Je te retrouve enfin, mon doux Evangile, sainte suite de mon Maître sur les routes de Palestine ! Après avoir obéi en tous points, je te reprends. Ou, plus exactement : tu me reprends.
Je ne sais si certains réfléchissent à la leçon, muette mais très formatrice, que nous donne le Seigneur par ses silences, causés par trois raisons différentes : 1° La pitié devant la faiblesse de son porte-parole malade, et parfois vraiment mourant ; 2° La punition du silence à l’égard de ceux qui se comportent mal envers son don ; 3° La leçon qu’il me fait — et c’est d’elle que je veux parler — du devoir d’obéir toujours, même s’il s’agit d’une obéissance qui peut nous paraître inférieure au travail que nous devons interrompre pour elle.
Ah ! il n’est pas facile d’être une “ voix ” ! Sa vie est un exercice permanent de vigilance et d’obéissance. Et Jésus, lui qui est le Maître du monde, ne se permet pas de demander à son instrument de transgresser un acte d’obéissance qu’il est en train d’accomplir, quand cela vient d’une personne qui a autorité pour le lui ordonner.
Or ces jours-ci, je dois, par obéissance, accomplir des choses que le P. Migliorini m’avait enjoint de faire. C’était plutôt bureaucratique et ennuyeux. Mais Jésus n’est jamais intervenu, car je devais obéir, exactement et totalement, comme l’a dit Azarias, hier,[1] dans son explication de la messe.
Mais maintenant que tout est terminé, je peux te contempler, mon Seigneur : tu dévales des chemins escarpés vers une vallée fertile, laissant derrière toi le château de Béther, encore lumineux dans le jour qui meurt là-haut, au sommet de sa colline fleurie… Tu quittes l’amour des femmes disciples, des petits, des humbles, et tu descends vers les routes qui mènent à Jérusalem, vers le monde… vers le bas… Si elles sont plus obscures que les sommets, ce n’est pas seulement parce qu’il s’agit de “ vallées ” — que le soleil, la lumière ont donc fuies depuis longtemps —, mais surtout parce que, en bas, dans le monde, ce sont l’embuscade, la haine, tant de maux qui t’attendent, mon Seigneur…