en corro alrededor de Él.

Él obedece sin decir nada. Pero, mientras se encorva —y sólo Él sabe lo que sufre al agacharse, estando tan magullado y con esas llagas que al estirarse la piel se abren más todavía, y con otras que se forman al romperse las ampollas—, un soldado da una patada a la ropa y la disemina, y cada vez que Jesús, tambaleándose, llega a donde ha caído la ropa, un soldado las echa en otra dirección. Y Jesús, sufriendo agudamente, sigue a la ropa sin decir una palabra, mientras los soldados se burlan de Él en modo repugnante.

Por fin puede vestirse. Se pone también la túnica blanca, que estaba apartada y no se ha manchado. Parece querer ocultar su pobre túnica roja, que ayer mismo estaba tan bonita y ahora está ensuciada de porquerías y manchada por la sangre sudada en Getsemaní. Es más, antes de ponerse sobre la piel la túnica corta interior, se enjuga con ella la cara, que está mojada, limpiándola así de polvo y esputos. Y la pobre, santa faz, aparece limpia, sólo signada de moratones y pequeñas heridas. Se ordena también el pelo, que pendía desordenado, y la barba, por una innata necesidad de arreglo corporal.

Y luego se acurruca al sol. Porque tiembla mi Jesús… La fiebre empieza a serpear en Él con sus escalofríos. Y también se pone de manifiesto la debilidad por la sangre perdida, el ayuno y el mucho camino andado.

604.31

Le atan de nuevo las manos. Y la cuerda sierra de nuevo en donde ya hay un rojo aro de piel levantada.

«¿Y ahora? ¿Qué hacemos con Él? ¡Yo me aburro!».

«Espera. Los judíos quieren un rey. Vamos a dárselo. Ése…» dice un soldado.

Y sale raudo —sin duda, a un patio de detrás—. Vuelve con un haz de ramas de espino albar agreste, todavía flexible porque la primavera mantiene blandas las ramas, de espinas bien duras y aguzadas. Con la daga, quitan hojas y florecillas. Luego hacen un círculo con las ramas y lo acalcan en la pobre cabeza… Pero la bárbara corona penetra hasta el cuello.

«No va bien. Más pequeña. Quítasela».

La sacan, y, al hacerlo, arañan las mejillas —incluso con el peligro de cegar a Jesús— y arrancan cabellos. La hacen más pequeña. Ahora está demasiado estrecha y, aunque aprietan —hincando en la cabeza las espinas—, puede caerse. Otra vez afuera, arrancando más pelo. La modifican de nuevo. Ahora va bien. Delante hay un triple cordón espinoso; detrás, donde los extremos de las tres ramas se entrecruzan, hay un verdadero nudo de espinas que entran en la nuca.

«¿Ves qué bien estás! Bronce natural y rubíes puros. Mírate, rey, en mi coraza» dice, burlón, el que ha ideado el suplicio.

«No es suficiente la corona para hacerle a uno rey. Se necesita la púrpura y el cetro. En el establo hay una caña y en la cloaca hay una clámide roja. Ve por ellas, Cornelio».

Y, cuando éste las trae, ponen el sucio trapajo sobre los hombros de Jesús y, antes de ponerle entre las manos la caña, le dan con ella en la cabeza, hacen reverencias y saludan: «¡Ave, rey de los Judíos!», y se tronchan de risa.

Jesús no les opone resistencia. Se deja sentar en el “trono” (un barreño colocado boca abajo, usado, sin duda, para dar de beber a los caballos), y se deja golpear y escarnecer, sin decir nada nunca. Solamente los mira… y es una mirada de una dulzura tan grande y de un dolor tan atroz, que no puedo mirar yo sin sentir mi corazón traspasado.

604.32

Los soldados concluyen el escarnio sólo cuando oyen la voz de un superior que ordena sea conducido el reo ante Pilato. ¡Reo! ¿De qué?

Sacan de nuevo a Jesús al atrio, cubierto ahora éste por un valioso entrecielo para el sol. Jesús tiene todavía la corona, la clámide y la caña.

«Acércate, para mostrarte al pueblo».

Jesús, ya quebrantado, se yergue con porte digno: ¡oh, verdaderamente es un rey!

«Oíd, hebreos. Aquí está el hombre. Yo le he castigado. Pero ahora dejadle marcharse».

«¡No, no! ¡Queremos verle! ¡Que salga! ¡Queremos ver al blasfemo!».

«Traedle aquí afuera. Y atentos a que no le prendan».

Y mientras Jesús sale al vestíbulo y puede vérsele dentro del cuadrado formado por los soldados, Poncio Pilato le señala con la mano diciendo: «He aquí al Hombre. A vuestro rey. ¿No es suficiente todavía?».

El Sol de un día de bochorno llegado ya al medio de la tercia desciende casi perpendicular, encendiendo y resaltando miradas y caras: ¿son hombres esa gente? No: hienas hidrófobas. Gritan, muestran los puños, piden muerte…

Jesús está erguido. Y le aseguro que nunca tuvo esa nobleza de ahora. Ni siquiera cuando ejecutaba los más poderosos milagros. Nobleza de dolor. Tan divino, que bastaría para signarle con el nombre de Dios. Pero para pronunciar ese Nombre hay que ser, al menos, hombres, y Jerusalén hoy no tiene hombres, sólo demonios.

Jesús recorre con su mirada la muchedumbre y, en el mar de caras cargadas de odio, encuentra rostros amigos. ¿Cuántos? Menos de veinte amigos entre millares de enemigos… Y agacha la cabeza, bajo la impresión de este abandono. Una lágrima rueda… y otra… y otra… El ver su llanto no genera piedad; antes bien, un odio aún más sañudo.

604.33

De nuevo le llevan al atrio.

«¿Entonces? Dejadle marcharse. Es justicia».

«No. A muerte. Crucifica».

«Os doy a Barrabás».

«No. ¡Al Cristo!».

«Pues entonces pase a vuestras manos y crucificadle vosotros, porque yo no encuentro en Él delito alguno para hacerlo».

«Se ha llamado Hijo de Dios. Nuestra ley establece la muerte para el reo de una blasfemia como ésa».

Pilato está ahora pensativo. Vuelve a entrar. Se sienta en su pequeño trono. Pone, mientras escruta a Jesús, una mano en la frente, y el codo encima de la rodilla. «Acércate» dice.

Jesús va hasta el pie de la tarima.

«¿Es verdad? Responde».

Jesús calla.

«¿De dónde vienes? ¿Quién es Dios?».

«Es el Todo».

«Y… bueno, ¿y qué quiere decir “el Todo”? ¿Qué es el Todo para uno que muere? Estás desquiciado… Dios no existe. Yo existo».

Jesús guarda silencio. Ha dejado caer la gran palabra y ahora de nuevo se viste de silencio.

604.34

«Poncio: la liberta de Claudia Prócula pide permiso para entrar. Tiene un escrito para ti».

«¡Domine! ¡Y ahora, además, las mujeres! Que pase».

Entra una romana. Se arrodilla mientras entrega una tablilla encerada. Debe ser la tablilla en que Prócula ruega a su marido que no condene a Jesús. La mujer se retira caminando hacia atrás mientras Pilato lee.

«Se me aconseja evitar el homicidio contra ti. ¿Es verdad que eres más que un arúspice? Me causas miedo».

Jesús guarda silencio.

«¿Pero no sabes que tengo poder para liberarte o para crucificarte?».

«No tendrías ningún poder, si no se te diera de arriba. Por eso el que me ha entregado a ti es más culpable que tú».

«¿Quién es? ¿Tu Dios? Tengo miedo…».

Jesús calla.

Pilato está en ascuas. Quisiera y no quisiera. Teme el castigo de Dios, teme el de Roma, teme las venganzas judías. El miedo a Dios vence un momento. Va al extremo frontal del atrio y dice con voz potente: «No es culpable».

«Si dices eso, eres enemigo de César. Quien se hace rey es su enemigo. Lo que quieres es liberar al Nazareno. Ya nos encargaremos de que lo sepa César».

Se apodera de Pilato el miedo al hombre.

«En definitiva, que queréis verle muerto, ¿no? Pues así sea. Pero no manche mis manos la sangre de este justo». Pide un balde y se lava las manos ante la presencia del pueblo, que parece ebrio de frenesí mientras grita: «Sobre nosotros, sobre nosotros caiga su sangre; caiga sobre nosotros y sobre nuestros hijos. No la tememos. ¡A la cruz! ¡A la cruz!».

604.35

Poncio Pilato vuelve a su pequeño trono, llama al centurión Longino y a un esclavo. Manda a éste que le traiga una tabla. Sobre ésta apoya un cartel y en él manda escribir: «Jesús Nazareno, Rey de los Judíos». Y lo muestra al pueblo.

«No. Eso no. No “Rey de los Judíos”. Sino que Él se ha llamado rey de los Judíos». Esto gritan muchos.

«Lo que he escrito he escrito» dice, duro, Pilato. Y, en pie, erguido, extiende la mano con la palma hacia delante y vuelta hacia abajo y ordena: «Que vaya a la cruz. Soldado, ve, prepara la cruz». (Ibis ad crucem! I, miles, expedi crucem). Y baja sin siquiera volverse hacia la muchedumbre agitada, ni hacia el pálido Condenado. Sale del atrio… en cuyo centro se queda Jesús, custodiado por los soldados, esperando la cruz.

10 de marzo de 1944, viernes.

604.36

Dice Jesús:

«Quiero ofrecer a tu meditación el punto que se refiere a mis encuentros con Pilato.

Juan —que, habiendo estado casi siempre presente, o por lo menos muy cercano, es el testigo y narrador más exacto— refiere cómo, una vez que salí de la casa de Caifás, fui conducido al Pretorio. Y especifica “por la mañana temprano”. Efectivamente, has visto que apenas rayaba el alba. También especifica Juan que “ellos (los judíos) no entraron para no contaminarse y poder comer la Pascua”.

Hipócritas como siempre, veían peligro de contaminarse en pisar el polvo de la casa de un gentil, pero no encontraban que fuera pecado matar a un Inocente; y con el corazón satisfecho con el delito cumplido, pudieron saborear aún mejor la Pascua. Tienen también ahora muchos seguidores. Todos los que por dentro actúan mal y por fuera profesan respeto a la religión y amor a Dios son semejantes a ellos. ¡Fórmulas, fórmulas y no religión verdadera! Me producen repugnancia y desdén.

No entrando los judíos en la casa de Pilato, salió éste para oír lo que pasaba con la muchedumbre vociferante, y, siendo experto en el gobierno y en el juicio, con una sola mirada comprendió que el reo no era Yo, sino ese pueblo ebrio de odio. El encuentro de nuestras miradas fue recíproca lectura de nuestros corazones. Yo juzgué al hombre en lo que él era. Él me juzgó a mí en lo que Yo era. Yo sentí compasión por él porque era un hombre débil; él sintió compasión de mí porque Yo era inocente. Trató de salvarme desde el primer momento. Y, dado que únicamente a Roma se defería y reservaba el derecho de ejercer la justicia hacia los malhechores, trató de salvarme diciendo: “Juzgadle según vuestra ley”.

604.37

Hipócritas por segunda vez, los judíos no quisieron emitir la condena. Es verdad que Roma tenía el derecho de justicia, pero cuando, por ejemplo, Esteban fue lapidado, Roma seguía imperando en Jerusalén, y ellos, a pesar de todo, sin preocuparse de Roma, definieron y consumaron el juicio y el suplicio. Conmigo, respecto a quien sentían no amor sino odio y miedo —no querían creer que fuera el Mesías, pero, por la duda de que lo fuera, no querían quitarme materialmente la vida— actuaron de forma distinta, y me acusaron de agitador contra el poder de Roma (vosotros diríais: “rebelde”) para conseguir que Roma me juzgara.

En su aula infame, y en muchas ocasiones durante los tres años de mi ministerio, me habían acusado de blasfemo y falso profeta, así que habría debido ser lapidado por ellos, o, en todo caso, ejecutado. Pero en este caso, para no llevar a cabo materialmente el delito (por el cual sentían por instinto que habrían sido castigados), hacen que lo lleve a cabo materialmente Roma, acusándome de ser un malhechor y un rebelde.

Nada más fácil, cuando las muchedumbres están pervertidas y los jefes demoniados, que acusar a un inocente, para apagar la sed de crueldad y de usurpación y quitar de en medio a quien representa un obstáculo y un juicio. Hemos vuelto a los tiempos de entonces. El mundo, cada cierto tiempo, después de una incubación de ideas perversas, estalla con estas manifestaciones de perversión. Como una inmensa gestante, la multitud, después de haber nutrido en su seno con doctrinas de fiera a su monstruo, lo pare para que devore. Para que devore, primero, a los mejores; luego, a ella misma.

604.38

Pilato entra de nuevo en el Pretorio y me dice que me acerque. Me hace preguntas.

Ya había oído hablar de mí. Entre sus centuriones, había algunos que repetían mi Nombre con amor agradecido, con lágrimas en los ojos y sonrisa en el corazón, y hablaban de mí como de un benefactor. En sus informes al Pretor —solicitada su opinión sobre este Profeta que atraía hacia sí a las multitudes y predicaba una doctrina nueva en que se hablaba de un reino extraño, inconcebible para la mente pagana— habían respondido siempre que Yo era un hombre manso, bueno, que no buscaba honores de esta Tierra y que inculcaba y practicaba el respeto y la obediencia hacia las autoridades. Más sinceros que los israelitas, veían y testificaban la verdad.

El domingo anterior, él, atraído por el clamor de la muchedumbre, se había asomado a la calle y había visto pasar, montado en una jumenta a un hombre desarmado, un hombre que iba bendiciendo, rodeado de niños y mujeres. Había comprendido con claridad que no entrañaba un peligro para Roma.

Quiere, pues, saber si Yo soy rey. Movido por su irónico escepticismo pagano, quiere reírse un poco de esa forma de regalidad que monta un asno, que tiene como cortesanos a niños descalzos y a mujeres sonrientes, a hombres del pueblo; de esta forma de regalidad que desde hace tres años predica el desapego por las riquezas y el poder, y que no habla de otras conquistas sino de las de espíritu y alma. ¿Qué es el alma para un pagano? Ni siquiera sus dioses tienen un alma. ¿Podrá tenerla el hombre? Ahora también este rey sin corona, sin palacio, sin corte, sin soldados, le repite que su reino no es de este mundo. Tan verdadero es eso, que ningún ministro se levanta en defensa de su rey, ningún soldado interviene para arrancarlo de las manos de sus enemigos.

Pilato, sentado en su sitial, me escudriña porque para él soy un enigma. Si hubiera liberado su alma de las preocupaciones humanas, de la soberbia del cargo, del error del paganismo, habría comprendido en seguida quién era Yo. Mas ¿cómo podrá la luz penetrar en donde demasiadas cosas ocluyen las aperturas para que entre?

604.39

Siempre ha sido así, hijos. También ahora. ¿Cómo pueden entrar Dios y su luz en un lugar donde no hay espacio para ellos y las puertas y ventanas están trancadas y defendidas por la soberbia, la humanidad, el vicio, la usura, y por muchos, muchos guardianes al servicio de Satanás contra Dios?

Pilato no puede entender qué reino es este reino mío. Y no pide —y esto es doloroso— que Yo se lo explique. Ante mi invitación a que conozca la Verdad, él, el indomable pagano, responde: “¿Qué es la verdad?”, permitiendo que se zanje la cuestión encogiéndose de hombros.

¡Oh hijos, hijos míos! ¡Oh mis Pilatos de ahora! También vosotros, como Poncio Pilato, dejáis que se zanjen las cuestiones más vitales encogiéndoos de hombros. Os parecen cosas inútiles, superadas. ¿Qué es la Verdad? ¿Dinero? No. ¿Mujeres? No. ¿Poder? No. ¿Salud física? No. ¿Gloria humana? No. Entonces, mejor olvidarse; no merece la pena correr tras una quimera. Dinero, mujeres, poder, buena salud, comodidades, honores: éstas son cosas concretas, útiles, cosas apetecibles y que merece la pena alcanzar cueste lo que cueste. Razonáis así. Y, peor que Esaú, trocáis los bienes eternos por un alimento de baja calidad que perjudica a vuestra salud física y os daña en orden a la salud eterna. ¿Por qué no persistís en preguntar: “¿Qué es la Verdad?”? Ella, la Verdad, sólo pide darse a conocer para instruiros sobre sí. Está frente a vosotros como frente a Pilato, y os mira con ojos de amor suplicante implorándoos: “Pregúntame. Te instruiré”.

¿Ves cómo miro a Pilato? Igual os miro a todos vosotros. Y, si tengo mirada de sereno amor para el que me ama y solicita mis palabras, tengo miradas de amor doliente para aquel que no me ama, no me busca, no me escucha. Pero amor, en todo caso amor, porque el Amor es mi naturaleza.

604.40

Pilato me deja donde estoy y no sigue interrogándome. Va a los malvados, que se hacen oír más y se imponen con su violencia. Y este hombre mísero, que no me ha escuchado a mí y que con un gesto de encogerse de hombros ha rechazado mi invitación a conocer la Verdad, los escucha a ellos. Escucha a la Mentira. La idolatría, bajo cualquier forma en que se presente, siempre tiende a venerar y a aceptar a la Mentira, comoquiera que se presente. Y la Mentira, aceptada por un débil, conduce al débil al delito.

También Pilato a las puertas del delito quiere salvarme, una vez, dos veces. Es entonces cuando me manda a Herodes. Bien sabe que el rey astuto, que se mueve entre dos aguas, Roma y su pueblo, actuará de un modo que no perjudicará a Roma y que no significará un choque con el pueblo hebreo. Pero, como todos los débiles, aplaza unas horas esa decisión para la que no se ve con fuerzas, esperando que la agitación plebeya se calme.

Yo dije[5]: “Que vuestro lenguaje sea: sí, sí; no, no”. Pero él no lo ha oído, o, si alguien se lo ha repetido, ha vuelto, como de costumbre, a encogerse de hombros. Para vencer en el mundo, para obtener honores y lucro, hay que saber hacer del sí un no, o del no un sí, según lo que aconseje el buon sentido (lee: sentido humano).

¡Cuántos, cuántos Pilatos tiene el siglo veinte! ¿Dónde están los héroes del cristianismo que decían “sí”, constantemente “sí” a la Verdad y por la Verdad, y “no”, constantemente “no” por la Mentira? ¿Dónde están los héroes que saben afrontar el peligro y los acontecimientos con fortaleza de acero y serena prontitud, sin dejar las cosas para otro momento, porque el Bien debe cumplirse en seguida y del Mal hay que alejarse inmediatamente, sin ningún “pero” y sin ningún “si”?

604.41

Cuando regreso del palacio de Herodes, se produce el nuevo paliativo de Pilato: la flagelación. ¿Cuál era la esperanza de Pilato? ¿No sabía que la masa es una fiera que en cuanto empieza a ver la sangre se vuelve más feroz? Pero Yo debía ser quebrantado para expiar vuestros pecados de la carne. Y me quebrantan. No habrá en todo mi cuerpo un lugar que no reciba golpes. Soy el Hombre de que habla Isaías. Y al suplicio ordenado se añade el no ordenado, el creado por la crueldad humana, el de las espinas.

¿Veis, hombres, a vuestro Salvador, a vuestro Rey, coronado de dolor para liberar vuestra cabeza de los muchos pensamientos pecaminosos que en ella se incuban? ¿No pensáis qué dolor sufrió mi cabeza inocente por pagar por vosotros, por vuestros cada vez más atroces pecados de pensamiento que se transforman en acción? Vosotros, que os sentís ofendidos incluso sin motivo, mirad al Rey ultrajado —y es Dios—, con su sarcástico manto de púrpura desgarrada, con el cetro de caña y la corona de espinas. Es ya un moribundo y le siguen abofeteando con las manos y las burlas. Y ni siquiera os compadecéis de Él. Como los judíos, seguís mostrándome los puños y gritando: “¡Fuera, fuera, no tenemos más Dios que a César!”. ¡Oh, idólatras que no adoráis a Dios sino que os adoráis a vosotros mismos y adoráis al que puede más entre vosotros! No aceptáis al Hijo de Dios. No os ayuda en vuestros delitos. Más servicial es Satanás; aceptáis, por tanto, a Satanás. Del Hijo de Dios tenéis miedo. Como Pilato. Y, cuando sentís que se cierne sobre vosotros con su poder, que rebulle en vosotros con la voz de la conciencia que en su nombre os censura, preguntáis como Pilato: “¿Quién eres?”.

Sabéis quién soy. Incluso los que me niegan saben que existo y saben quién soy. No mintáis. Veinte siglos están en torno a mí y os ilustran acerca de quién soy, y os instruyen acerca de mis prodigios. Es más perdonable Pilato. No vosotros, que disponéis de una herencia de veinte siglos de cristianismo para sostener vuestra fe, o para inculcárosla, y no queréis saber nada de ello. Y fui más severo con Pilato que con vosotros. No respondí. Con vosotros, sin embargo, hablo. Y, no obstante, no consigo convenceros de que soy Yo y de que me debéis adoración y obediencia.

Ahora también, como entonces, me acusáis de ser Yo la causa de mi propio fracaso en vosotros porque no os escucho. Decís que perdéis la fe por esto. ¡Embusteros! ¿Dónde tenéis la fe? ¿Dónde, vuestro amor? ¿Cuándo, pero cuándo, oráis y vivís con amor y fe? ¿Sois personas importantes? Recordad que lo sois porque Yo lo permito. ¿Sois personas anónimas en medio de la masa? Recordad que no hay otro Dios aparte de mí. Ninguno está por encima de mí, ninguno me precede. Dadme pues ese culto de amor que me corresponde y Yo os escucharé, porque dejaréis de ser bastardos para ser hijos de Dios.

604.42

Y ahí tenéis el último intento de Pilato para salvarme la vida, supuesto que pudiera salvarla después de la despiadada e ilimitada flagelación. Me presenta a la multitud: “¡Aquí tenéis al Hombre!”. A él, humanamente, le inspiro compasión. Espera en la compasión colectiva. Pero, ante la dureza que resiste y la amenaza que avanza, no sabe llevar a cabo un acto sobrenaturalmente justo, y, por tanto, bueno, diciendo: “Le libero porque es inocente. Vosotros sí sois culpables. Y si no disolvéis el tumulto conoceréis el rigor de Roma”. Esto es lo que habría debido decir, si hubiera sido un justo; sin calcular el futuro mal que ello le hubiera acarreado.

Pilato es un falso bueno. Bueno es Longino, el cual, menos poderoso que el Pretor, y menos protegido, en medio de la calle, rodeado de pocos soldados y de una multitud enemiga, se atreve a defenderme, a ayudarme, a concederme descansar y tener el consuelo de las mujeres compasivas y ser ayudado por el Cireneo y, en fin, tener a mi Madre al pie de la Cruz. Longino fue un héroe de la justicia y vino a ser, por esto, un héroe de Cristo.

Sabed, hombres que os preocupáis sólo de vuestro bien material, que incluso respecto a éste vuestro Dios interviene cuando os ve fieles a la justicia, que es emanación de Dios. Yo premio siempre a quien actúa con rectitud. Defiendo a quien me defiende. Le amo y le socorro. Sigo siendo Aquel que dijo[6]: “El que dé un vaso de agua en mi nombre recibirá recompensa”. A quien me da amor, agua que calma la sed de mi labio de Mártir divino, le doy a mí mismo como don, y ello significa protección y bendición».


Notes

  1. Un homme : il s’agit d’un certain Jacob, guéri par Jésus en 374.7/9. Le fils de l’alinéa suivant est Samuel, l’époux parjure d’Annalia, rencotré en 374.5/6 et en 375.6/9.
  2. Comme Doras, en 110.3 et 126.10.
  3. Les exilés à Babylone, récit relaté en 2 R, 24-25 et en 2 Chr 36.
  4. le jus gladii et sanguinis, littéralement le droit d’épée et de sang, était le droit de condamner à mort, réservé (comme Jésus le rappelle en 561.10 et en 604.36/37) au Procurateur de Rome.
  5. verge promise en Is 30, 30-32.
  6. Barabbas pourrait être le voleur assassin cité par Jésus en 567.12 (dans les dernières lignes) et par la foule en 576.3, parce que Matthieu nous apprend qu’il s’agissait d’un “ prisonnier bien connu ” (Mt 27, 16).
  7. Alexandre est un soldat romain rencontré dans les chapitres 86 et 115, et rappelé en 204.3 et en 461.19.
  8. ce qu’il était : le caractère de Pilate est magistralement décrit en 566.18.
  9. Je vous l’ai dit, en 172.4.
  10. celui qui a dit, en 265.13.

Notas

  1. un hombre casado: se trata de un cierto Jacob, curado por Jesús en 374.7/9. El hijo del siguiente párrafo es Samuel, desleal a Analía, encontrado en 374.5/6 y en 375.6/9. El presente capítulo de la Pasión fu escrito antes, como puede constatarse no sólo por las fechas, sino también por la observación de MV en 374.10.
  2. Como Doras, en 126.10.
  3. vara prometida, en Isaías 30, 30-32.
  4. Alejandro, soldado romano encontrado en 86 y en 115, recordado en 204.3 y en 461.19.
  5. Yo dije: en 172.4
  6. dijo, en 265.13