Jésus loge chez l’humble famille du cordier, dans une maisonnette basse, proche du rivage d’où viennent des effluves saumâtres. A l’arrière s’élèvent des magasins, aux émanations peu agréables, où l’on décharge les marchandises avant qu’elles ne soient enlevées par les différents acquéreurs. Devant, une rue poussiéreuse est sillonnée par de lourds véhicules, bruyante à cause des débardeurs, des gamins, des charretiers, des marins qui vont et viennent sans arrêt. De l’autre côté de la rue, il y a une petite darse dont l’eau dormante est rendue huileuse par les détritus qu’on y jette. Il en part un petit port canal qui débouche dans un vrai port vaste et capable de recevoir les gros navires.
Du côté ouest, se trouve une esplanade sableuse où l’on fabrique des cordages au milieu d’un grincement de treuils de torsion manœuvrés à la main. Du côté est, sur une autre place beaucoup plus petite, encore plus bruyante et désordonnée, des hommes et des femmes réparent des filets et des voiles. Il y a enfin des cabanes basses aux relents infects, remplies de garçonnets à demi nus.
On ne peut sûrement pas dire que Jésus ait choisi un logement riche. Des mouches, de la poussière, du bruit, une odeur de mare stagnante, de chanvre en train de rouir, sont les maîtres de cet endroit. Et le Roi des rois, étendu avec ses apôtres sur des tas de chanvre brut, dort dans ce pauvre local, moitié débarras, moitié magasin, qui se trouve à l’arrière de la maisonnette. De là, on entre par une porte noire comme du goudron dans la cuisine, noire elle aussi. Par une porte vermoulue, rongée par la vieillesse et le sel qui lui donnent une couleur blanc-gris de pierre ponce, on sort sur la place où l’on fabrique les filins et d’où provient la senteur fétide du chanvre soumis au rouissage.