N’avez-vous aucune question ?
– Je voudrais te demander : nous n’allons plus revenir en Judée ? demande Judas.
– Qui prétend cela ?
– Toi, Maître. Tu as dit que tu prépares Joseph pour qu’il instruise les autres en Judée ! On t’y a fait trop de mal pour que tu y retournes ?
– Que t’ont-ils fait en Judée ? » demande Thomas, curieux ; en même temps, Pierre s’exclame avec véhémence :
« Ah ! Alors, j’avais raison de dire que tu en étais revenu fatigué. Que t’ont-ils fait, les “ parfaits ”, en Israël ?
– Rien, mes amis. Rien de plus que ce que je trouverai encore ici. Si je faisais tout le tour de la terre, je trouverais partout un mélange d’amis et d’ennemis. Mais, Judas, je t’avais prié de te taire…
– C’est vrai, mais… je ne puis me taire quand je vois que tu préfères la Galilée à ma patrie. Tu es injuste, voilà ! Même là-bas tu avais eu droit à des honneurs…
– Judas ! Judas… oh ! Judas ! Tu me fais un reproche injuste ! Et tu t’accuses toi-même en te laissant gagner par la colère et la jalousie. J’avais fait mon possible pour ne faire connaître que le bien reçu dans ta Judée et, sans mentir, j’avais pu, avec joie, parler de ce bien pour vous faire aimer, vous de Judée. Avec joie. Car, pour le Verbe de Dieu, il n’existe ni frontières, ni régions, ni antagonismes, ni inimitiés, ni différences. Je vous aime tous, vous les hommes. Tous… Comment peux-tu dire que je préfère la Galilée, alors que j’ai voulu accomplir mes premiers miracles et me manifester d’abord sur le sol sacré du Temple et de la Cité sainte, chère à tout israélite ? Comment peux-tu me traiter de partial si, des onze que vous êtes – ou plutôt dix car, pour mon cousin, il n’est pas question d’amitié mais de parenté –, quatre sont judéens ? Et si j’y ajoute les bergers, tous judéens, tu vois de combien de Judéens je suis l’ami. Comment peux-tu dire que je ne vous aime pas si, moi qui sais, j’ai organisé le voyage de façon à donner mon nom à un bébé d’Israël et à recueillir le dernier soupir d’un juste d’Israël ? Comment peux-tu dire que je ne vous aime pas, vous les Judéens si, pour faire connaître le lieu de ma naissance et celui de ma préparation à la mission j’ai voulu deux Judéens contre un seul Galiléen ? Tu me reproches de me montrer injuste. Mais examine-toi, Judas, et vois si l’injuste ce n’est pas toi. »
Jésus a parlé avec majesté et douceur. Mais, même s’il n’avait rien dit de plus, les trois façons dont il a dit : “ Judas ” au commencement de son discours auraient suffi à donner une grande leçon. Le premier “ Judas ” était dit par le Dieu majestueux qui rappelle au respect, le second par le Maître qui donne un enseignement déjà tout paternel, le troisième était la prière d’un ami attristé par l’attitude d’un ami.
Judas a baissé la tête, humilié, encore en colère, enlaidi par la manifestation de ses bas sentiments.