Judas arrive de nuit à la maison de campagne de Caïphe. Mais la lune, complice de l’assassin, lui éclaire la route. Il doit être bien sûr de trouver là, dans cette maison hors les murs, les personnes qu’il cherchait, car je pense qu’autrement il aurait essayé d’entrer en ville et serait allé au Temple. Au contraire, il monte le chemin à travers les oliviers de la colline avec plus d’assurance que la dernière fois[1]. C’est qu’il fait nuit, et les ombres comme l’heure le protègent de toute mauvaise surprise. Les routes de la campagne sont désertes désormais, après avoir été parcourues toute la journée par les foules de pèlerins qui se rendent à Jérusalem pour la Pâque. Les pauvres lépreux eux-mêmes sont tapis dans leurs cavernes et dorment de leur sommeil de malheureux, oublieux pour quelques heures de leur sort.
Voilà Judas à la porte de la maison, toute blanche au clair de lune. Il frappe : trois coups, un coup, trois coups, deux coups… Il connaît à merveille le signal convenu !
Ce doit être vraiment un signal sûr, car la porte s’entrouvre sans que le portier jette au préalable un coup d’œil par la petite ouverture pratiquée dans la porte.
Judas se glisse à l’intérieur et interroge le portier qui lui rend honneur :
« L’assemblée est-elle réunie ?
– Oui, Judas. Au complet, pourrais-je dire.
– Conduis-moi. Je dois parler de choses importantes. Dépêche-toi ! »
L’homme referme la porte et tire tous les verrous, puis il le précède dans le couloir mi-obscur, et s’arrête devant une lourde porte à laquelle il frappe. Le brouhaha cesse dans la pièce, remplacé par le grincement de la serrure et le crissement de la porte, qui s’ouvre en projetant un cône de lumière vive dans le couloir sombre.
« Toi ? Entre ! » dit l’homme qui a ouvert la porte, et que je ne connais pas.