Je vois Jésus, aux premières lueurs du jour d’un hiver bien avancé, entrer dans la petite ville de Docco et demander à un passant matinal :
« Où habite Marianne, la vieille mère dont la bru est mourante ?
– Marianne, la veuve de Lévi ? La belle-mère de Jérusa, femme de Josias ?
– Oui, c’est bien elle.
– Regarde, homme : au bout de cette rue il y a une place, et au coin il y a une fontaine, d’où partent trois chemins. Prends celui qui a un palmier au milieu et marche encore cent pas. Tu trouveras un fossé, suis-le jusqu’au pont de bois. Passe-le et tu verras une ruelle couverte. Tu la suis. Quand il n’y a plus de route, ni de toit, car elle débouche sur une place, tu es arrivé. La maison de Marianne est dorée par la vétusté. Avec les frais qu’ils ont, ils ne peuvent la remettre en état. Ne te trompe pas. Adieu. Tu viens de loin ?
– Pas trop.
– Mais tu es galiléen ?
– Oui.
– Et ceux-ci ? Tu viens pour la fête ?
– Ce sont des amis. Adieu, homme. Que la paix soit avec toi. »
Jésus laisse en plan le bavard, qui n’est plus pressé. Il prend le chemin indiqué, suivi par les apôtres.
Ils arrivent à la… petite place : il s’agit en fait d’un bout de terrain boueux avec, au centre, un grand chêne qui a poussé là, tout seul, et qui, je suppose, donne en été une ombre agréable. Pour l’heure, il est plutôt triste avec son fouillis de branches noirâtres au-dessus des pauvres maisons auxquelles il enlève lumière et soleil.
La maison de Marianne est la plus misérable : elle est large et basse, mais tellement négligée ! La porte est toute rapiécée pour couvrir les fissures du bois vétuste. Une petite fenêtre, sans rideau, présente sa noire ouverture comme une orbite privée de son œil.