Il a dû pleuvoir la veille toute la journée et la nuit, car la terre est très humide et les routes sont boueuses. En revanche, l’atmosphère est claire, sans aucune poussière à quelque altitude que ce soit. Le ciel semble joyeux, comme redevenu printanier après l’orage qui l’a purifié, et la terre, riante, renouvelée par la pluie, propre, évoque elle aussi le printemps par la fraîcheur de cette aurore sereine qui suit la tempête. Les dernières gouttes, retenues dans l’entrelacement des feuillages ou suspendues aux vrilles, brillent comme des diamants sous le soleil qui les frappe. Les fruits, lavés par l’averse, montrent bien les tons pastel de leur peau qui prend jour après jour les teintes parfaites de la maturation complète. Seuls les raisins et les olives, encore verts, durs, se confondent avec le feuillage, mais chaque petite olive a une gouttelette cramponnée à son extrémité et les grains serrés forment un vrai filet de gouttelettes suspendues aux pétioles.
« Comme il fait bon marcher, aujourd’hui ! dit Pierre qui foule avec plaisir un sol sans poussière, ni brûlant ni rendu glissant par la boue.
– On croit respirer la pureté » lui répond Jude. « Et regarde cette couleur de ciel !
– Et ces pommes ? » ajoute Simon le Zélote. « Ce paquet-là, tout autour de la branche dont je ne sais pas comment elle résiste à un tel poids, et qui se dégage avec une touffe de feuilles de la masse de pommes ? Que de couleurs ! Les unes plus cachées dont le vert commence seulement à jaunir, les autres déjà rosies, et les deux plus exposées tout à fait rouges du côté tourné vers le soleil. Elles semblent couvertes de cire à cacheter ! »
Ils marchent ainsi, tout joyeux, en contemplant la beauté de la création jusqu’au moment où Jude, aussitôt imité par Thomas, puis par les autres, entonne un psaume qui célèbre les gloires de la création divine.