Il n’est pas possible de rester immobile en cette matinée froide et venteuse. Au sommet du mont Moriah, la bise glaciale qui souffle du nord-est s’abat, faisant voler les vêtements et rougissant les visages et les yeux. Il y a pourtant des gens qui sont montés au Temple pour les prières. En revanche, les rabbis et leurs groupes particuliers d’élèves font défaut, et le Portique paraît plus vaste, et surtout plus digne, en l’absence des rassemblements tapageurs et pompeux qui l’occupent d’ordinaire.
Il doit être très étrange de le voir si vide, car tout le monde s’en étonne, et Pierre en est même méfiant. Mais Thomas, qui semble encore plus robuste, enveloppé comme il l’est dans un ample et lourd manteau, suggère :
« Ils se seront enfermés dans quelque pièce de peur de perdre la voix. Tu les regrettes ? demande-t-il en riant.
– Moi, non ! Si je pouvais ne jamais plus les voir ! Mais je ne voudrais pas que ce soit… »
Et il regarde Judas, qui ne souffle mot, mais saisit le coup d’œil de Pierre, et intervient :
« Ils ont vraiment promis de ne pas causer d’autres ennuis, sauf dans le cas où le Maître les… scandaliserait. Ils seront certainement sur leurs gardes, mais puisque ici on ne pèche pas et on n’offense pas, ils sont absents.
– Cela vaut mieux ainsi, et que Dieu te bénisse, mon garçon, si tu as réussi à les rendre raisonnables. »
Il est encore tôt. Il y a peu de monde dans le Temple. Je dis « peu », et c’est ce qu’il semble, étant donné son immensité : pour paraître bondé, il faut qu’il y ait foule. Deux ou trois cents personnes ne se remarquent même pas dans cet ensemble de cours, de portiques, d’atriums, de corridors…
Jésus, seul Maître dans le vaste Portique des Païens, va et vient en parlant avec les siens et avec les disciples qu’il a déjà trouvés dans l’enceinte du Temple. Il répond à leurs objections et à leurs questions, ou éclaircit des points qu’ils n’ont pas su s’expliquer à eux-mêmes ou exposer aux autres.
Surviennent deux païens. Ils le regardent et passent leur chemin sans rien dire. Des gens attachés au Temple arrivent, l’observent, mais ne disent rien eux non plus. Quelques fidèles s’approchent, saluent, écoutent, mais ils sont encore peu nombreux.
« Restons-nous encore ici ? demande Barthélemy.
– Il fait froid, et il n’y a personne. Pourtant, cela fait plaisir d’être ici ainsi en paix. Maître, aujourd’hui, tu es vraiment dans la Maison de ton Père et en Maître supinitus » déclare en souriant Jacques, fils d’Alphée, avant d’ajouter : « C’est ainsi que devait être le Temple à l’époque de Néhémie et des rois sages et pieux.