Avez-vous d’autres questions à me poser ? Parlez.
– Seigneur, hier, et pas seulement hier, nous réfléchissions à ta parole : “ Vous siégerez sur douze trônes pour juger les douze tribus d’Israël. ” Mais désormais, nous sommes onze…
– Choisissez le douzième. Cela te revient, Pierre.
– A moi ? Non, pas à moi, Seigneur ! Désigne-le toi-même.
– J’ai choisi mes douze apôtres une fois et je les ai formés. Puis j’ai choisi leur chef. Plus tard, je leur ai donné la grâce et leur ai infusé l’Esprit Saint. Il leur appartient maintenant de marcher tout seuls, car ce ne sont plus des nourrissons incapables de le faire.
– Mais dis-nous, au moins, où nous devons porter nos regards…
– Voilà la partie élue du troupeau, répond Jésus en faisant un vaste geste circulaire au-dessus des diciples — la partie des soixante-douze disciples restée sur place.
– Non, Seigneur, pas nous! La place du traître nous fait peur, supplient-ils.
– Alors prenons Lazare. Est-ce ta volonté, Seigneur ? »
Jésus se tait.
« Joseph d’Arimathie ? Nicodème ? »
Jésus se tait.
« Mais oui ! Prenons Lazare.
– C’est à l’ami parfait que vous pensez donner cette place dont vous ne voulez pas ? demande Jésus.
– Seigneur, je voudrais te dire un mot, intervient Simon le Zélote.
– Parle.
– Je suis sûr que, par amour pour toi, Lazare accepterait cette place ; il la tiendrait d’une façon si parfaite qu’il ferait oublier à qui elle était. Mais il ne me semble pas convenable de le faire pour d’autres raisons. Les vertus spirituelles de Lazare existent chez beaucoup d’hommes humbles de ton troupeau. Et je pense qu’il vaudrait mieux de leur donner la préférence, pour que les fidèles ne disent pas que l’on a cherché le pouvoir et la richesse, comme le font les pharisiens, et non la seule vertu.
– Tu as bien parlé, Simon, et avec justice, sans te laisser influencer par ton amitié pour Lazare.
– Alors faisons de Marziam ton douzième apôtre. C’est un enfant.
– Moi, pour effacer ce vide horrible, j’accepterais, mais je n’en suis pas digne. Comment pourrais-je parler à des adultes, moi qui suis un enfant ? Seigneur, tu dois dire si j’ai raison.
– Tu as raison. Mais ne vous hâtez pas. L’heure viendra, et vous serez étonnés alors d’avoir tous la même pensée. Priez en attendant. Moi, je m’en vais. Retirez-vous pour prier. Pour le moment, je vous congédie. Arrangez-vous pour être tous à Béthanie le quatorzième jour de Ziv. »
Il se lève tandis que tous s’agenouillent, prosternés, le visage dans l’herbe. Il les bénit et la lumière, sa servante qui annonce et précède son arrivée comme elle l’accueille à son départ, l’étreint et le cache en l’absorbant une fois encore.