Gli Scritti di Maria Valtorta

264. Une journée de Judas Iscariote à Nazareth.

264. Una giornata di Giuda Iscariota a Nazareth.

264.1

La maison de Nazareth serait la plus indiquée pour élever l’âme. Il y règne la paix, le silence, l’ordre. La sainteté semble se dégager de ses pierres, s’exhaler des plantes du jardin, pleuvoir du ciel serein qui la couvre comme une coupole céleste. En réalité, elle émane de Celle qui l’habite et s’y déplace, leste et silencieuse, avec des gestes délicats, posés, le pas léger qu’elle avait quand elle y est entrée, jeune épouse, et le même doux sourire apaisant comme une caresse.

Le soleil, à cette heure matinale, frappe la maison du côté droit, celui qui s’appuie sur la première ondulation des collines ; seuls les sommets des arbres en bénéficient, et tout d’abord les oliviers qu’on y a plantés pour retenir la terre du talus par leurs racines, du moins ceux qui ont subsisté, tordus et puissants. Leurs branches les plus grosses s’élèvent vers le ciel comme si elles invoquaient sa bénédiction ou si elles aussi priaient de ce lieu de paix. Ces oliviers survivants de l’oliveraie de Joachim furent autrefois nombreux : ils poursuivaient leur route de pèlerins en prière jusqu’aux champs éloignés où l’oliveraie et les champs faisaient place aux pâturages, aujourd’hui réduits à quelques arbres restés à la limite de la propriété mutilée de Joachim.

Ce sont ensuite l’amandier et les pommiers qui bénéficient du soleil : grands et puissants, ils ouvrent sur le jardin l’ombrelle de leurs branches. En troisième lieu, c’est le grenadier qui boit ses rayons, et enfin le figuier contre la maison quand déjà le soleil caresse les fleurs et les légumes bien soignés dans les plates-bandes rectangulaires et le long des haies disposées sous le couvert de la tonnelle chargée de grappes.

Les abeilles bourdonnent, telles des gouttes d’or qui volent sur tout ce qui peut leur fournir des sucs doux et parfumés. Il y a une petite pousse de chèvrefeuille qu’elles prennent d’assaut ainsi que des fleurs en forme de campanules qui forment des touffes et dont j’ignore le nom ; elles sont en train de se refermer – ce sont sans doute des fleurs nocturnes – et ont un parfum pénétrant. Les abeilles se hâtent de butiner ces fleurs, avant que leurs pétales ne se replient dans le sommeil de la corolle.

264.2

Légère, Marie va des nids des colombes à la maigre source qui coule près de la petite grotte, puis de celle-ci à la maison pour ses occupations, et pourtant, malgré son travail, elle trouve le moyen d’admirer les fleurs ou les colombes qui sautillent dans les sentiers ou décrivent un cercle au-dessus de la maison et du jardin.

Judas rentre, chargé de plantes et de boutures.

« Je te salue, Mère. Ils m’ont donné tout ce que je voulais. J’ai fait vite pour qu’elles ne souffrent pas, mais j’espère qu’elles s’enracineront comme le chèvrefeuille. L’an prochain, tu auras un jardin qui ressemblera à une corbeille de fleurs, et ainsi, tu te souviendras du pauvre Judas et de son séjour ici » dit-il en sortant avec précaution d’un sac des plantes avec leurs racines entourées de terre et de feuilles humides, et d’un autre sac des boutures.

« Je te remercie, Judas, vraiment. Tu ne peux savoir combien je suis heureuse d’avoir ce chèvrefeuille près de la petite grotte. Quand j’étais toute petite, là-bas, au bout de ces champs qui étaient alors à nous, il y en avait une encore plus belle. Du lierre et des chèvrefeuilles la couvraient de branches et de fleurs. Cela formait un rideau et un abri pour les lys minuscules qui poussaient jusqu’à l’intérieur de la grotte, qui était toute verte sous la fine broderie des capillaires. Car, justement, il y avait là une source… Au Temple, je pensais toujours à cette grotte et, je te le dis, quand je priais devant le Voile du Saint, moi qui étais vierge du Temple, je ne sentais pas davantage la présence de Dieu. Bien plus, je dois dire que les doux entretiens de mon âme avec le Seigneur me revenaient là-bas comme un songe… Mon Joseph m’a fait trouver celle-ci, avec un filet d’eau pour mon utilité, mais davantage pour me donner la joie d’une petite grotte qui était la copie de l’autre… Il était bon, Joseph, jusque dans les plus petites choses… Et il y avait planté un chèvrefeuille, ainsi que le lierre qui vit encore, alors que le premier est mort durant les années d’exil… Puis il en avait planté un autre, mais il est mort il y a trois ans. Maintenant, tu l’as remplacé. Il a pris, tu vois ? Tu es un excellent jardinier.

– Oui, quand j’étais enfant, j’aimais énormément les plantes et maman m’apprenait à en prendre soin… Maintenant je redeviens enfant à tes côtés, Mère, et je retrouve mes talents d’autrefois. Pour te faire plaisir. Tu es si bonne avec moi !… » répond Judas en travaillant d’une main experte à placer ses plantes aux endroits les plus favorables.

Puis il va mettre, près de la haie des fleurs nocturnes, tout un enchevêtrement de racines dont je ne sais si ce sont des muguets ou d’autres fleurs.

« Ici, elles seront bien » dit-il en rabattant avec une binette une légère couche de terre sur les racines enterrées. « Il ne leur faut pas beaucoup de soleil. Le serviteur d’Eléazar ne voulait pas me les donner, mais j’ai tant insisté qu’il me les a cédées.

– Ces jasmins d’Inde aussi, ils ne voulaient pas les donner à Joseph. Mais il leur a fait des travaux gratuits pour me les procurer. Ils n’ont pas cessé de prospérer.

– Voilà qui est fait, Mère. Je les arrose et tout ira bien. »

Il arrose, puis se lave les mains à la fontaine.

264.3

Marie l’observe : il est si différent de son Fils et aussi tellement différent du Judas à certaines heures de bourrasque ! Elle le scrute, réfléchit, s’en approche, lui pose la main sur le bras, et lui demande doucement :

« Tu vas mieux, Judas ? Je parle de ton âme.

– Oh, Mère ! Tellement mieux ! Je suis en paix, et tu le vois. Je trouve plaisir et salut dans les choses humbles et dans mon séjour auprès de toi. Je ne devrais jamais sortir de cette paix, de ce recueillement. Ici… comme le monde est loin de cette maison ! »

Judas regarde le jardin, les arbres, la petite maison… Il a­chève :

« Mais si je restais ici, je ne serais jamais un apôtre. Or, moi, je veux en être un…

– Pourtant, sois-en sûr, il te vaudrait mieux être une âme juste qu’un apôtre injuste. Si tu comprends que le contact avec le monde te trouble, si tu comprends que les éloges et les honneurs que reçoit l’apôtre te font du mal, renonce, Judas. Il vaut mieux pour toi être un simple fidèle auprès de mon Jésus, mais un fidèle saint, qu’un apôtre pécheur. »

Judas baisse la tête, pensif. Marie le laisse à ses réflexions et rentre dans la maison pour vaquer à ses occupations.

Judas reste immobile pendant un moment, puis se promène de long en large sous la tonnelle. Les bras croisés, la tête penchée, il réfléchit longuement et se met à monologuer et à faire des gestes, tout seul… C’est un monologue incompréhensible. Mais ces gestes sont ceux d’un homme dont les idées se heurtent violemment. Il semble supplier et repousser, ou bien il se plaint, ou en­core il maudit quelque chose, passant de l’expression de quelqu’un qui s’interroge à celle d’un homme apeuré, angoissé, jusqu’à prendre le visage de ses pires moments. Et c’est avec la figure d’un véritable démon qu’il s’arrête brusquement au milieu du sentier et reste ainsi pendant un moment… Puis il porte les mains à son visage, s’enfuit sur le talus des oliviers, hors de la vue de Marie, et pleure, la tête cachée dans ses mains, jusqu’à ce qu’il se calme et reste assis, le dos appuyé à un olivier, comme abasourdi…

264.4

… ce n’est plus le matin, mais la fin d’un crépuscule puissant. Nazareth ouvre les portes de ses maisons, restées fermées toute la journée à la féroce chaleur estivale du jour, qui plus est d’un jour d’Orient. Femmes, hommes, enfants sortent dans les jardins ou dans les rues encore chaudes, mais désormais sans soleil, à la recherche d’un peu d’air, ou à la fontaine, pour jouer, pour discuter… en attendant le dîner. On assiste à de grandes salutations, des bavardages, des éclats de rire et des cris, respectivement entre hommes, femmes et enfants.

Judas sort lui aussi et se dirige vers la fontaine avec les brocs en cuivre. Les nazaréens le voient et le désignent par son surnom “ le disciple du Temple ”, ce qui résonne comme une musique en arrivant aux oreilles de Judas. Il passe en saluant aimablement, mais avec une réserve qui, si elle n’est pas encore de l’orgueil hautain, en est très voisine.

« Tu es très bon avec Marie, Judas, lui dit un nazaréen barbu.

– Elle le mérite, et davantage encore. C’est vraiment une grande femme d’Israël. Heureux êtes-vous de l’avoir comme concitoyenne. »

L’éloge de la femme de Nazareth plaît beaucoup aux nazaréens qui se répètent l’un à l’autre les paroles de Judas.

Pendant ce temps, arrivé à la fontaine, il attend son tour et pousse la courtoisie jusqu’à porter les brocs d’une petite vieille qui n’en finit plus de le bénir, et jusqu’à prendre de l’eau pour deux femmes qui sont gênées par un bébé qu’elles tiennent dans leurs bras. En relevant un peu leurs voiles, elles murmurent :

« Que Dieu t’en récompense.

– L’amour du prochain est le premier devoir d’un ami de Jésus » répond Judas en s’inclinant.

Puis il remplit ses propres brocs pour revenir ensuite à la maison.

264.5

Au retour, il est arrêté par le chef de la synagogue de Nazareth et d’autres qui l’invitent à parler le sabbat suivant.

« Voilà deux semaines que tu es avec nous et tu n’as pas fait d’autre instruction que celle d’une grande courtoisie envers nous tous, se plaint le chef de la synagogue, qui est avec d’autres anciens du village.

– Mais s’il vous déplaît d’entendre la parole de votre fils le plus grand, est-ce que celle de son disciple pourrait vous être agréable ? En outre, je suis un Judéen ! Répond Judas.

– Ton soupçon est injuste et nous attriste. Notre invitation est sincère. Tu es disciple et judéen, c’est vrai. Mais tu es du Temple. Tu peux donc parler, car au Temple, il y a la doctrine. Le fils de Joseph, lui, n’est qu’un menuisier…

– Mais c’est le Messie !

– C’est ce qu’il dit, lui… Mais est-ce que c’est vrai ? Ou bien ne délire-t-il pas ?

– Mais sa sainteté, nazaréens ! Sa sainteté ! »

Judas est scandalisé par l’incrédulité des nazaréens.

« Elle est grande, c’est vrai. Mais de là à être le Messie !… Et puis… pourquoi son langage est-il si dur ?

– Dur ? Non ! A moi, il ne semble pas dur. Mais plutôt – cela oui –, il est trop franc et trop intransigeant. Il ne laisse pas une faute cachée. Il n’hésite pas à dénoncer un abus… et cela déplaît. Il met le doigt juste sur la plaie, et cela fait mal. Mais c’est par sainteté. Ah, bien sûr ! Ce n’est que pour cela qu’il agit ainsi. Je lui ai dit plusieurs fois : “ Jésus, tu te fais du tort à toi-même. ” Mais il ne veut pas en convenir.

– Tu l’aimes beaucoup et, instruit comme tu l’es, tu pourrais le guider.

– Oh, instruit, non… Mais j’ai du sens pratique, cela oui. Du Temple, vous savez ? Je connais les usages. J’ai des amis. Le fils d’Hanne est pour moi comme un frère. Et même, si vous voulez quelque chose du Sanhédrin, dites-le, dites-le… Mais maintenant, laissez-moi porter l’eau à Marie qui m’attend pour le dîner.

– Reviens après. Sur ma terrasse, il fait frais. Nous serons entre amis et nous parlerons…

– Oui. Adieu. »

264.6

Judas rentre à la maison, où il s’excuse auprès de Marie d’avoir tardé parce qu’il a été retenu par le chef de la synagogue et des anciens du village. Et il achève :

« Ils voudraient que je parle au prochain sabbat… Le Maître ne me l’a pas ordonné. Mais toi, qu’en dis tu, Mère ? Guide-moi.

– Parler au chef de la synagogue… ou parler dans la syna­gogue ?

– L’un et l’autre. Moi, je ne voudrais parler avec personne ni à personne parce que je sais qu’ils sont opposés à Jésus, et aussi parce que parler là où lui seul a le droit d’être le Maître me paraît un sacrilège. Mais ils ont tant insisté ! Ils veulent me voir après le dîner… J’ai presque promis. Et si tu crois que je peux, par ma parole, leur enlever cet esprit de résistance au Maître qui est si pénible, j’irai et je parlerai, bien que cela me pèse. Comme je sais le faire, simplement, en cherchant à être très patient devant leur entêtement. Car j’ai bien compris que cela ne vaut rien d’être dur. Ah ! Je ne tomberai plus dans l’erreur que j’ai faite à Esdrelon ! Le Maître en a été tellement peiné ! Il ne m’a rien dit, mais j’ai compris. Je ne le ferai plus. Mais je voudrais quitter Nazareth après l’avoir persuadée que le Maître est le Messie et qu’il faut le croire et l’aimer. »

Judas parle, assis à table à la place de Jésus, tout en mangeant ce que Marie a préparé. Et cela me fait mal de voir Judas assis à cette place, en face de Marie qui l’écoute et le sert comme une mère.

Elle répond alors :

« Ce serait bien, en effet, que les nazaréens comprennent la vérité et l’acceptent. Je ne te retiens pas. Vas-y donc. Personne plus que toi ne peut dire si Jésus mérite l’amour. Pense combien il t’aime et te le montre en t’excusant toujours et en te satisfaisant dès qu’il le peut… Que cette pensée te donne une conduite et des mots saints. »

Le dîner est vite terminé. Judas va arroser les fleurs du jardin avant que la lumière ne baisse trop, puis il sort, laissant Marie sur la terrasse, occupée à plier le linge qu’elle avait mis à sécher.

264.7

Après avoir salué Alphée, fils de Sarah, et Marie, femme de Cléophas, qui parlent ensemble à la porte de la maison d’Alphée, Judas va directement à la maison du chef de la synagogue. Il y trouve aussi les deux cousins du Seigneur, ainsi que six autres anciens.

Après des salutations cérémonieuses, tous s’assoient gravement sur des sièges garnis de coussins et ils se rafraîchissent en buvant des boissons à l’anis ou à la menthe. Elles doivent être bien fraîches, car le broc de métal est couvert de buée à cause de la différence de température entre le liquide glacé et l’air encore chaud, malgré la brise qui agite le sommet des arbres en venant des collines au nord de Nazareth.

« Je suis heureux que tu aies accepté de venir. Tu es jeune. Un peu de distraction fait du bien, dit le chef de la synagogue, qui est plein d’égards pour Judas.

– Je craignais d’être importun en venant plus tôt. Je vous sais dédaigneux à l’égard de Jésus et de ceux qui le suivent…

– Dédaigneux ? Non, incrédules… et blessés par ses… admettons-le, ses vérités trop crues. Nous croyions que tu nous dédaignais et c’est pourquoi nous ne t’invitions pas.

– Vous dédaigner, moi ? Bien au contraire ! Je vous comprends très bien… Eh oui ! Mais je suis convaincu que la paix finira par se faire entre lui et vous. A lui, cela lui convient toujours et de même à vous. A lui, parce qu’il a besoin de tout le monde, et à vous parce qu’il ne vous convient pas de prendre le nom d’ennemis du Messie.

– Tu crois réellement qu’il l’est ? » demande Joseph, fils d’Alphée. « il n’y a en lui rien de la figure royale prophétisée. C’est peut-être parce que nous nous souvenons qu’il était menuisier… Mais… Où est en lui le roi libérateur ?

– David aussi ne semblait être qu’un pastoureau. Mais vous voyez qu’il n’y a pas eu de roi plus grand que David. Salomon lui-même, dans sa gloire, ne l’a pas égalé. Car, enfin, Salomon n’a fait que continuer David, et il n’a jamais été inspiré comme lui. Tandis que David ! Considérez donc la figure de David ! Elle est gigantesque, d’une royauté qui déjà effleure le Ciel. Ne vous basez donc pas sur les origines du Christ pour douter de sa royauté. David fut roi et berger, ou plutôt berger puis roi. Jésus est roi et menuisier ou plutôt menuisier puis roi.

264.8

– Tu parles comme un rabbi. On sent en toi un homme qui a reçu l’éducation du Temple » dit le chef de la synagogue. « Et pourrais-tu faire savoir au Sanhédrin que moi, le chef de la synagogue, j’ai besoin de l’aide du Temple pour une cause particulière ?

– Mais oui, bien sûr ! Avec Eléazar ! Imagine ! Et puis Joseph l’Ancien, tu sais ? Le riche d’Arimathie. Et puis le scribe Sadoq… et puis… Ah ! Tu n’as qu’à parler !

– Alors, demain, sois mon hôte. Nous parlerons.

– Ton hôte ? Non. Je n’abandonne pas cette femme sainte et affligée qu’est Marie. Je suis venu exprès pour lui tenir compagnie…

– Qu’a donc notre parente ? Nous savons qu’elle est en bonne santé et heureuse malgré sa pauvreté, dit Simon, fils d’Alphée.

– Oui, et nous ne l’abandonnons pas » ajoute en soupirant Joseph, fils d’Alphée. « Ma mère est toujours auprès d’elle, et moi aussi, de même que ma femme. Même si… même si je ne peux lui pardonner sa faiblesse envers son Fils et aussi la douleur de mon père qui, à cause de Jésus, est mort avec seulement deux de ses fils près de son lit. Et puis ! Et puis !… Mais on ne crie pas les ennuis de famille sur les toits !

– Tu as raison, reprend Judas, on en parle à voix basse et en secret, en les épanchant sur un cœur ami. Mais il en est ainsi de beaucoup de douleurs ! Moi aussi, j’ai les miennes, comme disciple… Mais n’en parlons pas !

– Parlons-en, au contraire ! Qu’y a-t-il ? Des ennuis pour Jésus ? Nous n’approuvons pas sa conduite. Mais nous sommes quand même parents. Et disposés à faire cause commune avec lui contre ses ennemis. Parle ! Dit encore Joseph.

– Des ennuis ? Oh non ! C’est une manière de dire… Et puis les souffrances d’un disciple sont si nombreuses ! Ce n’est pas seulement la douleur de voir la façon dont le Maître agit avec ses amis et ses ennemis, en se faisant tort à lui-même, mais aussi de voir qu’il n’est pas aimé. Je voudrais que vous l’aimiez tous…

– Mais comment faire ? Tu le dis toi-même ! Il a une façon d’agir… Il n’était pas comme cela avant de quitter sa Mère » dit en s’excusant le chef de la synagogue. « N’est-ce pas, vous tous ? »

Tous approuvent gravement en disant beaucoup de bien du Jésus silencieux, doux, réservé d’autrefois.

« Qui aurait pu penser qu’il aurait pu jaillir de lui un homme tel qu’il est maintenant ? Sa maison et ses parents, c’était tout pour lui. Et maintenant ? » dit un nazaréen très âgé.

Judas soupire :

« Pauvre femme !

– Mais, enfin, que sais-tu ? Parle ! S’écrie Joseph.

– Mais rien que tu ne saches. Crois-tu qu’il soit doux pour elle d’être abandonnée ?

– Si Joseph avait vécu longtemps comme votre père, cela ne serait pas arrivé, dit sentencieusement un autre nazaréen, très âgé lui aussi.

– Ne pense pas cela, homme. Il en aurait été de même. Quand on est pris par certaines… idées ! » répond Judas.

264.9

Un serviteur apporte des lampes et les pose sur la table, car c’est une nuit sans lune, bien que le ciel scintille d’étoiles. Et, avec la lumière, on apporte d’autres boissons que le chef de la syna­gogue veut aussitôt offrir à Judas.

« Merci. Je ne reste pas plus longtemps. J’ai des devoirs à l’égard de Marie » dit Judas en se levant.

Les deux fils d’Alphée se lèvent aussi en disant :

« Nous t’accompagnons, c’est le même chemin… »

Après de grandes salutations, l’assemblée se sépare, le chef de la synagogue restant avec les six anciens.

Les rues sont désormais désertes et silencieuses. Des ter­rasses des maisons parviennent les chuchotements à voix basse des adultes. Les enfants dorment déjà dans leurs petits lits, de sorte qu’on n’entend plus leurs trilles d’oiseaux joyeux. Avec les voix, les lueurs des lampes à huile arrivent des terrasses des maisons les plus riches.

Les deux fils d’Alphée et Judas marchent pendant quelques mètres en silence, puis Joseph s’arrête et prend Judas par le bras pour lui dire :

« Ecoute. J’ai compris que tu sais quelque chose, mais que tu n’as pas voulu parler en présence d’étrangers. Mais maintenant, avec moi, tu dois parler. Je suis l’aîné de la maison et j’ai le droit et le devoir de tout savoir.

– Et moi, je suis venu ici dans l’intention de vous le dire et de protéger le Maître, Marie, vos frères et votre réputation. C’est quelque chose de bien pénible à dire et à entendre, et il me coûte de le faire, car cela paraît de la délation. Mais je vous prie de bien me comprendre. Il ne s’agit pas de ça. Ce n’est qu’amour et sagesse. Je sais beaucoup de choses que vous aussi n’ignorez pas, du reste. Je les tiens de mes amis du Temple. Et je sais qu’elles sont dangereuses pour Jésus et aussi pour le bon renom de la famille. J’ai essayé de le faire comprendre au Maître, mais je n’y suis pas parvenu. Au contraire : plus je le conseille et pire est sa conduite, s’attirant toujours plus de critiques et de haine. Cela parce qu’il est tellement saint qu’il ne peut comprendre ce qu’est le monde. Mais enfin, c’est bien triste de voir périr une chose sainte par l’imprudence de son fondateur.

– Mais, enfin, qu’y a-t-il ? Dis tout. Et nous pourvoirons. N’est-ce pas, Simon ? dit Joseph, fils d’Alphée.

– Certainement. Mais il me paraît impossible que Jésus fasse des choses imprudentes et contre sa mission…

– Mais si ce brave jeune homme, qui pourtant aime Jésus, le dit ! Tu vois comme tu es ? Tu es toujours comme ça : incertain, hésitant. Tu me laisses toujours seul au bon moment : moi, contre toute la parenté. Tu n’as même pas pitié de notre réputation et de notre pauvre frère qui se ruine !

– Non ! Se ruiner, non ! Mais il se cause du tort, voilà.

– Parle, parle ! Insiste Joseph, alors que Simon, perplexe, garde le silence.

– Je vous parlerais bien… mais je voudrais être sûr que vous ne prononcerez pas mon nom devant Jésus… Jurez-le, reprend Judas.

– Sur le saint Voile, nous le jurons. Parle.

– Et ce que je vais vous dire, ne le dites pas même à votre mère et encore moins à vos frères.

– Tu peux être sûr de notre silence.

– Et vous tairez-vous avec Marie ? Pour ne pas lui faire de peine. Comme moi je le fais, en silence, c’est un devoir de veiller aussi à la paix de cette pauvre Mère…

– Nous nous tairons avec tout le monde. Nous te le jurons.

264.10

– Alors, écoutez… Jésus ne se borne plus à fréquenter les païens, les publicains et les courtisanes, à offenser les pharisiens et les autres grands. Mais il fait maintenant des choses vraiment absurdes. Imaginez-vous qu’il est allé au pays des philistins et qu’il nous y a fait voyager en amenant avec nous un bouc tout noir. Et maintenant il a pris un philistin au nombre des disciples. Et auparavant, cet enfant qu’il a recueilli ? Vous ne savez pas quels commentaires il y a eu ? Et il y a quelques jours, justement, une grecque, une esclave échappée à son maître romain. Et puis des discours qui heurtent la sagesse. En somme, il semble fou et il se fait du tort. Au pays des philistins, il s’est même fourré dans une cérémonie de sorciers, en entrant directement en compétition avec eux. Il en a triomphé, mais… Déjà les scribes et les pharisiens le détestent. Mais si tout cela arrive à leurs oreilles, que va-t-il se passer ? Vous avez le devoir d’intervenir, d’empêcher…

– Ceci est grave, très grave. Mais comment pouvions-nous le savoir ? Nous sommes ici… et même maintenant, comment pourrons-nous savoir ?

– c’est pourtant à vous qu’il appartient d’intervenir et de l’empêcher. Sa Mère est mère, et elle est trop bonne. Vous ne devez pas l’abandonner comme cela. Ni pour lui, ni pour le monde. Et puis cet entêtement à chasser les démons… Il circule une rumeur selon laquelle il est aidé par Belzébuth. Rendez-vous compte si cela peut lui être utile ! Et puis ! Quel roi pourra-t-il donc devenir si les foules, dès maintenant, se gaussent de lui ou sont scandalisées ?

– Mais… il fait réellement tout cela ? demande Simon, incrédule.

– Vous n’avez qu’à le lui demander. Il vous dira que oui, car il va jusqu’à s’en vanter.

– Tu devrais nous avertir…

– Bien entendu, je le ferai ! Quand j’aurai vu quelque chose de nouveau, je vous en aviserai. Mais, je vous en prie : silence, maintenant et toujours avec tout le monde !

– Nous l’avons juré. Quand pars-tu ?

– Après le sabbat. Désormais, je n’ai plus de raisons de rester ici. J’ai fait mon devoir.

– Et nous t’en remercions. Ah ! Je le disais bien, qu’il avait changé ! Toi, mon frère, tu ne voulais pas me croire… Tu vois que j’ai raison ? dit Joseph.

– Moi… moi, j’hésite encore à le croire. Enfin, Jude et Jacques ne sont pas des imbéciles. Pourquoi ne nous ont-ils rien dit ? Pourquoi ne sont-ils pas vigilants si ces choses arrivent réellement ? répond Simon.

– Homme, tu ne me feras pas l’affront de ne pas croire à mes paroles ? réplique Judas, vixé.

– Non !… mais… Cela suffit. Pardonne-moi si je te dis : je croirai quand j’aurai vu.

– C’est bien. Tu verras bientôt et tu devras me dire : “ Tu avais raison. ”

264.11

Eh bien, nous voici chez vous. Je vous quitte. Que Dieu soit avec vous.

– Que Dieu soit avec toi, Judas. Et… écoute. Toi aussi, n’en parle pas à d’autres. Il y va de notre honneur…

– Je ne le dirai pas même à l’air. Adieu. »

D’un pas leste, il rentre à la maison et monte sur la terrasse où Marie, les mains sur les genoux, contemple le ciel qui fourmille d’étoiles et, à la lueur de la petite lampe que Judas a allumée pour monter l’escalier, on voit deux stries de larmes qui brillent sur les joues de Marie.

« Pourquoi pleures-tu, Mère ? demande Judas avec une attention anxieuse.

– Parce qu’il me semble que le monde fourmille de pièges, plus que le ciel d’étoiles. Des pièges pour mon Jésus… »

Judas la fixe des yeux, attentif et troublé.

Mais elle ajoute doucement :

« Mais je suis réconfortée par l’amour des disciples… Aimez-le bien fort, mon Jésus… aimez-le… Tu veux rester, Judas ? Moi, je descends dans ma chambre. Marie, femme de Cléophas, s’est déjà couchée après avoir préparé le levain pour demain.

– Oui, je reste. On est bien ici.

– Que la paix soit avec toi, Judas.

– Que la paix soit avec toi, Marie. »

264.1

La casa di Nazaret sarebbe la più indicata alle elevazioni dello spirito. In essa pace, silenzio, ordine. La santità pare trasudi dalle pietre di essa, si esali dalle piante dell’orto, piova dal cielo sereno che le fa da cupola celeste. In realtà emana da Colei che l’abita e che si muove lesta e silenziosa con le sue movenze giovanili intatte, il passo leggero che aveva quando vi entrò sposa e lo stesso sorriso mite che placa e accarezza.

Il sole, in quest’ora mattutina, investe la casa sul lato destro, quello che si appoggia alla prima ondulazione del colle, e solo le cime degli alberi ne beneficiano, per primi gli ulivi messi a fare da presa alla terra del balzo con le loro radici, i superstiti, contorti, poderosi ulivi dalle rame più grosse tutte alzate al cielo come invocassero la sua benedizione o pregassero essi pure da quel luogo di pace, i superstiti ulivi dell’uliveto di Gioacchino, un tempo numeroso di piante che proseguivano la loro passeggiata di pellegrini oranti fino ai campi lontani dove l’uliveto e i campi finivano in pascoli, ora ridotti a poche piante rimaste nel confine della mutilata proprietà di Gioacchino. Poi ne beneficiano il mandorlo e i meli, alti e potenti, che aprono sul brolo l’ombrello dei loro rami; terzo ne beve i raggi il melograno; ultimo il fico contro la casa, quando già il sole carezza i fiori e le verdure ben curati nelle aiuole rettangolari e lungo le siepi disposte sotto la pergola carica di grappoli.

Le api ronzano, gocce d’oro volanti su tutto quanto può dar loro succhi dolci e profumati. Vi è un piccolo tralcio di caprifoglio che ne è preso di assalto, e così una siepe di fiori a forma di campanule messe a pannocchia, di cui ignoro il nome, che stanno chiudendosi — devono essere fiori notturni — dal profumo intensissimo. Le api si affrettano a suggerli, questi fiori, prima che essi pieghino i petali nel sonno della corolla.

264.2

Maria va lesta dai nidi dei colombi alla piccola fontana che cola presso la grotticella, da questa alla casa, nelle sue faccende, e pur nel suo lavoro trova modo di ammirare i fiori o i colombi che minuettano per i sentieri o fanno un girotondo di voli sopra la casa e l’orto.

Rientra Giuda Iscariota, carico di piante e talee. «Ti saluto, Madre. Mi hanno dato tutto quanto volevo. Ho fatto una corsa perché non soffrano. Ma io spero attecchiranno come il caprifoglio. L’anno che viene avrai il giardino simile ad un canestro fiorito. E così ti ricorderai del povero Giuda e della sua sosta qui», dice estraendo con cura da una borsa delle piante colla loro radice avvolta in terra e in foglie umide e, da un’altra borsa, delle talee.

«Io ti ringrazio, Giuda. Proprio tanto. Non puoi credere come io sia felice di avere quel caprifoglio presso la grotticella. Da piccola, là in fondo a quei campi, allora nostri, ce ne era una ancor più bella, ed edere e caprifogli la vestivano di rami e fiori, facendole da cortina e da riparo ai gigli minuscoli che crescevano fin dentro alla grotta tutta verde del ricamo sottile dei capelvenere. Perché là era proprio una sorgiva… Nel Tempio io pensavo sempre a quella grotta e, te lo dico, quando pregavo davanti al Velo del Santo, io vergine del Tempio, non sentivo Dio in maniera maggiore. Anzi devo dire che là risognavo i dolci colloqui dello spirito mio col mio Signore… Il mio Giuseppe mi fece trovare questa, con un filo d’acqua per utile, ma più per darmi la gioia di una grotticella copiata su quella… Era buono Giuseppe, fino nelle più minute cose… E ci aveva messo un caprifoglio, e l’edera che vive ancora, mentre il primo è morto negli anni di esilio… Poi ce lo aveva ripiantato. Ma è morto tre anni or sono. Ora tu lo hai rimesso. Ha attecchito, vedi? Sei molto bravo come giardiniere».

«Sì. Quando ero fanciullo amavo tanto le piante, e la mamma mi insegnava a curarle… Ora torno fanciullo al tuo fianco, Madre, e ritrovo la passata capacità. Per farti piacere. Sei tanto buona con me!…», risponde Giuda, lavorando da esperto a collocare le sue piante nei posti più adatti. E va a porre, presso la siepe dei fiori notturni, dei grovigli di radici che non so se siano di mughetti o di altri fiori. «Qui ci stanno bene», dice ribattendo con uno zappetto la terra sulle radici sepolte. «Non vogliono molto sole. Non me li voleva dare il servo di Eleazar. Ma ho tanto insistito che me li ha dati».

«Anche quei gelsomini d’India non li volevano dare a Giuseppe. Ma egli fece dei lavori senza mercede per procurarmeli. Hanno prosperato sempre più».

«Ecco fatto, Madre. Ora li innaffio e tutto andrà bene». Innaffia e poi si lava le mani alla fonte.

264.3

Maria lo guarda, così diverso da suo Figlio e anche così diverso dal Giuda di certe ore di burrasca, lo scruta, pensa, gli va vicino e, posandogli una mano sul braccio, gli chiede dolcemente: «Stai meglio, Giuda? Nel tuo spirito, voglio dire».

«Oh! Madre! Tanto meglio! Sono in pace. E tu lo vedi. Trovo gusto e salvezza nelle cose umili e nello stare con te. Non dovrei mai uscire da questa pace, da questo raccoglimento. Qui… come è lontano il mondo da questa casa!…». E Giuda guarda l’orto, le piante, la casetta… Termina: «Ma, se stessi qui, non sarei mai l’apostolo. Ed io lo voglio essere…».

«Per quanto, credilo, meglio ti sarebbe essere un’anima giusta ad un ingiusto apostolo. Se tu comprendi che il contatto col mondo ti turba, se tu comprendi che le lodi e gli onori dell’apostolo ti fanno male, rinuncia, Giuda. Meglio per te essere un semplice fedele nel mio Gesù, ma un fedele santo, ad un apostolo peccatore».

Giuda china il capo pensieroso. Maria lo lascia alle sue meditazioni ed entra in casa, alle sue faccende.

Giuda sta fermo qualche tempo, poi passeggia su e giù sotto la pergola. Ha le braccia conserte, il capo chino. Pensa, pensa e passa a monologare e gestire da sé… Un monologo incomprensibile. Ma i gesti sono di chi è in un gran contrasto di idee. Sembra che supplichi e che respinga, o si compianga, o maledica qualcosa, passando da un’espressione interrogativa ad una spaurita, angosciata, fino a prendere il viso dei momenti peggiori, col quale si ferma di botto a metà sentiero rimanendo così qualche tempo, con un viso da vero demonio… E poi si porta le mani al viso e fugge sul balzo degli ulivi, fuor della vista di Maria, e piange col viso celato fra le mani, finché si calma e resta seduto colla schiena appoggiata a un ulivo, come sbalordito…

264.4

…E non è più mattina, ma è la fine di un tramonto potente.

Nazaret apre le porte delle sue case, chiuse per tutto il giorno al feroce calore estivo del giorno, e giorno d’oriente per giunta. E donne, uomini, bambini escono negli orti o per le vie ancora calde ma non più assolate, in cerca d’aria, alla fonte, ai giuochi, alle loro conversazioni… in attesa della cena. Gran saluti, chiacchiericcio, risate e gridi, rispettivamente fra uomini, donne e bambini.

Anche Giuda esce e si avvia alla fonte con le brocche di rame. È visto e indicato dai nazareni col nomignolo di «il discepolo del Tempio». Cosa che, giungendo alle orecchie di Giuda, suona come una musica. Egli passa salutando con affabilità, ma anche con un che di riserbo, che se non è ancora sussiego superbo è molto prossimo parente di questo.

«Sei molto buono con Maria, Giuda», gli dice un nazareno barbuto.

«Ella merita questo ed altro. È veramente una grande donna di Israele. Voi felici che vi è concittadina».

La lode alla donna di Nazaret seduce molto i nazareni, i quali si ripetono l’un l’altro ciò che Giuda ha detto.

Questo, intanto, giunto alla fonte, attende il suo turno e spinge la sua cortesia a portare le brocche ad una vecchierella, che non finisce di benedirlo, e a prendere l’acqua per due donne impicciate a farlo per un poppante che hanno fra le braccia.

Socchiudendo il loro velo esse mormorano: «Dio te ne compensi».

«L’amore di prossimo è il primo dovere di un amico di Gesù», risponde con un inchino l’Iscariota. E si empie le sue brocche tornando poi verso casa.

264.5

Lo fermano, mentre torna a casa, il sinagogo di Nazaret con altri invitandolo a parlare il sabato prossimo. «Sono più di due settimane che sei con noi e non hai fatto altra lezione che quella di una grande cortesia per noi tutti», si lamenta il sinagogo che è con altri anziani del paese.

«Ma se vi è non gradevole il parlare del vostro maggior figlio, può mai esservi gradevole il mio di suo discepolo, e giudeo per giunta?», risponde Giuda.

«Il tuo sospetto è ingiusto e ci addolora. Noi siamo schietti nell’invito. Tu sei discepolo e giudeo. È vero. Ma tu sei del Tempio. Perciò puoi parlare. Perché nel Tempio è dottrina. Il figlio di Giuseppe è solo un legnaiuolo…».

«Ma è il Messia!».

«Lo dice Lui… Sarà poi vero? Oppure sarà un suo delirio?».

«Ma la sua santità, nazareni! La sua santità!». Giuda è scandalizzato dall’incredulità dei nazareni.

«È grande. Ciò è vero. Ma da questo a essere il Messia!… E poi… Perché ha un parlare così duro?».

«Duro? No! A me non sembra duro. Ma piuttosto, ecco, questo sì, è troppo sincero e intransigente. Non lascia coperta una colpa, non esita a denunciare un abuso… e ciò spiace. Mette il dito proprio al centro delle piaghe. E ciò fa male. Ma è per santità. Oh! certo! Per questa sola che fa così. Io gliel’ho detto più volte: “Gesù, tu ti nuoci”. Ma non vuole darmi retta!…».

«Tu lo ami molto e, dotto come sei, potresti guidarlo».

«Oh! dotto no… Ma pratico, questo sì. Del Tempio, sapete!?

So gli usi. Ho amici. Il figlio di Anna è come un fratello per me. Anzi, se volete cose dal Sinedrio, dite, dite… Ma ora lasciatemi portare l’acqua a Maria, che mi aspetta per la cena».

«Torna dopo. Sulla mia terrazza c’è fresco. Staremo fra amici e parleremo…».

«Sì. Addio».

264.6

E Giuda va a casa, dove si scusa con Maria di aver tardato perché trattenuto dal sinagogo e dagli anziani del paese. E termina: «Vorrebbero che io parlassi sabato… Il Maestro non me lo ha ordinato. Tu che ne dici, Madre? Guidami tu».

«Parlare al sinagogo… o parlare nella sinagoga?».

«L’uno e l’altro. Io non vorrei parlare con nessuno e a nessuno, perché so che sono contrari a Gesù e anche perché parlare dove solo Lui ha diritto di essere Maestro mi pare sacrilegio. Ma hanno tanto insistito! Mi vogliono dopo cena… Ho quasi promesso. E se tu credi che io possa, parlando, levare a loro quello spirito di resistenza al Maestro che è così penoso, io, per quanto mi sia grave, andrò e parlerò. Così come so fare, alla buona, cercando di essere molto longanime per le loro caparbietà. Perché ho proprio capito che ad essere duri è peggio. Eh! non incorrerò più nell’errore fatto a Esdrelon! Il Maestro se ne è tanto dispiaciuto! Non mi ha detto nulla, ma l’ho capito. Non lo farò più. Ma vorrei lasciare Nazaret dopo averla persuasa che il Maestro è il Messia e va creduto e amato».

Giuda parla mentre, seduto a tavola al posto di Gesù, mangia ciò che Maria ha preparato. E mi fa male vedere Giuda seduto a quel posto, di fronte a Maria che lo ascolta e lo serve come una mamma.

Ora Ella risponde: «Sarebbe bene, infatti, che Nazaret comprendesse la verità e l’accettasse. Io non ti trattengo. Va’ pure. Nessuno più di te può dire se Gesù meriti amore. Pensa quanto ti ama, e te lo mostra scusandoti sempre e accontendandoti sol che possa… Questa riflessione ti dia parole e atti santi».

La cena è presto finita. Giuda va ad innaffiare i fiori dell’orto prima che la luce si infoschi troppo, e poi esce, lasciando Maria sulla terrazza intenta a ripiegare i panni che aveva steso ad asciugare.

264.7

E Giuda, dopo aver salutato Alfeo di Sara e Maria Cleofe, che parlano insieme sulla porta della casa di quello[1], va diretto alla casa del sinagogo. Sono presenti anche i due cugini del Signore oltre ad altri sei anziani.

Dopo i pomposi saluti, si siedono tutti gravemente su sedili ornati di cuscini e frescheggiano bevendo acque anisate o alla menta, che devono essere belle fresche, perché la brocca di metallo suda nel divario fra il liquido gelido e l’aria ancora calda, nonostante la brezza che agita le cime degli alberi venendo dai colli a settentrione di Nazaret.

«Sono contento che tu abbia accettato di venire. Sei giovane. Un poco di svago fa bene», dice il sinagogo che è pieno di riguardi per Giuda.

«Temevo di importunare venendo prima. Vi so disdegnosi per Gesù e i suoi seguaci…».

«Sdegnosi? No. Increduli… e feriti dalle sue… ammettiamolo pure, verità troppo crude. Noi credevamo che tu ci sdegnassi e non ti invitavamo per questo».

«Sdegnarvi io? Ma anzi! Vi capisco, molto bene… Eh! già! Ma sono convinto che la pace fra voi e Lui finirà a farsi. A Lui conviene sempre e così a voi. A Lui perché ha bisogno di tutti, e a voi perché non vi merita prendere nome di nemici del Messia».

«E tu lo credi proprio tale?», chiede Giuseppe d’Alfeo. «In Lui non è nulla della figura regale che ci è stata profetizzata. Forse sarà perché noi lo ricordiamo falegname… Ma… Dove è in Lui il re liberatore?».

«Anche Davide non pareva che un pastorello. Ma voi vedete che non vi fu re più grande di Davide. Neppure Salomone nella sua gloria è da tanto. Perché, infine, Salomone non fece che continuare Davide, e non fu mai ispirato come lui. Mentre Davide! Ma considerate la figura di Davide! È gigantesca! Di una regalità che sfiora già il Cielo. Non giudicate perciò le origini del Cristo per dubitare della sua regalità. Davide re e pastore. O meglio, pastore e poi re. Gesù re e falegname. O meglio, falegname e poi re».

264.8

«Tu parli come un rabbi. Si sente in te l’educato nel Tempio», dice il sinagogo. «E potresti fare sapere al Sinedrio che io, il sinagogo, ho bisogno di aiuti del Tempio per una causa privata?».

«Ma certo! Ma sicuro! Con Eleazzaro! Figurati! E poi Giuseppe l’Anziano, sai?, il ricco di Arimatea. E poi lo scriba Sadoc… e poi… oh! non hai che parlare!».

«Allora domani sii mio ospite. Parleremo».

«Ospite? No. Non abbandono quella santa e afflitta donna di Maria. Sono venuto apposta per farle compagnia…».

«Che ha la parente nostra? La sappiamo sana e, nella sua povertà, felice», dice Simone di Alfeo.

«Sì. E noi non la abbandoniamo. Mia madre le è sempre vicina. E anche io e mia moglie. Per quanto… Per quanto io non le possa perdonare la sua debolezza verso il Figlio. E anche il dolore di mio padre, che per causa di Gesù morì con due soli figli presso il suo letto. E poi! E poi!… Ma affanno di parentela non si bandisce dall’alto dei tetti!», sospira Giuseppe d’Alfeo.

«Hai ragione. Si sussurra in fonda cantina, versandolo in un cuore amico. Ma così è di molti dolori! Anche io ho i miei, di discepolo… Ma non ne parliamo!».

«Parliamone anzi. Che c’è? Del brutto per Gesù? Non approviamo la sua condotta. Ma siamo sempre parenti. E pronti a far causa con Lui contro i nemici. Parla!», dice ancora Giuseppe.

«Del brutto? Noh! Dicevo così per dire… E poi i dolori del discepolo sono tanti! Non è soltanto dolore per il modo come il Maestro usa con amici e nemici, danneggiandosi, ma anche il vedere che non è amato. Io vorrei che voi tutti lo amaste…».

«Ma come si fa? Tu lo dici! Ha un modo di fare… Non era così prima di lasciare la Madre», si scusa il sinagogo. «Non è vero, voi tutti?».

Tutti approvano gravemente dicendo un gran bene del Gesù silenzioso, mite, ritirato di un tempo.

«Chi pensava potesse scaturire da quello uno quale è ora? Tutto casa e parenti. E ora?», dice un nazareno molto anziano.

Giuda sospira: «Povera donna!».

«Ma insomma, che sai? Parla», grida Giuseppe.

«Ma nulla di più di quanto tu non sappia. Credi che sia dolce per Lei essere abbandonata?».

«Se Giuseppe fosse campato come vostro padre, ciò non sarebbe avvenuto», sentenzia un altro nazareno molto vecchio lui pure.

«Non te lo pensare, uomo. Sarebbe stato lo stesso. Quando prendono certe… idee!», dice Giuda.

264.9

Un servo porta delle lucerne e le posa sul tavolo, perché la notte è senza luna per quanto il cielo sia tutto un brillio di stelle. E col lume vengono portate altre bevande, che il sinagogo vuole offrire subito a Giuda.

«Grazie. Non mi trattengo oltre. Ho dei doveri verso Maria», dice alzandosi.

Anche i due figli di Alfeo si alzano dicendo: «Veniamo con te. È la stessa via…», e con grandi saluti l’adunanza si divide, rimanendo col sinagogo i sei anziani.

Le vie sono ormai deserte e silenziose. Dall’alto delle case scendono parlottii sommessi di voci gravi. I bambini dormono già nei loro lettini e mancano perciò i loro trilli di uccellini allegri. Con le voci, dall’alto delle case più ricche, scendono piccoli bagliori di lumi ad olio.

I due figli di Alfeo e Giuda camminano per qualche metro in silenzio, poi Giuseppe si ferma prendendo per un braccio Giuda e dice: «Senti. Ho compreso che tu sai qualche cosa ma che non hai voluto parlare in presenza di estranei. Ma ora con me devi parlare. Io sono l’anziano della casa e ho il diritto e il dovere di sapere tutto».

«E io sono venuto qui nell’intento di dirvelo e di tutelare il Maestro, Maria, i vostri fratelli e il vostro nome. È una cosa molto penosa a dirsi e ad udirsi. Penosissima a farsi. Perché sembra una spiata. Ma vi prego di capirmi bene. Tale non è. È solo amore ed è saggezza. Io so molte cose, che voi pure non ignorate del resto. Le so dai miei amici del Tempio. E so che sono un pericolo per Gesù e anche per il buon nome della famiglia. Io ho cercato di farlo capire al Maestro. Ma non ci sono riuscito. Anzi! Più io lo consiglio e più Lui fa peggio, facendosi criticare e odiare sempre più. Ciò perché Lui è tanto santo che non può capire cosa è il mondo. Ma insomma è triste cosa vedere perire una cosa santa per l’imprudenza del fondatore».

«Ma insomma, cosa c’è? Di’ tutto. E noi provvederemo. Non è vero, Simone?».

«Certamente. Ma mi pare impossibile che Gesù faccia cose imprudenti e contro la sua missione…».

«Ma se questo bravo giovane, che pure ama Gesù, lo dice!?

Vedi tu come sei? Sempre così! Incerto. Titubante. Mi lasci sempre solo al momento buono. Io contro tutta la parentela. Non hai neppure pietà del nostro nome e del povero fratello nostro che si rovina!».

«No! Rovinarsi no! Ma si menoma, ecco».

«Parla, parla!», insiste Giuseppe, mentre Simone tace perplesso.

«Io parlerei… Ma vorrei essere sicuro che voi non mi nominerete con Gesù… Giuratelo».

«Sul santo Velo lo giuriamo. Parla».

«E neppure a vostra madre, e tanto meno ai fratelli dovete dire quanto vi dico».

«Sta’ certo del silenzio».

«E tacerete con Maria? Per non darle dolore. Come io faccio, in silenzio, è dovere di provvedere anche per la pace di questa povera madre…».

«Taceremo con tutti. Te lo giuriamo».

264.10

«Allora sentite… Gesù non si limita più ad avvicinare gentili, pubblicani e meretrici, a offendere i farisei e gli altri grandi. Ma fa ora proprio delle cose assurde. Pensate che fu in terra filistea e ci fece peregrinare portandosi dietro un caprone tutto nero. Poi ora si è messo un filisteo fra i discepoli. E prima quel bambino che ha raccolto? Non sapete che commenti ci furono? E proprio pochi giorni fa una greca, e schiava, e fuggita al padrone romano. E poi discorsi che sono discordi alla sapienza ben nota. Insomma sembra folle. E si danneggia. In Filistea si è anche intrufolato in una cerimonia di stregoni, mettendosi a tu per tu in gara con essi. Li ha vinti, ma… Già scribi e farisei lo odiano. Ma se vengono al loro orecchio queste cose, che succede? Voi avete il dovere di intervenire, di impedire…».

«Ciò è grave. Molto grave. Ma come potevamo saperlo? Noi siamo qui… E anche ora, come potremo sapere?».

«Eppure tocca a voi intervenire e impedire. La Madre è madre, ed è troppo buona. Voi non lo dovete abbandonare così. Né per Lui né per il mondo. Anche questo continuare a cacciare i demoni… Circola voce che Egli sia servito da Belzebù. Vedete voi se ciò gli può giovare. E poi! Ma che re potrà mai divenire se le turbe ridono già da ora o sono scandalizzate?».

«Ma… le fa proprio queste cose?», chiede incredulo Simone.

«Domandatelo a Lui stesso. Vi dirà che sì. Perché, anzi, se ne vanta».

«Tu ci dovresti avvisare…».

«Sì che lo farò! Quando vedessi qualcosa di nuovo, vi manderò un avviso. Ma mi raccomando! Silenzio ora e sempre con tutti!».

«Lo abbiamo giurato. Quando parti?».

«Dopo il sabato. Ormai non c’è più scopo a stare qui. Ho fatto il mio dovere».

«E noi te ne ringraziamo. Eh! io lo dicevo che Lui era mutato! Tu, fratello, non mi volevi credere… Lo vedi se ho ragione?», dice Giuseppe d’Alfeo.

«Io… io stento a crederlo ancora. Giuda e Giacomo, infine, non sono degli stolti. Perché non ci hanno detto nulla? Perché non provvedono, se queste cose avvengono proprio?», dice Simone d’Alfeo.

«Uomo, non mi farai il disonore di non credere alle mie parole?!», scatta risentito Giuda.

«No!… ma… Basta. Perdona se ti dico: crederò quando vedrò».

«Va bene. Presto vedrai e dovrai dirmi: “Avevi ragione”.

264.11

Ebbene. Eccoci alla vostra casa. Io vi lascio. Dio sia con voi».

«Dio sia con te, Giuda. E… senti. Tu pure non parlare con altri di questo. Per il nostro onore…».

«Non lo dirò neppure all’aria. Addio».

E se ne va lesto, rientrando tranquillo in casa e salendo sul terrazzo, dove Maria con le mani in grembo contempla il cielo gremito d’astri, e al lumicino della lampadetta che Giuda ha acceso per salire la scala si vedono due righe di pianto luccicare sulle gote di Maria.

«Perché piangi, Madre?», chiede con premura ansiosa Giuda.

«Perché mi pare che il mondo sia gremito di insidie più che il cielo di stelle. Insidie per il mio Gesù…».

Giuda la fissa attento e turbato.

Ma Lei termina soave: «Ma mi rincuora l’amore dei discepoli… Amatelo tanto il mio Gesù… amatelo… Vuoi rimanere, Giuda? Io scendo nella mia camera. Già Maria Cleofe si è coricata dopo avere preparato il lievito per domani».

«Sì. Io resto. Si sta bene qui».

«La pace sia con te, Giuda».

«La pace sia con te, Maria».


Note

  1. quello (cioè Alfeo di Sara), invece di quest’ultimo (che non potrebbe certo riferirsi a Maria Cleofe), è correzione nostra.