Los Escritos de Maria Valtorta

614. Le jour du samedi saint.

614. El día del Sábado Santo.

614.1

L’aube arrive avec peine, comme si elle hésitait. Et l’aurore tarde étrangement, bien qu’il n’y ait pas de nuages dans le ciel. C’est à croire que les astres ont perdu toute vigueur. De même que la lune était pâle pendant la nuit, le soleil l’est à son lever. Ils sont voilés… Auraient-ils pleuré, eux aussi, pour avoir cet aspect embué comme les yeux des bons qui ont pleuré et qui pleurent encore la mort du Seigneur ?

Dès que Jean comprend que les portes sont ouvertes, il sort, sourd aux supplications maternelles. Les femmes, encore plus craintives maintenant que l’apôtre est parti lui aussi, s’enferment dans la maison.

Marie, toujours dans sa chambre, les mains sur les genoux, regarde fixement par la fenêtre qui s’ouvre sur un jardin, pas très vaste, mais suffisamment grand, et plein de roses fleuries le long des hautes murailles et de parterres fantaisistes. Les lys, au contraire, n’ont pas encore les tiges des futures fleurs. Ils sont touffus, beaux, mais n’ont que des feuilles. Elle a beau regarder, je pense qu’elle ne voit rien d’autre que ce qui occupe sa pauvre tête fatiguée : l’agonie de son Fils.

Les femmes vont et viennent. Elles s’approchent, la caressent, la prient de se restaurer… et à chacune de leurs entrées, c’est un flot de parfum capiteux, étourdissant, qui pénètre.

Marie a chaque fois un léger frisson, mais rien d’autre. Pas un mot, pas un geste, rien. Elle est épuisée. Elle attend. Elle n’est qu’attente. Elle est Celle qui attend.

614.2

On frappe à la porte… Les femmes courent ouvrir. Marie se retourne sur son siège sans se lever et fixe la porte entrouverte.

Peu après, Marie-Madeleine vient trouver Marie.

« C’est Manahen… Il voudrait se rentre utile.

– Manahen… Fais-le entrer. Il a toujours été bon… Mais je croyais que c’était quelqu’un d’autre…

– A qui pensais-tu, Mère ?…

– Plus tard… Plus tard… Fais-le entrer. »

Manahen apparaît. Il n’est pas fastueux comme d’habitude. Il porte un vêtement très commun, d’un marron presque noir, et un manteau du même ton. Ni bijoux, ni épée, rien. On peut le prendre pour un homme aisé, mais du peuple.

Il s’incline d’abord pour saluer, les mains croisées sur la poitrine, puis il s’agenouille comme devant un autel.

« Lève-toi, et pardonne-moi si je ne réponds pas à ton inclination. Je ne le peux…

– Tu ne le dois pas. Je ne te le permettrais pas. Tu sais qui je suis. Aussi, je te prie de me considérer comme ton serviteur. As-tu besoin de moi ? Je vois que tu n’as pas d’homme dans ton entourage. Je sais par Nicodème que tous se sont enfuis. Il n’y avait rien à faire, c’est vrai, mais au moins lui donner le réconfort de nous voir. Moi… moi, je l’ai salué au Sixte, et ensuite je ne l’ai pas pu car… Mais c’est inutile de le préciser. Cela aussi était voulu par Satan. Me voilà désormais libre, et je viens me mettre à ton service. Ordonne, Femme.

– Je voudrais savoir et faire savoir à Lazare… Ses sœurs sont dans la peine, ma belle-sœur et l’autre Marie aussi. Nous voudrions savoir si Lazare, Jacques, Jude et l’autre Jacques sont saufs.

– Judas[1] ? L’Iscariote ? Mais il a trahi !

– Jude, le fils du frère de mon époux.

614.3

Ah ! J’y vais. »

En se levant, il esquisse un mouvement de douleur.

« Mais tu es blessé ?

– Hum !… oui. Ce n’est rien. Un bras qui me fait un peu souffrir.

– A cause de nous, peut-être ? Est-ce la raison de ton absence là-haut ?

– Effectivement. Et c’est seulement de cela que je souffre, pas de la blessure. Le reste de pharisaïsme, d’hébraïsme, de satanisme qui était en moi — car le culte d’Israël est devenu du satanisme — est parti avec ce sang. Me voilà comme un enfant qui, une fois coupé le cordon ombilical, n’a plus de contact avec le sang de sa mère, et les quelques gouttes qui restent encore dans le cordon coupé n’entrent pas en lui, empêchées comme elles le sont par le lacet de lin. Mais elles tombent… désormais inutiles. Le nouveau-né vit avec son propre cœur et son propre sang. C’est ce qui m’arrive. Jusqu’à présent, je n’étais pas encore complètement formé. Maintenant je suis arrivé à terme, et je viens, j’ai été mis au Jour. Je suis né d’hier. Ma mère, c’est Jésus de Nazareth. Et il m’a enfanté quand il a poussé son dernier cri. Je sais… car je me suis enfui dans la maison de Nicodème cette nuit. Seulement, je voudrais le voir. Quand vous vous rendrez au tombeau, prévenez-moi. Je viendrai avec vous… Son visage de Rédempteur, je l’ignore !

– Il te regarde, Manahen. Retourne-toi. »

L’homme, qui était entré avec la tête inclinée et qui ensuite n’avait eu d’yeux que pour Marie, se retourne, presque épouvanté, et il voit le suaire. Il se jette aussitôt à terre pour adorer… Et il pleure.

Puis il se lève, s’incline devant Marie, et dit :

« J’y vais.

– Mais c’est le sabbat, tu le sais ! Ils nous accusent déjà de violer la Loi, à l’instigation de Jésus.

– Alors nous sommes pareils, car eux violent la loi de l’amour, la première et la plus grande. C’est ce qu’il disait. Que le Seigneur te réconforte. »

Il sort.

614.4

Et les heures passent. Comme elles sont lentes pour qui attend…

Marie se lève et, en s’appuyant aux meubles, elle parvient au seuil de la pièce. Elle cherche à traverser le vaste vestibule de l’entrée. Mais quand elle n’a plus d’appui, elle vacille comme si elle était ivre. Marthe, qui l’aperçoit de la cour qui est au-delà de l’entrée ouverte au bout du vestibule, accourt.

« Où veux-tu aller ?

– Là, à l’intérieur. Vous me l’avez promis.

– Attends Jean.

– J’ai assez attendu. Vous voyez que je suis tranquille. Allez ouvrir la porte, puisque vous l’avez fait fermer de l’intérieur. Moi, j’attends ici. »

Suzanne — car toutes les femmes sont accourues — va appeler le gardien de la maison qui a les clés. Pendant ce temps, Marie s’appuie à la petite porte comme si elle voulait l’ouvrir par la force de sa volonté. L’homme arrive. Craintif, l’air abattu, il ouvre et se retire. Et Marie, aux bras de Marthe et de Marie, femme d’Alphée, entre dans le Cénacle.

Tout est resté comme à la fin de la Cène. La suite des événements et l’ordre donné par Jésus ont empêché qu’on dérange quoi que ce soit. Les sièges ont seulement été remis à leur place. Et Marie, qui pourtant n’était pas venue dans le Cénacle, se rend directement à la place où était assis son Jésus. On dirait qu’une main la conduit. Elle paraît somnambule, tant elle se raidit dans son effort pour y aller… Elle tourne autour du lit-siège, se glisse entre lui et la table, reste un instant debout, puis s’abat en travers de la table, en éclatant en sanglots. Une fois calmée, elle s’agenouille et prie, la tête appuyée contre le bord de la table. Elle caresse la nappe, le siège, la vaisselle, le bord du grand plateau où était l’agneau, le grand couteau qui a servi à découper l’agneau, l’amphore qui se trouve devant cette place. Elle ne sait pas qu’elle touche ce que Judas a lui aussi touché. Et elle reste comme hébétée, la tête appuyée sur ses bras croisés, posés sur la table.

Toutes se taisent, jusqu’au moment où sa belle-sœur intervient :

« Viens, Marie. Méfions-nous des Juifs. Voudrais-tu qu’ils entrent ici ?

– Non, non. C’est un lieu saint. Allons. Aidez-moi… Vous avez bien fait de me le dire. Je voudrais aussi un coffre, beau, grand, bien fermé, pour y mettre tous mes trésors.

– Demain, je te le fais apporter du palais. C’est le plus beau de la maison. Il est robuste et sûr. Je te le donne avec joie » promet Marie-Madeleine.

Elles sortent. Marie est vraiment épuisée. Elle vacille en franchissant les quelques marches. Et si sa douleur est moins dramatique, c’est parce qu’elle n’a plus la force de l’être. Mais sous son air apaisé, elle est encore plus pathétique.

Elles retournent dans la pièce où elles se trouvaient un peu plus tôt, et, avant de revenir à sa place, Marie caresse, comme si c’était un visage de chair, la sainte Face du suaire.

614.5

On frappe de nouveau. Les femmes se hâtent de sortir et d’entrouvrir la porte. Marie dit de sa voix lasse :

« Si ce sont les disciples, et en particulier Simon-Pierre et Jude, qu’ils viennent tout de suite me trouver. »

Mais c’est Isaac le berger. Il entre en pleurant après quelques minutes, et se prosterne devant le Suaire, puis devant Marie, mais il ne sait que dire. C’est donc elle qui prend la parole :

« Merci. Il t’a vu et je t’ai vu. Je le sais. Il vous a regardés tant qu’il l’a pu. »

Isaac redouble de larmes. Il ne peut parler qu’une fois ses sanglots apaisés.

« Nous ne voulions pas partir, mais Jonathas nous en a prié. Les Juifs menaçaient les femmes… et ensuite, nous n’avons plus pu revenir. Tout… tout était fini… Où devions-nous aller ? Nous nous sommes dispersés à travers la campagne et, quand il a fait nuit, nous nous sommes réunis à mi-chemin entre Jérusalem et Bethléem. Nous avions l’impression d’éloigner sa mort en allant vers sa grotte… Mais ensuite, nous avons senti qu’il n’était pas juste d’aller là… C’était de l’égoïsme… C’est pourquoi nous sommes revenus vers la ville… Et nous nous sommes trouvés, sans savoir comment, à Béthanie…

– Mes fils !

– Lazare !

– Jacques !

– Ils sont tous là-bas. A l’aurore, les champs de Lazare étaient couverts de gens errants qui pleuraient… Ses inutiles amis et disciples !… Moi… je suis entré chez Lazare et je croyais être le premier… Pas du tout : il y avait déjà là tes deux fils, femme, et le tien aussi, avec André, Barthélemy et Matthieu. C’est Simon le Zélote qui les avait persuadés d’y aller. Et Maximin, sorti de bon matin dans la campagne, en avait trouvé d’autres. Lazare les a tous secourus, et il y est encore occupé. Il assure que le Maître lui en avait donné l’ordre, et Simon le Zélote le confirme.

– Mais Simon et Joseph, mes autres fils, où sont-ils ?

– Je l’ignore, femme. Nous sommes restés ensemble jusqu’au tremblement de terre. Après… je ne sais plus rien de précis. Au milieu des ténèbres, des éclairs, des morts ressuscités, du tremblement du sol et des tourbillons du vent, j’ai perdu la tête. Je me suis retrouvé au Temple, et je me demande encore comment j’ai pu être là-dedans, au-delà de la limite sacrée. Pense qu’entre l’autel des parfums et moi, il n’y avait qu’une coudée… Pense que l’endroit où j’avais les pieds était réservé aux prêtres de service !… Et… et j’ai vu le Saint des Saints !… Oui, car le Voile s’est déchiré de haut en bas, comme si la volonté d’un géant l’arrachait … Si on m’avait vu à l’intérieur, on m’aurait lapidé. Mais personne n’y voyait plus. Je n’ai rencontré que des spectres de morts et des spectres de vivants. Car tous ressemblaient à des fantômes à la lueur des éclairs, à la clarté des incendies et avec la terreur sur le visage…

– Oh ! mon Simon ! mon Joseph !

– Qu’en est-il de Simon-Pierre ? De Judas de Kérioth ? Et de Thomas et Philippe ?

– Je ne sais pas, Mère… Lazare m’a envoyé voir, car on lui avait rapporté qu’ils… vous avaient tués.

– Dans ce cas, hâte-toi d’aller le tranquilliser. J’ai déjà envoyé Manahen à Béthanie. Mais vas-y, toi aussi, et dis… et dis que Jésus seul a été tué. Et moi avec lui. Et si tu vois d’autres disciples, amène-les ici. Mais Judas et Simon-Pierre, je les veux, moi.

– Mère… pardonne-nous si nous n’avons pas fait davantage.

– Je pardonne tout… Va. »

Isaac sorti, Marthe et Marie, Salomé et Marie, femme d’Alphée, l’étouffent de prières, de recommandations, d’ordres… Suzanne pleure doucement, car personne ne lui parle de son époux. C’est alors que Salomé se souvient du sien et qu’elle pleure, elle aussi.

614.6

Silence de nouveau jusqu’à un nouveau coup à la porte.

Comme la ville est tranquille, les femmes ont moins peur. Mais quand, par la porte entrouverte, elles voient se profiler le visage rasé de Longinus, elles prennent leurs jambes à leur cou comme si elles avaient vu un mort dans son suaire ou le démon en personne. Le gardien de la maison, qui flânait dans le vestibule, est le premier à s’enfuir.

Mais voilà qu’accourt Marie-Madeleine, qui se tenait avec Marie. Longinus, avec un petit sourire moqueur, involontaire sur les lèvres, est entré et, de lui-même, il a fermé la lourde porte. Il n’est pas en uniforme, mais il porte un vêtement gris et court, sous un manteau foncé lui aussi.

Marie-Madeleine le regarde, et lui la regarde. Puis, toujours adossé à la porte, Longinus demande :

« Puis-je entrer sans contaminer et sans effrayer personne ? J’ai vu, ce matin à l’aurore, le citoyen Joseph et il m’a parlé du désir de la Mère de Jésus. Je demande pardon de ne pas y avoir pensé de moi-même. Voici la lance. Je l’avais gardée comme souvenir d’un… du Saint des saints. Car il l’est réellement ! Mais il est juste qu’elle soit en possession de sa Mère. Quant aux vêtements… c’est plus difficile. Ne le lui dites pas… mais peut-être ont-ils été déjà vendus pour quelques deniers… C’est le droit des soldats, mais j’essaierai de les trouver…

– Viens. Elle est là.

– Mais je suis païen !

– Peu importe. Je vais l’avertir si tu le souhaites.

– Oh ! non… je ne pensais pas le mériter.

614.7

Marie-Madeleine va trouver la Vierge.

« Mère, Longinus est dehors… Il t’offre la lance.

– Fais-le entrer. »

Le gardien, qui se tient sur le seuil, bougonne :

« Mais c’est un païen !

– Je suis la Mère de tous, homme, comme mon Fils est le Rédempteur de tous. »

Longinus entre et, sur le seuil, salue à la romaine avec un geste du bras (il a enlevé son manteau) :

« Ave, Domina. C’est un Romain qui te salue : Mère du genre humain. La vraie Mère. Personnellement, je n’aurais pas voulu être à… à… à ce moment-là, mais j’en avais reçu l’ordre. Cependant, si je sers à te donner ce que tu désires, je pardonne au destin de m’avoir choisi pour cette horrible tragédie. Voici. »

A ces mots, il lui remet la lance enveloppée dans un drap rouge, plus précisément le fer seul, pas la hampe.

Marie la prend, mais elle devient d’une telle pâleur que ses lèvres semblent s’estomper. La lance semble lui faire perdre son sang. Elle répond en tremblant de tous ses membres :

« Qu’il te conduise à lui, en raison de ta bonté.

– C’était l’unique Juste que j’aie rencontré dans le vaste empire de Rome. Je regrette de ne l’avoir connu que par les dires de mes compagnons. Maintenant… c’est trop tard !

– Non, mon fils. Lui a fini d’évangéliser. Mais son Evangile reste, dans son Eglise.

– Et où donc est son Eglise ? »

Longinus se fait légèrement ironique.

« Elle est ici. Aujourd’hui, elle est frappée et dispersée, mais demain, elle se réunira comme un arbre qui remet en place son feuillage après la tempête. Et même s’il n’y avait plus personne, moi je suis là. L’Evangile de Jésus Christ, Fils de Dieu et mon Fils, est tout entier écrit dans mon cœur. Je n’ai qu’à regarder mon cœur pour pouvoir le répéter.

– Je viendrai. Une religion, qui a pour chef un tel héros, ne peut être que divine. Ave, Domina ! »

Longinus s’éloigne à son tour.

Marie baise la lance où se trouve encore le sang de son Fils… Et elle ne veut pas enlever ce sang, “ rubis de Dieu sur la lance cruelle ”, dit-elle…

614.8

La journée se passe ainsi au milieu des éclaircies et des averses orageuses.

Jean revient seulement quand le soleil au zénith annonce l’heure de midi.

« Mère, je n’ai trouvé personne sauf… Judas.

– Où est-il ?

– Ah ! Mère ! Quelle horreur ! Il est pendu à un olivier, enflé et noir comme s’il était mort depuis des semaines. Décomposé, horrible… Au-dessus de lui, les vautours, les corbeaux, que sais-je, crient dans des rixes atroces… C’est leur vacarme qui m’a attiré dans cette direction. J’étais sur la route du mont des Oliviers, et sur un talus j’ai vu ces tourbillons d’oiseaux noirs. J’y suis allé… Pourquoi ? Je ne sais pas, et j’ai vu. Quelle horreur !…

– Quelle horreur ! Tu dis bien. Mais au-dessus de la Bonté, il y a eu la Justice. En effet la Bonté est absente en ce moment… Mais Pierre ! Pierre !… Jean, j’ai la lance. Mais les vêtements… Longinus n’en a pas parlé.

– Mère, j’ai l’intention d’aller à Gethsémani. Jésus a été capturé sans son manteau. Peut-être est-il resté là-bas. Puis je me rendrai à Béthanie.

– Va. Va, pour le manteau… Les autres sont chez Lazare. Ne va donc pas chez lui, ce n’est pas nécessaire. Reviens plutôt ici. »

Jean part en courant, sans même prendre de nourriture. Marie elle aussi reste à jeun. Les femmes ont mangé, debout, du pain et des olives tout en travaillant à leurs baumes.

614.9

Jeanne, femme de Kouza, arrive avec Jonathas. C’est un masque de pleureuse. Dès qu’elle voit Marie, elle s’exclame :

« Il m’a sauvée ! Il m’a sauvée, et c’est lui qui est mort ! Aujourd’hui, je voudrais ne pas avoir été sauvée ! »

C’est la Mère des Douleurs qui doit consoler cette enfant guérie, mais restée d’une sensibilité morbide. Elle la console et la fortifie par ces mots :

« Tu ne l’aurais pas connu et aimé, et tu ne pourrais pas le servir maintenant. Il y aura tant à faire à l’avenir ! Et nous devrons agir, puisque, tu le vois… nous sommes restées, et les hommes se sont enfuis. C’est toujours la femme qui donne la vie. Pour le bien comme pour le mal. Nous engendrerons la nouvelle foi. Nous y croyons fermement, car elle a été déposée en nous par Dieu notre Epoux. Et nous l’engendrerons à la terre, pour le bien du monde. Regarde, comme il est beau ! Comme il sourit et mendie le saint travail que nous ferons ! Jeanne, moi je t’aime, tu le sais. Ne pleure plus.

– Mais Jésus est mort ! Il a beau ressembler encore à un vivant sur ce linge, il ne l’est plus. Qu’est le monde sans lui ?

– Il reviendra. Va, prie, attends. Plus tu croiras, plus tôt il ressuscitera. J’en suis absolument persuadée, et cela fait ma force… Seuls Dieu, Satan et moi, nous savons quels assauts sont portés contre cette foi en sa Résurrection. »

Jeanne aussi s’en va, mince et courbée comme un lys trop chargé de pluie. Mais après son départ, Marie retombe dans son tourment.

« C’est à tous, à tous que je dois donner de la force. Mais qui m’en donne à moi ? »

Et elle pleure en caressant le Visage de l’image, car elle est maintenant assise près du coffre sur lequel le suaire est étendu.

614.10

Joseph et Nicodème arrivent, évitant aux femmes de sortir pour acheter de la myrrhe et de l’aloès, car ils en apportent des sachets. Mais leur force cède devant le Visage imprimé sur la toile et devant le visage ravagé de la Mère. Ils s’asseyent dans un coin après l’avoir saluée et gardent le silence, l’air sérieux, funèbre même… puis ils s’en vont.

Marie, elle non plus, n’a plus la force de parler. Le soir arrive tôt, en raison d’un amas de nuages étouffants, et peu à peu elle redevient une pauvre créature déchirée. Les ombres du crépuscule sont, pour elle, comme pour toute personne qui souffre, la source d’une plus grande douleur.

Les autres femmes, elles aussi, deviennent plus tristes, et en particulier Salomé, Marie, femme d’Alphée, et Suzanne. Mais elles sont vite réconfortées par l’arrivée, en groupe, de Zébédée, de l’époux de Suzanne et de Simon et Joseph, les fils d’Alphée. Les deux premiers restent dans le vestibule pour expliquer comment Jean les a rencontrés en passant par le faubourg d’Ophel. Les deux autres, en revanche, ont été trouvés errant dans la campagne par Isaac, au moment même où ils se demandaient s’il leur fallait revenir en ville ou aller voir leurs frères, qu’ils supposaient être ensemble à Béthanie.

614.11

Simon demande :

« Où est Marie ? Je veux la voir »

Et, précédé par sa mère, il entre et embrasse sa parente dans la peine.

« Tu es seul ? Pourquoi Joseph n’est-il pas avec toi ? Pourquoi vous êtes-vous quittés ? Encore une brouille entre vous ? Vous n’auriez pas dû. Vous voyez ? La raison de votre désaccord est morte ! »

Et elle montre le visage du suaire.

Simon le regarde et pleure. Il dit :

« Nous ne nous sommes plus quittés, et nous ne nous quitterons pas. Oui, la raison de notre désaccord est morte, mais pas comme tu le crois. Elle est morte car, maintenant. Joseph a compris… Joseph est dehors… il n’ose s’approcher…

– Oh non ! Je ne fais jamais peur et je ne suis que pitié. J’aurais pardonné même au traître, mais c’est impossible : il s’est tué. »

A ces mots, elle se lève et, toute courbée, marche en appelant :

« Joseph ! Joseph ! »

Mais Joseph, les yeux noyés de larmes, ne répond pas.

Elle va jusqu’à la porte, comme elle l’avait fait pour parler à Judas et, en s’appuyant sur le chambranle, elle tend l’autre main et la pose sur la tête du plus âgé et du plus tenace de ses neveux. Elle le caresse et dit :

« Laisse-moi m’appuyer à un Joseph ! Tout était paix et sérénité tant que j’ai eu ce nom comme roi dans ma maison. Puis mon saint époux est mort… et tout le bien humain de la pauvre Marie est mort aussi. Il m’est resté le bien surnaturel de mon Dieu et Fils… Désormais, je suis la Délaissée… Mais si je puis être dans les bras d’un Joseph — que j’aime et tu sais combien je t’aime —, je me sentirai moins seule. J’aurai l’impression de revenir en arrière, et de pouvoir dire : “ Jésus est absent, mais il n’est pas mort. Il est à Cana ou à Naïm pour des travaux, mais il sera bientôt de retour… ” Viens, Joseph. Entrons ensemble là où il t’attend pour te sourire. Il nous a laissé son sourire pour nous dire qu’il n’a pas de rancœur. »

Joseph entre, tandis que Marie le tient par la main, et lorsqu’il la voit s’asseoir, il s’agenouille devant elle, la tête sur ses genoux, et il sanglote :

« Pardon ! Pardon !

– Ce n’est pas à moi, c’est à lui que tu dois le demander.

– Il ne peut me l’accorder. Sur le Calvaire, j’ai cherché à attirer son regard. Il a regardé tout le monde, mais pas moi… Il a raison… Je l’ai connu et aimé comme Maître trop tard. Maintenant, c’est terminé.

– Maintenant, cela commence. Tu iras à Nazareth et tu diras : “ Je crois. ” Ta foi aura une valeur infinie. Tu l’aimeras avec la perfection des apôtres de l’avenir qui auront le mérite d’aimer Jésus qu’ils auront connu seulement par l’esprit. Le feras-tu ?

– Oui ! Oui ! Pour réparer. Mais je voudrais entendre de lui une parole, et je ne l’entendrai jamais plus…

– Le troisième jour, il ressuscitera et il parlera à ceux qu’il aime. Tout le monde attend sa voix.

– Bénie es-tu, toi qui peux croire…

– Joseph ! Joseph ! Mon époux était ton oncle et il a cru à une chose qui est encore plus difficile à croire que celle-ci. Il a su croire que la pauvre Marie de Nazareth était l’Epouse et la Mère de Dieu. Pourquoi toi, le neveu de ce Juste, toi qui portes son prénom, ne peux-tu croire qu’un Dieu puisse dire à la mort : “ Cela suffit ! ” et à la vie : “ Reviens ! ” ?

– Je ne mérite pas cette foi, car j’ai été mauvais. Je me suis montré injuste avec lui. Mais toi… toi, tu es sa Mère. Bénis-moi. Pardonne-moi… Donne-moi la paix…

– Oui… Paix… Pardon… Oh mon Dieu ! Une fois, j’ai dit[2] :

“ Comme il est difficile d’être les ‘ rédempteurs ’ ! Maintenant, je dis : “ Comme il est difficile d’être la Mère du Rédempteur ! ” Pitié, mon Dieu ! Pitié !…

614.12

Va, Joseph. Ta mère a tant souffert en ces heures. Réconforte-la… Moi, je reste ici… avec tout ce que j’ai de mon Enfant… Et mes larmes solitaires t’obtiendront la foi. Adieu, mon neveu. Dis à tous que je veux me taire… réfléchir… prier… Je suis… Je suis une pauvre femme, suspendue par un fil au-dessus d’un abîme… Le fil, c’est ma foi… Et votre manque de foi, puisque personne ne sait croire totalement et saintement, heurte continuellement ce fil… Vous ne vous doutez pas de la fatigue que vous m’imposez… Vous ne savez pas que vous aidez Satan à me tourmenter. Va !… »

Et Marie reste seule…

Elle s’agenouille devant le suaire. Elle baise le front, les yeux, la bouche de son Fils et dit :

« Ainsi ! Ainsi ! Pour avoir de la force… Je dois croire. Je dois croire. Pour tous. »

La nuit est tombée, sans étoiles, obscure, étouffante. Marie reste dans l’ombre avec sa douleur.

La journée du samedi est finie.

614.1

El alba, fatigosamente, avanza débil. La aurora tarda —cosa extraña— aunque no haya nubes en el cielo. Parece como si los astros hubieran perdido todo elemento de vigor. Y, al igual que la nocturna Luna era pálida, el Sol que aparece también es pálido. Opacos… ¿Será que también ellos han llorado, y por eso tienen este aspecto empañado como lo tienen los ojos de los buenos, que han llorado y lloran por la muerte del Señor?

En cuanto Juan comprende que han abierto las puertas, sale, sordo a las súplicas maternas. Las mujeres se atrincheran en casa, ahora más atemorizadas porque también el apóstol se ha marchado.

María, que sigue en su habitación, desmayadas las manos sobre su regazo, mira fijamente hacia fuera a través de la ventana que da a un jardín no excesivamente grande, pero sí bastante amplio, y todo lleno de rosas florecidas que orillan las altas tapias y los caprichosos cuadrados de jardín. En las matas de los lirios, por el contrario, no hay todavía tallos de futuras flores: están tupidas, hermosas, pero sólo con hojas. Mira, mira, y yo creo que no ve nada, sino lo que hay en su pobre cerebro cansado: la agonía de su Hijo.

Las mujeres van y vienen. Se acercan a Ella, la acarician, le ruegan que tome algo que la reconforte… y cada una de estas veces, al venir ellas, viene una oleada de un perfume denso, compuesto, un perfume que aturde.

María se estremece cada vez, pero nada más. No dice nada. No hace nada. Nada. Está exhausta. Espera. Sólo espera. Es la Mujer que espera.

614.2

Un golpe en la puerta… Las mujeres corren a abrir. María se vuelve en su asiento, pero no se levanta. Mira fijamente a la puerta entreabierta.

Entra la Magdalena. «Está Manahén… Quisiera ser útil para algo…».

«Manahén… Dile que entre. Siempre ha sido bueno. No creía que fuera él…».

«¿Quién pensabas que fuera, Madre?…».

«Después… después. Que entre».

Entra Manahén. No viene pomposo como de costumbre. Trae una túnica normalísima, de un marrón casi negro, y el manto es casi igual. Ninguna joya. Tampoco la espada. Nada. Parece un hombre de condición económica buena, pero del pueblo. Se inclina para saludar. Primero cruza las manos en el pecho, luego se arrodilla como ante un altar.

«Levántate. Y perdona si no respondo a la reverencia. No puedo…».

«No debes. Yo no lo permitiría. Sabes quién soy. Por eso te ruego que cuentes conmigo como tu siervo. ¿Me necesitas? Veo que no tienes a tu lado ningún hombre. Sé por Nicodemo que todos han huido. No había ninguna solución, es verdad, pero al menos darle el consuelo de vernos. Yo… yo le saludé en el Sixto. Y luego ya no pude, porque… Bueno, es inútil decirlo. Esto también ha sido deseo de Satanás. Ahora estoy libre y vengo a ponerme a tu servicio. Ordena, Mujer».

«Quisiera saber y hacer saber a Lázaro… Sus hermanas están preocupadas, y también mi cuñada y la otra María. Quisiéramos saber si Lázaro, Santiago, Judas y el otro Santiago están en salvo».

«¿Judas? ¡Judas Iscariote! ¡Pero si le ha traicionado!».

«Judas el hijo del hermano de mi esposo».

«¡Ah! Voy», y se levanta.

614.3

Pero, al hacerlo, hace un gesto de dolor.

«¿Estás herido?».

«¡Mmm!… Sí. No es nada. Un brazo que me duele un poco».

«¿Por causa nuestra? ¿Por esto no estabas arriba?».

«Sí, era por esto. Y sólo eso me duele; no la herida. El resto de fariseísmo, de hebraísmo, de satanismo que había en mí —porque en satanismo se ha transformado el culto de Israel— ha salido por entero con esa sangre. Soy como un recién nacido que después de cortado el sagrado ombligo deja de tener contacto con la sangre materna, y las pocas gotas que todavía quedan en el cordón cortado no entran en él, pues están estranguladas por el lazo de lino. Caen… ya inútiles. El recién nacido vive con su corazón y su sangre. Lo mismo yo. Hasta ahora no estaba todavía formado del todo. Ahora he llegado al final, y vengo, y he sido dado a Luz. Ayer nací. Mi madre es Jesús de Nazaret. Y me dio a Luz cuando dio el último grito. Lo sé… porque he huido a casa de Nicodemo esta noche. Lo único que quisiera es verle. Cuando vayáis al Sepulcro, decídmelo. Iré yo también… ¡Ignoro su Rostro de Redentor!».

«Te está mirando, Manahén. Vuélvete».

El hombre, que había entrado con la cabeza inclinada profundamente y que luego había tenido ojos sólo para María, se vuelve casi asustado y ve el Sudario. Se arroja al suelo, rostro en tierra, adorando… Y llora.

Luego se pone en pie. Se inclina ante María y dice: «Me marcho».

«Es sábado. Ya lo sabes. Ya nos acusan de violar la Ley por instigación suya».

«Estamos empatados, porque ellos violan la ley del Amor. La primera y más grande. Él lo decía. Que el Señor te consuele». Sale.

614.4

Pasan las horas. ¡Qué lentas son para el que espera!…

María se levanta y, apoyándose en los muebles, va a la puerta. Trata de atravesar el vasto vestíbulo de entrada, pero cuando ya no tiene dónde apoyarse vacila como si estuviera ebria.

Marta, que ha presenciado la escena desde el patio que hay pasada la puerta, acude. «¿A dónde quieres ir?».

«Ahí dentro. Me lo habéis prometido».

«Espera a Juan».

«Basta de esperar. Como veis, estoy serena. Id y que abran, dado que habéis dicho que cierren por dentro. Yo espero aquí».

Susana —han venido todas— se marcha a llamar al dueño, para que venga con las llaves. Mientras tanto, María se apoya en la puertecita, como si quisiera abrirla con la fuerza de su deseo.

Ya viene el hombre. Amedrentado, abatido, abre y se retira. Y María, del brazo de Marta y de María de Alfeo, entra en el Cenáculo.

Todo está todavía como al final de la Cena. La cadena de los acontecimientos y la orden dada por Jesús han impedido que alguien cambiara las cosas. Lo único es que se han colocado en su sitio los asientos. Y María, a pesar de no haber estado en el Cenáculo, va directamente al sitio donde había estado sentado su Jesús. Parece como si una mano la guiara. Y va tan rígida —grande es el esfuerzo que hace por ir—, que parece casi sonámbula… Va. Da la vuelta en torno al asiento-lecho, se mete entre éste y la mesa… permanece erguida un momento. Luego cae derrengada sobre la mesa, rompiendo a llorar de nuevo. Luego se calma. Se arrodilla y ora con la cabeza apoyada en el borde de la mesa. Acaricia el mantel, el asiento, los objetos de la vajilla, el borde de la bandeja grande en que estaba el cordero, el cuchillo grande usado para trinchar, el ánfora puesta delante de ese sitio. No sabe que está tocando lo que también ha tocado Judas Iscariote. Luego permanece como aturdida, con la cabeza apoyada en los brazos cruzados sobre la mesa.

Callan todas. Hasta que la cuñada dice: «Ven, María. Tenemos miedo de los judíos. ¿No quisieras que entraran aquí, no?».

«No, no. Es un lugar santo. Vamos. Ayudadme… Habéis hecho bien en decírmelo. Quisiera también una arca, bonita, grande, cerrada, para meter dentro todos mis tesoros».

«Mañana dispongo que te la traigan del palacio. Es la más bonita de la casa; fuerte y segura. Te la doy con alegría» promete la Magdalena.

Salen. María está verdaderamente derrengada. Se tambalea al subir los pocos escalones. Y, si su dolor es menos dramático, es porque ya no tiene fuerza para serlo; pero, en su moderación, es un dolor aún más trágico.

Vuelven a entrar en la habitación de antes. Y, antes de regresar a su sitio, María acaricia, como si de un rostro de carne se tratara, el santo Rostro del Sudario.

614.5

Otra llamada al portal. Las mujeres se apresuran a salir y a entornar la puerta.

Con su voz cansada, María dice: «Si fueran los discípulos, y especialmente Simón Pedro y Judas, que vengan en seguida».

Pero es el pastor Isaac. Entra llorando, después de algún minuto, y se postra delante del Sudario; luego delante de la Madre, y no sabe qué decir. Es Ella la que dice: «Gracias. Te ha visto y te he visto. Yo lo sé. Os miró mientras pudo».

Isaac llora todavía más fuerte. Sólo cuando termina su llanto, puede hablar. «No queríamos marcharnos. Pero Jonatán nos rogó que lo hiciéramos. Los judíos amenazaban a las mujeres… Luego ya no pudimos volver. Todo… todo había terminado… ¿A dónde íbamos a ir? Nos hemos diseminado por los campos y, ya completamente de noche, nos hemos reunido a mitad de camino entre Jerusalén y Belén. Nos parecía como si alejáramos su Muerte yendo hacia su Gruta… Pero luego hemos sentido que no era justo ir allá… Era egoísmo. Así que hemos vuelto hacia la Ciudad… Y, sin saber cómo, nos hemos encontrado en Betania…».

«¡Mis hijos!».

«¡Lázaro!».

«¡Santiago!».

«Están todos allá. En los campos de Lázaro, al amanecer, había personas diseminadas, errantes, que lloraban… ¡Sus inútiles amigos y discípulos!… Yo… he ido donde Lázaro. Creía que sería el primero… Sin embargo, allí estaban ya tus dos hijos, mujer, y el tuyo, junto con Andrés, Bartolomé, Mateo. Simón Zelote los había convencido de que fueran allí. Y Maximino, que había salido por los campos desde los primeros albores de la mañana, había encontrado a otros. Lázaro los ha socorrido a todos. Dice que el Maestro se lo había ordenado. Y lo mismo dice el Zelote».

«Pero Simón y José, los otros hijos míos, ¿dónde están?».

«No lo sé, mujer. Habíamos estado juntos hasta el terremoto. Luego… no sé ya nada más con exactitud. Entre las tinieblas y los rayos, los muertos resucitados y el temblor del suelo y el torbellino de viento perdí la razón. Me encontré en el Templo. Y todavía me pregunto cómo es que estaba allí dentro, traspasado el límite sagrado. Fíjate: entre mí y el altar de los perfumes había sólo un codo. ¡Fíjate! ¡Yo donde ponen pie sólo los sacerdotes de turno!… ¡Y… y he visto el Santo de los Santos!… Sí… Porque el Velo del Santo está desgarrado de arriba abajo, como si lo hubiera desgarrado la voluntad de un gigante… Si me hubieran visto allí dentro, me hubieran lapidado. Pero ya ninguno veía. Me he encontrado sólo espectros de muertos y espectros de vivos. Porque a la luz de los rayos, con la claridad de los incendios, encendido el terror en los rostros, parecían espectros…».

«¡Oh, mi Simón! ¡Mi José!».

«¿Y Simón Pedro? ¿Y Judas de Keriot? ¿Y Tomás y Felipe?».

«No lo sé, Madre… Lázaro me envió a ver, porque le habían dicho que os habían matado».

«Entonces ve inmediatamente a tranquilizarle. Ya he mandado a Manahén. Pero ve tú también y di… di que sólo a Él le han matado, y a mí con Él. Y si ves a otros discípulos llévalos contigo allá. Pero a Judas Iscariote y a Simón Pedro los quiero yo personalmente».

«Madre… perdónanos si no hemos hecho más».

«Todo lo perdono… Ve».

Isaac sale. Y Marta y María, Salomé y María de Alfeo, le sofocan con multitud de súplicas, recomendaciones, indicaciones. Susana llora quedo, porque nadie le habla de su marido. Es entonces cuando Salomé se acuerda del suyo, y también llora.

614.6

Silencio de nuevo, hasta nuevos golpes en el portal.

Estando la ciudad ya tranquila, las mujeres sienten menos temor. Pero, cuando tras la puerta entreabierta ven aparecer el rostro glabro de Longino, huyen todas como si hubieran visto a un muerto envuelto en su lienzo fúnebre o al Demonio en persona. El dueño de la casa, que, por curiosidad, vaga por el vestíbulo, es el primero en huir.

Viene la Magdalena (estaba con María). Longino, con una involuntaria sonrisita burlona en los labios, ha entrado, y ha cerrado el pesado portón. No viene de uniforme, sino que viste un indumento gris y corto debajo de un manto también obscuro.

María Magdalena le mira y él la mira a ella. Luego, siguiendo junto a la puerta, solicita: «¿Puedo entrar sin contaminar a nadie?, ¿sin aterrorizar a nadie? He visto esta mañana, al amanecer, al ciudadano José, y me ha expresado el deseo de la Madre. Pido disculpas si no lo he pensado por mí mismo. Aquí está la lanza. La había conservado como recuerdo de un… del Santo de los Santos. ¡Oh, éste sí que lo es! Pero es justo que la tenga la Madre. Respecto a las vestiduras… es más difícil. No se lo digáis… pero quizás ya han sido vendidas por pocos denarios… Es un derecho de los soldados. De todas formas, trataré de encontrarlas…».

«Ven. Está allí».

«¡Pero yo soy pagano!».

«No importa. Voy a decírselo. Si lo deseas».

«¡Oh, no… no pensaba merecerlo!».

614.7

María Magdalena va donde la Virgen. «Madre, Longino está ahí afuera… Te ofrece la lanza».

«Que pase».

El dueño de la casa, que está en la puerta, refunfuña: «Pero es un pagano».

«Soy Madre de todos, hombre. Como Él es el Redentor de todos».

Longino entra y, en el umbral, saluda a la romana con el gesto, con el brazo (se ha quitado el manto) y luego con la voz: «¡Ave, Dómina! Un romano te saluda: Madre del género humano. La verdadera Madre. No hubiera querido estar yo en… en… en esa cosa. Pero era una orden. De todas formas, si sirvo para darte lo que tú deseas, perdono al destino el haberme elegido para esa cosa horrenda. Aquí tienes», y le da la lanza envuelta en un paño rojo; sólo el hierro, no el asta.

María la toma. Se pone aún más pálida. Tanta es la palidez, que hasta los labios quedan borrados. Parece como si la lanza la desangrara. Y tiembla, hasta con los labios, mientras dice: «Que Él te guíe a sí por tu bondad».

«Era el único Justo que he encontrado en el vasto imperio de Roma. Me arrepiento de no haberle conocido sino a través de las palabras de mis compañeros. ¡Ahora… es tarde!».

«No, hijo. Él ha terminado de evangelizar, pero su Evangelio permanece, en su Iglesia».

«¿Dónde está su Iglesia?». Longino se muestra levemente irónico.

«Aquí está. Hoy maltratada y dispersa, pero mañana se reunirá como un árbol que endereza sus frondas después de la tormenta. Y, aunque ya no quedara nadie, yo sí que estoy. Y el Evangelio de Jesucristo, Hijo de Dios y mío, está enteramente escrito en mi corazón. Me basta mirar a mi corazón para podéroslo repetir».

«Vendré. Una religión que tiene como cabeza a un héroe de esta categoría no puede ser sino divina. ¡Ave, Dómina!».

Y también Longino se marcha.

María besa la lanza donde todavía está la Sangre de su Hijo… No quiere quitar esa Sangre, sino que la deja. «Rubí de Dios en la lanza cruel» dice…

614.8

El día, entre claros en el cielo nublado y tenebrosidades de tormenta, pasa así.

Juan vuelve sólo cuando el Sol cenital dice que es mediodía. «Madre, no he encontrado a ninguno. Sólo… a Judas de Keriot».

«¿Dónde está?».

«¡Oh, ¡Madre! ¡Qué horror! Pende de un olivo, hinchado y negro como si hubiera muerto hace varias semanas. Podrido. Horrible… Es pasto de buitres, cuervos, no sé, que emiten chillidos en medio de peleas atroces… Ha sido su clamor lo que ha llamado mi atención en esa dirección. Estaba en el camino del Monte de los Olivos y, por encima de una loma, he visto círculos y círculos de pajarracos negros. He ido… ¿Por qué? No lo sé. Y he visto. ¡Qué horror!…».

«¡Qué horror! Bien dices. Sobre la Bondad se ha manifestado la Justicia. Efectivamente, la Bondad está ausente, ahora… ¡Pero Pedro… Pedro!… Juan: tengo la lanza. Pero los vestidos… Longino no ha hecho mención de ellos».

«Madre, quiero ir al Get-Sammí. Fue capturado sin manto. Quizás esté allí todavía. Luego iré a Betania».

«Ve. Ve por el manto… Los otros están donde Lázaro. Así que no vayas a casa de Lázaro. No es necesario. Ve y vuelve aquí».

Juan se marcha, corriendo, sin comer nada. Lo mismo que María, que tampoco ha comido. Las mujeres han comido de pie pan y aceitunas mientras trabajan en sus bálsamos.

614.9

Y viene Juana de Cusa con Jonatán. Es una máscara, a causa del mucho llanto. En cuanto ve a María, dice: «¡Me salvó! Me salvó y Él ha muerto. ¡Ahora ya no quisiera estar salvada!».

Es la Madre Dolorosa la que debe consolar a esta mujer, curada pero con sensibilidad enfermiza. Y la consuela y fortalece diciéndole: «No le habrías conocido ni amado, ni podrías servirle ahora. ¡Cuánto habrá que hacer en el futuro! Y nosotras tendremos que hacerlo, porque, ya lo ves… nosotras seguimos aquí y los hombres han huido. Es siempre la mujer la que verdaderamente genera. En el Bien. En el Mal. Nosotras generaremos la nueva Fe. De esta Fe, depositada en nosotras por el Esposo Dios, estamos llenas; y la generaremos para la Tierra, para el bien del mundo. ¡Mírale, qué hermoso! ¡Cómo sonríe y suplica este santo trabajo nuestro! Juana, sabes que te quiero. No llores más».

«¡Pero Él ha muerto! Sí, ahí asemeja todavía a un vivo, pero ahora ya no está vivo. ¿Qué es el mundo sin Él?».

«Volverá. Ve. Ora. Espera. Cuanto más creas, antes resucitará. Este creer es mi fuerza… Y sólo yo, Dios y Satanás sabemos cuántos asaltos sufre esta fe mía en su Resurrección».

También Juana se marcha, grácil y encorvada como una azucena demasiado cargada de agua.

Y, cuando ella sale, María queda sumida de nuevo en el tormento. «¡A todos, a todos debo dar la fuerza! ¿Y a mí quién me la da?». Y llora mientras acaricia la Faz de la imagen, porque ahora se ha sentado junto al arca sobre la cual está extendido el Sudario.

614.10

Vienen José y Nicodemo. Y ahorran a las mujeres el salir para comprar mirra y áloe, porque los traen ellos en unos saquitos. Pero su fuerza cede ante el Rostro imprimido en el lienzo y ante el rostro deshecho de la Madre. Se sientan en un rincón, después de saludarla, y guardan silencio. Serios, fúnebres… Luego se marchan.

Y Ella no tiene tampoco fuerza para hablar: cuanto más declina la tarde —precoz por la nubosidad bochornosa— más se convierte en una pobre criatura atormentada. Las sombras de la tarde son también para Ella, como para todos los que sufren, fuente de mayor dolor.

También las otras se ponen más tristes. Especialmente Salomé, María de Alfeo y Susana. Pero para ellas, en fin, llega el alivio, porque en grupo llegan Zebedeo, el esposo de Susana y Simón y José de Alfeo. Los dos primeros se quedan en el vestíbulo mientras explican que los ha visto Juan al pasar hacia el barrio de Ofel. A los otros dos los ha visto Isaac, errante por los campos, dudando si volver a la ciudad o dirigirse donde los hermanos, a quienes suponían en Betania.

614.11

Simón dice: «¿Dónde está María? Quiero verla» y, precedido por su madre, entra y besa a su pariente acongojada.

«¿Estás solo? ¿Por qué no está contigo José? ¿Por qué os habéis dejado? ¿Todavía roces entre vosotros? No debéis. ¿Veis? ¡El motivo de vuestros roces ha muerto!». Y señala el Rostro del Sudario.

Simón lo mira y llora. Dice: «No nos hemos vuelto a dejar. Y no nos dejaremos. Sí: el motivo de los roces ha muerto. Pero no como tú crees. Ha muerto porque José, ahora, ha comprendido… José está ahí fuera… y no se atreve a entrar…».

«¡Oh, no! Yo nunca infundo miedo. No soy sino piedad. Habría perdonado incluso al Traidor. Pero ya no puedo hacerlo. Se ha quitado la vida».

Y se levanta. Camina encorvada. Llama: «¡José! ¡José!». Pero José, ahogado en el llanto, no responde.

Ella va a la puerta (como estaba para hablar con Judas), y, apoyándose en la jamba, extiende la mano y la pone encima de la cabeza del más mayor y tenaz de sus sobrinos. Le acaricia y dice: «¡Deja que me apoye en un José! Todo era paz y serenidad mientras tuve ese nombre como rey en mi casa. Luego mi santo se me murió… Y todo el bien humano de la pobre María murió también. Quedó el bien sobrenatural de mi Dios e Hijo… Ahora soy la Abandonada… Pero si puedo estar en el círculo de los brazos de un José al que quiero —y tú sabes si te quiero— me sentiré menos abandonada. Me parecerá volver atrás en el tiempo; poder decir: “Jesús está ausente, pero no ha muerto. Está en Caná, en Naím para hacer trabajos, pero ahora volverá…”. Ven, José. Vamos a entrar juntos adonde Él te espera para sonreírte. Nos ha dejado su sonrisa para decirnos que no guarda rencor».

José entra, de la mano de Ella, y en cuanto la ve sentada se arrodilla delante de Ella, con la cabeza en el regazo, y solloza: «¡Perdón! ¡Perdón!».

«No a mí. A Él debes pedírselo».

«No puede dármelo. En el Calvario he tratado de atraer hacia mí su mirada. Ha mirado a todos. Pero a mí no… Tiene razón… Demasiado tarde le he conocido y amado como Maestro. Ahora todo ha terminado».

«Ahora empieza. Irás a Nazaret y dirás: “Yo creo”. Tu fe tendrá un valor infinito. Le amarás con la perfección de los apóstoles futuros, que tendrán el mérito de amar a Jesús habiéndole conocido sólo por el espíritu. ¿Lo harás?».

«¡Sí! ¡Sí! Para hacer reparación. Pero quisiera oír de sus labios una palabra. Y no la oiré jamás…».

«Al tercer día resucitará y hablará a aquellos a quienes ama. El mundo entero espera su Voz».

«¡Bendita tú, que puedes creer!…».

«¡José! ¡José! Mi esposo era tío tuyo. Y creyó en algo que es más difícil de creer que esto. Supo creer que la pobre María de Nazaret fuera la Esposa y Madre de Dios. ¿Por qué tú, sobrino de este Justo, portador de su nombre, no puedes creer que un Dios puede decir a la Muerte: “¡Basta!” y a la Vida: “¡Vuelve!”?».

«No merezco esta fe porque he sido malo. Fui injusto con Él. Pero tú… tú eres la Madre. Bendíceme. Perdóname… Dame paz…».

«Sí… Paz… Perdón… ¡Oh! ¡Dios! Una vez dije[1]: “¡Qué difícil es ser los ‘redentores’”. ¡Piedad, mi Dios! ¡Piedad!…

614.12

Ve, José. Tu madre ha sufrido mucho en estas horas. Consuélala… Yo me quedo aquí… Con todo lo que tengo de mi Niño… Y mis lágrimas solitarias obtendrán para ti la Fe. Adiós, sobrino mío. Di a todos que deseo callar… pensar… orar… Soy… soy una pobre mujer pendiente de un hilo sobre un abismo… El hilo es mi Fe… Y vuestra no-fe —porque ninguno sabe creer total y santamente— choca continuamente contra este hilo mío… Y no sabéis qué esfuerzo me imponéis… No sabéis que estáis ayudando a Satanás a atormentarme. Ve…».

Y María se queda sola… Se arrodilla ante el Sudario. Besa la frente, los ojos, la boca de su Hijo y dice: «¡Así! ¡Así! Para tener fuerza… Debo creer. Debo creer. Por todos».

Ha anochecido. Es una noche sin estrellas, obscura, bochornosa. María se queda en la sombra con su dolor.

El día del Sábado ha terminado.


Notes

  1. Jude… Judas : C’est en fait le même prénom, rendu dans l’évangile par Ioudas. Certaines langues, comme le français, ont pris l’habitude de distinguer les personnes par deux formes différentes, mais en italien, comme au temps de Jésus, cette distinction n’existe pas, ce qui explique la confusion de Manahen. Jn 14, 22 en est un bon exemple : l’évangéliste doit préciser Jude — non pas Judas l’Iscariote — …
  2. j’ai dit, de façon textuelle, en 168.9. Être “ la mère du Rédempteur ” est “ doux ” (comme en 157.7) et “ dur ” (comme en 157.7 et 262.7).

Notas

  1. dije, en 168.9.