Los Escritos de Maria Valtorta

80. Jésus à la montagne du jeûne et au massif de la tentation avec trois apôtres.

80. En el monte del ayuno

80.1

Une aurore superbe dans un lieu sauvage. Une aurore au sommet d’une pente montagneuse. A peine la première lueur du jour. Dans le ciel, les dernières étoiles visibles et un fin croissant de la lune décroissante qui reste, telle une virgule d’argent, sur le velours sombre du ciel.

La montagne semble indépendante, sans lien avec d’autres chaînes. Mais c’est un vrai mont, pas une colline. Le sommet est beaucoup plus haut et pourtant on découvre, à mi-hauteur, un large horizon qui prouve qu’on s’est élevé de beaucoup au-dessus du niveau du sol. La lumière incertaine de l’aube, d’un blanc verdâtre qui devient plus clair, se fraie une route dans l’air frisquet du matin, tandis que se révèlent les contours et les détails que dissimulait d’abord la brume qui précède le jour ; elle est toujours plus sombre qu’une nuit car, au moment du passage de la nuit au jour, la lumière des astres diminue et semble même s’effacer. Je vois ainsi que cette montagne est rocheuse, dénudée, coupée d’anfractuosités qui forment des grottes, des antres et des refuges. C’est vraiment un lieu sauvage. Aux seuls endroits où un peu de terre s’est accumulée pour pouvoir recueillir l’eau du ciel et la conserver, on voit des touffes de verdure, des plantes qui n’ont guère qu’une tige épineuse, avec un rare feuillage, et, à ras de terre, des buissons ligneux de végétaux qui ressemblent à des baguettes vertes, mais dont j’ignore le nom.

En bas, se trouve une étendue, plus aride encore, plate, pierreuse, et qui devient toujours plus aride à mesure qu’on se rapproche d’un lieu obscur, plus long que large, au moins cinq fois plus long que large. Je pense qu’il s’agit d’une oasis luxuriante qu’ont fait naître des eaux souterraines dans ce paysage désolé. Cependant, quand la lumière devient plus vive, je vois que c’est une étendue d’eau. Une eau stagnante, sombre, morte. Un lac d’une tristesse infinie. Dans cette lumière encore incertaine, cela me remet en mémoire la vision[1] du monde mort. Le lac semble attirer à lui l’image sombre du ciel, et toute la tristesse du paysage environnant. Il semble refléter dans ses eaux immobiles le vert sombre des plantes épineuses et des herbes rigides – qui, sur des kilomètres et des kilomètres, en plaine et sur les pentes, forment l’unique parure du sol –, et en faire un philtre de tristesse noire qui s’en dégage et se répand sur tout l’environnement. Quelle différence avec le lumineux et riant lac de Génésareth !

Si on lève les yeux vers le ciel, d’une absolue sérénité, qui s’éclaire petit à petit, si l’on regarde la lumière qui de l’orient se répand comme une marée lumineuse, l’âme redevient joyeuse. Mais la vue de cette immense mer d’eau morte vous serre le cœur. Aucun oiseau ne la survole. Aucun animal sur ses rives. Rien.

80.2

Pendant que je contemple cette désolation, la voix de Jésus vient me secouer : « Nous voici arrivés là où je voulais. » Je me retourne. Je le vois derrière moi, en compagnie de Jean, Simon et Judas, près de la pente rocheuse de la montagne, là où arrive un sentier… il vaudrait mieux dire : là où un long travail des eaux, à la saison des pluies, a érodé le calcaire, creusant au cours des siècles un canal à peine dessiné qui sert à l’écoulement des eaux venant des sommets et qui est maintenant un chemin pour les chèvres sauvages plutôt que pour les hommes.

Jésus regarde autour de lui et répète :

« Oui, c’est là que je voulais vous amener. C’est là que le Christ s’est préparé à sa mission.

– Mais il n’y a rien, ici !

– Il n’y a rien, tu l’as dit.

– Avec qui étais-tu ?

– Avec mon âme et avec le Père.

– Ah, c’était une halte de quelques heures !

– Non, Judas, pas de quelques heures, mais de plusieurs jours…

– Mais qui te servait ? Où as-tu dormi ?

– J’avais pour serviteurs les onagres qui, la nuit, venaient dormir dans leur tanière… dans celle-ci où, moi aussi, je m’étais réfugié. J’avais à mon service les aigles qui m’annonçaient : “ Il fait jour ” de leur cri perçant quand ils partaient en chasse. J’avais pour amis les petits lièvres qui venaient brouter les herbes sauvage, pour ainsi dire à mes pieds… Ma nourriture et ma boisson, c’était ce qui est nourriture et boisson pour les fleurs du désert : la rosée de la nuit, la lumière du soleil. Rien d’autre.

– Mais pourquoi ?

– Pour bien me préparer, comme tu dis, à ma mission. Les choses bien préparées réussissent bien. C’est toi qui l’as dit. Et mon affaire n’était pas la petite et vaine affaire de me mettre en avant, moi, le Serviteur du Seigneur, mais de faire comprendre aux hommes qui est le Seigneur et ainsi de le faire aimer en esprit de vérité. Pauvre serviteur du Seigneur qui pense à son triomphe et non à celui de Dieu ! Qui cherche à en tirer profit, qui songe à s’élever sur un trône fabriqué… fabriqué avec les intérêts de Dieu, avilis jusqu’à traîner par terre, eux qui sont des intérêts célestes. Celui-là n’est plus un serviteur, même s’il en garde l’aspect extérieur. C’est un marchand, un trafiquant, un être faux qui se trompe lui-même, qui trompe les hommes et voudrait tromper Dieu… un malheureux qui se prend pour un prince, mais est un esclave… Esclave du démon, son roi et son maître de mensonge. Ici, dans cette tanière, le Christ a vécu de mortifications et de prière pendant bien des jours pour se préparer à sa mission.

80.3

Et où voudrais-tu que je sois allé me préparer, Judas ? »

Judas est perplexe, désorienté. Il répond finalement :

« Mais je ne sais pas… Je pensais… chez quelque rabbi… auprès des esséniens… Je ne sais.

– Mais pouvais-je trouver un rabbi qui m’en apprenne davantage que ce que me révélaient la puissance et la sagesse de Dieu ? moi, le Verbe éternel du Père, j’étais présent quand le Père créa l’homme et je sais de quelle âme immortelle et animée, de quelle capacité de libre jugement le Créateur l’a doté. Comment aurais-je donc pu aller chercher science et compréhension chez des gens qui nient l’immortalité de l’âme en niant la résurrection finale, qui nient le libre arbitre de l’homme en renvoyant dos à dos vertus et vices, actions saintes et mauvaises réglées par une destinée qu’ils disent fatale et invincible ? Ah non !

Vous avez une destinée, oui. Vous en avez une. Dans l’esprit de Dieu qui vous a créés, il existe pour vous une destinée. Le Père la désire pour vous, et c’est une destinée d’amour, de paix, de gloire : “ la sainteté qui fait de vous ses fils. ” Tel est le destin qui, présent à la pensée divine au moment où Adam fut créé avec de la boue, sera présent jusqu’à la création de la dernière âme humaine.

Mais le Père ne vous fait pas violence dans votre condition de roi. Le roi, s’il est prisonnier, n’est plus roi : il est déchu. Vous êtes rois parce que vous êtes libres dans votre petit royaume individuel, dans votre moi. En lui, vous pouvez faire ce que vous voulez, comme vous voulez.

80.4

En face, aux frontières de votre petit royaume, vous avez un Roi ami et deux puissances ennemies. L’Ami vous montre les règles qu’il a édictées pour rendre heureux ceux qui sont à lui. Il vous les montre. Il vous dit : “ Les voilà ! Avec elles, l’éternelle victoire vous est assurée. ” Il vous les montre, lui, le Sage et le Saint, pour que vous puissiez, si vous le voulez, les mettre en pratique et en retirer une gloire éternelle. Les deux puissances ennemies sont Satan et la chair. Sous le nom de chair, je mets la vôtre et celle du monde : c’est-à-dire les pompes et les séductions du monde, autrement dit la richesse, les fêtes, les honneurs, les pouvoirs qui viennent du monde et qui s’y trouvent, et qu’on n’acquiert pas toujours honnêtement et dont on sait encore moins user honnêtement si l’homme y parvient à la suite d’un ensemble de circonstances.

Satan, le maître de la chair et du monde, s’adresse à nous par lui-même et par la chair. Lui aussi a ses règles, ô combien !… Et puisque le “ moi ” est entouré de chair et que la chair recherche la chair comme les parcelles de fer se dirigent vers l’aimant, et parce que le chant du Séducteur est plus doux que les trilles du rossignol amoureux au clair de lune dans le parfum de la roseraie, il est plus facile de suivre ces règles-là, de se soumettre à ces puissances, de leur dire : “ Je vous considère comme des amies. Entrez. ”

Entrez… Avez-vous jamais vu un allié rester toujours honnête, sans demander le cent pour un pour l’aide qu’il apporte ? C’est ce qu’elles font. Elles entrent… et elles deviennent maîtresses. Maîtresses ? Non : tyranniques. Elles vous lient, vous les hommes, à leurs bancs de galériens, elles vous y enchaînent, elles ne vous laissent plus dégager le cou de leur joug et leur fouet imprime sur vous des marques sanglantes si vous cherchez à leur échapper. Ah ! Se faire frapper jusqu’à en devenir une masse de chair broyée, devenue inutilisable au point que leur pied cruel la repousse, ou mourir sous leurs coups.

Si vous savez vous livrer à ce martyre, vous livrer à ce martyre, alors passe la Miséricorde, la seule qui puisse encore avoir pitié de cette répugnante misère pour laquelle le monde – un des deux maîtres –, éprouve du dégoût et sur laquelle l’autre maître – Satan – décoche ses flèches vengeresses. Et la Miséricorde, la seule à passer à ses côtés, se penche, l’accueille, la soigne, la guérit et lui dit : “ Viens, ne crains pas. Ne te regarde pas. Tes plaies ne sont plus que des cicatrices, mais tellement innombrables qu’elles te feraient horreur, tant elles te défigurent. Mais, moi, ce n’est pas elles que je regarde, je regarde ta volonté. En raison de cette bonne volonté, tu es marquée d’un signe. Et en raison de ce signe, je te dis : Je t’aime, viens avec moi ”, et elle la porte dans son Royaume. Alors vous comprenez que Miséricorde et Amitié royale sont une même personne. Vous retrouvez les règles que l’Ami vous avait montrées et que vous n’aviez pas voulu suivre. Maintenant vous en avez la volonté… et vous arrivez à la paix de la conscience d’abord, à la paix de Dieu ensuite.

Dites-moi donc. Est-ce que cette destinée a été imposée par Un seul à tous, ou bien chacun, personnellement, l’a-t-il voulue pour lui-même ?

– C’est chacun qui l’a voulue.

– Tu juges bien, Simon. Pouvais-je, moi, aller trouver ceux qui nient la bienheureuse résurrection et le don de Dieu pour me former ?

80.5

C’est ici que je suis venu. J’ai pris mon âme de Fils de l’homme et me la suis travaillée par les ultimes touches, terminant le travail de trente années d’anéantissement et de préparation pour aborder avec perfection mon ministère. Maintenant, je vous demande de rester avec moi quelques jours dans cette tanière. Ce séjour sera toujours moins désolé car nous serons quatre amis pour nous défendre contre les tristesses, les peurs, les tentations, les besoins de la chair. Moi, j’étais seul. Ce sera moins pénible parce que maintenant c’est l’été, et ici, en altitude, le vent des sommets tempère la chaleur. Moi, j’y suis venu à la fin de la lune de Tebet[2] et le vent qui descendait des neiges du sommet était glacial. Ce séjour sera moins torturant parce que plus court et parce que nous avons maintenant ce minimum de nourriture qui peut apaiser notre faim. Et, dans les gourdes que je vous ai fait donner par les bergers, il y a assez d’eau pour ce court séjour. Moi… Moi, j’ai besoin d’arracher deux âmes à Satan. Il n’y a que la pénitence qui puisse en venir à bout. Je vous demande de l’aide. Cela servira aussi à votre formation. Vous apprendrez comment on arrache les proies à Mammon : moins par les mots que par le sacrifice… Les mots !… Le vacarme satanique empêche qu’on les écoute… Les âmes qui sont la proie de l’Ennemi sont emportées dans un tourbillon de voix infernales… Voulez-vous rester avec moi ? Mais si vous, vous ne voulez pas, partez. Moi je reste. Nous nous retrouverons à Tecua, près du marché.

– Non, Maître, je ne t’abandonne pas » dit Jean pendant qu’en même temps Simon s’écrie :

« C’est pour nous élever que tu nous veux avec toi dans cette rédemption. »

Judas… ne me paraît pas très enthousiaste, mais il fait bonne figure au… destin et dit :

« Moi, je reste.

– Prenez alors les gourdes, les sacs et portez-les à l’intérieur et, avant que le soleil ne soit brûlant, coupez du bois et entassez-le près de l’ouverture. La nuit est froide ici, même en été, et toutes les bêtes ne sont pas inoffensives. Allumez tout de suite une branche de cette plante d’acacia gommeux. Cela brûle bien. Nous regarderons dans les fissures pour chasser par le feu aspics et scorpions. Allez-y »…

80.6

… Le même endroit sur la montagne. Seulement, il fait maintenant nuit. Une nuit tout étoilée. Une beauté du ciel nocturne comme, je crois, on ne peut en voir que dans ces pays déjà presque tropicaux. Des étoiles d’une taille et d’un brillant merveilleux. Les principales constellations ressemblent à des grappes de diamants, à de claires topazes, à de pâles saphirs, à de douces opales, à de tendres rubis. Elles tremblent, s’allument, s’éteignent, comme les regards quand les paupières les voilent un instant, et retrouvent un éclat d’autant plus merveilleux. De temps à autre, une étoile filante strie le ciel et disparaît vers on ne sait quel horizon, formant un trait lumineux qui paraît être le cri de joie d’un météore, charmé de voler ainsi dans ces prairies illimitées.

Jésus est assis à l’entrée de la caverne et parle aux trois hommes, en demi-cercle devant lui. Ils ont allumé du feu car, au milieu du groupe qu’ils forment, un tas de tisons a encore des lueurs de braises et rougit de son reflet les quatre visages.

« Oui, le séjour est terminé. Ce séjour-ci. La dernière fois, il a duré quarante jours… Et je vous le répète : c’était encore l’hiver sur ces pentes… et je n’avais pas de nourriture. C’était un peu plus difficile que cette fois, n’est-ce pas ? Je sais que vous aussi avez souffert maintenant. Le peu que nous avions et que je vous donnais n’était rien, en particulier pour une faim de jeunes. C’était tout juste suffisant pour vous empêcher de tomber de faiblesse. L’eau, il y en avait encore moins avec la chaleur torride du jour. Vous me direz que cela n’existait pas en hiver. Mais il y avait alors un vent sec qui descendait de la cime en brûlant les poumons et s’élevait de la plaine, chargé de la poussière du désert, et desséchait plus encore que cette chaleur estivale que l’on peut adoucir en suçant ces fruits acidulés qui sont presque mûrs. A ce moment-là, la montagne ne donnait que vent et herbes brûlées par le gel autour des acacias squelettiques. Je ne vous ai pas tout remis, car j’ai réservé les derniers pains et le dernier fromage avec la dernière gourde pour le retour… Je sais ce que fut le retour, épuisé comme je l’étais dans la solitude du désert… Rassemblons nos affaires et partons. La nuit est encore plus claire que celle par laquelle nous sommes arrivés. Il n’y a pas de lune, mais le ciel pleut de la lumière. Partons. Gardez le souvenir de cet endroit. Sachez vous rappeler la manière dont s’est préparé le Christ et dont se préparent les apôtres. C’est comme je l’ai enseigné que les apôtres doivent se préparer. »

80.7

Ils se lèvent. Simon remue les braises à l’aide d’une branche, les ravive, avant de les disperser avec les pieds, en y jetant des herbes sèches, puis il allume à la flamme un rameau d’acacia qu’il tient levée à l’entrée de la grotte pendant que Judas et Jean rassemblent les manteaux, les sacs et les outres de peau dont une seule est encore pleine. Puis il éteint le rameau en le secouant contre la roche, se charge de son sac et, comme tous les autres, met son manteau en l’attachant à la taille pour qu’il ne gêne pas la marche.

Ils descendent sans plus parler l’un derrière l’autre par un sentier très raide, mettant en fuite de petits animaux qui broutent les rares herbes qui résistent encore au soleil. Le chemin est long et difficile. Finalement, ils arrivent à la plaine. La marche n’est pas très aisée non plus, ici, où pierres et éclats de pierres roulent traîtreusement sous le pied – et blessent même, parce que la terre réduite en poussière les cache et qu’on ne peut les éviter –, et où des buissons épineux brûlés par le soleil griffent les pieds et gênent la marche en s’accrochant au bas des vêtements. Mais c’est le trajet le plus direct.

Là-haut, les étoiles sont toujours plus belles.

Ils cheminent ainsi pendant des heures. La terre est toujours plus stérile et plus triste. Des éclats scintillants brillent dans des petites fissures du sol, dans des trous parmi les aspérités du terrain. On dirait des éclats de brillants ternis. Jean se baisse pour les regarder.

« C’est le sel du sous-sol. Il en est saturé. Il affleure avec les crues du printemps, puis se dessèche. Voilà pourquoi il n’y a ici aucune vie. Par des veines profondes, la mer Orientale répand la mort à plusieurs stades alentour. Là seulement où des sources d’eau douce s’opposent à son action, là seulement on peut trouver des arbres pour s’abriter », explique Jésus.

80.8

Ils marchent encore. Puis Jésus s’arrête près de la grotte où je l’ai vu tenté par Satan.

« Arrêtons-nous ici. Asseyez-vous. D’ici peu ce sera le chant du coq. Cela fait six heures que nous marchons et vous devez avoir faim et soif, être fatigués. Prenez. Mangez et buvez assis ici autour de moi, pendant que je vous dis encore une chose que vous rapporterez aux amis et au monde. »

Jésus a ouvert son sac et en a tiré du pain et du fromage qu’il coupe et distribue, puis il verse de l’eau de sa calebasse dans un bol et la distribue aussi.

« Tu ne manges pas, Maître ?

– Non. Je vous parle. Ecoutez. Un jour, un homme m’a demandé si j’avais jamais été tenté. Si je n’avais jamais péché. Si, au cours de la tentation, je n’avais jamais cédé. Et il fut stupéfait de ce que moi, le Messie, j’aie demandé, pour résister, l’aide du Père en disant : “ Père, ne me soumets pas à la tentation. ” »

Jésus parle doucement, comme s’il racontait un fait ignoré de tous… Judas baisse la tête comme s’il était gêné. Mais les autres sont tellement attentifs à regarder Jésus qu’ils ne s’en aperçoivent pas.

Jésus continue :

« Maintenant vous, mes amis, vous pourrez savoir ce que cet homme n’a appris que succinctement. Après mon baptême – j’étais pur, mais on ne l’est jamais suffisamment par rapport au Très-Haut, et l’humilité de dire : “ Je suis un homme pécheur ” est déjà un baptême qui purifie le cœur –, après mon baptême, donc, je suis venu ici. J’avais été appelé “ l’Agneau de Dieu ” par celui qui, saint et prophète, voyait la Vérité et voyait l’Esprit descendre sur le Verbe et l’oindre de son chrême d’amour, tandis que la voix du Père emplissait les cieux en proclamant : “ Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis toute ma complaisance. ” Toi, Jean, tu étais présent quand Jean-Baptiste a répété ces mots… Après mon baptême et bien que je sois pur par nature et par ma personnalité, j’ai voulu “ me préparer. ” Oui, Judas. Regarde-moi. Mes yeux te disent ce que ma bouche tait encore. Regarde-moi, Judas. Regarde ton Maître qui ne s’est pas senti supérieur à l’homme du fait qu’il était le Messie et qui, même sachant qu’il était l’Homme, a voulu l’être en tout, sauf dans la complaisance au mal. Voilà : c’est comme cela. »

Judas a maintenant levé son visage et regarde Jésus, qu’il a en vis-à-vis. La lumière des étoiles fait briller les yeux de Jésus comme si c’étaient deux étoiles éclairant son pâle visage.

80.9

« Pour se préparer à être maître, il faut avoir été écolier. En tant que Dieu, je savais tout. Mon intelligence pouvait aussi me faire comprendre les combats de l’homme par mon intelligence et intellectuellement. Mais un jour, quelque pauvre ami à moi, quelque pauvre fils à moi, aurait pu dire et me dire : “ Tu ne sais pas ce que c’est que d’être un homme et d’avoir sentiments et passions. ” Ç’aurait été un reproche juste. Je suis venu ici, sur ce mont, pour me préparer… non seulement à la mission… mais à la tentation. Voyez-vous ? Là où vous êtes assis, moi je fus tenté. Par qui ? Par un mortel ? Non. Sa puissance aurait été trop faible. J’ai été tenté par Satan, directement.

J’étais épuisé. Voilà quarante jours que je n’avais rien mangé… Mais tant que j’avais été perdu dans l’oraison, tout s’était anéanti dans la joie de parler avec Dieu, plus qu’anéanti : devenu supportable. Je le ressentais comme un désagrément matériel, qui se bornait à la matière seule… Puis je suis revenu au monde… sur les routes du monde… et j’ai ressenti les besoins de tout homme qui vit dans ce monde. J’ai eu faim. J’ai eu soif. J’ai senti le froid vif de la nuit du désert. J’ai senti mon corps brisé par le manque de repos, de lit, et à cause du long chemin accompli dans de telles conditions d’épuisement qu’elles m’empêchaient d’aller plus loin…

Car j’ai une chair, moi aussi, mes amis. Une vraie chair. Et elle est sujette aux mêmes faiblesses qu’éprouvent toutes les chairs. Et avec la chair, j’ai un cœur. Oui. De l’homme, j’ai pris la première et la deuxième des trois parties qui constituent l’homme. J’ai pris la matière avec ses exigences et la sensibilité avec ses passions. Si, par l’effet de ma volonté, j’ai fait plier dès avant leur naissance toutes les passions qui ne sont pas bonnes, j’ai laissé croître, puissantes comme des cèdres centenaires, les saintes passions de l’amour filial, de l’amour de la patrie, des amitiés, du travail, de tout ce qui est excellent et saint. Et ici, j’ai éprouvé la nostalgie de ma Mère éloignée, j’ai ressenti le besoin de ses soins sur ma fragilité d’homme. Ici, j’ai senti se renouveler la souffrance de m’être séparé de la seule qui m’aime parfaitement. Ici, j’ai éprouvé la souffrance qui m’était réservée et la douleur de sa douleur, pauvre Maman, qui n’aura plus de larmes tant elle devra en répandre pour son Fils et à cause des hommes. Ici, j’ai ressenti la lassitude du héros et de l’ascète qui, en une heure de prémonition, se rend compte de l’inutilité de son effort… J’ai pleuré… La tristesse… quel appel magique pour Satan ! Ce n’est pas un péché d’être triste si le moment est torturant. Ce qui en est un, c’est de s’abandonner à la tristesse et de tomber dans l’inertie ou le désespoir. Mais Satan arrive tout de suite quand il voit quelqu’un tomber dans la langueur spirituelle.

Il est venu, en habits de voyageur serviable. Il prend toujours un aspect sympathique… J’avais faim… et j’avais mes trente ans dans le sang. Il m’a offert son aide et il a commencé par me sussurer : “ Dis à ces pierres de se transformer en pain. ” Mais, encore avant … oui… encore avant, il m’avait parlé de la femme… Ah ! Il sait bien en parler ! Il la connaît à fond. Il a commencé par la corrompre pour s’en faire une alliée dans son œuvre de corruption. Je ne suis pas seulement le Fils de Dieu. Je suis Jésus, l’artisan de Nazareth. A cet homme qui me parlait alors, me demandant si je connaissais la tentation et m’accusait presque d’être injustement heureux parce que je n’avais pas péché, à cet homme j’ai dit : “ L’acte s’apaise par la satisfaction. La tentation repoussée ne disparaît pas, mais se fait plus forte, surtout parce que Satan l’excite. ” J’ai repoussé la double tentation de la faim de la femme et de la faim de pain. Et sachez que Satan me proposait la première et il n’avait pas tort, d’après le jugement des hommes, comme la meilleure alliée pour m’imposer dans le monde.

La Tentation, qui n’était pas vaincue par mon : “ Ce n’est pas seulement des sens que vit l’homme ”, m’a alors parlé de ma mission. Elle voulait séduire le Messie après avoir tenté l’homme jeune. Elle me poussa à anéantir les indignes ministres du Temple par le biais d’un miracle… Le miracle, flamme du Ciel, ne se prête pas à se faire cercle d’osier pour qu’on s’en tresse une couronne… Et on ne tente pas Dieu en lui demandant des miracles à des fins humaines. C’est cela que voulait Satan. Le motif présenté était un prétexte ; la vérité était : “ Glorifie-toi d’être le Messie ”, pour m’amener à l’autre concupiscence, celle de l’orgueil.

Pas encore vaincu par mon : “ Tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu ”, il a cherché à me circonvenir par la troisième force de sa nature : l’or. Ah, l’or ! Pour ceux qui sont affamés de pain ou de jouissance, le pain est une grande chose, et la femme plus encore. Pour l’homme, l’acclamation des foules compte énormément… Pour ces trois choses, que de fautes se commettent ! Mais l’or… l’or… Clé qui ouvre, moyen de corruption, c’est l’alpha et l’oméga de quatre-vingt-dix-neuf actions sur cent des hommes. Pour le pain et la femme, l’homme devient voleur. Pour le pouvoir, il va jusqu’à l’homicide. Mais, pour l’or, il devient idolâtre. Le roi de l’or, Satan, m’a offert son or pour que je l’adore… Je l’ai transpercé par les paroles éternelles : “ Tu n’adoreras que le Seigneur ton Dieu. ”

C’est ici que cela s’est passé. »

80.10

Jésus s’est levé. Il paraît plus grand qu’à l’ordinaire dans la plaine qui l’entoure, à la lumière légèrement phosphorescente qui tombe des étoiles. Les disciples se lèvent eux aussi. Jésus continue à parler en fixant intensément Judas.

« Alors sont venus les anges du Seigneur… L’Homme avait remporté la triple victoire. L’Homme savait ce que voulait dire être homme et il avait vaincu. Il était épuisé. Ce combat avait été plus épuisant que le jeûne prolongé… Mais l’esprit dominait… Je crois que les Cieux ont tressailli à mon affirmation complète de créature douée de connaissance. C’est à partir de ce moment, je crois, qu’est venu en moi le pouvoir de faire des miracles. J’avais été Dieu. J’étais devenu l’Homme. Maintenant, triomphant des tendances animales liées à la nature humaine, j’étais devenu l’Homme-Dieu. Je le suis. Et comme Dieu, je puis tout. Comme homme, j’ai l’expérience de tout. Vous aussi, agissez comme moi, si vous voulez faire ce que je fais. Et faites-le en mémoire de moi.

Cet homme s’étonnait que j’aie demandé l’aide du Père et que je l’aie prié de ne pas m’induire en tentation. Par conséquent, de ne pas m’abandonner au risque d’une tentation qui dépasserait mes forces. Je crois que cet homme, maintenant qu’il sait, ne s’en étonnera plus. Agissez-vous aussi de même en mémoire de moi, et aussi pour vaincre comme moi. Quand vous me verrez fort dans toutes les épreuves de la vie, victorieux dans les combats contre les cinq sens, de la sensibilité et des sentiments, ne doutez jamais de ma nature de véritable être humain, et en plus d’être divin. Souvenez-vous de tout cela.

80.11

Je vous avais promis de vous conduire là où vous auriez pu connaître le Maître… depuis l’aube de son jour – une aube aussi pure que celle qui va se lever – jusqu’au midi de sa vie, ce midi d’où je suis parti pour aller à la rencontre du soir humain de ma vie… J’ai dit à l’un de vous : “ Moi aussi, je me suis préparé. ” Vous voyez que c’était vrai. Je vous remercie de m’avoir tenu compagnie dans ce retour à mon lieu de naissance et à mon lieu de pénitence. Les premiers contacts avec le monde m’avaient déjà donné la nausée et découragé. Il est trop laid. Désormais, mon âme s’est nourrie de la moelle du lion : de la fusion avec le Père dans l’oraison et la solitude. Je peux retourner dans le monde pour reprendre ma croix, ma première croix de Rédempteur : celle du contact avec le monde, avec le monde où trop rares sont les âmes qui s’appellent Marie, qui s’appellent Jean…

Maintenant, écoutez, surtout toi, Jean. Nous revenons vers ma Mère et vers nos amis. Je vous en prie : ne rapportez pas à ma Mère la dureté qui s’est opposée à l’amour de son Fils. Elle en souffrirait trop. Elle souffrira tellement de cette cruauté de l’homme… mais ne lui en présentons pas le calice dès maintenant. Il sera si amer quand il lui sera tendu ! Si amer, que tel un poison, il se glissera comme un serpent dans ses viscères saints et dans ses veines et les mordra, lui glacera le cœur. Ah ! Ne dites pas à ma Mère que Bethléem et Hébron m’ont repoussé comme un chien ! Pitié pour elle ! Toi, Simon, tu es âgé et bon, tu es réfléchi et ne parleras pas, je le sais. Toi, Judas, tu es judéen et tu ne parleras pas par fierté patriotique. Mais toi, Jean, toi qui es galiléen et jeune, ne tombe pas dans le péché d’orgueil, de critique, de cruauté. Tais-toi. Plus tard… plus tard tu raconteras aux autres ce que maintenant je te prie de taire. Même aux autres. Il y a déjà tant à dire en ce qui concerne le Christ. Pourquoi y mêler ce qui vient de Satan contre le Christ ? Mes amis : me promettez-vous tout cela ?

– Oh ! Maître, bien sûr que nous te le promettons ! Sois tranquille !

– Merci. Allons jusqu’à cette petite oasis. Il y a là une source, une citerne pleine d’eau fraîche, de l’ombre, de la verdure. La route vers le fleuve passe à côté. Nous pourrons y trouver nourriture et repos jusqu’au soir. A la clarté des étoiles, nous atteindrons le fleuve, le gué. Nous attendrons Joseph, ou nous nous joindrons à lui, s’il est déjà revenu. Allons. »

Ils se mettent en route, tandis qu’à l’orient une première lueur rose annonce qu’un nouveau jour se lève.

80.1

Una alborada hermosísima en un lugar inhóspito. Un alba desde lo alto de un pronunciado declive montano. Apenas un comienzo de día. En el cielo todavía quedan estrellas y un arco sutil de luna menguante, coma de plata, que persiste en el terciopelo todavía azul oscuro del cielo.

El monte parece estar aislado, no unido a otras cadenas, pero es un verdadero monte, no una colina. La cima está mucho más arriba, y, sin embargo, desde la mitad de la ladera ya se domina un amplio radio de horizonte, signo de que se ha subido mucho respecto al nivel del suelo. En el aire fresco de la mañana en que se abre paso la luz incierta blanco-verdosa del alba que cada vez se hace más clara, comienzan a dibujarse los contornos y detalles que antes se encontraban sumergidos en esa neblina que precede al día, siempre más cerrada que una noche porque parece que la luz de los astros, en el paso de la noche al día, disminuye y — diría — se anula. Así veo que el monte es rocoso y pelado, hendido por quiebras que forman grutas, cavidades profundas y senos. Un lugar verdaderamente inhóspito en el que — sólo en los lugares donde se ha depositado un poco de tierra que ha podido recoger el agua del cielo y conservarla — hay macollas (por lo general plantas duras, espinosas, escasas de ramas) y bajos y duros matorrales de unas yerbas que parecen bastoncitos verdes y cuyo nombre desconozco.

Abajo hay una extensión más árida todavía, plana, pedregosa, cuya sequedad aumenta cuanto más se acerca a un punto oscuro, mucho más largo que ancho, al menos cinco veces más largo que ancho, que creo que puede ser un tupido oasis, nacido entre tanta desolación, debido a aguas subterráneas. Pero, cuando la luz se hace más viva, veo que no es sino agua, un agua parada, oscura, muerta, un lago de una tristeza infinita; en esta luz, aún incierta, me hace recordar la visión del mundo muerto. Parece como si aspirase toda la oscuridad del cielo, toda la tristeza del suelo que le rodea, diluyendo en sus aguas paradas el verde oscuro de las plantas espinosas y de las duras yerbas que durante kilómetros y kilómetros, a lo largo y a lo alto, son la única decoración del suelo, y, transformándose en un filtro de hondura lóbrega, la emanase y expandiese por todo el alrededor. ¡Qué distinto del luminoso, risueño lago de Genesaret! Hacia arriba, mirando al cielo absolutamente sereno que se hace cada vez más claro, mirando a la luz que avanza desde Oriente, a borbotones cada vez más dilatados, el espíritu se alegra. Pero mirando a aquel vastísimo lago muerto se encoge el corazón. Ningún pájaro surca el espacio sobre sus aguas, ningún animal hay en sus orillas. Nada.

80.2

Mientras estoy mirando esta desolación, me saca de este estado la voz de mi Jesús: «Hemos llegado a donde quería». Me vuelvo, le veo a mis espaldas, entre Juan, Simón y Judas, en la pendiente rocosa del monte, en el punto a que llega un sendero... sería mejor decir: en el punto en donde un largo trabajo de aguas, en los meses de lluvia, ha arañado la caliza excavando a lo largo de los siglos un canal apenas dibujado, para desagüe de las aguas de las cimas, que ahora es camino para cabras monteses más que para hombres.

Jesús mira a su alrededor y repite: «Sí, aquí os quería traer. Aquí el Cristo se preparó para su misión».

«¡Pero si aquí no hay nada!».

«No hay nada, tú lo has dicho».

«¿Con quién estabas?».

«Con mi espíritu y con el Padre».

«¡Ah! ¡Estuviste aquí unas pocas horas!».

«No, Judas, no unas pocas horas, sino muchos días…».

«Pero, ¿quién te servía? ¿Dónde dormiste?».

«Tenía por siervos a los onagros, que por la noche venían a dormir a su guarida... a ésta, en donde yo también me había guarecido... Tenía como siervas a las águilas, que me decían “es de día” con su áspero grito, saliendo a buscar la presa. Tenía como amigos las liebrecillas que venían a roer las yerbas silvestres casi a mis pies... Alimento y bebida para mí eran lo que es alimento y bebida de la flor silvestre: el rocío nocturno, la luz del Sol, no otra cosa».

«Pero, ¿por qué?».

«Para prepararme bien, como tú dices, para mi misión. Las cosas bien preparadas salen bien, tú lo has dicho. Y mi cosa no era la pequeña, inútil cosa de hacer que brillara Yo, Siervo del Señor, sino de hacer comprender a los hombres lo que es el Señor y, a través de esta comprensión, hacer que le amaran en espíritu y verdad. ¡Mísero aquel siervo del Señor que piensa en su triunfo y no en el de Dios; que trata de sacar partido, que sueña con ponerse en alto en un trono hecho... ¡oh!, hecho con los intereses de Dios rebajados hasta el suelo (éstos, que son celestes)! Ya no es siervo, éste, aunque externamente lo parezca; es un mercader, un traficante, un falso que se engaña a sí mismo, que engaña a los hombres y que querría engañar a Dios... un desalmado que se cree píncipe y es esclavo...; es del Demonio, su rey de embuste. Aquí, en esta guarida, el Cristo, durante muchos días, vivió de maceraciones y oración para prepararse a su misión.

80.3

¿A dónde querrías que hubiera ido a prepararme, Judas?».

Judas está perplejo, desorientado. Al final responde: «No sé... Pensaba... con algún rabí... con los esenios... no sé».

«¿Y podía Yo encontrar un rabí que me dijera más que lo que me decía la Potencia y la Sabiduría de Dios? ¿Y podía Yo — Yo, Verbo Eterno del Padre, Yo, que era cuando el Padre creó al hombre, y que sé de qué espíritu inmortal y animado, y de qué poder de juicio libre y capaz ha dotado el Creador al hombre — podía ir a procurarme ciencia y capacidad a donde aquellos que niegan la inmortalidad del alma negando la resurrección final y niegan la libertad de acción del hombre imputando virtudes y vicios, acciones santas y malvadas, al destino, que consideran fatal e invencible? ¡No! ¡No!

Tenéis un destino, sí, lo tenéis; en la mente de Dios, que os crea, hay un destino para vosotros. Os lo desea el Padre y es destino de amor, de paz, de gloria: “la santidad de ser sus hijos”. Éste es el destino que, presente en la mente divina desde el momento en que con el barro fue hecho Adán, estará presente hasta la última creación de alma de hombre. Pero el Padre no os violenta en cuanto se refiere a vuestra condición regia. El rey, si está prisionero, ya no es rey: es un ser abyecto. Vosotros sois reyes porque sois libres en vuestro pequeño reino individual, en el yo; en él podéis hacer lo que queráis, como queráis.

80.4

Frente a vuestro pequeño reino y en sus fronteras tenéis a un Rey amigo y dos potencias enemigas. El Amigo os muestra las reglas dadas por Él para hacer felices a los suyos. Os las muestra. Os dice: “Aquí están; con estas reglas es segura la eterna victoria”. Os las muestra — Él, el Sabio y Santo — para que podáis, si queréis hacerlo, practicarlas y obtener gloria eterna. Las dos potencias enemigas son Satanás y la carne. En la carne incluyo la vuestra y la del mundo, o sea, las pompas y seducciones del mundo, o sea, la riqueza, las fiestas, los honores, el poder que del mundo y en el mundo se tienen, y que no siempre se tienen honradamente, y menos aún se saben usar honradamente si por un complejo de causas el hombre llega a esas cosas.

Satanás, maestro de la carne y del mundo, también habla a través de éste y de la carne; también él tiene sus reglas... ¡Oh, que si las tiene!... Y — dado que el yo está envuelto en carne y la carne tiende a la carne como las limaduras de hierro tienden hacia el imán, y, dado que el canto del Seductor es más dulce que el gorgorito del ruiseñor en celo entre rayos de luna y perfume de rosales — es más fácil ir hacia estas reglas, volverse hacia estas potencias, decirles: “Os considero amigas, entrad”. Entrad... ¿habéis visto alguna vez a un aliado que permanezca siempre honesto, sin pedir el ciento por uno a cambio de la ayuda prestada? Así hacen esas potencias. Entran... Y se hacen las dueñas. ¿Dueñas? No: cómitres. Os atan, ¡oh hombres!, a su banco de galera, os encadenan ahí, no os dejan alzar ya el cuello de su yugo, y su látigo os llena de surcos de sangre, si tratáis de huir de ellas: o dejarse herir hasta llegar a ser un amasijo de carne hecha pedazos (tan inútil, como carne, que hasta su cruel pie la desprecia), o morir bajo ellas.

Si sabéis proporcionaros ese martirio, proporcionaros ese martirio, entonces pasa la Misericordia, la Única que todavía puede tener piedad de esa repugnante miseria de la cual el mundo — uno de sus dueños — siente ahora asco y contra la cual el otro dueño, Satanás, envía sus flechas de venganza. Y la Misericordia, la Única que pasa, se agacha, la recoge, la atiende, la vuelve a sanar y le dice: “Ven, no temas, no te mires porque tus llagas, a pesar de haber cicatrizado ya, son tan innumerables que te causarían horror por lo mucho que te afean. Yo no te las miro, miro tu voluntad; por esa voluntad buena estás marcada así. Por eso Yo te digo: Te amo, ven conmigo”... Y la lleva a su Estado. Entonces podéis entender que Misericordia y Rey amigo son una misma persona. Halláis de nuevo las reglas que Él os había mostrado y que vosotros no habías querido seguir. Ahora lo deseáis... y llegáis a la paz: de la conciencia, primero; a la paz de Dios, después.

Decidme, entonces, ¿este destino lo impuso Uno Solo para todos, o cada uno, individualmente, lo deseó para sí?».

«Cada uno lo deseó».

«Juzgas bien, Simón. ¿Podía ir Yo a formarme con aquellos que niegan la beata resurrección y el don de Dios?

80.5

Aquí vine. Cogí mi alma de Hijo del hombre y me la labré con los últimos retoques, terminando el trabajo de treinta años de anonadamiento y de preparación para ir perfecto a mi ministerio. Ahora os pido que estéis conmigo unos días en esta guarida. En cualquier caso será una estancia menos desolada, porque seremos cuatro amigos que luchan contra las tristezas, los miedos, las tentaciones, las necesidades de la carne; Yo, sin embargo, estaba solo. En cualquier caso, será menos penosa, porque ahora es verano y aquí arriba el viento de las cimas templa el calor; Yo, sin embargo, vine al terminar la luna de Tebet, y el viento que descendía de las nieves de la cúspide era muy frío. En cualquier caso será menos angustiosa, porque será más breve, y porque ahora disponemos de esa mínima cantidad de alimento que puede proporcionar alivio a nuestra hambre, y en los pequeños odres de piel que dije a los pastores que os dieran hay agua suficiente para estos días de estancia. Yo... Yo necesito arrancar dos almas a Satanás. Sólo la penitencia lo puede. Os pido ayuda. Supondrá una formación también para vosotros. Aprenderéis cómo se arrebatan las presas a Satanás: no tanto con las palabras cuanto con el sacrificio... ¡Las palabras!... El estrépito satánico impide oírlas... Toda alma en manos del Enemigo se encuentra envuelta en torbellinos de voces infernales... ¿Queréis quedaros conmigo? Si no queréis, idos. Yo me quedo. Nos volveremos a ver en Tecua, junto al mercado».

«No, Maestro, yo no te dejo» dice Juan, mientras Simón contemporáneamente exclama: «Tú nos dignificas queriéndonos contigo en esta redención». Judas... no me parece muy entusiasta, pero pone buena cara al... destino y dice: «Yo me quedo».

«Tomad entonces los odres y las sacas y llevadlas adentro y, antes de que el sol queme, partid leña y acumuladla junto a la grieta. La noche aquí es rigurosa incluso en verano, y no todos los animales son buenos. Vamos a encender en seguida una rama... ¡Allí!, de aquella planta de acacia gomosa; quema bien. Y vamos a mirar entre las fisuras para echar afuera áspides y escorpiones. ¡Venga, comenzad!»...

80.6

... El mismo lugar del monte; sólo que ahora es de noche, una noche toda estrellada, una belleza de cielo nocturno como creo se pueda gozar sólo en aquellos países ya casi tropicales; estrellas de una amplitud y brillo maravillosos. Las constelaciones mayores parecen racimos de brillantes, de claros topacios, de pálidos zafiros, suaves ópalos, tenues rubíes; titilan, se encienden, se apagan como miradas que el párpado cela un instante, vuelven a encenderse más hermosas. De vez en cuando una estrella raya el cielo y desaparece hacia quién sabe qué horizonte: raya de luz que parece un grito de júbilo estelar por poder volar así a través de esos prados ilimitados.

Jesús está sentado en la abertura de la cueva, hablando a los tres que están en círculo con Él. Deben haber hecho fuego, pues en medio del círculo que forman los cuatro un pequeño cúmulo de ascuas conserva resplandores de brasa y derrama su reflejo rojo sobre los cuatro rostros.

«Sí, nuestra permanencia aquí ha terminado. Ésta. La mía duró cuarenta días... Y os digo más: era todavía invierno en estas pendientes... y no tenía comida. Un poco más difícil que esta vez, ¿no es verdad? Sé que habéis sufrido también en este tiempo. Lo poco que teníamos y que os daba no era nada, especialmente para el hambre de los jóvenes; era suficiente sólo para impedir que languidecierais. El agua, todavía más escasa. El calor es tórrido durante el día; diréis que no hacía este calor en invierno; pero sí había un viento seco que bajaba quemando los pulmones desde aquella cima, y subía desde aquella bajura cargado de polvo desértico, y secaba más aún que este calor estivo que se puede aliviar sorbiendo el jugo de estos frutos agraces ya casi maduros. En cambio, entonces, el monte sólo proporcionaba viento y yerbas quemadas por el hielo en torno a las esqueléticas acacias. No os he dado todo porque he reservado para el regreso los últimos panes y el último queso con el último odre... Yo sé lo que fue el regreso, estando exhausto, en la soledad del desierto... Recojamos nuestras cosas y pongámonos en camino. La noche es aún más clara que la que nos condujo aquí. No hay luna, pero el cielo llueve luz. Vamos. Recordad este lugar, sabed recordar cómo se preparó Cristo y cómo se preparan los apóstoles, cuál es el modo que enseño de prepararse los apóstoles».

80.7

Se ponen en pie. Simón hurga entre las brasas con una rama. Las reaviva y las extiende con el pie. Echa encima algunas yerbas secas, y en la llama enciende una rama de acacia que mantiene en alto a la entrada de la guarida mientras Judas y Juan recogen mantos, sacas y unos pequeños odres de piel de los que sólo uno está todavía lleno. Luego apaga la rama contra la roca, carga su saca y se pone el manto, como todos, atándoselo a la cintura para que no moleste al andar.

Bajan, sin más palabras, uno detrás de otro, por un sendero inclinadísimo, espantando a los pequeños animales que están comiendo las pocas yerbas que todavía resisten el sol. El camino es largo e incómodo. Por fin llegan al llano. Tampoco es muy cómodo aquí el camino, donde piedras y lascas se mueven, traidoras, bajo el pie, hiriéndolo incluso, porque la tierra, reducida a polvo, las oculta y no se pueden evitar; aquí donde matorrales quemados, espinosos, arañan y dificultan el paso enganchándose en los bajos de las túnicas; pero es un camino más expedito.

Arriba las estrellas están cada vez más hermosas.

Marchan, marchan, marchan durante horas. La llanura es cada vez más estéril y triste. Titileos de lascas brillan en ciertas arrugas del terreno, en concavidades que hay entre las escabrosidades del suelo. Parecen lascas de brillantes sucios. Juan se agacha a mirarlas.

«Es la sal del subsuelo; está saturado de sal. Aflora con las aguas de primavera y después se seca. Por eso la vida no resiste aquí. El mar Oriental, a través de profundas venas, esparce su muerte en muchos estadios a la redonda. Sólo donde manantiales dulces combaten su acción mordiente es posible encontrar plantas... y también alivio» explica Jesús.

80.8

Siguen caminando hasta que Jesús se para junto a la roca cóncava en que le vi tentado por Satanás. «Detengámonos aquí. Sentaos. Dentro de poco cantará el gallo. Caminamos desde hace seis horas. Debéis tener hambre, sed y cansancio. Tomad. Comed y bebed sentados aquí en torno a mí, mientras os digo todavía otra cosa que vosotros transmitiréis a los amigos y al mundo». Jesús ha abierto su saca y ha sacado de ella pan y queso, lo corta y lo distribuye, y de una pequeña calabaza echa en una escudilla agua, y también la distribuye.

«¿Tú no comes, Maestro?».

«No. Yo os hablo. Oíd. Una vez hubo uno, un hombre, que me preguntó si había sido tentado alguna vez; que me preguntó si no había pecado nunca; que me preguntó si, en la tentación, no había cedido nunca; y que se maravilló porque Yo, el Mesías, había solicitado, para resistir, la ayuda del Padre diciendo: “Padre, no me dejes caer en la tentación”».

Jesús habla despacio, con calma, como si estuviera narrando un hecho desconocido para todos... Judas baja la cabeza como cohibido, pero los otros están tan centrados en mirar a Jesús que eso les pasa desapercibido.

Jesús continúa: «Ahora vosotros, mis amigos, podréis saber lo que sólo atisbó aquel hombre. Después del bautismo — estaba limpio, pero no se está nunca suficientemente limpio respecto al Altísimo, y la humildad de decir “soy hombre y pecador” es ya bautismo que hace limpio al corazón — vine aquí. Me había llamado “el Cordero de Dios” aquel que — santo y profeta — veía la Verdad y veía bajar al Espíritu sobre el Verbo y ungirle con su crisma de amor, mientras la voz del Padre llenaba los cielos de su sonido diciendo: “He aquí a mi Hijo muy amado en quien me he complacido”. Tú, Juan, estabas presente cuando el Bautista repitió las palabras... Después del bautismo, a pesar de estar limpio por naturaleza y limpio por figura, quise “prepararme”. Sí, Judas; mírame, que mi ojo te diga lo que aún calla la boca. Mírame, Judas. Mira a tu Maestro, que no se sintió superior al hombre por ser el Mesías y que, antes bien, sabiendo que era el Hombre, quiso serlo en todo, excepto en condescender al mal. Eso es. Así».

Ahora Judas ha levantado la cara y mira a Jesús, que está frente a él. La luz de las estrellas hace brillar los ojos de Jesús como si fueran dos estrellas fijas en un pálido rostro.

80.9

«Para prepararse a ser maestro, hay que haber sido escolar. Yo, como Dios, sabía todo, con mi inteligencia, incluso, Yo podía comprender las luchas del hombre, por poder intelectivo e intelectualmente. Pero un día algún pobre amigo mío, algún pobre hijo mío, habría podido decir y decirme: “Tú no sabes qué es ser hombre y tener sentido y pasiones”. Habría sido un reproche justo. Vine aquí, o mejor, allí, a aquel monte, para prepararme... no sólo a la misión... sino también a la tentación. ¿Veis? Aquí, donde vosotros estáis, Yo fui tentado. ¿Por quién? ¿Por un mortal? No. Demasiado débil habría sido su poder. Fui tentado por Satanás directamente.

Estaba agotado. Hacía cuarenta días que no comía... Pero, mientras había estado sumergido en la oración, todo se había anulado en la alegría que significa el hablar con Dios; más que anulado, se había hecho soportable. Lo sentía como una molestia de la materia, circunscrito a la sola materia... Luego volví al mundo... a los caminos del mundo... y sentí las necesidades de quien está en el mundo: tuve hambre, tuve sed, sentí el frío punzante de la noche desértica, sentí el cuerpo agotado por la falta de descanso y de lecho y por el largo camino recorrido en condiciones de debilidad tal, que me impedían continuar...

Porque Yo también tengo una carne, amigos, una verdadera carne, sujeta a las mismas debilidades que tiene toda carne, y con la carne tengo un corazón. Sí. Del hombre he tomado la primera y la segunda de las tres partes que le constituyen. He tomado la materia con sus exigencias y lo moral con sus pasiones. Y, si por voluntad propia he doblegado en el momento de su nacimiento todas las pasiones no buenas, he dejado que crecieran poderosas como cedros seculares las santas pasiones del amor filial, del amor patrio, de las amistades, del trabajo, de todo lo que es óptimo y santo. Aquí sentí nostalgia de mi Madre lejana, aquí sentí necesidad de que Ella prodigara sus cuidados a mi fragilidad humana, aquí sentí renovarse el dolor de haberme separado de la Única que me amaba perfectamente, aquí presentí el dolor que me está reservado y el dolor de su dolor; pobre Mamá, se le agotarán las lágrimas de tantas como deberá esparcir por su Hijo y por obra de los hombres. Aquí sentí el cansancio del héroe y del asceta que en una hora de premonición se hace conocedor de la inutilidad de su esfuerzo... Lloré... La tristeza... reclamo mágico para Satanás. No es pecado estar tristes si la hora es penosa, es pecado ceder más allá de la tristeza y caer en inercia o desesperación. Y Satanás en seguida acude cuando ve a uno caído en languidez de espíritu.

Vino. Bajo apariencia de benigno viandante. Toma siempre formas benignas... Yo tenía hambre... y tenía mis treinta años en la sangre. Me ofreció su ayuda. En primer lugar me dijo: “Di a estas piedras que se conviertan en pan”. Pero antes... sí... antes me había hablado de la mujer... ¡Oh, él sabe hablar de ella, la conoce a fondo! La corrompió primero, para hacerla su aliada de corrupción. No soy sólo el Hijo de Dios, soy Jesús, el obrero de Nazaret. A aquel hombre que me hablaba, preguntándome si conocía tentación, y casi me acusaba de ser injustamente beato por no haber pecado, le dije: “El acto se aplaca en la satisfacción. La tentación rechazada no cae, sino que se hace más fuerte, y a ello concurre Satanás azuzándola”. Rechacé la tentación tanto del hambre de la mujer como del hambre del pan. Y debéis saber que Satanás me presentaba la primera — y no estaba equivocado, humanamente hablando — como la mejor aliada para afirmarse en el mundo.

La Tentación — no vencida por mi respuesta: “no sólo de sentido vive el hombre” — me habló entonces de mi misión. Quería seducir al Mesías después de haber tentado al Joven, y me incitó a aniquilar a los indignos ministros del Templo con un milagro... No se rebaja el milagro, llama del cielo, a hacer de él un círculo de mimbre con que coronarse... No se tienta a Dios pidiendo milagros para fines humanos. Esto quería Satanás. El motivo presentado era el pretexto, la verdad era: “Gloríate de ser el Mesías”; para llevarme a la otra concupiscencia, la del orgullo.

No vencido por mi “no tentarás al Señor tu Dios”, me insidió con la tercera fuerza de su naturaleza: el oro. ¡Oh, el oro! Gran cosa el pan y mayor aún la mujer, para quien anhela el alimento o el placer; grandísima cosa es para el hombre la aclamación de las multitudes... Por estas tres cosas, ¡cuántos delitos se cometen! ¡Ah!, pero el oro... el oro... llave que abre, círculo que suelda, es el alfa y el omega de noventa y nueve de cada cien de las acciones humanas. Por el pan y la mujer, el hombre se hace ladrón; por el poder, homicida incluso; pero por el oro se hace idólatra. Satanás, el rey del oro, me ofreció su oro a condición de que le adorase... Le traspasé con las palabras eternas: “Adorarás sólo al Señor tu Dios”.

Aquí, aquí sucedió esto».

80.10

Jesús se ha puesto en pie. En el marco de la naturaleza llana que le circunda y de la luz ligeramente fosforescente que llueve de las estrellas, parece más alto que de costumbre. También los discípulos se levantan. Jesús sigue hablando, mirando fija e intensamente a Judas.

«Entonces vinieron los ángeles del Señor... El Hombre había vencido la triple batalla. El hombre sabía qué quería decir ser hombre, y había vencido; estaba exhausto, la lucha había sido más agotadora que el largo ayuno... Mas el espíritu descollaba en gran medida... Yo creo que ante este completarme como criatura dotada de cognición se estremecieron los Cielos. Yo creo que desde ese momento vino a mí el poder de milagros. Había sido Dios. Yo me había hecho el Hombre. Ahora, venciendo al animal que estaba unido a la naturaleza del hombre, he aquí que Yo era el Hombre-Dios, lo soy. Como Dios todo lo puedo, como Hombre todo lo conozco. Haced también vosotros como Yo si queréis hacer lo que Yo hago, y hacedlo en memoria mía.

Aquel hombre se maravillaba de que hubiera solicitado la ayuda del Padre, y de que le hubiera rogado que no me dejara caer en tentación, es decir, que no me dejara a merced de la Tentación más allá de mis fuerzas. Creo que aquel hombre, ahora que sabe, ya no se asombrará. Actuad también vosotros así, en memoria mía y para vencer como Yo, y no dudéis nunca viéndome fuerte en todas las tentaciones de la vida, victorioso en las batallas de los cinco sentidos, del sentido y del sentimiento, sobre mi naturaleza de verdadero Hombre (la que tengo además de mi naturaleza de Dios). Recordad todo esto.

80.11

Os había prometido llevaros a donde hubierais podido conocer al Maestro... desde el alba de su día (un alba pura como esta que está naciendo) hasta el mediodía de su vida, aquél del cual me alejé para ir hacia mi humana tarde... Le dije a uno de vosotros: “Yo también me he preparado”; ahora veis que era verdad.

Os doy las gracias por haberme hecho compañía en este retorno al lugar natal y al lugar penitencial. Los primeros contactos con el mundo me habían nauseado y desilusionado; es demasiado feo. Ahora mi alma está nutrida de la médula del león: de la fusión con el Padre en la oración y en la soledad. Puedo volver al mundo para coger de nuevo mi cruz, mi primera cruz de Redentor, la del contacto con el mundo, con el mundo en el que demasiado pocas son las almas cuyo nombre es María, cuyo nombre es Juan...

Ahora escuchad; tú especialmente, Juan. Volvemos adonde mi Madre y los amigos. Os ruego que no le habléis a mi Madre de la dureza que han opuesto al amor de su Hijo; sufriría demasiado. Sufrirá mucho, mucho, mucho... por esta crueldad del hombre... mas no le presentemos ya desde ahora el cáliz: ¡serà muy amargo, cuando le sea dado!; tan amargo que, como un tóxico, le bajará serpenteando a las entrañas santas y a las venas y se las morderá y le helará el corazón. ¡Oh!, ¡no digáis a mi Madre que Belén y Hebrón me rechazaron como a un perro! ¡Tened piedad de Ella! Tú, Simón, eres anciano y bueno, eres un espíritu de reflexión y sé que no hablarás. Tú, Judas, eres judío, y no hablarás por orgullo regional. Mas, tú, Juan, tú, galileo y joven, no caigas en el pecado de orgullo, de crítica, de crueldad. Calla. Más tarde... más tarde a los demás les dirás cuanto ahora te ruego que calles. También a los demás. Hay ya mucho que decir de las cosas del Cristo. ¿Por qué añadir lo que es de Satanás contra el Cristo? Amigos, ¿me prometéis todo esto?».

«¡Oh! ¡Maestro! ¡Claro que te lo prometemos, estáte seguro!».

«Gracias. Vamos hasta aquel pequeño oasis acariciado por el camino que lleva al río. Allí hay un manantial, una cisterna llena de frescas aguas, sombra y verdura. Podremos encontrar alimento y descanso hasta el anochecer. A la luz de las estrellas nos llegaremos hasta el río, hasta el vado, y esperaremos a José o nos uniremos a él en el caso de que ya haya vuelto. Vamos».

Y se ponen en camino, mientras el primer arrebol en el límite del Oriente dice que un nuevo día nace.


Notes

  1. vision du 29 janvier 1944, dans « Les Cahiers de 1944 ».
  2. Tebet : mois à cheval sur décembre et janvier.