La maison de Nazareth serait la plus indiquée pour élever l’âme. Il y règne la paix, le silence, l’ordre. La sainteté semble se dégager de ses pierres, s’exhaler des plantes du jardin, pleuvoir du ciel serein qui la couvre comme une coupole céleste. En réalité, elle émane de Celle qui l’habite et s’y déplace, leste et silencieuse, avec des gestes délicats, posés, le pas léger qu’elle avait quand elle y est entrée, jeune épouse, et le même doux sourire apaisant comme une caresse.
Le soleil, à cette heure matinale, frappe la maison du côté droit, celui qui s’appuie sur la première ondulation des collines ; seuls les sommets des arbres en bénéficient, et tout d’abord les oliviers qu’on y a plantés pour retenir la terre du talus par leurs racines, du moins ceux qui ont subsisté, tordus et puissants. Leurs branches les plus grosses s’élèvent vers le ciel comme si elles invoquaient sa bénédiction ou si elles aussi priaient de ce lieu de paix. Ces oliviers survivants de l’oliveraie de Joachim furent autrefois nombreux : ils poursuivaient leur route de pèlerins en prière jusqu’aux champs éloignés où l’oliveraie et les champs faisaient place aux pâturages, aujourd’hui réduits à quelques arbres restés à la limite de la propriété mutilée de Joachim.
Ce sont ensuite l’amandier et les pommiers qui bénéficient du soleil : grands et puissants, ils ouvrent sur le jardin l’ombrelle de leurs branches. En troisième lieu, c’est le grenadier qui boit ses rayons, et enfin le figuier contre la maison quand déjà le soleil caresse les fleurs et les légumes bien soignés dans les plates-bandes rectangulaires et le long des haies disposées sous le couvert de la tonnelle chargée de grappes.
Les abeilles bourdonnent, telles des gouttes d’or qui volent sur tout ce qui peut leur fournir des sucs doux et parfumés. Il y a une petite pousse de chèvrefeuille qu’elles prennent d’assaut ainsi que des fleurs en forme de campanules qui forment des touffes et dont j’ignore le nom ; elles sont en train de se refermer – ce sont sans doute des fleurs nocturnes – et ont un parfum pénétrant. Les abeilles se hâtent de butiner ces fleurs, avant que leurs pétales ne se replient dans le sommeil de la corolle.