Los Escritos de Maria Valtorta

426. Avec les Romaines à Césarée Maritime.

426. Con las romanas en Cesarea Marítima.

426.1

Jésus loge chez l’humble famille du cordier, dans une maisonnette basse, proche du rivage d’où viennent des effluves sau­mâtres. A l’arrière s’élèvent des magasins, aux émanations peu agréables, où l’on décharge les marchandises avant qu’elles ne soient enlevées par les différents acquéreurs. Devant, une rue poussiéreuse est sillonnée par de lourds véhicules, bruyante à cause des débardeurs, des gamins, des charretiers, des marins qui vont et viennent sans arrêt. De l’autre côté de la rue, il y a une petite darse dont l’eau dormante est rendue huileuse par les détritus qu’on y jette. Il en part un petit port canal qui débouche dans un vrai port vaste et capable de recevoir les gros navires.

Du côté ouest, se trouve une esplanade sableuse où l’on fabrique des cordages au milieu d’un grincement de treuils de torsion manœuvrés à la main. Du côté est, sur une autre place beaucoup plus petite, encore plus bruyante et désordonnée, des hommes et des femmes réparent des filets et des voiles. Il y a enfin des cabanes basses aux relents infects, remplies de garçonnets à demi nus.

On ne peut sûrement pas dire que Jésus ait choisi un logement riche. Des mouches, de la poussière, du bruit, une odeur de mare stagnante, de chanvre en train de rouir, sont les maîtres de cet endroit. Et le Roi des rois, étendu avec ses apôtres sur des tas de chanvre brut, dort dans ce pauvre local, moitié débarras, moitié magasin, qui se trouve à l’arrière de la maisonnette. De là, on entre par une porte noire comme du goudron dans la cuisine, noire elle aussi. Par une porte vermoulue, rongée par la vieillesse et le sel qui lui donnent une couleur blanc-gris de pierre ponce, on sort sur la place où l’on fabrique les filins et d’où provient la senteur fétide du chanvre soumis au rouissage.

426.2

Le soleil tape dur sur cette place, malgré quatre énormes platanes — deux à chaque bout de la place rectangulaire — sous lesquels se trouvent les treuils qui servent à tordre le chanvre. Je ne sais si je m’explique bien pour nommer l’outillage. Les hommes, couverts d’une tunique vraiment réduite à l’essentiel pour préserver la décence, trempés de sueur comme s’ils étaient sous une douche, ne cessent de tourner leurs treuils auxquels ils impriment un mouvement continu tels des forçats condamnés aux galères… Ils ne parlent que pour se dire les mots indispensables à leur travail. On n’entend donc rien d’autre, sur la place, que le grincement des roues des treuils et de celui du chanvre étiré par la torsion. Cela forme un étrange contraste avec le charivari des autres lieux qui entourent la maison du cordier.

Aussi est-elle surprenante, comme impensable, cette exclamation de l’un des cordiers :

« Des femmes ? A cette heure épouvantable ? ! Regardez ! Elles viennent justement ici…

– Elles doivent avoir besoin de cordes pour attacher leurs maris…, plaisante un jeune homme.

– Ou pour des travaux.

– Hum ! de notre chanvre si grossier alors que d’autres le fournissent tout peigné ?

– Le nôtre coûte moins cher. Tu vois ? Elles sont pauvres…

– Elles ne sont pourtant pas d’ici. Regarde leurs manteaus différent…

– Elles ne sont peut-être pas juives. Il y a un peu de tout, maintenant, à Césarée…

– Peut-être cherchent-elles le Rabbi. Il est possible qu’elles soient malades… Vise un peu comme elles sont toutes couvertes, même par cette chaleur …

– Pourvu qu’elles ne soient pas lépreuses… La misère oui, mais pas la lèpre ! Je n’en veux pas, même par résignation envers Dieu, dit le maître cordier.

– Mais tu as entendu le Maître : “ Il faut accepter tout ce que Dieu envoie. ”

– La lèpre, ce n’est pas Dieu qui l’envoie. Ce sont les péchés, les vices et les contagions… »

Les femmes sont arrivées par derrière, non pas dans le dos de ceux qui parlent et qui sont tout au bout de la place, mais de ceux qui sont du côté de la maison, les plus proches à rejoindre. L’une d’elles se penche pour dire quelque chose à un cordier, qui se retourne, l’air étonné, et reste comme hébété.

« Allons un peu écouter… Ainsi couvertes… Mais il ne me manquerait plus que d’avoir la lèpre à la maison, avec tous les enfants que j’ai !… » dit le maître cordier en arrêtant le mouvement des treuils et en se mettant en route.

Ses compagnons le suivent…

« Simon, cette femme veut quelque chose, mais elle parle une langue étrangère. Ecoute un peu, toi qui as navigué, dit celui auquel s’était adressée la femme.

– Que veux-tu ? » demande rudement le cordier en cherchant à la voir à travers le voile sombre qui lui descend sur le visage.

Et, dans un grec très pur, la femme répond :

« Le Roi d’Israël. Le Maître.

– Ah ! j’ai compris. Mais… vous êtes lépreuses ?

– Non.

– Qui me le prouve ?

– Lui-même. Demande-le-lui. »

L’homme hésite… Puis il reprend :

« Bien. Je ferai un acte de foi, et Dieu me protégera… Je vais l’appeler. Restez ici. »

Les quatre femmes ne bougent pas. Elles forment un groupe grisâtre et muet, que regardent avec étonnement et une crainte manifeste les cordiers, qui se sont rassemblés à quelques pas de distance.

426.3

L’homme entre dans le magasin et touche Jésus, qui dort.

« Maître… Viens dehors. On te cherche. »

Jésus s’éveille et se lève aussitôt en demandant :

« Qui ?

– Je ne sais pas !… Des femmes grecques… toutes couvertes… Elles disent qu’elles ne sont pas lépreuses et que tu peux me le certifier…

– Je viens tout de suite, dit Jésus en laçant ses sandales, qu’il avait enlevées, et le col de son vêtement, et en renouant sa ceinture qu’il avait défaite afin d’être plus libre pour dormir.

Il sort avec le cordier. Les femmes esquissent le geste d’aller à sa rencontre.

« Restez là, vous dis-je ! Je ne veux pas que vous marchiez là où jouent mes enfants… je veux qu’il m’assure d’abord que vous êtes saines. »

Les femmes s’arrêtent, et Jésus les rejoint. La plus grande, pas celle qui a parlé en grec un instant plus tôt, dit un mot à mi-voix. Jésus se tourne vers le cordier :

« Simon, tu peux être tranquille. Les femmes sont en bonne santé, et j’ai besoin de les écouter en paix. Puis-je entrer dans la maison ?

– Non : la vieille est curieuse et plus bavarde qu’une pie. Va là-bas, au fond, sous le hangar des bassins. Il y a une petite pièce où tu seras seul et tranquille.

426.4

– Venez… » dit Jésus aux femmes.

Et il se dirige avec elles au fond de la place, sous le hangar qui empeste, dans une pièce étroite comme une cellule, où se trouvent des outils cassés, des chiffons, des déchets de chanvre, d’énormes araignées, et où l’odeur de rouissage et de moisi est si forte qu’elle prend à la gorge. Jésus, qui est très sérieux et très pâle, dit avec un léger sourire :

« Ce n’est pas un endroit qui flatte vos goûts… Mais je n’en ai pas d’autre…

– Nous ne faisons pas attention au lieu, parce que nous regardons Celui qui l’habite en ce moment, répond Plautina en enlevant son voile et son manteau, imitée par les autres, qui sont Lydia, Valéria, et l’affranchie Albula Domitilla.

– J’en conclus que, malgré tout, vous croyez encore que je suis un juste.

– Plus qu’un juste. Claudia nous envoie précisément parce qu’elle croit que tu l’es et qu’elle ne tient pas compte de ce qu’elle a entendu. Cependant elle veut que tu le confirmes pour redoubler la vénération qu’elle te porte.

– Ou me la retirer si je lui apparais tel qu’on a voulu me faire voir. Mais rassurez-la : je n’ai aucune visée humaine. Mon ministère et mon désir sont uniquement et totalement surnaturels. Oui, je veux réunir tous les hommes en un royaume unique. Mais quelle partie des hommes ? La chair et le sang ? Non. Je laisse cette matière instable aux monarchies instables, aux empires incertains. Je ne veux réunir sous mon sceptre que les âmes des hommes, les âmes immortelles dans un royaume immortel. Je récuse toute interprétation de ma volonté différente de celle-là, proposée par qui que ce soit. Et je vous prie de croire et de dire à celle qui vous envoie que la Vérité ne tient qu’un langage…

– Ton apôtre parlait avec tant d’assurance…

– C’est un enfant exalté. Il faut le prendre pour ce qu’il est.

– Mais il te cause du tort ! Réprimande-le… Chasse-le…

– Et où serait ma miséricorde, dans ce cas ? C’est un amour erroné qui le pousse à agir ainsi. Ne dois-je donc pas en avoir pitié ? D’ailleurs, qu’est-ce que cela changerait si je le chassais ? Il ferait deux fois plus de mal, à lui et à moi.

– Alors, il est pour toi comme un boulet au pied !…

– Il est pour moi comme un malheureux à racheter… »

426.5

Plautina tombe à genoux en tendant les bras :

« Ah ! Maître, grand plus que tout autre, comme il est facile de croire que tu es saint quand on sent ton cœur habiter tes mots ! Comme il est facile de t’aimer et de te suivre en raison de ta charité, qui est encore plus immense que ton intelligence !

– Pas plus immense, mais plus compréhensible pour vous… dont l’intelligence est entravée par trop d’erreurs, et qui n’êtes pas assez généreuses pour vous dépouiller de tout afin d’accueillir le Vrai.

– Tu as raison. Tu n’es pas seulement sage, tu es devin.

– La sagesse, étant une forme de sainteté, éclaire toujours le jugement, que cela concerne les événements passés ou présents, ou l’annonce des événements futurs.

– C’est pour cela que vos prophètes…

– …étaient des saints. C’est pourquoi Dieu se communiquait à eux avec une grande plénitude.

– Etaient-ils saints parce qu’ils appartenaient à Israël ?

– Ils étaient saints parce qu’ils appartenaient à Israël, et parce que leurs actions étaient justes. Car ce n’est pas le peuple juif tout entier qui est et a été saint, bien qu’il soit Israël. Ce n’est pas l’appartenance fortuite à un peuple ou à une religion qui peut rendre saint. Ces deux principes peuvent être d’une grande aide, mais elles ne sont pas le facteur absolu de la sainteté.

– Quel est ce facteur, alors ?

– La volonté de l’homme : la volonté qui mène les actions de l’homme à la sainteté si elle est bonne, à la perversion si elle est mauvaise.

– Dans ce cas… il n’est pas dit qu’il n’y ait pas de justes parmi nous.

– Exactement. Au contraire, même : il y a sûrement des justes parmi vos ancêtres comme parmi les vivants. Car il serait trop horrible que tout le monde païen appartienne aux démons. Ceux d’entre vous qui sentent une attirance vers le bien, vers la vérité, et de la répugnance pour le vice et qui fuient les mauvaises actions comme avilissantes pour l’homme, croyez bien qu’ils sont déjà sur le sentier de la justice.

– Alors, Claudia…

– Oui. Et vous aussi. Persévérez.

– Mais si nous devions mourir avant d’être… converties à toi ?.. A quoi servirait-il d’avoir été vertueuses ?..

– Les jugements de Dieu sont justes. Mais pourquoi hésiter à venir au Dieu vrai ? »

Les trois femmes baissent la tête… Un silence s’établit… puis vient le grand aveu, celui qui donnera l’explication de tant de cruautés et de résistances romaines envers le christianisme… :

« Parce que nous aurions l’impression, en le faisant, de trahir notre patrie…

– Vous la serviriez, au contraire, en la rendant moralement et spirituellement plus forte par la possession et la protection de Dieu, en plus de son armée et de ses richesses. Rome, la Ville mondiale, la Ville de la religion universelle !… Pensez… »

Un silence… Puis Livia dit, en rougissant comme une flamme :

426.6

« Maître, il y a quelque temps, nous te cherchions aussi dans les pages de notre Virgile. Pour nous, en effet, les… prophéties de ceux qui sont vierges de toute la foi d’Israël, ont plus de valeur que celles de vos prophètes, chez qui on pourrait sentir l’influence de croyances millénaires… Et entre nous, on discute… En confrontant ceux qui, en tout temps, en toute nation et religion, t’ont pressenti. Mais personne ne l’a fait aussi justement que notre Virgile… Comme nous en avons parlé ce jour-là, même avec Diomède, l’affranchi grec — un astrologue cher à Claudia — ! Lui soutenait que cela arrivait parce que les temps étaient plus proches et que les astres parlaient par leurs conjonctions… Et à l’appui de sa thèse, il apportait le fait des trois Sages des trois pays d’Orient, venus pour t’adorer enfant, en provoquant le massacre qui a horrifié Rome… Mais nous n’avons pas été convaincues parce que… pendant plus de cinquante ans, aucun des sages du monde entier n’a plus parlé de toi en invoquant les astres, bien qu’ils soient plus proches encore de ta manifestation actuelle. Claudia s’est écriée : “ Il nous faudrait le Maître ! Lui nous donnerait la parole de vérité, et nous saurions le lieu et le destin immortel de notre plus grand poète ! ” Voudrais-tu nous dire… pour Claudia… Ce serait un cadeau pour nous montrer que tu ne la déconsidères pas pour avoir douté de toi.

– J’ai compris sa réaction de romaine et je ne lui en ai pas gardé rancune. Rassurez-la, et écoutez. Virgile n’a pas été grand uniquement comme poète, n’est-ce pas ?

– Oh ! non ! Comme homme aussi. Au milieu d’une société déjà corrompue et vicieuse, il fut lumineux de pureté spirituelle. Personne ne peut dire l’avoir vu être luxurieux, amateur d’orgies et de débauches. Ses écrits sont chastes, mais plus chaste fut son cœur. C’est au point que, là où il habitait le plus souvent, on l’appelait “ la jeune fille ”, les vicieux par mépris, les bons par vénération.

– Et Dieu n’aurait pu se refléter dans l’âme limpide d’un homme chaste, même si cet homme était païen ? La Vertu parfaite n’aurait pas aimé l’homme vertueux ? Et si l’amour et la vue du Vrai lui ont été accordés à cause de la pure beauté de son âme, ne pourra-t-il pas avoir eu un éclair prophétique ? Or la prophétie n’est rien d’autre que la vérité qui se révèle à celui qui mérite de connaître le Vrai pour le récompenser et le pousser à une vertu toujours plus grande ?

– Alors… il t’a réellement prophétisé ?

– Son esprit enflammé de pureté et de génie s’est élevé jusqu’à la connaissance d’une page qui me concerne, et on peut le qualifier de poète païen et juste, un esprit prophétique et pré-chrétien récompensant ses vertus.

– Oh ! notre Virgile ! Et il sera récompensé ?

– J’ai dit : “ Dieu est juste. ” Mais vous, n’imitez pas le poète en vous arrêtant à ses limites. Allez de l’avant, car, à vous, la Vérité ne s’est pas manifestée par intuition ni partiellement, mais complètement, et elle vous a parlé.

– Merci, Maître…

426.7

Nous nous retirons. Claudia nous a dit de te demander si elle pouvait t’être utile dans une question morale, dit Plautina, sans donner suite à la remarque de Jésus.

– Et elle vous a recommandé de m’en parler, si je n’étais pas un usurpateur…

– Oh ! Maître ! Comment sais-tu cela ?

– Je suis plus grand que Virgile et que les prophètes…

– C’est vrai ! Tout est vrai ! Pouvons-nous te servir ?..

– Pour moi, je n’ai besoin que de foi et d’amour. Mais il y a une créature qui est en grand danger et dont l’âme sera tuée ce soir. Claudia pourrait la sauver.

– Ici ? Qui ? Une âme tuée ?

– Un de vos patriciens donne un festin et…

– Ah ! oui ! Ennius Cassius. Mon mari aussi est invité…, interrompt Livia.

– Tout comme le mien… Et nous aussi, en vérité. Mais puisque Claudia s’abstient d’y aller, nous ferons de même. Dans le cas où nous nous y serions rendues, nous avions décidé de nous retirer dès le repas fini… Car… Nos dîners finissent en orgies… que nous ne pouvons plus supporter… Et avec le dédain d’épouses négligées, nous y laissons nos maris…, dit Valéria avec sévérité.

– Pas avec dédain… Mais en ayant pitié de leur misère morale, corrige Jésus.

– C’est difficile, Maître. Nous savons ce qui s’y passe…

– Moi aussi, je sais tant de choses qui se passent dans les cœurs… et pourtant je pardonne…

– Toi, tu es saint…

– Vous devez le devenir. Parce que je le désire et que votre volonté vous aiguillonne…

– Maître !…

– Oui. Pouvez-vous dire que vous êtes heureuses comme avant de me connaître, heureuses d’un pauvre bonheur dégradant, sensuel de païennes qui ignorent qu’elles sont plus que de la chair, maintenant que vous connaissez un peu de sagesse ?…

– Non, Maître. Nous l’avouons. Nous sommes mécontentes, inquiètes, comme quelqu’un qui cherche un trésor et ne le trouve pas.

– Or il est devant vous ! Ce qui vous perturbe, c’est l’aspiration de votre esprit à la Lumière, et sa torture devant vos réticences… à donner à votre âme ce qu’elle vous réclame… »

426.8

Un silence… Puis de nouveau Plautina, sans poursuivre ce sujet, demande :

« Et que pourrait faire Claudia ?

– Sauver cette créature. C’est une enfant achetée pour la jouissance du romain, une vierge qui demain ne le sera plus.

– S’il l’a achetée… elle lui appartient.

– Ce n’est pas un meuble : à l’intérieur de la matière, il y a une âme…

– Maître… nos lois…

– Femmes : la Loi de Dieu !

– Claudia ne va pas à la fête…

– Je ne lui demande pas d’y aller. Je vous prie de lui dire : “ Le Maître, ayant la certitude que Claudia ne la trahira pas, demande son aide pour cette âme d’enfant ”…

– Nous le ferons, mais elle n’y pourra rien… Une esclave achetée est un objet dont on peut disposer…

– Le christianisme enseignera que l’esclave a une âme pareille à celle de César, meilleure dans la plupart des cas, et que cette âme appartient à Dieu, de sorte que celui qui la corrompt est maudit. »

Jésus est imposant en prononçant ces mots.

Les femmes en ressentent l’autorité et la sévérité. Elles s’inclinent sans faire d’objections, remettent leurs manteaux et leurs voiles, et disent :

« Nous le lui rapporterons. Salut, Maître.

– Adieu. »

Les femmes sortent sur la place toujours chaude. Mais Plautina se retourne et dit :

« Pour tout le monde, nous étions des grecques, c’est entendu ?

– D’accord. Soyez tranquilles. »

Jésus reste sous le portique bas et elles reprennent le chemin par lequel elles sont arrivées.

Les cordiers retournent à leur travail…

426.9

Jésus revient lentement au magasin. Il est pensif. Il ne s’allonge plus. Assis sur un tas de cordages enroulés, il prie intensément… Les onze continuent à dormir lourdement…

Un certain temps passe ainsi… une heure environ. Puis le cordier passe la tête et fait signe à Jésus de venir à la porte.

« C’est un esclave. Il te demande. »

L’esclave, un numide, attend dehors, sur la place encore ensoleillée. Il s’incline et, sans mot dire, il remet une tablette de cire. Jésus la lit et lui dit :

« Tu l’informeras que j’attendrai jusqu’à l’aube. Tu as compris ? »

L’homme acquiesce de la tête et, pour faire comprendre pourquoi il ne parle pas, il ouvre la bouche pour montrer que sa langue est coupée.

« Malheureux ! » dit Jésus en lui caressant la tête.

Deux larmes roulent sur les joues noires de l’esclave ; il saisit la main blanche de Jésus dans ses mains noires, si semblables à celles d’une grosse guenon, et il la passe sur son visage, la baise, la pose sur son cœur, puis il se jette à terre. Il prend le pied de Jésus et le met sur sa tête… Tout un langage de gestes exprime sa reconnaissance pour ce témoignage d’amour plein de pitié…

Jésus répète : “ Malheureux ! ”, mais ne le guérit pas.

L’esclave se relève et réclame la tablette de cire… Claudia ne veut pas laisser de traces de ses relations épistolaires… Jésus sourit et rend la tablette. Le numide part, et Jésus se dirige près du cordier.

« Je dois rester jusqu’à l’aube… Le permets-tu ? …

– Tout ce que tu veux. Je regrette d’être pauvre…

– J’apprécie que tu sois honnête.

– Qui étaient ces femmes ?

– Des étrangères qui avaient besoin de conseil.

– En bonne santé ?

– Comme toi et moi.

– Ah ! bien !…

426.10

voici tes apôtres. »

En effet, en se frottant les yeux, en s’étirant, dormant encore à moitié, les onze sortent du magasin et s’avancent vers le Maître.

« Maître… il faudra dîner si tu veux partir ce soir…, dit Pierre.

– Non. Je ne pars pas avant l’aube.

– Pourquoi ?

– Parce qu’on m’en a prié.

– Mais pourquoi ? Qui ? Il valait mieux marcher de nuit. C’est en ce moment la nouvelle lune…

– J’espère sauver quelqu’un… Et c’est plus lumineux que la lune, et plus rafraîchissant pour moi que la fraîcheur de la nuit. »

Pierre le tire à part.

« Qu’est-ce qui est arrivé ? Tu as vu les romaines ? Quelle est leur humeur ? Ce sont elles qui se convertissent ? Dis-le-moi… »

Jésus sourit :

« Si tu me laisses répondre, je te le dirai, homme trop curieux. Oui, j’ai vu les romaines. Elles ne s’acheminent que lentement vers la vérité, mais elles ne reviennent pas en arrière. C’est déjà beaucoup.

– Et… pour ce que disait Judas… qu’en est-il ?

– Elles continuent à me vénérer comme un sage.

– Mais… pour Judas ? Il n’est pas en cause ?…

– C’est moi qu’elles sont venues voir, pas lui…

– Mais alors, pourquoi a-t-il eu peur de les rencontrer ? Pourquoi ne voulait-il pas que tu viennes à Césarée ?

– Simon, ce n’est pas la première fois que Judas a d’étranges caprices…

– C’est vrai. Et… les romaines viennent cette nuit ?

– Elles sont déjà venues.

– Dans ce cas, pourquoi attendre l’aube ?

– Et pourquoi es-tu si inquisiteur ?

– Maître, sois gentil… Dis-le-moi…

– Oui, pour t’enlever tout doute… Tu as entendu toi aussi les conversations de ces trois romains…

– Oui. Les immondes ! Les porcs ! Les démons ! Mais, en quoi, cela nous concerne-t-il ?… Ah ! je comprends ! Les romaines se rendent au dîner, alors elles viennent demander pardon de prendre part à ces horreurs… Je m’étonne que tu acceptes.

– Je m’étonne que tu fasses des jugements téméraires !

– Pardonne-moi, Maître !

– Oui, mais sache que les romaines n’iront pas au dîner et que j’ai demandé à Claudia d’intervenir en faveur de cette fillette…

– Ah ! mais Claudia est impuissante ! La fillette est achetée par le romain, et il peut tout sur elle !

– En revanche, Claudia peut beaucoup sur le romain. Et elle m’a fait dire d’attendre jusqu’à l’aube avant de partir. Rien d’autre. Es-tu satisfait ?

– Oui, Maître. Mais, en attendant, tu ne t’es pas reposé… Viens, maintenant… Tu es si fatigué ! Je veillerai à ce qu’on te laisse en paix… Allons, viens… »

Et, tendrement tyrannique, il le tire, le pousse, l’oblige à s’allonger de nouveau…

426.11

Les heures passent. Le crépuscule descend, le travail cesse, les enfants dans les rues et sur les petites places crient plus fort, de même que les hirondelles dans le ciel. Puis les premières ombres descendent, les hirondelles rentrent dans leurs nids et les enfants vont au lit. Les bruits cessent l’un après l’autre jusqu’à ce qu’il ne reste plus que le léger clapotis de l’eau qui moutonne le long du canal et la rumeur des vagues sur le rivage. Les maisons se ferment — ces maisons de travailleurs fatigués —, et à l’intérieur, les lumières s’éteignent et le repos vient fermer tous les yeux, rendre les gens aveugles et muets… lointains… La lune se lève et ennoblit de ses rayons argentés jusqu’au miroir malpropre de la petite darse, qui ressemble maintenant à une plaque d’argent…

De nouveau, les apôtres dorment sur le chanvre… Jésus, assis sur l’un des treuils arrêtés, les mains sur la poitrine, prie, réfléchit, attend… Il ne perd pas de vue la rue qui vient de la ville.

La lune ne cesse de s’élever dans le ciel. Elle est au-dessus de sa tête. Le bruit de la mer s’accentue et les vagues exhalent une plus forte odeur. Le cône lumineux des rayons de la lune s’élargit davantage, il embrasse tout le miroir des eaux en face de Jésus, et ses rayons se perdent de plus en plus loin. C’est un vrai chemin de lumière qui semble venir des confins du monde vers Jésus, en remontant le canal, pour finir dans le bassin de la darse.

Et sur ce chemin s’avance une petite barque blanche. Elle progresse sans laisser de traces de son passage sur la voie liquide, qui se referme aussitôt… Elle remonte le canal… La voilà dans la darse silencieuse ; elle accoste, s’arrête. Trois ombres en descendent : un homme musclé, une femme, et entre les deux une mince silhouette. Ils se dirigent vers la maison du cordier.

426.12

Jésus se lève et va à leur rencontre.

« Paix à vous. Qui cherchez-vous ?

– Toi, Maître » dit Lydia en se découvrant et en avançant seule. Et elle poursuit : « Claudia t’a aidé, car c’était une chose juste et morale. Voici la fillette. Valéria la prendra d’ici quelque temps pour s’occuper de la petite Fausta. Mais elle te prie de la garder en attendant, ou plutôt de la confier à ta Mère ou à une mère de ta parenté. L’enfant est tout à fait païenne, et même plus que païenne. Le maître qui l’a élevée a mis en elle le néant absolu. Elle ne sait pas ce qu’est l’Olympe et encore moins toute autre croyance. Elle a seulement une terreur folle des hommes car, depuis quelques heures, la vie s’est découverte à elle tout entière, dans toute sa brutalité…

– Oh ! quelle triste parole ! Trop tard ?

– Pas physiquement… Mais il la préparait à son… disons : sacrilège. Et la jeune fille est épouvantée… Claudia a dû la laisser pendant tout le dîner près de ce satyre, en se réservant d’agir quand le vin l’aurait rendu incapable de réfléchir. Il n’est pas besoin que je te rappelle que, si l’homme est toujours lubrique quant à ses amours sensuels, il l’est au plus haut degré quand il est ivre… Mais c’est alors un jouet qu’une force peut contraindre et déposséder de son trésor. Et Claudia en a profité. Ennius désire retourner en Italie d’où il a été éloigné par disgrâce… Claudia le lui a promis en échange de la fillette. Ennius a mordu à l’hameçon… Mais demain, quand il sera dégrisé, il se révoltera, la recherchera, fera du vacarme. Il est vrai que, demain, Claudia trouvera moyen de le faire taire.

– Par la violence ? Non !

– Oh ! la violence, pour une bonne fin, c’est utile ! Mais elle n’en fera pas usage… Seulement Pilate, encore abruti par la quantité de vin qu’il a bu ce soir, va signer l’ordre pour Ennius d’aller rendre compte à Rome… Ah ! Ah !… Et il va partir par le premier bateau militaire. En attendant… il vaut mieux que la jeune fille soit au loin, de peur que Pilate ne regrette et n’annule son ordre… Il est si changeant ! Et il est bien que la petite oublie, si possible, les saletés humaines.

426.13

Ah ! Maître !… C’est à cause de cela que nous nous sommes rendues au dîner… Mais comment pouvions-nous aller à ces orgies, il y a seulement quelques mois, sans en éprouver la nausée ? Nous nous sommes enfuies dès notre but atteint… Là-bas, nos maris rivalisent encore avec les bêtes… Quelle écœurement, Maître !… Et nous devons les recevoir après que… après que…

– Soyez stoïque et patientes. C’est par l’exemple que vous rendrez meilleurs vos maris.

– Oh ! ce n’est pas possible !… Tu ne sais pas… »

La femme pleure, plus par dépit que par douleur. Jésus soupire.

Lydia reprend :

« Claudia t’envoie dire qu’elle a fait cela pour te montrer qu’elle te vénère comme l’unique homme qui mérite la vénération. Et elle me demande de t’informer qu’elle te rend grâce de lui avoir appris la valeur d’une âme et de la pureté. Elle s’en souviendra. Veux-tu voir la fillette ?

– Oui. Et qui est cet homme ?

– C’est le numide muet dont Claudia se sert pour les missions les plus secrètes. Il n’y a pas de danger de délation… Il n’a pas de langue… »

Jésus répète, comme dans l’après-midi : “ le malheureux ! ” mais, cette fois encore, il ne fait pas de miracle.

426.14

Lydia va prendre par la main l’adolescente et la traîne, pour ainsi dire, devant Jésus. Elle explique :

« Elle sait à peine quelques mots de latin et connaît encore moins la langue des juifs… C’est une petite bête sauvage… uniquement un objet de plaisir. »

Et à la fillette :

« N’aie pas peur. Dis-lui merci. C’est lui qui t’a sauvée. Agenouille-toi, baise ses pieds. Allons ! Ne tremble pas !… Pardonne, Maître ! Elle est terrorisée par les dernières caresses d’Ennius ivre…

– Pauvre petite ! » dit Jésus en posant sa main sur la tête voilée de la fillette. « Ne crains rien ! Je vais te conduire chez ma Mère, pour quelque temps, chez une maman, comprends-tu ? Et tu auras tout autour beaucoup de bons frères… Ne crains rien, ma fille ! »

Qu’y a-t-il dans la voix de Jésus et dans son regard ? Tout : la paix, la sécurité, la pureté, l’amour saint. La pauvrette le sent, elle rejette en arrière son manteau et sa capuche pour mieux le voir et, avec sa jolie silhouette mince de fillette qui arrive à peine au seuil de la puberté, presque encore une enfant, avec la beauté un peu immature de l’adolescence, l’air innocent, elle apparaît dans un vêtement trop grand pour elle…

« Elle était à moitié nue… J’ai mis dans le sac les premiers vêtements que j’ai trouvés et je les lui ai passés…, explique Lydia.

– C’est une enfant ! » dit avec pitié Jésus. Et, la prenant par la main, il lui demande : « Veux-tu venir sans peur avec moi ?

– Oui, patron.

– Non, pas patron. Dis-moi : Maître.

– Oui, Maître, dit avec plus d’assurance la fillette, et un timide sourire remplace l’expression craintive de son visage très blanc.

– Es-tu capable de faire un long chemin ?

– Oui, Maître.

– Ensuite tu te reposeras chez ma Mère, dans ma maison, en attendant Fausta… une enfant que tu aimeras beaucoup… Cela te plaît ?

– Oh ! oui !… »

l’adolescente lève avec assurance ses yeux clairs d’un gris bleu, très beau, entre ses cils d’or et elle ose demander :

« Fini, ce patron ? »

Un éclair de terreur trouble encore son regard.

« Jamais plus, lui promet Jésus en posant de nouveau sa main sur la chevelure touffue couleur de miel blond de la fillette.

– Adieu, Maître. Dans quelques jours, nous serons sur le lac, nous aussi. Peut-être nous verrons-nous encore. Prie pour les pauvres romaines.

– Adieu, Lydia. Dis à Claudia que ce sont les conquêtes auxquelles je prétends, pas à d’autres. Viens, mon enfant, nous allons partir tout de suite… »

Et, la tenant par la main, il se présente à la porte du magasin pour appeler les apôtres.

Pendant que la barque, sans laisser de traces de sa venue, retourne en pleine mer, Jésus et les apôtres, avec la fillette enveloppée dans son manteau au milieu du groupe, partent vers la campagne en empruntant des ruelles périphériques…

426.1

Jesús es huésped de la humilde familia del soguero. Una casita baja, y salitrosa por la proximidad de las aguas marinas. Detrás de la casa, unos almacenes poco fragantes, donde se descargan las mercancías antes de que los distintos compradores las retiren. Delante, un camino polvoriento, surcado por pesadas ruedas, rumoroso a causa de los descargadores, de los muchachos traviesos, de los carreteros, de los marineros que van y vienen ininterrumpidamente. Al otro lado del camino, una pequeña dársena, de agua oleaginosa por los detritos arrojados en ella y por su inmovilidad. De la dársena sale un pequeño puerto-canal, que desemboca en el verdadero, amplio puerto capaz de recibir naves grandes. Por la parte occidental, una plaza arenosa donde se fabrica la cuerda en medio de un fuerte rechinar de cabrestantes de torsión movidos a mano. En la parte oriental otra plaza, mucho más pequeña y aún más ruidosa y desordenada, donde hombres y mujeres apañan redes y velas. Luego casuchas bajas y salitrosas, llenas de críos semidesnudos.

Ciertamente no se puede decir que Jesús haya elegido un lugar señorial de alojamiento. Moscas, polvo, batahola, olor de agua detenida y cáñamo puesto a remojo antes de ser usado son los soberanos del lugar. Y el Rey de los reyes, echado con sus apóstoles encima de un montón de cáñamo sin elaborar, duerme, cansado, en ese pobre cuarto, medio trastero, medio almacén, que está en la parte de atrás de la casita y a través del cual se entra, por una puerta negra como el alquitrán, a la cocina, también negra, y, por una puerta carcomida y corroída por el polvo y el salitre, que le dan una tonalidad blanco-gris de pómez, se sale a la plaza donde se fabrica la cuerda y de donde llegan hedores de cañamo en maceración.

426.2

El Sol azota la plaza, a pesar de cuatro enormes plátanos, dos a un lado, dos al otro, de la plaza rectangular, bajo los cuales están los cabrestantes para retorcer el cánamo. No sé si digo la palabra correcta para nombrar la máquina que usan. Los hombres, cubiertos con una túnica reducida a lo esencial para tapar lo que la decencia impone, empapados de sudor como si estuvieran debajo de una ducha, dan vueltas y vueltas a su cabrestante, con movimiento continuo como galeotes condenados… No hablan sino para decir las indispensables palabras inherentes al trabajo. Por tanto, si se quita el chirrío de las ruedas de los cabrestantes y el del cañamo estirado en la torsión, no hay ningún otro ruido en la plaza, extraño contraste con el que hay en los otros lugares de alrededor de la casa del soguero.

Por eso sorprende, como cosa no pensada, la exclamación de uno de los sogueros: «¡¿Mujeres?! ¡¿A estas horas tremendas?! ¡Mirad! Vienen justamente hacia aquí…».

«Tendrán necesidad de cuerdas para atar a sus maridos…» dice bromeando un joven soguero.

«Pueden necesitar también cáñamo para labores».

«¡Mmm! ¿¡El nuestro, tan tosco como es, cuando hay quien le da espadillado?!».

«Cuesta menos el nuestro. ¿Ves? Son pobres…».

«Pero no son hebreas. Fíjate que el manto es distinto…».

«Serán no hebreas. En Cesarea ya hay un poco de todo…».

«Quizás buscan al Rabí. Estarán enfermas… Fíjate cómo están completamente tapadas a pesar de este calor…».

«Con tal de que no sean leprosas… Miseria sí, pero lepra no; no la quiero ni siquiera por resignación a Dios» dice el soguero al que todos obedecen.

«¿Pero oyes lo que dice el Maestro?: “Hay que aceptar todo lo que Dios manda”».

«Pero Dios no manda la lepra. La mandan los pecados, los vicios y los contagios…».

Las mujeres han llegado ya a las espaldas, no de estos que hablan, y que están en el lado opuesto de la plaza, sino de los que están en la parte de la casa — más próximos, por tanto, para llegar a ellos —, y una se inclina a decir algo a uno de los sogueros, el cual se vuelve, asombrado, y se queda donde está como atolondrado.

«Vamos un poco a oír qué dicen… Tan tapadas… ¡Lo único que me faltaría sería lepra en casa, con todos los hijos que tengo!…» dice el soguero patrón, dejando de mover el cabrestante y poniéndose en camino. Sus compañeros le siguen…

«Simón, esta mujer quiero algo, pero habla extranjero. Mira a ver tú, que has navegado» dice el hombre al que se ha dirigido la mujer.

«¿Qué quieres?» pregunta el rudo soguero, tratando de verla a través del lino cendalí teñido de obscuro que cubre su rostro.

Y en un griego purísimo la mujer responde: «El Rey de Israel. El Maestro».

«¡Ah! Comprendo. ¿Pero… sois leprosas?».

«No».

«¿Quién me lo asegura?».

«Él mismo. Pregúntale a Él».

El hombre duda… Luego dice: «Bien. Pondré un acto de fe y Dios me protegerá… Voy a llamarle. Quedaos ahí».

Las mujeres, cuatro, no se mueven: grupo ceniciento y mudo, mirado con estupor y con muy claro temor por parte de los sogueros, que se han agrupado a algunos pasos de distancia.

426.3

El hombre va al almacén y toca a Jesús, que duerme. «Maestro… Sal afuera. Te buscan».

Jesús se despierta y se alza enseguida, preguntando: «¿Quién?».

«¡Mmm!… Mujeres griegas… Tapadas completamente… Dicen que no son leprosas y que Tú me lo puedes asegurar…».

«Voy en seguida» dice Jesús. Se anuda las sandalias que se había quitado, se ata la túnica en la parte del cuello y se ciñe el cinturón (se le había quitado para estar más libre en el sueño). Y sale con el soguero.

Las mujeres hacen ademán de ir hacia Él. «¡Estad ahí, os digo! No quiero que caminéis por donde juegan mis hijos… Primero quiero que Él diga que estáis sanas». Las mujeres se paran.

Jesús se llega a ellas. La más alta, no la que ha hablado antes en griego, dice en voz baja una palabra. Jesús se vuelve al soguero: «Simón, puedes estar tranquilo. Las mujeres están sanas y necesito escucharlas en paz. ¿Puedo entrar en casa?…».

«No. Está la vieja, más charlatana y curiosa que una urraca. Ve allí, al final, debajo del cobertizo de los pilones. Hay también un cuartito. Allí estás solo y en paz».

426.4

«Venid…» dice Jesús a las mujeres. Y va con ellas al final de la plaza, debajo del hediondo cobertizo, dentro del cuartucho — estrecho como una celda — donde hay herramientas rotas, trapajos, sobras de cáñamo, telas de araña gigantescas, y donde el olor de la maceración y del moho raspan la garganta, de lo penetrantes que son. Jesús, que está muy serio y pálido, sonríe levemente y dice: «No es un lugar adecuado para vuestros gustos… Pero no tengo otro…».

«No vemos el lugar, porque vemos a Aquel que está en él en este momento» responde Plautina quitándose el velo y el manto. Y las otras, que son Lidia, Valeria y la liberta Álbula Domitila, hacen lo mismo.

«De ello arguyo que, a pesar de todo, me creéis todavía un justo».

«Más que un justo. Y Claudia nos manda precisamente porque te cree más que un justo y no tiene en cuenta las palabras oídas. Pero quiere tu confirmación al respecto para tributarte doble venera­ción».

«O suspenderla, si le aparezco como han querido dibujarme. Pero, tranquilizadla. No tengo miras humanas. Mi ministerio y mi deseo son total y solamente sobrenaturales. Quiero, sí, reunir en un único reino a todos los hombres. ¿Pero qué de los hombres? ¿La carne y la sangre? No. Eso se lo dejo, materia lábil, a las lábiles monarquías, a los imperios inseguros. Quiero reunir bajo mi cetro solamente a los espíritus de los hombres, espíritus inmortales en un reino inmortal. Yo repudio cualquier otra versión de mi voluntad, quienquiera que fuere el que la diese, distinta de ésta. Y os ruego que creáis y que digáis a la que os envía que la Verdad tiene solamente una palabra…».

«Tu apóstol hablaba con tal seguridad…».

«Es un muchacho exaltado, y tal hay que considerarle cuando se le escucha».

«¡Pero te perjudica! Repréndele… Despídele…».

«¿Y mi misericordia entonces dónde estaría? Hace eso por un amor errado. ¿No debo tener compasión, pues? ¿Y qué cambiaría si le despidiera? Se haría doble mal a sí mismo y me haría doble mal a mí».

«¡Entonces para ti es como una bola atada al pie!…».

«Para mí es como un infeliz al que redimir…».

426.5

Plautina cae de rodillas extendiendo los brazos y diciendo: «¡Ah, Maestro más grande que cualquier otro, qué fácil es creerte santo cuando se siente tu corazón en tus palabras! ¡Qué fácil es amarte y seguirte por esta caridad tuya que es más grande aún que tu inteligencia!».

«No más grande, sino más comprensible para vosotras… que tenéis vuestro intelecto estorbado por demasiados errores y no tenéis la generosidad de despojarle de todo para acoger la Verdad».

«Tienes razón. Eres adivino y sabio».

«La sabiduría, siendo forma de santidad, da siempre luminosidad de juicio, ya sobre hechos pasados o presentes, ya sobre premoniciones de hechos futuros».

«Por eso vuestros profetas…».

«Eran personas santas. Dios por eso se comunicaba a ellos con gran plenitud».

«¿Eran santos porque eran de Israel?».

«Eran santos porque eran de Israel y porque eran justos en sus acciones. Porque no todo Israel es ni ha sido santo, aun siendo Israel. No es la pertenencia casual a un pueblo o a una religión lo que puede hacer a uno santo. Estas dos cosas pueden ayudar grandemente a serlo. Pero no son el factor absoluto de la santidad».

«¿Cuál es, entonces, el factor?».

«La voluntad del hombre. La voluntad que conduce las acciones del hombre: a santidad, si es buena; a iniquidad, si es mala».

«Entonces… no se excluye que haya justos también entre nosotros».

«No se excluye. Es más, ciertamente hay justos entre vuestros antepasados, y ciertamente los habrá entre los que viven. Porque sería demasiado horrendo que todo el mundo pagano fuera de demonios. Los que, de entre vosotros, sienten atracción hacia el Bien, hacia la Verdad, y repugnancia contra el Vicio, y evitan las malas acciones como degradantes del hombre, habéis de creer que están ya en el sendero de la justicia».

«Entonces Claudia…».

«Sí. Y vosotras. Perseverad».

«Pero, ¿en el caso de que muriéramos antes de habernos… convertido a Ti… de qué serviría el haber sido virtuosas?…».

«Dios juzga con justicia. Pero ¿por qué aplazar el venir al Dios verdadero?».

Las tres damas agachan la cabeza… Un silencio… Y luego la gran confesión, que será la que dé explicación de tantas crueldades y resistencias romanas hacia el cristianismo… «Porque nos parecería traicionar a la Patria…».

«Al contrario, serviríais a la Patria haciéndola moral y espiritualmente más grande, porque tendría la fuerza de la posesión y protección de Dios, además de la de su ejército y riquezas. ¡Roma, la Urbe mundial, Urbe de la religión universal!… Fijaos…».

Un silencio…

426.6

Luego Livia, poniéndose roja como la llama, dice: «Maestro, hace tiempo te buscábamos a ti aun en las páginas de nuestro Virgilio. Porque para nosotros tienen más valor las… profecías de los completamente vírgenes respecto a la fe de Israel, que las de vuestros profetas, en los cuales podemos sentir la sugestión de creencias milenarias… Y hemos discutido de ello… Comparando las diversas personas que en todo tiempo, nación y religión, te han presentido. Pero ninguno te sintió con tanta exactitud como nuestro Virgilio… ¡Cuánto hablamos aquel día con Diomedes, el liberto griego, astrólogo, que goza de la estima de Claudia! Él sostenía que esto ha sucedido porque los tiempos estaban más cercanos, y los astros hablaban con sus conjunciones… Y en apoyo de su tesis esgrimía el hecho de los tres Sabios de tres países de Oriente que vinieron a adorarte infante, y provocaron la matanza de que Roma se horrorizó… Pero no nos convenció, porque… en más de cincuenta años ningún otro sabio de todo el mundo ha hablado de ti por noticia de los astros, a pesar de estar más próximos aún a tu manifestación actual. Claudia exclamó: “¡Se requeriría aquí la presencia del Maestro! Él daría la palabra de la verdad y sabríamos el lugar y el destino inmortal de nuestro máximo poeta”. ¿Quisieras decirnos… para Claudia…? Un don para mostrarnos que no le tienes antipatía por su duda acerca de ti…».

«He comprendido su reacción de romana y no le he guardado rencor. Tranquilizadla. Y escuchad. ¿Virgilio no fue grande únicamente como poeta, no es verdad?».

«¡Oh, no! También como hombre. En medio de una sociedad ya corrompida y viciosa, resplandeció de pureza espiritual. Ninguno pudo decir que le hubiera visto lujurioso, amante de orgías y de licencias. Sus escritos son castos, pero más casto tuvo el corazón. Tanto que en los lugares en que más vivió le llamaban “la virgencita”: con burla los viciosos, con veneración los buenos».

«Y entonces, ¿en una alma límpida de hombre casto no habrá podido reflejarse Dios, aunque fuera un hombre pagano? ¿La Virtud perfecta no habrá amado al virtuoso? ¿Y si le fueron concedidos el amor y la visión de la Verdad por la belleza pura de su espíritu, ¿no habrá podido tener una chispa de profecía, de una profecía que no es sino verdad que se revela a quien merece conocer la Verdad como premio y estímulo a una virtud cada vez mayor?».

«¿Entonces… te profetizó realmente?».

«Su mente encendida de pureza y genio ascendió para conocer una página referida a mí, y puede ser considerado el poeta pagano y justo, un espíritu profético y precristiano como premio a sus virtu­des».

«¡Oh! ¡Nuestro Virgilio! ¿Y recibirá un premio?».

«He dicho: “Dios es justo”. Pero vosotras no imitéis al poeta deteniéndoos en su límite. Seguid, porque a vosotras la Verdad no se os ha mostrado por intuición y en parte, sino completa, y os ha ha­bla­do».

426.7

Plautina, sin dar respuesta, dice: «Gracias, Maestro… Nos retiramos. Claudia nos ha dicho que te preguntemos si te puede ser útil en cosas morales».

«Y os ha dicho que me lo dijerais si no era un usurpador…».

«¡Oh, Maestro! ¿Cómo lo sabes?».

«Yo soy más que Virgilio y los profetas…».

«¡Es verdad! ¡Todo es verdad! ¿Podemos servirte?…».

«Para mí no tengo necesidad sino de fe y amor. Pero hay una criatura que está en gran peligro y cuya alma será muerta esta noche. Claudia podría salvarla».

«¿Aquí? ¿Quién? ¿Muerta el alma?».

«Un patricio vuestro ofrece una cena y…».

«¡Ah, sí! Enio Casio. También mi marido está invitado…» dice Livia.

«Y también el mío… Y la verdad es que nosotras también. Pero, dado que Claudia se abstiene de ir, también nosotras nos abstendremos. Habíamos decidido retirarnos nada más acabar la cena, en el caso de que hubiéramos ido… Porque… nuestras cenas terminan en orgías… que ya no podemos soportar… Y, con el desdén de la esposa desatendida, dejamos que se queden allí nuestros maridos…» dice, severa, Valeria.

«No con desdén… Con piedad de su miseria moral…» corrige Jesús.

«Es difícil, Maestro… Sabemos lo que sucede allí dentro…».

«Yo también sé muchas cosas que suceden en los corazones… y no obstante perdono…».

«Tú eres santo…».

«Vosotras debéis haceros santas. Por deseo mío y por acicate de vuestra voluntad…».

«¡Maestro!…».

«Sí. ¿Podéis afirmar que sois felices como antes de conocerme, con la pobre felicidad animal, sensual de paganas desconocedoras de que son más que carne, ahora que conocéis un poco de Sabiduría?…».

«No, Maestro. Lo confesamos. Nos sentimos insatisfechas, inquietas, como uno que busca un tesoro y no lo encuentra».

«¡Pues lo tenéis delante! Lo que os pone inquietas es el anhelo de Luz de vuestro espíritu, la impaciencia de vuestro espíritu por vuestra tardanza… en darle lo que os pide…».

426.8

Un momento de silencio… Luego, Plautina otra vez, sin dar respuesta, dice: «¿Y qué podría hacer Claudia?».

«Salvar a esa criatura. Una niña comprada por placer por el romano. Una virgen que mañana ya no lo será».

«Si la ha comprado… le pertenece».

«No es un mueble. Dentro de la materia hay un espíritu…».

«Maestro… nuestras leyes…».

«¡Mujeres: la Ley de Dios!…».

«Claudia no va a la fiesta…».

«No le digo que vaya. Os digo que le digáis: “El Maestro, para tener la certeza de que Claudia no le acusa, le pide ayuda para esta alma niña”…».

«Se lo diremos. Pero no podrá hacer nada… Esclava adquirida… objeto del que se puede disponer…».

«El cristianismo enseñará que el esclavo tiene un alma como la del César, mejor en la mayor parte de los casos, y que el alma pertenece a Dios; y la maldición pesa sobre quien la corrompa». Jesús se muestra majestuoso al decir esto.

Las mujeres sienten su imperiosidad y severidad. Se inclinan sin replicar. Se ponen de nuevo los mantos y los velos y dicen: «Lo transmitiremos. ¡Salve, Maestro!».

«Adiós».

Las mujeres salen a la plaza caliente. Pero Plautina se vuelve y dice: «Para todos éramos mujeres griegas. ¿Entiendes?».

«Entiendo. Marchaos tranquilas».

Jesús se queda solo, debajo del bajo cobertizo, y ellas se marchan por el mismo camino recorrido para venir.

Los sogueros vuelven al trabajo…

426.9

Jesús vuelve, lentamente, al almacén. Está pensativo. Ya no se echa: sentado encima de un montón de cuerdas enrolladas, ora intensamente… Los once siguen durmiendo profundamente…

Pasa un rato así… Una hora más o menos. Luego el soguero introduce la cabeza y hace un gesto a Jesús de que vaya a la puerta. «Hay un esclavo. Pregunta por ti».

El esclavo, un númida, está afuera, en la plaza llena de sol todavía. Se inclina y, sin decir nada, entrega una tablilla encerada.

Jesús lee y dice: «Dirás que esperaré hasta el alba. ¿Has comprendido?».

El hombre asiente con la cabeza y, para que se entienda por qué no habla, abre la boca y enseña la lengua cortada.

«¡Pobrecillo!» dice Jesús acariciándole.

Al esclavo le ruedan dos lágrimas por las negras mejillas. Toma la blanca mano entre las suyas negras — muy semejantes a las de un mono grande — y se la pasa por su cara, la besa, la pone sobre su corazón y luego se arroja al suelo, toma el pie de Jesús y se lo pone encima de la cabeza… Todo un lenguaje de gestos para expresar su gratitud por ese gesto de amor compasivo…

Y Jesús repite: «¡Pobrecillo!», pero no hace el gesto curativo.

El esclavo se pone en pie y pide la tablilla encerada… Claudia no quiere dejar señales de su contacto epistolar… Jesús sonríe y devuelve la tablilla. El númida se marcha y Jesús se acerca al soguero.

«Tengo que quedarme hasta el alba… ¿Lo concedes?…».

«Todo lo que quieras. Siento ser pobre…».

«Y a mí me place el que seas honesto».

«¿Quiénes eran esas mujeres?».

«Extranjeras necesitadas de consejo».

«¿Sanas?».

«Como Yo y como tú».

«¡Ah! ¡Bien!…

426.10

Ahí están tus apóstoles…».

Efectivamente, restregándose los ojos, desperezándose, todavía medio adormilados, los once salen del almacen y van hacia el Maestro.

«Maestro… habrá que cenar, si quieres partir al anochecer…» dice Pedro.

«No. Ya no parto hasta el alba».

«¿Por qué?».

«Porque me han rogado que lo haga así».

«¿Pero por qué? ¿Por quién? Era mejor andar de noche. Ya hay Luna nueva…».

«Espero salvar a una criatura… Y ello es más luminoso que la Luna y más aliviador para mí que los frescores de la noche».

Pedro le lleva aparte: «¿Qué ha sucedido? ¿Has visto a las romanas? ¿De qué humor están? ¿Son ellas las que se convierten? Dímelo…».

Jesús sonríe: «Si me dejas responder te lo digo, curiosísimo hombre. He visto a las romanas. Caminan hacia la Verdad, aunque lentamente. Pero no retroceden. Ya es mucho».

«Y… respecto a lo que decía Judas… ¿Qué hay?».

«Que continúan venerándome como a un sabio».

«Pero… ¿por Judas? ¿No está él en medio?…».

«Han venido a buscarme a mí, no a él…».

«Pero entonces, ¿por qué ha tenido miedo de encontrarse con ellas? ¿Por qué no quería que vinieras a Cesarea?».

«Simón, no es la primera vez que Judas tiene extraños caprichos…».

«Eso es verdad. Y… ¿vienen esta noche las romanas?».

«Ya han venido».

«¿Y entonces por qué esperamos al alba?».

«¿Y por qué eres tan curioso?».

«¡Anda, Maestro… dime todo!».

«Bueno. Para quitarte toda sospecha… Tú también has oído la conversación de aquellos tres romanos…».

«Sí. ¡Inmundos! ¡Peste! ¡Demonios! ¿Pero nosotros qué tenemos que ver con ello?… ¡Ah, comprendo! Las romanas van a la cena y luego vienen a pedir perdón de haber estado en la inmundicia… Me maravillo de que des tu conformidad».

«¡Me maravillo de que hagas juicios temerarios!».

«¡Perdóname, Maestro!».

«Sí. Pero debes saber que las romanas no van a esa fiesta y que Yo he pedido a Claudia que intervenga en favor de aquella niña…».

«¡Pero Claudia no puede hacer nada! ¡La muchacha ha sido comprada por el romano y él tiene plenos poderes respecto a ella!».

«Pero Claudia tiene mucho poder sobre el romano. Y Claudia me ha mandado el mensaje de que espere al alba para partir. Nada más. ¿Estás contento?».

«Sí, Maestro. Pero lo que está claro es que de momento no has descansado… Ven ahora… ¡Estás tan cansado…! Vigilaré para que te dejen en paz… Ven, ven…» y, amorosamente tiránico, tira de Él, le empuja, le obliga a echarse de nuevo…

426.11

Pasan las horas. Desciende el crepúsculo, cesa el trabajo, más fuerte chillan los niños por las calles y placitas, y las golondrinas en el cielo. Y luego descienden las primeras sombras. Las golondrinas van al nido y los niños a la cama. Uno a uno los ruidos cesan, hasta que queda solamente el leve chapoteo del agua en el canal y el ruido más fuerte de las olas en la playa. Las casas se cierran. Estas casas de trabajadores cansados. Se apagan en ellas las luces. El descanso desciende a hacer a todos ciegos y mudos… a alejar a todos… Se levanta la Luna y ennoblece con su plata también la balsa sucia de la pequeña dársena, que ahora parece una lámina de plata…

Los apóstoles duermen de nuevo encima del cáñamo… Jesús, sentado en uno de los cabrestantes parados, apoyadas las manos en su regazo, ora, piensa, espera… No aparta los ojos del camino que viene de la ciudad.

La Luna se alza, se alza. Está perpendicular sobre la cabeza. El mar tiene ahora voz más fuerte y el agua del canal más fuerte olor, y el cono de la Luna que hunde sus rayos en el mar se hace más amplio, abraza toda la balsa de agua que está frente a Jesús, y se pierde cada vez más lejano: senda de luz que desde los confines del mundo parece venir hacia Jesús, remontando el canal, terminando en la balsa de la dársena. Y por esta senda viene una barca, pequeña, blanca. Avanza, avanza, sin dejar huellas de su paso en el camino de agua que se reconstruye después de su paso… Remonta el canal… Ya está en la dársena silenciosa. Aborda. Se para. Y tres sombras bajan. Un hombre musculoso, una mujer y una grácil figurita entre los dos. Se dirigen hacia la casa del soguero.

426.12

Jesús se pone en pie y va hacia ellos. «La paz a vosotros. ¿A quién buscáis?».

«A ti, Maestro» dice Lidia mientras se descubre y se aproxima sola. Y continúa: «Claudia te ha servido. Porque era una cosa justa y completamente moral. Ésa es la muchacha. Valeria, dentro de un poco, la tomará como niñera de la pequeña Fausta. Pero, entretanto, te ruega que la tengas Tú; es más, que se la confíes a tu Madre o a la madre de tus parientes. Es completamente pagana. Bueno, más que pagana. El amo con quien ha crecido ha metido en ella la absoluta nada. No sabe ni de Olimpo ni de ninguna otra cosa. Lo único que tiene es un terror loco de los hombres, porque la vida se le ha descubierto totalmente y en toda su brutalidad desde hace algunas horas…».

«¡Oh, triste palabra! ¿Demasiado tarde?».

«No materialmente… Pero él ya la preparaba para su… digamos sacrilegio. Y la criatura está aterrorizada… Claudia ha tenido que dejarla durante toda la cena junto a ese sátiro, reservándose para entrar en acción cuando el vino le hubiera hecho menos capaz de reflexionar. No es necesario que yo te recuerde que, si el hombre es siempre lúbrico en sus amores sensuales, lo es en modo sumo cuando está ebrio… Pero sólo entonces es un juguete que puede ser instado por una fuerza y privado de su tesoro. Y Claudia se ha aprovechado de esto. Enio desea el regreso a Italia, de la que ha sido alejado por desaire… Claudia ha prometido el regreso a cambio de la muchacha. Enio se ha tragado el anzuelo… Pero mañana, pasada la embriaguez, se rebelará, la buscará, montará un jaleo. Verdad es que mañana Claudia tendrá la manera de hacerle callar».

«¿Violencia? ¡No!…».

«¡La violencia usada con buen fin es útil! Pero no será usada. Lo único es que Pilatos, todavía un poco atontado por el mucho vino bebido esta noche, firmará la orden para Enio de ir a informar a Roma… ¡Ja! ¡Ja!… Y con la primera nave militar partirá. Pero entretanto… conviene que la muchacha esté en otro lugar, por temor a que Pilatos se arrepienta y revoque la orden… ¡Es tan variable! Y conviene que la muchacha olvide, si puede, las porquerías humanas.

426.13

Maestro… Hemos ido a la cena por esto… Pero, ¿cómo hemos podido ir a esas orgías hasta hace pocos meses sin sentir náusea? Hemos huido de allí en cuanto hemos obtenido lo que queríamos… Allí nuestros maridos emulan todavía a los animales… ¡Qué náusea, Maestro!… Y tenemos que recibirlos después de que… después de que…».

«Sed austeras y pacientes. Con el ejemplo mejoraréis a vuestros consortes».

«¡Oh, no es posible!… No sabes…». La mujer llora más de indignación que de dolor. Jesús suspira.

Lidia continúa: «Claudia te dice que ha hecho esto para mostrarte que te venera como al único Hombre que merece veneración. Y quiere que te diga que te agradece el que le hayas enseñado el valor de un alma y de la pureza. Lo recordará. ¿Quieres ver a la muchacha?».

«Sí. ¿Y el hombre quién es?».

«El númida mudo de quien se sirve Claudia en las cosas más secretas. No hay peligro de delación… No tiene lengua…».

Jesús repite, como por la tarde: «¡Pobrecillo!». Pero tampoco ahora hace el milagro.

426.14

Lidia va por la muchacha. La toma de la mano y casi la lleva a rastras frente a Jesús. Explica: «Sabe pocas palabras latinas y menos aún judías… Un animalito salvaje… Únicamente objeto de placer». Y a la muchacha: «No tengas miedo. Dile “gracias”. Es el que te ha salvado… Arrodíllate. Bésale los pies. ¡Ánimo! ¡No tiembles!… ¡Perdona, Maestro! Está aterrorizada por las últimas caricias de Enio ya borracho…».

«¡Pobre criatura!» dice Jesús poniendo la mano en la cabeza cubierta de la muchacha. «¡No temas! Te llevaré donde mi Madre durante un tiempo. Con una Mamá, ¿comprendes? Y tendrás a tu alrededor a muchos buenos hermanos… ¡No temas, hija mía!».

¿Qué hay en la voz de Jesús y en la mirada? Todo: paz, seguridad, pureza, amor santo. La muchacha lo siente, echa hacia atrás el manto y la capucha para mirarle mejor, y la figurita grácil, de joven que apenas si está en los umbrales de la pubertad, casi todavía niña, de gracias inmaduras e inocente aspecto, aparece envuelta en una túnica demasiado ancha para ella…

«Estaba semidesnuda… Le he puesto y le he metido en el fardel los primeros vestidos que he encontrado…» explica Lidia.

«¡Una niña!» dice con piedad Jesús, y tendiéndole la mano pregunta: «¿Quieres venir conmigo, sin miedo?».

«Sí, amo».

«No. No amo. Dime: Maestro».

«Sí, Maestro» dice más segura la muchacha, y una tímida sonrisa substituye a la expresión de miedo que había antes en el rostro blanquísimo.

«¿Eres capaz de andar mucho camino?».

«Sí, Maestro».

«Luego descansarás donde mi Madre, en mi casa, en espera de Fausta… una niñita a la que querrás mucho… ¿Te gusta?».

«¡Oh, sí!…», y la muchacha levanta segura los claros ojos de un gris azul bellísimo, entre pestañas de oro, y osa preguntar: «¿Ya nunca más aquel amo?», y un destello de terror todavía le turba la mirada.

«Jamás» vuelve a prometer Jesús, poniendo de nuevo la mano en los tupidos cabellos de color blondo miel de la muchacha.

«Adiós, Maestro. Dentro de pocos días estaremos en el lago también nosotras. Quizás nos veremos todavía. Ruega por las pobres romanas».

«Adiós, Livia. Dile a Claudia que éstas son las conquistas que Yo pretendo, y no otras. Ven, niña. Partiremos inmediatamente…». Y, llevándola de la mano, se asoma a la puerta del almacén llamando a los apóstoles.

Mientras la barca, sin dejar huella de su venida, regresa al mar abierto, Jesús y los apóstoles, con la niña en medio del grupo cubierta con un manto, van, por las callejuelas periféricas y desérticas, hacia los campos…