Jésus dîne dans la cuisine de la maisonnette de l’Oliveraie avec ses disciples. Ils parlent des événements de la journée. Cependant, il ne s’agit pas de celle que j’ai raccontée plus haut car je constate qu’on parle d’autres faits, parmi lesquels la guérison d’un lépreux survenue près des tombeaux sur la route de Bethphagé.
« Il y avait aussi un centurion romain qui regardait » dit Barthélemy, qui ajoute : « Il m’a demandé du haut de son cheval : “ L’homme que tu suis fait souvent des choses semblables ? ” et, à ma réponse affirmative, il s’est écrié : “ Alors, il est plus grand qu’Esculape et il deviendra plus riche que Crésus. ” J’ai répondu : “ Il sera toujours pauvre aux yeux du monde, car il ne reçoit pas, mais il donne, et ne veut que des âmes pour les conduire au Dieu vrai. ” Le centurion m’a regardé avec surprise, puis il a éperonné son cheval et est parti au galop.
– Il y avait aussi une dame romaine dans sa litière. Ce ne pouvait être qu’une femme. Elle avait baissé les rideaux, mais jetait des coups d’œil au-dehors. Je l’ai bien vu ! » dit Thomas.
Jean intervient :
« Oui, elle était au début du tournant. Elle avait donné l’ordre de s’arrêter quand le lépreux avait crié : “ Fils de David, aie pitié de moi ! ” Un rideau avait bougé et j’ai vu qu’elle t’a observé avec une loupe précieuse, puis elle a eu un rire ironique. Mais quand elle a vu que toi, sur ton seul ordre, tu l’avais guéri… elle m’a appelé pour m’interroger : “ C’est donc lui qu’on donne pour le vrai Messie ? ” J’ai répondu que oui, et elle m’a dit : “ Tu es avec lui ? ” Puis elle a demandé : “ Est-il vraiment bon ? ”
– Alors, tu l’as vue. Comment était-elle ? demandent Pierre et Judas.
– Bah !… une femme…
– Quelle découverte ! » fait Pierre en riant.
Et Judas poursuit :
« Mais elle était belle, jeune, riche ?
– Oui. Il me semble qu’elle était jeune, et belle aussi. Mais je regardais toujours vers Jésus plutôt que de son côté. Je voulais voir si le Maître se remettait en route…
– Imbécile ! Murmure Judas entre ses dents.
– Pourquoi ? intervient Jacques, fils de Zébédée, pour le défendre. Mon frère n’est pas un Ganymède en quête d’aventures. Il a répondu par politesse, mais il n’a pas manqué à sa première qualité.
– Laquelle ? demande Judas.
– Celle d’un disciple qui garde pour son Maître son unique amour. »
Irrité, Judas baisse la tête.