81.1
Je revois le gué du Jourdain : la verte avenue qui longe le fleuve sur ses deux berges, très fréquentée par les voyageurs en raison de son ombrage. Des files d’ânons accompagnés par des hommes vont et viennent. Sur le bord du fleuve, trois hommes font paître quelques brebis. Sur la route, Joseph regarde en haut et en bas.
Au loin, là où une route débouche sur cette avenue fluviale, Jésus apparaît avec trois disciples. Joseph appelle les bergers, et ceux-ci poussent les brebis sur la route en les faisant cheminer sur la berge herbeuse. Ils vont rapidement à la rencontre de Jésus.
« Moi, je n’ose guère… Que lui dirai-je en guise de salutation ?
– Oh, il est si bon ! Tu lui diras : “ Que la paix soit avec toi ! ” Lui aussi salue toujours de cette manière.
– Lui, oui… mais nous…
– Et moi, qui suis-je ? Je ne suis même pas un de ses premiers adorateurs, et il m’aime tellement, tellement !
– Lequel est-ce ?
– Le plus grand, le plus blond.
– Nous lui parlerons de Jean-Baptiste, Mathias ?
– Oh oui !
– Ne croira-t-il pas que nous le lui avons préféré ?
– Mais non, Siméon. S’il est le Messie, il voit dans les cœurs et il verra dans le nôtre qu’en Jean-Baptiste nous ne cherchions que lui.
– Tu as raison. »
Les deux groupes sont maintenant à quelques mètres l’un de l’autre. Jésus sourit déjà de son sourire qu’on ne saurait décrire. Joseph presse le pas. Les brebis se mettent à trotter, elles aussi, poussées par les pâtres.
« Que la paix soit avec vous » dit Jésus en levant les bras comme pour les étreindre. Et il précise : « Que la paix soit avec vous, Siméon, Jean et Mathias, mes fidèles et les fidèles de Jean le prophète ! Paix à toi, Joseph », puis il l’embrasse sur la joue. Les trois autres sont maintenant à genoux. « Venez, mes amis, sous ces arbres, sur la grève du fleuve et parlons. »
Ils descendent et Jésus s’assied sur une souche qui dépasse, les autres par terre. Jésus sourit et les regarde très attentivement, un par un :
« Laissez-moi connaître vos visages. Vos âmes, je les connais déjà, comme des âmes de justes qui recherchent le bien qu’ils aiment, contre tous les intérêts du monde. Je vous apporte le salut d’Isaac, d’Elie et de Lévi. Et un autre salut : celui de ma Mère.