The Writings of Maria Valtorta

116. A Gethsémani, les disciples parlent avec Jésus des païens et de la « femme voilée ».

116. At Gethsemane the disciples speak with

116.1

Jésus dîne dans la cuisine de la maisonnette de l’Oliveraie avec ses disciples. Ils parlent des événements de la journée. Cependant, il ne s’agit pas de celle que j’ai raccontée plus haut car je constate qu’on parle d’autres faits, parmi lesquels la guérison d’un lépreux survenue près des tombeaux sur la route de Bethphagé.

« Il y avait aussi un centurion romain qui regardait » dit Barthélemy, qui ajoute : « Il m’a demandé du haut de son cheval : “ L’homme que tu suis fait souvent des choses semblables ? ” et, à ma réponse affirmative, il s’est écrié : “ Alors, il est plus grand qu’Esculape et il deviendra plus riche que Crésus. ” J’ai répondu : “ Il sera toujours pauvre aux yeux du monde, car il ne reçoit pas, mais il donne, et ne veut que des âmes pour les conduire au Dieu vrai. ” Le centurion m’a regardé avec surprise, puis il a éperonné son cheval et est parti au galop.

– Il y avait aussi une dame romaine dans sa litière. Ce ne pouvait être qu’une femme. Elle avait baissé les rideaux, mais jetait des coups d’œil au-dehors. Je l’ai bien vu ! » dit Thomas.

Jean intervient :

« Oui, elle était au début du tournant. Elle avait donné l’ordre de s’arrêter quand le lépreux avait crié : “ Fils de David, aie pitié de moi ! ” Un rideau avait bougé et j’ai vu qu’elle t’a observé avec une loupe précieuse, puis elle a eu un rire ironique. Mais quand elle a vu que toi, sur ton seul ordre, tu l’avais guéri… elle m’a appelé pour m’interroger : “ C’est donc lui qu’on donne pour le vrai Messie ? ” J’ai répondu que oui, et elle m’a dit : “ Tu es avec lui ? ” Puis elle a demandé : “ Est-il vraiment bon ? ”

– Alors, tu l’as vue. Comment était-elle ? demandent Pierre et Judas.

– Bah !… une femme…

– Quelle découverte ! » fait Pierre en riant.

Et Judas poursuit :

« Mais elle était belle, jeune, riche ?

– Oui. Il me semble qu’elle était jeune, et belle aussi. Mais je regardais toujours vers Jésus plutôt que de son côté. Je voulais voir si le Maître se remettait en route…

– Imbécile ! Murmure Judas entre ses dents.

– Pourquoi ? intervient Jacques, fils de Zébédée, pour le défendre. Mon frère n’est pas un Ganymède en quête d’aventures. Il a répondu par politesse, mais il n’a pas manqué à sa première qualité.

– Laquelle ? demande Judas.

– Celle d’un disciple qui garde pour son Maître son unique amour. »

Irrité, Judas baisse la tête.

116.2

« D’ailleurs… ce n’est pas bien que l’on vous voie parler avec les Romains, dit Philippe. Déjà ils nous reprochent d’être Galiléens et, pour cette raison, moins “ purs ” que les Judéens. Et cela par naissance. Puis ils nous accusent de séjourner souvent à Tibériade, lieu de rendez-vous des païens, des Romains, des Phéniciens, des Syriens… et de combien de choses encore ne nous accusent-ils pas !

– Tu es bon, Philippe, et tu mets un voile sur ce qu’a de dur la vérité que tu cites. Mais, sans voile, la vérité est celle-ci : de combien de choses ne m’accusent-ils pas, moi, dit Jésus qui jusqu’alors s’est tu.

– Au fond, ils n’ont pas tout à fait tort. Nous avons trop de contacts avec les païens, lance Judas.

– Crois-tu que les païens sont uniquement ceux qui n’ont pas la loi mosaïque ? demande Jésus.

– Qui d’autre ?

– Judas !… Peux-tu jurer sur notre Dieu que tu n’as pas de paganisme dans ton cœur ? Et que les juifs les plus en vue en sont indemnes ?

– Mais, Maître… pour ce qui est des autres, je n’en sais rien… mais moi… je peux le jurer en ce qui me concerne.

– Dans ta pensée, qu’est-ce que le paganisme ? demande encore Jésus.

– C’est suivre une religion qui n’est pas vraie, adorer les dieux, réplique vivement Judas.

– Quels dieux ?

– Les dieux de la Grèce, de Rome, ceux d’Egypte… en somme les dieux aux mille noms, des êtres imaginaires qui, selon les païens, peuplent leur Olympe.

– Il n’y a pas d’autres dieux ? Seulement les dieux de l’Olympe ?

– Et quels autres ? Ne sont-ils pas déjà trop nombreux ?

– Oui, bien trop nombreux. Mais il en est d’autres, sur les autels desquels tous les hommes viennent brûler de l’encens, même des prêtres, des scribes, des rabbins, des pharisiens, des saducéens, des hérodiens, qui tous appartiennent à Israël, n’est-ce pas ? Non seulement eux, mais même mes disciples.

– Ah, pour cela, non ! Affirment-ils tous unanimement.

– Non ? Mes amis… Lequel d’entre vous n’a pas un culte secret, si ce n’est plusieurs ? Pour l’un, c’est la beauté et l’élégance. Pour un autre, l’orgueil de ses connaissances. Un trosième encense l’espoir de devenir grand, humainement. Un autre encore adore la femme. Certains, l’argent… Un autre se prosterne devant son érudition… et ainsi de suite. En vérité, je vous dis qu’il n’y a pas d’homme qui ne soit marqué par l’idolâtrie. Alors comment mépriser ceux qui sont païens par malchance, lorsque, malgré l’appartenance au Dieu vrai, on reste volontairement païen ?

– Mais nous sommes des hommes, Maître, s’exclament plusieurs.

– C’est vrai. Mais alors… ayez de la charité pour tous, car moi, je suis venu pour tous et vous n’êtes pas au-dessus de moi.

– Mais, en attendant, ils nous accusent, et ta mission en est entravée.

– Elle ira quand même de l’avant. »

116.3

Pierre, peut-être parce qu’il est assis à côté de Jésus, est tellement aux anges qu’il en est tout miel :

« A propos de femmes, voici quelques jours qu’une femme toute voilée ne cesse de nous suivre, en fait depuis que tu as parlé la première fois à Béthanie, après le retour de Judée. J’ignore comment elle fait pour connaître nos intentions. Je sais qu’elle est presque toujours là, soit après les derniers rangs de gens qui t’écoutent si tu parles, soit derrière ceux qui te suivent si tu marches, ou encore derrière nous, quand nous allons t’annoncer dans les campagnes. A Béthanie, la première fois, elle m’a murmuré derrière son voile : “ Cet homme qui va parler, c’est bien Jésus de Nazareth ? ” Je lui ai répondu que oui et le soir même elle était derrière un tronc d’arbre à t’écouter. Puis je l’avais perdue de vue. Mais, maintenant, ici, à Jérusalem, je l’ai vue deux ou trois fois. Aujourd’hui, je lui ai demandé : “ As-tu besoin de lui ? Tu es malade ? Tu veux une obole ? ” Elle m’a toujours répondu non par un signe de tête, car elle ne parle avec personne.

– Un jour elle m’a demandé : “ Où habite Jésus ? ”, dit Jean. Et je lui ai répondu : “ A Gethsémani. ”

– Bravo, imbécile ! Lance Judas, en colère. Il ne fallait pas. Tu aurais dû lui répliquer : “ Dévoile-toi. Fais-toi connaître et je te le dirai. ”

– Mais depuis quand devons-nous demander cela ? ! S’exclame Jean, simple et innocent.

– Les autres, on les voit. Celle-là est toute voilée. C’est peut-être une espionne, ou une lépreuse. Elle ne doit pas nous suivre et savoir quoi que ce soit. Si c’est une espionne, c’est pour nous faire du mal. Peut-être est-elle payée par le Sanhédrin…

– Ah, le Sanhédrin utilise de tels procédés ? demande Pierre. En es-tu sûr ?

– Absolument certain. J’ai appartenu au Temple, et je sais.

– Ça par exemple ! Commente Pierre. La raison que le Maître vient de nous indiquer lui va comme un gant…

– Quelle raison ? »

Judas est déjà rouge de colère.

« Que même parmi les prêtres, il y a des païens.

– En quoi cela a-t-il à voir avec le fait de payer un espion ?

– C’est tout simple : pourquoi payent-ils ? Pour abattre le Messie et assurer leur triomphe. Ils s’élèvent donc sur l’autel avec leur âme malpropre sous une apparence pure, répond Pierre avec son bon sens populaire.

– Bon, en somme, abrège Judas, cette femme est un danger pour nous ou pour la foule. Pour la foule si c’est une lépreuse, pour nous si c’est une espionne.

– Ou plutôt pour lui, tout au plus, réplique Pierre.

– Mais si lui tombe, nous tombons aussi…

– Ah ! Ah ! Fait Pierre en riant : si on tombe, l’idole tombe en morceaux, on a risqué son temps, sa réputation et peut-être sa peau, et alors ah ! Ah !… et alors il vaut mieux chercher à empêcher sa chute ou… s’éloigner à temps, n’est-ce pas ? Pour moi, au contraire, regarde. Je l’embrasse plus étroitement. S’il tombe, abattu par ceux qui sont traîtres de Dieu, je veux tomber avec lui. »

Pierre, de ses bras courts, enlace étroitement Jésus.

Tout attristé, Jean, qui est en face de Jésus, dit :

« Je ne croyais pas avoir fait tant de mal, Maître. Frappe-moi, maltraite-moi, mais sauve-toi. Malheur si j’étais la cause de ta mort ! Ah, je ne pourrais plus retrouver la paix ! Je sens que mon visage fondrait en larmes et que mes yeux en seraient brûlés. Qu’ai-je donc fait ! Judas a raison : je suis un sot !

– Non, Jean, tu n’es pas sot et tu as bien agi. Laissez-la toujours venir. Et respectez son voile. Elle peut l’avoir mis en guise de défense dans un combat entre péché et soif de rédemption. Savez-vous quelles blessures frappent un être quand de tels combats surviennent ? Connaissez-vous ses pleurs et le rouge qui lui monte au front ? Tu as dit, Jean, mon cher fils au bon cœur d’enfant, que ton visage se creuserait sous l’effet de tes pleurs intarissables si tu avais été pour moi une cause de mal. Mais sache que lorsqu’une conscience qui s’éveille commence à ronger une chair qui a été péché, pour la détruire et triompher par l’esprit, elle doit forcément consumer tout ce qui a été attraits de la chair, et la créature vieillit, se fane sous l’ardeur de ce feu qui la travaille. Ce n’est qu’après, une fois la rédemption achevée, qu’elle se refait une beauté nouvelle, sainte et plus parfaite, car c’est la beauté de l’âme qui affleure dans le regard, le sourire, la voix, l’honnête hauteur du front sur lequel est descendu et resplendit comme un diadème le pardon de Dieu.

– Alors, je n’ai pas mal agi ?…

– Non, et Pierre non plus. Laissez-la faire.

116.4

Et maintenant, que chacun aille se reposer. Moi je reste avec Jean et Simon auxquels je dois parler. Allez. »

Les disciples se retirent. Peut-être dorment-ils dans la pièce du pressoir à olives. Je ne sais. Ils s’en vont et sûrement ne rentrent pas à Jérusalem, car les portes sont fermées depuis longtemps.

« Tu as dit, Simon, que Lazare t’a envoyé Isaac avec Maximin aujourd’hui, pendant que j’étais près de la tour de David. Que voulait-il ?

– Il voulait te dire que Nicodème est chez lui et qu’il voulait te parler en secret. Je me suis permis de dire : “ Qu’il vienne. Le Maître l’attendra de nuit. ” Tu n’as que la nuit pour être seul. C’est pour cela que je t’ai dit : “ Congédie tout le monde, sauf Jean et moi. ” Jean devra se rendre au pont du Cédron, pour attendre Nicodème qui se trouve dans une des maisons de Lazare, hors les murs. Moi, j’ai servi à t’expliquer. Ai-je mal fait ?

– Tu as bien fait. Jean, va prendre ta place. »

Simon et Jésus restent seuls. Jésus est pensif. Simon respecte son silence. Mais Jésus le rompt à l’improviste et, comme s’il terminait à haute voix quelque conversation intérieure, il dit :

« Oui, c’est bien d’agir ainsi. Isaac, Elie, les autres suffisent pour garder vivante l’idée qui déjà prend corps chez les bons et les humbles. Pour les puissants… il y a d’autres leviers. Il y a Lazare, Kouza, Joseph, d’autres encore… Mais les puissants… ne veulent pas de moi. Ils craignent et tremblent pour leur pouvoir. J’irai loin de ce cœur juif, toujours plus hostile au Christ.

– Nous rentrons en Galilée ?

– Non, mais loin de Jérusalem. Il faut évangéliser la Judée. C’est aussi Israël. Mais ici, tu le vois… tout est bon pour m’accuser. Je me retire. C’est la seconde fois…

116.5

– Maître, voici Nicodème » dit Jean en entrant le premier.

On se salue puis Simon prend Jean avec lui et sort de la cuisine pour les laisser seuls.

« Maître, pardonne-moi si j’ai voulu te parler en secret. Je me méfie, pour toi et pour moi, de beaucoup de gens. Ma conduite n’est pas uniquement lâche. Il y a aussi de la prudence et le désir de t’aider plus que si je t’appartenais ouvertement. Tu as beaucoup d’ennemis. Je suis du petit nombre de ceux qui, ici, t’admirent. J’ai pris conseil auprès de Lazare. Lazare est puissant par sa naissance. On le craint parce qu’il est en faveur près de Rome, juste aux yeux de Dieu, sage par maturité d’esprit et par sa culture. Il est à la fois ton véritable ami et le mien. C’est pour cela que j’ai voulu m’entretenir avec lui et je suis heureux qu’il ait eu le même avis que moi. Je lui ai rapporté les dernières… discussions du Sanhédrin à ton sujet.

– Les dernières accusations. Dis la vérité toute nue, telle qu’elle est.

– Les dernières accusations. Oui, Maître. J’étais sur le point de dire : “ Eh bien, moi aussi, je suis des siens ”, pour qu’au moins, dans cette assemblée, il y ait quelqu’un en ta faveur. Mais Joseph, qui s’était approché de moi, m’a dit tout bas : “ Tais-toi. Gardons secrète notre manière de voir. Je te parlerai après. ” Et, à la sortie, il m’a dit, oui, réellement : “ Cela vaut mieux ainsi. S’ils savent que nous sommes disciples, ils nous tiendront à l’écart de leurs pensées et de leurs décisions, et ils peuvent lui nuire et nous nuire. S’ils pensent que nous sommes simplement intéressés par son enseignement, ils n’agiront pas en cachette de nous. ” J’ai compris qu’il avait raison. Ils sont tellement… mauvais ! J’ai encore mes intérêts et mes devoirs… et Joseph aussi… Tu comprends, Maître.

– Je ne vous fais aucun reproche. Avant que tu n’arrives, je disais cela à Simon.

116.6

J’ai également décidé de m’éloigner de Jérusalem.

– Tu nous hais parce que nous ne t’aimons pas !

– Non. Je ne hais pas même mes ennemis.

– Tu le dis. Oui, c’est vrai. Tu as raison. Mais quelle douleur pour Joseph et moi ! Et Lazare ? Que dira Lazare qui, aujourd’hui même, a décidé de te faire dire de quitter ce lieu pour aller dans une de ses propriétés de Sion ? Tu sais ? Lazare est puissamment riche. Une bonne partie de la ville lui appartient ainsi que beaucoup de terres de la Palestine. A sa fortune et à celle d’Euchérie de ta tribu et de ta famille, leur père avait ajouté ce qui était une récompense des Romains à leur serviteur fidèle, et avait laissé à ses fils un important héritage. Mais, ce qui a plus d’importance, une forte amitié, bien que voilée, avec Rome. Sans elle, qui donc aurait sauvé toute sa maison de l’infamie due à la conduite honteuse de Marie, son divorce reconnu uniquement parce que c’était “ elle ”, sa vie licencieuse dans cette cité qui est sa propriété, et à Tibériade, l’élégant lupanar dont Rome et Athènes ont fait un lieu de rendez-vous galant pour tant de membres du peuple élu ? Vraiment, si le syrien Théophile avait été un prosélyte plus convaincu, il n’aurait pas donné à ses enfants cette éducation hellénisante qui tue tant de vertus et sème tant de voluptés. Bue et éliminée sans conséquences fâcheuses par Lazare et spécialement par Marthe, elle a contaminé Marie, elle s’est développée du fait de sa nature passionnée et a fait d’elle la fange de sa famille et de la Palestine ! Non, sans la puissante faveur de Rome qui la protège, on aurait prononcé l’anathème contre eux plus que s’ils étaient lépreux. Mais, puisqu’il en est ainsi, profite de la situation.

– Non. Je me retire. Si on me veut, on viendra à moi.

– J’ai mal fait de parler ! »

Nicodème est effondré.

« Non. Attends et sois-en persuadé. »

Jésus ouvre une porte et appelle :

« Simon ! Jean ! Approchez. »

Les deux apôtres accourent.

« Simon, raconte à Nicodème ce dont je te parlais quand il est entré.

– Que des bergers suffisaient pour les humbles, et Lazare, Nicodème et Joseph avec Kouza pour les puissants, et aussi que tu te retirais loin de Jérusalem sans pourtant abandonner la Judée. Voilà ce que tu disais. Pourquoi me le fais-tu répéter ? Qu’est-ce qui est arrivé ?

– Rien. Nicodème craignait que je ne parte à cause de ses paroles.

– J’ai dit au Maître que le Sanhédrin lui est de plus en plus hostile et que ce serait bien qu’il se mette sous la protection de Lazare. Il a protégé tes biens parce qu’il a Rome pour lui. Il protégerait aussi Jésus.

– C’est vrai. C’est un bon conseil. Bien que ma caste soit mal vue de Rome, un mot de Théophile m’a conservé mes biens durant la proscription et la lèpre. Et Lazare t’est vraiment très attaché, Maître.

– Je le sais. Mais j’ai décidé et je fais ce que j’ai décidé.

– Nous allons te perdre, alors !

– Non, Nicodème. Des hommes de toutes sectes vont voir Jean-Baptiste. Des hommes de toutes sectes et de toutes fonctions pourront venir à moi.

– Nous venions à toi, sachant que tu es plus que Jean.

– Vous pourrez continuer à le faire. Je serai un rabbi solitaire, comme Jean, et je parlerai aux foules désireuses d’entendre la voix de Dieu et capables de croire que je suis cette Voix. Et les autres m’oublieront, si du moins ils en sont capables.

116.7

– Maître, tu es triste et déçu. Tu as raison. Tous t’écoutent, et croient en toi uniquement pour obtenir des miracles. Même un courtisan d’Hérode qui devait forcément avoir corrompu sa bonté naturelle dans cette cour incestueuse, et même encore des soldats romains croient en toi. Il n’y a que nous, de Sion, qui sommes si durs… Mais pas tous. Tu le vois… Maître, nous savons que tu es venu de la part de Dieu, et qu’il n’existe pas de plus grand docteur que toi. Même Gamaliel le dit. Personne ne peut faire les miracles que tu fais, s’il n’a pas Dieu avec lui. Cela, même les savants comme Gamaliel le croient. Alors comment se fait-il que nous ne puissions avoir la foi que possèdent les petits d’Israël ? Ah ! Dis-le-moi exactement. Je ne te trahirai pas, même si tu me disais : “ J’ai menti pour mettre en valeur mes sages paroles sous un sceau que personne ne peut ridiculiser. ” Es-tu le Messie du Seigneur ? l’Attendu ? la Parole du Père, incarnée pour instruire et racheter Israël conformément à l’Alliance ?

– Me poses-tu cette question de toi-même ou d’autres t’envoient-ils pour me la poser ?

– De moi-même, Seigneur. C’est pour moi un vrai tourment. Je subis une bourrasque : vents opposés et voix contraires. Pourquoi n’ai-je pas en moi, qui suis un homme mûr, cette certitude paisible que possède celui-ci, presque analphabète et tout jeune, qui lui met un tel sourire sur le visage, une telle lumière dans les yeux, un tel soleil dans le cœur ? Comment crois-tu, Jean, pour être si assuré ? Mon fils, apprends-moi ton secret, le secret qui te permet de savoir, voir et reconnaître le Messie en Jésus de Nazareth ! »

Jean rougit comme une pivoine, puis il baisse la tête comme pour s’excuser de dire une chose si grande, et il répond simplement :

« En aimant.

– En aimant ! Et toi, Simon, qui es un homme probe au seuil de la vieillesse, toi qui es instruit et tellement éprouvé que tu es poussé à redouter partout la fourberie ?

– En méditant.

– En aimant ! En méditant ! Moi aussi, j’aime et je médite et je n’ai pas encore acquis cette certitude ! »

116.8

Jésus lui répond vivement :

« Je vais te confier le véritable secret. Eux, ils ont su renaître, avec un esprit nouveau, libre de toute chaîne, vierge de toute idée. C’est ainsi qu’ils ont compris Dieu. A moins de renaître, on ne peut voir le Royaume de Dieu, ni croire en son Roi.

– Comment quelqu’un peut-il renaître s’il est déjà adulte ? Une fois sorti du sein maternel, l’homme ne peut jamais plus y rentrer. Tu fais peut-être allusion à la réincarnation[1] à laquelle croient beaucoup de païens ? Mais non. Tu ne peux pas supposer cela. Et puis, ce ne serait pas rentrer dans le sein, mais reprendre une chair au-delà du temps. Par conséquent il ne s’agit pas de renaître maintenant. Comment ? Comment ?

– Il n’y a qu’une seule existence pour la chair sur la terre et une seule vie éternelle de l’âme au-delà. Je ne parle pas en ce moment de la chair et du sang. Je parle de l’âme immortelle qui, par l’intermédiaire de deux choses, renaît à la vie : par l’eau et par l’Esprit. Mais la plus grande, c’est l’Esprit sans lequel l’eau n’est qu’un symbole. Celui qui s’est lavé avec l’eau doit se purifier ensuite avec l’Esprit et avec lui s’allumer et resplendir, s’il veut vivre dans le sein de Dieu ici-bas et dans le Royaume éternel. Car ce qui est engendré par la chair est et demeure chair, puis meurt après en avoir servi les désirs et les péchés. Mais ce qui est engendré par l’Esprit est esprit, et vit en revenant à l’Esprit qui l’a engendré, après l’avoir élevé à l’âge parfait. Le Royaume des Cieux ne sera habité que par des êtres parvenus à l’âge parfait de l’esprit. Ne t’étonne donc pas si je dis : “ Il faut que vous naissiez à nouveau. ” Ces disciples-ci ont su renaître. Le jeune a tué la chair et fait renaître son âme en plaçant son moi sur le bûcher de l’amour. Tout a été brûlé de ce qui était matière. Des cendres surgit sa nouvelle fleur spirituelle, tel un merveilleux tournesol qui sait s’orienter vers le Soleil éternel. Le vieux a mis la hache d’une honnête méditation aux pieds de sa vieille pensée, et a déraciné le vieil arbre en laissant seulement le bourgeon de sa bonne volonté, d’où il a fait naître sa nouvelle façon de voir. Maintenant, il aime Dieu avec un esprit nouveau et il le voit.

116.9

Chacun a sa méthode pour parvenir au port. N’importe quel vent convient pour celui qui sait se servir de la voile. Vous entendez souffler le vent, et vous pouvez vous baser sur sa direction pour diriger la manœuvre. Mais vous ne pouvez dire d’où il vient, ni appeler celui qu’il vous faut. L’Esprit aussi appelle, il arrive en appelant et il passe. Mais seul celui qui est attentif peut le suivre. Comme un fils connaît la voix de son père, l’âme engendrée par l’Esprit connaît sa voix.

– Comment cela peut-il se faire ?

– Toi qui es maître en Israël, tu me le demandes ? Tu ignores ces choses ? On parle et on rend témoignage de ce qu’on sait et de ce qu’on a vu. Or je parle et je témoigne de ce que je sais. Comment pourras-tu jamais accepter ce que tu n’as pas vues, si tu n’acceptes pas le témoignage que je t’apporte ? Comment pourras-tu croire à l’Esprit, si tu ne crois pas à la Parole incarnée ? Je suis descendu pour remonter et entraîner à ma suite ceux qui sont ici-bas. Un seul est descendu du Ciel : le Fils de l’Homme. Et un seul montera au ciel avec le pouvoir de l’ouvrir : moi, le Fils de l’Homme. Rappelle-toi Moïse. Il a élevé un serpent dans le désert pour guérir ceux qui étaient malades en Israël. Quand je serai élevé, ceux que maintenant la fièvre de la faute rend aveugles, sourds, muets, fous, lépreux, malades, seront guéris et quiconque croira en moi aura la vie éternelle. Même ceux qui auront cru en moi auront cette heureuse vie.

Ne baisse pas la tête, Nicodème. Je suis venu pour sauver, pas pour perdre. Dieu n’a pas envoyé son Fils unique dans le monde pour que ses habitants soient condamnés, mais pour que le monde soit sauvé par lui. Dans le monde, j’ai trouvé tous les péchés, toutes les hérésies, toutes les idolâtries. Mais l’hirondelle qui vole rapidement au-dessus de la poussière peut-elle souiller son plumage ? Non. Elle n’apporte sur les tristes chemins de la terre qu’une virgule d’azur, une odeur de ciel. Elle lance un appel pour secouer les hommes, pour élever leur regard au-dessus de la boue et leur faire suivre son vol qui revient vers le ciel. Il en est ainsi de moi. Je viens pour vous emmener avec moi. Venez !… Celui qui croit au Fils unique n’est pas jugé. Il est déjà sauvé, car ce Fils parle au Père et dit : “ Celui-ci m’aime. ” Mais celui qui ne croit pas, il est inutile qu’il fasse des œuvres saintes. Il est déjà jugé car il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu.

116.10

Quel est mon nom, Nicodème ?

– Jésus.

– Non. Sauveur. Je suis le Salut. Celui qui ne me croit pas, refuse son salut, il est déjà jugé par la justice éternelle. Et voici ce jugement : “ La lumière t’avait été envoyée, à toi et au monde, pour être pour vous le salut, mais toi et les autres hommes avez préféré les ténèbres à la lumière, parce que vous préfériez les œuvres mauvaises auxquelles vous étiez habitués, aux bonnes œuvres auxquelles il fallait s’attacher pour devenir saint. ” Vous avez haï la lumière parce que les malfaiteurs aiment les ténèbres pour commettre leurs crimes, et vous avez fui la lumière pour qu’elle ne vous révèle pas vos plaies cachées. Ce n’est pas spécialement à toi que je m’adresse, Nicodème. Mais c’est la vérité. Et la punition sera en proportion de la condamnation, pour l’individu et pour la collectivité.

Quant à ceux qui m’aiment et mettent en pratique les vérités que j’enseigne, en naissant donc une seconde fois par une naissance plus réelle, je dis que, loin de craindre la lumière, ils s’en approchent, car cette lumière augmente celle par laquelle ils ont été primitivement éclairés. C’est une gloire réciproque qui réjouit Dieu en ses fils et eux à leur tour en leur Père. Non, les fils de la lumière ne craignent pas d’être illuminés. Au contraire, ils disent dans leur cœur et par leurs œuvres : “ Non pas moi : mais le Père, le Fils, l’Esprit ont accompli le bien en moi. A eux gloire pour l’éternité. ” Et, du haut du Ciel, l’éternel chant des Trois qui s’aiment dans leur parfaite unité répond : “ A toi, bénédiction pour l’éternité, car tu es un vrai fils de notre volonté. ” Jean, rappelle-toi ces paroles pour le moment où l’heure sera venue de les écrire. Nicodème, es-tu convaincu ?

– Maître… oui.

116.11

Quand pourrai-je te parler encore ?

– Lazare saura où te conduire. J’irai chez lui avant de m’éloigner d’ici.

– Je m’en vais, Maître. Bénis ton serviteur.

– Que ma paix soit avec toi. »

Nicodème sort avec Jean.

Jésus se tourne vers Simon :

« Vois-tu l’œuvre de la puissance des Ténèbres ? Telle une araignée, elle tend son piège, englue et emprisonne celui qui ne sait pas mourir pour renaître papillon avec assez de force pour déchirer la toile ténébreuse et passer outre, emportant en souvenir de sa victoire des lambeaux de la toile tout éclairés sur ses ailes d’or, comme des oriflammes et des étendards pris à l’ennemi. Mourir pour vivre. Mourir pour vous donner la force de mourir. Viens te reposer, Simon, et que Dieu soit avec toi. »

Tout prend fin.

116.1

Jesus is in the kitchen of the little house in the olive-grove, having supper with His disciples. They are talking of the events of the day, which, however, is not the particular happening just described, because I hear them talking of other events, amongst which is the cure of a leper near the sepulchres, along the Bethphage road.

«There was also a Roman centurion watching» says Bartholomew. And he continues: «He asked me, while on horseback: “Does the man you follow often do such things?” and when I answered affirmatively, he exclaimed: “Then He is greater than Aesculapius and will become richer than Croesus”. I replied: “He will always be poor, according to the world, because He never receives, but gives and only wants souls to take to the true God”. The centurion looked at me amazed, then spurred his horse and galloped away.»

«There was also a Roman lady in a litter. It must have been a woman. The curtains were not drawn but she was peeping through them. I saw her» says Thomas.

«Yes, it was near the top bend of the road. She had ordered them to stop when the leper cried: “Son of David, have mercy on me!” One of the curtains was then drawn and I saw her look at You through a valuable lens, then she laughed ironically. But when she saw that You cured him only by giving a command, she called me and asked me: “Is He the one they call the true Messiah?” I replied “Yes” and she said to me: “Are you with Him?” and then she asked: “Is He really good?”» says John.

«Then you saw her! What was she like?» ask Peter and Judas.

«Well!… A woman…»

«What a great discovery!» says Peter laughing. And the Iscariot insists: «But was she beautiful, young, rich?»

«Yes. I think that she was young and also beautiful. But I was watching Jesus more than I was looking at her. I wanted to see if the Master was setting out again…»

«Fool!» mumbles Judas between his teeth.

«Why?» asks James of Zebedee defending his brother. « My brother was not a dandy in search of an adventure. He replied out of courtesy. But he did not lack in his first quality.»

«Which?» asks the Iscariot.

«That of a disciple, whose only love is the Master.»

Judas, very cross, lowers his head.

116.2

«In any case… it is not the right thing to be seen talking to the Romans» says Philip. «They are already accusing us of being Galileans, and thus less “pure” than Judaeans. And that because of our birth. Then they accuse us of staying often at Tiberias, a meeting place of Gentiles, Romans, Phoenicians, Syrians… and then… oh! of how many things they accuse us!…»

«You are good, Philip, and you are drawing a veil over the harshness of the truth you are telling. But the truth, without any veil, is this: of how many things they accuse Me» says Jesus Who has been quiet so far.

«After all, they are not completely wrong. Too many contacts with the heathens» says the Iscariot.

«Do you think that only those are heathens who have not Moses’ law?» asks Jesus.

«Well, who else?»

«Judas!… Can you swear on our God that you have no heathenism in your heart? And can you swear that the most prominent Israelites have none?»

«Master… I do not know about the others… but I can swear about myself.»

«According to you, what is heathenism?» asks Jesus again.

«It is to follow a false religion, to worship gods» replies Judas violently.

«Which are?»

«The gods of Greece and Rome, the Egyptian ones… that is the gods with thousands of names, and of non-existent people, who according to the pagans, fill their Olympus.»

«No other god exists? Only the Olympic ones?»

«Which other ones? Are they not already too many?»

«Too many, yes. But there are many more and incense is burnt at their altars by every man, also by priests, Scribes, Pharisees, Sadducees, Herodians, all people of Israel, am I right? Not only, but it is burnt also by My disciples.»

«Ah! Certainly not!» they all say.

«No? My friends… Which of you does not have a secret cult, or several secret cults? One has beauty and smartness. Another the pride of his knowledge. Another burns incense in the hope of becoming a great man from a human point of view. Another worships woman. Another money… Another kneels down before his knowledge… and so on. I solemnly tell you that there is no man who is not stained with idolatry. Why then disdain those who are pagans by misfortune, when you remain pagans by your own free will, although you belong to the true God?»

«But we are men, Master» exclaim many of them.

«That is true. Then… be charitable to everybody because I have come for everybody and you are not worth more than I am.»

«However, we are being accused and Your mission is being obstructed.»

«It will be carried on just the same.»

116.3

«With regards to women» says Peter, who probably because he is sitting next to Jesus, is in such a transport of delight, that he is very good. «For some days, and precisely since You spoke at Bethany the first time after we came back to Judaea, a woman, all covered with a veil, has been following us all the time. I do not know how she finds out our intentions. I know that she is almost always either in the last rows of people listening to You when You speak, or behind the crowds that follow You when You walk about, or even behind us when we go announcing You in the country. At Bethany, the first time, she whispered to me from behind her veil: “That man you said is going to speak, is He really Jesus of Nazareth?” I replied to her that He was and in the evening she was behind the trunk of a tree listening to You. Then I lost sight of her. But now, here in Jerusalem, I have seen her two or three times. Today I asked her: “Do you need Him? Are you not well? Do you want alms?” She always shakes her head, because she never speaks to anyone.»

«One day she said to me: “Where does Jesus live?” and I said to her: “At Gethsemane”» says John.

«You clever fool! You shouldn’t. You should have said: “Uncover your face. Make yourself known and I will tell you”» says the Iscariot, bad tempered.

«But when have we ever asked for such things?!» exclaims John, simple-minded and innocent.

«You can see other people. She is always veiled. She is either a spy or a leper. She must not follow us and learn about us. If she is spying, it is to harm us. Perhaps she is paid by the Sanhedrin for that…»

«Ah! Does the Sanhedrin use such methods?» asks Peter. «Are you sure?»

«Most certain. I was of the Temple and I know.»

«Lovely! That fits like a glove what the Master just said» remarks Peter.

«What?» Judas is already flushed with anger.

«That also amongst priests there are heathens.»

«What’s that to do with paying a spy?»

«Quite a lot! Too much, indeed! Why do they pay? To overthrow the Master and triumph over Him. So they are placing themselves on the altar with their foul souls under their clean clothes» replies Peter with good common sense.

«Well, the fact is» cuts short Judas «that woman is dangerous to the crowd and to us. To the crowd if she is a leper, to us if she is a spy.»

«That is, to Him, eventually» replies Peter.

«But if He falls, we fall, too…»

«Ah! Ah!» laughs Peter and concludes: «And the idol will break into pieces, if it falls, and we lose our time, our reputation and perhaps our lives, then, ah! ah! it is better to try and not let it fall or… move away in time, is that right? I instead… look, I embrace Him closer. If He falls, overthrown by the traitors of God, I want to fall with Him» and Peter clasps Jesus in his short arms.

«I did not realise that I had done so much harm, Master» says John very sadly: he is facing Jesus. «Hit me, ill-treat me, but save Yourself. It would be dreadful if I were the cause of Your death!… I could never forgive myself. I feel that tears would leave burning marks on my cheeks and scald my eyes. What have I done! Judas is right: I am a fool.»

«No, John, you are not, and you did the right thing. Let her come. Always. And respect her veil. It may be worn as a protection in the struggle between sin and the desire for redemption. Do you know what wounds are caused on a being when such struggle takes place? Do you know how much one weeps and blushes? You, John. a dear son with the heart of a good child, you said that your face would be marked by tears if you were to cause harm to Me. But you must know that when a revived conscience begins to gnaw at the flesh, that was sinful, in order to destroy it and triumph with its soul, it must consume everything that was an attraction for the flesh, and the creature ages and withers under the blaze of the devouring fire. Only later, when redemption is complete, a second, holy and more perfect beauty is formed again, because it is the beauty of the soul that emerges from the eyes, from the smile, from the voice and from the honest pride on the forehead on which God’s forgiveness has descended and shines like a diadem.»

«So I did not do the wrong thing?..»

«No, you did not. Neither did Peter. Leave her alone.

116.4

Now you may all go and rest. I will stay with John and Simon, to whom I wish to speak. Go.»

The disciples withdraw. Perhaps they sleep in the oil-mill. I do not know. They go away, and they certainly do not go back to Jerusalem, where the gates have been closed for hours.

«You said, Simon, that Lazarus sent Isaac and Maximinus to you today, when I was at David’s Tower. What did he want?»

«He wanted to tell You that Nicodemus is at his house and would like to speak to You secretly. I took the liberty of saying: “Let him come. The Master will wait for him at night”. You can be alone only by night. That is why I said to You: “Dismiss them all, except John and me”. We need John to go to the Kidron bridge and wait for Nicodemus who is in one of Lazarus’ houses, outside the wall. I had to stay to explain the situation. Have I done the wrong thing?»

«No, you have done the right thing. Go, John, to your place.»

Jesus and Simon are by themselves. Jesus is pensive. Simon respects His silence. But Jesus interrupts it suddenly and, as if He were concluding an internal thought in a loud voice, He says: «Yes. That is the best thing to do. Isaac, Elias and the others are enough to keep alive the idea which is becoming known amongst good and humble people. For the mighty ones… There are other means. There is Lazarus, Chuza, Joseph, and others… But the mighty ones… do not want Me. They tremble and are afraid for their power. I will go away from these Judaean hearts, who are becoming more and more hostile to the Christ.»

«Are we going back to Galilee?»

«No, but we are going far from Jerusalem. Judaea is to be evangelised. It is part of Israel, too. But here, you see what happens… Everything serves to accuse Me. I am withdrawing. And for the second time…»

116.5

«Master, here is Nicodemus» says John going in first.

They greet one another, then Simon takes John and goes out of the kitchen, leaving the two alone.

«Master, forgive me if I wanted to speak to You in secret. I do not trust many people with regard to You and myself. I am not acting entirely out of cowardice. It is also prudence and the desire to be of greater assistance to You, than if I belonged to You openly. You have many enemies. I am one of the few here who admire You. I sought Lazarus’ advice. Lazarus is powerful by birth, he is feared because he stands high in the favour of the Romans, he is just in the eyes of God, he is wise by matured talent and learning, he is a true friend of Yours and mine. Those are the reasons why I wanted to speak to him. And I am happy that he came to the same conclusion as I did. I informed him of the last… discussions at the Sanhedrin about You.»

«The last accusations. Tell the plain truth.»

«The last accusations. Yes, Master. I was about to say: “Well, I am one of His followers, too” so that at least one would be in Your favour in that assembly. But Joseph, who was beside me, whispered: “Be quiet. Do not let us disclose our thoughts. I will explain later”. And when we came out he said: “It is better that way. If they know that we are His disciples, they will keep us in the dark about their thoughts and decisions, and will be able to harm Him and us. If, instead, they think that we are only inquiring in His life, they will not resort to subterfuges”. I realised that he was right. They are so… wicked! I also have my interests and my duties… and Joseph has his… You understand, Master…»

«I do not reproach you in any way. I was saying that to Simon, before you came here.

116.6

And I have decided to go away from Jerusalem.»

«You hate us because we do not love You!»

«No. I do not hate even My enemies.»

«You say so. It is true. You are right. How sorrowful for me and Joseph! And Lazarus? What will Lazarus say, who today had decided to let You leave this place and go to one of the houses he owns in Zion. Lazarus is a very wealthy man. A large part of the town belongs to him as well as much land in Palestine. His father, to his own wealth and to Eucheria’s, who belonged to Your tribe and family, added the reward of the Romans to their faithful servant, and he bequeathed a very large heritage to his children. And what matters more, a veiled but strong friendship with Rome. Without it, no one would have saved the household from abuse, after Mary’s disgraceful behaviour, her divorce, which was granted to her only because of her position, her licentious life in that town which is his domain, and in Tiberias, the elegant brothel which Rome and Athens have turned into a prostitution bed for many of the chosen people. Truly, if the Syrian Theophilus had been a more convinced proselyte, he would not have given his children the Hellenistic upbringing which kills so much virtue and disseminates so much voluptuousness, and which, imbibed and expelled without any consequence by Lazarus and especially by Martha, infected and proliferated in the dissolute Mary and made her the disgrace of her family and of Palestine! No, without the powerful shelter of the favour of Rome, they would have been anathematised more than lepers. But since the situation is such, take advantage of it.»

«No. I am going to withdraw. Those who want Me will come to Me.»

«I should not have spoken!» Nicodemus is depressed.

«No. Wait and be convinced» and Jesus opens a door and calls: «Simon! John! Come here.»

The two disciples rush in.

«Simon, tell Nicodemus what I was saying to you when he arrived.»

«That the shepherds are sufficient for the humble people, Lazarus, Nicodemus and Joseph with Chuza for the mighty ones and that You are going away from Jerusalem without leaving Judaea. That is what You were saying. Why do You ask me to repeat it? What has happened?»

«Nothing. Nicodemus is afraid I might be going away because of what he told Me.»

«I told the Master that the Sanhedrin is more and more hostile, and that He ought to put Himself under Lazarus’ protection. He protected your property because Rome is on his side. He would protect also Jesus.»

«It is true. It is good advice. Although my caste is disliked also by Rome, a word of Theophilus saved my property during my proscription and my leprosy. And Lazarus is very friendly to You, Master.»

«I know. But I have decided. And I do what I said.»

«We are going to lose You, then!»

«No, Nicodemus. Men of all sects go to the Baptist. Men of all sects and positions will be able to come to Me.»

«We came to You because we knew that You were greater than John.»

«You may still come. I will be a solitary rabbi like John, and I will speak to the crowds willing to hear the voice of God and capable of believing that I am that Voice. And the others will forget Me. If they are at least capable of that.»

116.7

«Master, You are sad and disappointed. And You are right. Everybody listens to You. And they believe in You so much that they obtain miracles. Even one of Herod’s men, whose natural goodness must be corrupted by that incestuous court, even Roman soldiers believe in You. Only we in Zion are so hard… But not everybody. You know… Master, we know that You have come from God, that You are His doctor, and there is none greater than You. Also Gamaliel says so. No one can work the miracles that You work unless God is with him. Also learned people like Gamaliel believe that. Why then can we not have the same faith as the humble people of Israel? Oh! Tell me. I will not betray You, even if You should say to me: “I lied to corroborate My wise words with a seal that nobody can deride”. Are You the Messiah of the Lord? The Expected One? The Word of the Father, incarnate to teach and redeem Israel according to the Covenant?»

«Are you asking that by yourself, or have others sent you to ask it?»

«By myself, Lord. I have a storm and a torment within me. Contrasting winds and voices. Why do I, a mature man, not have the peaceful certainty that this fellow has, although he is almost illiterate and a boy, the certainty that gives such a smile to his face, such light to his eyes, such sunshine to his heart? How do you believe, John, to be so certain? Teach me, son, your secret by means of which you were able to see and understand that Jesus of Nazareth is the Messiah!»

John becomes as red as a strawberry, he then lowers his head, as if he were apologising for saying such a great thing, and replies simply: «By loving.»

«By loving! And what about you, Simon, an upright man, on the threshold of old age, you, a learned man, so tried as to be induced to fear deceit everywhere?»

«By meditating.»

«Loving! Meditating! I also love and meditate and I am not yet certain!»

116.8

Jesus cuts in saying: «I will tell you the true secret. They knew how to be born again, with a new spirit, free from all ties, virgin of all ideas. And they therefore understood God. If one is not born again, one cannot see the Kingdom of God nor believe in its King.»

«How can a grown man be born again? Ejected from his mother’s womb, man cannot go back into it. Are You referring perhaps to reincarnation, in which many pagans believe? No, it is not possible of You. In any case it would not be going back into a womb, but a reincarnation beyond time. That is, not now. How?»

«There is but one life of the body in the world and only one eternal life of the soul beyond the world. Now I am not speaking of the flesh and blood, but of the immortal spirit, which is born to true life by means of two things: through water and the Spirit. But the greater is the Spirit, without Whom water is but a symbol. He who has been cleansed through water, must then purify himself through the Spirit and through the Spirit he must become inflamed and shine, if he wishes to live in the bosom of God here and in the eternal Kingdom. Because what is born of the flesh, is and will remain flesh, and dies with the flesh after serving it in its carnal lusts and sins. But what is born of the Spirit is spirit and it lives going back to the Spirit of which it was born, after bringing up its own spirit to the perfect age. The Kingdom of Heaven will be inhabited only by those beings which have reached a perfect spiritual age. Do not be surprised, therefore, if I say: “It is necessary for you to be born again”. These two knew how to be born again. The younger subdued the flesh and caused his spirit to revive by putting his ego on the stake of love. All matter was burnt. From the ashes arose his fresh spiritual flower, a wonderful helianthus that turns towards the eternal Sun. The older one laid the axe of honest meditation to the root of his old way of thinking, he uprooted the old plant leaving only the shoot of goodwill, of which he caused his new thoughts to be born. He now loves God with a new spirit and sees Him.

116.9

Everybody has his own method of reaching the harbour. Every wind is good providing one knows how to unfurl the sails. You feel the wind blowing, and according to its direction you can adjust the brails. But you cannot tell where the wind comes from, neither can you call the one you need. Also the Spirit calls and It comes calling and passes by. But only he who is alert can follow it. A son knows the voice of his father, the spirit knows the voice of the Spirit of which it was born.»

«How can that happen?»

«You, a teacher in Israel, are asking Me? Do you not know these things? We speak about and bear witness to what we know and have seen. Now, then, I speak about and bear witness to what I know. How will you ever be able to believe what you have not seen, if you do not believe the witness I am bearing to you? How can you believe in the Spirit, if you do not believe in the Incarnate Word? I have descended to ascend again and take with Me those who are down here. Only One descended from Heaven: the Son of Man. And only One will ascend to Heaven with the power to open Heaven: I, the Son of Man. Remember Moses. He raised a serpent in the desert to heal the diseases of Israel. When I am raised, those who are now blind, deaf, dumb, mad, lepers, ill because of the fever of sin, will be cured and whoever believes in Me will have eternal life. Also those who believe in Me, will have that blissful life. Do not bend your forehead, Nicodemus. I have come to save, not to lose. God did not send His Only-Begotten Son into the world so that those in the world might be condemned, but that the world might be saved through Him. In the world I have found all the sins, all the heresies, all the idolatries. But can the swallow flying swiftly over dust soil its feathers with it? No. It only takes along the sad roads of the earth a particle of blue sky, and the scent of the sky, it utters a call to rouse men and make them raise their eyes from the mud and follow its flight which returns to the sky. I do likewise. I have come to take you with Me. Come… He who believes in the Only-Begotten Son will not be judged. He is already saved, because the Son speaks in his favour to the Father and says: ‘He loved Me.’ But it is useless to perform holy deeds, if one does not believe. He has already been judged because he did not believe in the name of the Only-Begotten Son of God.

116.10

Which is My Name, Nicodemus?»

«Jesus.»

«No. Saviour. I am Salvation. He who does not believe in Me, rejects his salvation and is judged by the eternal Justice. And this is the judgement: “Light was sent to you and to the world, in order to save you, but you and men preferred darkness to light, because you preferred evil actions, which were customary to you, to the good actions that He pointed out to you, that you might follow them and be saints”. You hated the Light because evil-doers love darkness for their crimes, and you avoided the Light that It might not illuminate your hidden wounds. I am not referring to you, Nicodemus. But that is the truth. And the punishment will be proportioned to the judgement, both for individuals and for communities. With regard to those who love Me, and practise the truth I teach, and are therefore born in their spirits a second time, by a more genuine birth, I say that they are not afraid of the light, on the contrary they go towards it, because their own light increases the light by which they were enlightened, a mutual glory that makes God happy in His children and the children in the Father. No, the children of the Light are not afraid of being enlightened. In fact, in their hearts and by means of their deeds they say: “Not I but He, the Father, He, the Son, He, the Spirit, have worked the good in me. Glory be to them, forever”. And from Heaven replies the eternal song of the Three Who love one another in their perfect Unity: “Eternal blessing to you, true son of Our will”. John, remember those words when the time comes to write them. Nicodemus, are you convinced?»

«Yes, Master, I am.

116.11

When will I be able to speak to You again?»

«Lazarus will know where to take you. I am going to him before going away from here.»

«I am going, Master. Bless Your servant.»

«My peace be with you.»

Nicodemus goes out with John.

Jesus addresses Simon: «Do you see the work of the power of Darkness? Like a spider, it lays its snares and entangles and imprisons him who does not know how to die in order to be born again like a butterfly, so strong as to tear the dark cobweb and go beyond it, carrying on its golden wings pieces of shining network as a souvenir of its victory, like oriflammes and banners taken from the enemy. To die to live. To die to give you strength to die. Come, Simon, and rest. And God be with you.»

It all ends.


Notes

  1. réincarnation que Jésus niera encore en 243.7, 272.3/4, 290.9, 406.10, 524.9/10.