The Writings of Maria Valtorta

403. La leçon du silence.

403. The lesson of silence. Simon of Jonah

403.1

Je te retrouve enfin, mon doux Evangile, sainte suite de mon Maître sur les routes de Palestine ! Après avoir obéi en tous points, je te reprends. Ou, plus exactement : tu me reprends.

Je ne sais si certains réfléchissent à la leçon, muette mais très formatrice, que nous donne le Seigneur par ses silences, causés par trois raisons différentes : 1° La pitié devant la faiblesse de son porte-parole malade, et parfois vraiment mourant ; 2° La punition du silence à l’égard de ceux qui se comportent mal envers son don ; 3° La leçon qu’il me fait — et c’est d’elle que je veux parler — du devoir d’obéir toujours, même s’il s’agit d’une obéissance qui peut nous paraître inférieure au travail que nous devons interrompre pour elle.

Ah ! il n’est pas facile d’être une “ voix ” ! Sa vie est un exercice permanent de vigilance et d’obéissance. Et Jésus, lui qui est le Maître du monde, ne se permet pas de demander à son instrument de transgresser un acte d’obéissance qu’il est en train d’accomplir, quand cela vient d’une personne qui a autorité pour le lui ordonner.

Or ces jours-ci, je dois, par obéissance, accomplir des choses que le P. Migliorini m’avait enjoint de faire. C’était plutôt bureaucratique et ennuyeux. Mais Jésus n’est jamais intervenu, car je devais obéir, exactement et totalement, comme l’a dit Azarias, hier,[1] dans son explication de la messe.

Mais maintenant que tout est terminé, je peux te contempler, mon Seigneur : tu dévales des chemins escarpés vers une vallée fertile, laissant derrière toi le château de Béther, encore lumineux dans le jour qui meurt là-haut, au sommet de sa colline fleurie… Tu quittes l’amour des femmes disciples, des petits, des humbles, et tu descends vers les routes qui mènent à Jérusalem, vers le monde… vers le bas… Si elles sont plus obscures que les sommets, ce n’est pas seulement parce qu’il s’agit de “ vallées ” — que le soleil, la lumière ont donc fuies depuis longtemps —, mais surtout parce que, en bas, dans le monde, ce sont l’embuscade, la haine, tant de maux qui t’attendent, mon Seigneur…

403.2

Jésus marche en tête. Forme blanche et silencieuse, il garde sa majesté même en parcourant les raidillons malaisés et irréguliers qu’il a pris pour raccourcir le chemin. Dans cette descente, son long vêtement, son large manteau, balaient la pente et Jésus paraît déjà enveloppé du manteau royal qui fait une traîne derrière ses pas.

Derrière lui, moins majestueux mais tout aussi muets, les apôtres suivent… Judas, l’air sombre, enlaidi par son dépit, vient en dernier, à quelque distance. Parfois les plus simples — André, Thomas — se retournent pour le regarder et André lui dit même :

« Pourquoi restes-tu seul, si loin en arrière ? Tu te sens mal ? »

Cela provoque une brutale repartie : « Occupe-toi de tes affaires… ! » qui stupéfie André, d’autant plus qu’elle est accompagnée d’une épithète grossière.

Pierre est le deuxième de la file des apôtres, derrière Jacques, fils d’Alphée, qui suit immédiatement le Maître. Or, dans le grand silence du soir dans les montagnes, Pierre a entendu. Il se retourne brusquement, et est un instant sur le point de passer rejoindre Judas à l’arrière. Puis il s’arrête, réfléchit un moment, et court vers Jésus. Il le saisit rudement par un bras et le secoue en disant, sur un ton angoissé :

« Maître, tu m’assures qu’il en est bien comme tu l’as dit l’autre soir ? Que les sacrifices et les prières obtiennent toujours un résultat, même si on a l’impression qu’ils ne servent à rien ?… »

Jésus, doux, triste, pâle, regarde son Simon, qui fait un tel effort pour ne pas réagir tout de suite à l’insulte qu’il en transpire, en est tout rouge, tremblant même. Il lui fait peut-être mal tant il lui serre le bras. Mais le Seigneur répond avec un sourire paisible et attristé :

« Ils ne restent jamais sans récompense. Sois-en certain. »

403.3

Pierre le quitte et s’en va, non pas à sa place, mais sur la pente de la montagne au milieu des arbres, où il se défoule en brisant arbustes et remures avec une violence qui était dirigée contre une autre cible, mais qui se décharge ici sur les branchages. Certains lui demandent :

« Que fais-tu donc ? Tu es fou ? »

Pierre ne répond pas : il casse, casse, casse. Il se fait dépasser par tous les apôtres, par Judas… et il n’arrête pas ses destructions. Il semble travailler à la pièce tant il y met d’entrain. A ses pieds, il a tout un fagot qui suffirait à rôtir un veau. Il s’en charge péniblement et se met à rejoindre ses compagnons. Je ne sais comment il fait, ainsi empêtré par son manteau, son fardeau, la besace, sur ce sentier malaisé. Mais il marche tout courbé, comme sous un joug…

Judas rit en le voyant arriver :

« On dirait un esclave ! »

Pierre a du mal à détourner la tête de dessous le joug et il est sur le point de rétorquer, mais il se tait, serre les dents et poursuit son chemin.

« Je vais t’aider, mon frère, dit André.

– Non.

– Mais pour un agneau, cela fait trop de bois » constate Jacques, fils de Zébédée.

Pierre ne répond pas. Il avance, ainsi chargé et n’en peut plus, semble-t-il, mais il tient bon.

403.4

Enfin presque au bas de la descente, Jésus s’arrête près d’une grotte, et tous avec lui.

« Nous allons rester ici pour repartir au point du jour » ordonne le Maître. « Préparez le dîner. »

Alors Pierre jette son chargement à terre et s’assied dessus, sans expliquer à personne la raison de sa grande fatigue. Il y a du bois partout.

Mais pendant que l’un va ici, l’autre là pour prendre de l’eau pour boire, ou va nettoyer le sol de la grotte et laver l’agneau avant de le rôtir, Pierre reste seul avec son Maître. Jésus, debout, pose la main sur la tête grisonnante de son honnête Simon et la caresse…

Alors Pierre prend cette main et la baise. Il la serre contre sa joue et la baise de nouveau, la caresse… Une goutte tombe sur la main blanche, qui n’est pas de la sueur de son rude et honnête apôtre, mais une larme silencieuse d’amour et de peine, de victoire après l’effort. Jésus se penche et l’embrasse :

« Merci, Simon ! »

Voilà : Pierre n’est sûrement pas un bel homme, mais quand il renverse la tête en arrière pour regarder son Jésus qui l’a embrassé et remercié, — car lui, lui seul a compris —, la vénération, la joie le rendent beau…

C’est sur cette transformation que la vision cesse pour moi.

403.1

And I am resuming, at long last, to write about you, O sweet Gospel, following my Master holily along the roads of Palestine! I resume you after fulfilling all my tasks in obedience to the orders. It would be better to say: «You resume me.»

I do not know whether anyone ponders on the mute, but so instructive lesson that the Lord gives through His silence, brought about by three different reasons:

First, pity for the weakness of His sick mouthpiece who at times is almost dying; Second, silence as a punishment for those who do not conform properly to His gift; Third, the lesson that He gives me, and of which I wish to speak, of our duty to always obey, even if obedience may seem inferior to the work we have to interrupt in order to obey.

Oh! it is not easy to be a «mouthpiece»! One lives in continuous vigilance and obedience. And Jesus, Who is the Master of the world, does not take the liberty of allowing His instrument to disobey an order, when obedience is exacted by a person authorised to do so.

During the past days I had to obey the orders given to me by Father Migliorini. They were bureaucratic matters and thus rather boring. But Jesus never interfered because I had to obey. And my obedience was to be precise and complete, as Azariah said yesterday[1] explaining Holy Mass.

But now, as I have done everything, I can contemplate You, my Lord, while You descend the steep path towards the fertile valley, leaving behind the castle of Bether, still bright in the dying day, up there, on the flowery hill… leaving there the love of the women disciples, of the little ones, of the humble people, descending towards the roads that take to Jerusalem, towards the world, towards the lower part… And it is darker there not only because it is a «valley» and thus sunshine and light are no longer there, but above all because down there, in the world, there are snares, bitter hatred, so much evil waiting for You, my Lord…

403.2

Jesus is ahead of them all: a white silent figure, walking stately also while descending uncomfortable abrupt paths, taken to shorten the journey. In the descent His long tunic and wide mantle trail on the ground and Jesus seems already wrapped in a royal mantle with a train behind His steps.

Behind Him, not so majestic, but equally silent, are the apostles… Judas, a little more distant, is last: he looks ugly in his rage. Now and again the more simple ones: Andrew, Thomas, turn around and look at him, and Andrew says to him: «Why are you remaining all alone, so far behind? Are you not feeling well?». His question brings about a sharp reply: «Mind your own business» that surprises Andrew, also because it is followed by a rude epithet.

Peter is second in the line of the apostles, behind James of Alphaeus, who is immediately behind the Master. And Peter hears the rude reply, in the deep silence of the evening. And he turns around abruptly and is about to go back towards Judas. But he stops. He is pensive for a moment, then runs towards Jesus, He takes Him brusquely by the arm and shakes Him saying eagerly: «Master, can You assure me that what You told me the other evening is really true? That sacrifices and prayers never lack success, even if they seem to serve no purpose?…»

Jesus, meek, sad, pale, looks at His Simon who is perspiring in the effort not to react at once to the insult, and is purple and trembling, and perhaps is hurting Him as he is holding His arm so roughly, and He replies with a peaceful sad smile: «They are never without reward. You may rest assured.»

403.3

Peter leaves Him and goes away, not to his place, but to the slope of the mountain, among the trees and he gives vent to his feelings by breaking shrubs and young plants with a violence that was directed elsewhere but is discharged here on tree-trunks.

«What are you doing? Are you mad?» many ask him.

Peter does not reply. He goes on breaking. He lets all the apostles, including Judas, overtake him, while he breaks… and breaks. He is so fast that he seems to be on piece-work. At his feet there is a bundle of sticks that would suffice to roast a veal. He loads it on to his shoulder with some difficulty and he strives to reach his companions. I do not know how he can manage – hampered as he is by his mantle – the weight, his haversack and the uncomfortable path. But he proceeds with a stoop, as if he were under the yoke…

And Judas laughs seeing him and says: «You look like a slave!»

Peter looks up with difficulty from under the yoke and is about to say something. But he remains silent, he grinds his teeth and goes on.

«I will help you, brother» says Andrew.

«No.»

«But that wood is too much for a lamb» remarks James of Zebedee.

Peter does not reply. He proceeds. He must be exhausted. But he does not give up.

403.4

At last, at a grotto almost at the bottom of the descent, Jesus stops with all the apostles. «We are staying here, and we will leave at daybreak» orders the Master. «Prepare the supper.»

Peter then throws his load on the ground and sits on it, without explaining to anybody the reason for his great effort, while there is plenty of firewood about.

But when the apostles move around, some to get drinking water, some to clean the floor of the grotto, some to wash the lamb before cooking it, and Peter is left alone with his Master, Jesus, standing up, lays His hand on Simon’s grey-haired head, and caresses that honest head… Peter then clasps that hand and kisses it, he holds it against his cheek, kisses it again and caresses it… A drop falls on the white hand, a drop which is not perspiration of the coarse honest apostle, but a silent tear of love and suffering, of victory after the struggle. And Jesus bends and kisses him saying: «Thank you, Simon!»

Peter is certainly not a handsome man. But when he throws back his head to look at his Jesus Who has kissed him and thanked him, because He only has understood, veneration and joy do make him handsome…

And the vision ends on this transformation.


Notes

  1. comme l’a dit Azarias hier, dans l’un des commentaires des messes festives qui font partie du “Livre d’Azarias”.

Notes

  1. as Azariah said yesterday, in one of the comments to the festive Masses, that belong to the “Book of Azariah”.