Gli Scritti di Maria Valtorta

109. Dans les champs de Yokhanan et de Doras.

109. Nei campi di Giocana e in quelli di Doras.

109.1

Je revois la plaine d’Esdrelon, de jour, un jour plutôt couvert de fin d’automne. Il a dû pleuvoir pendant la nuit, une de ces premières pluies des tristes mois d’hiver, car la terre est mouillée, sans être boueuse. Le vent souffle, un vent imprégné d’humidité qui arrache les feuilles jaunies et vous pénètre jusqu’aux os.

Dans les champs, quelques rares couples de bœufs au labour retournent, péniblement, la terre grasse et lourde de cette plaine fertile pour la préparer aux semailles. Et un spectacle qui me fait peine à voir, en certains endroits, ce sont les hommes eux-mêmes qui font le travail des bœufs, tirant la charrue de toute la force de leurs bras et même de leur poitrine, s’arc-boutant sur le sol déjà remué, s’épuisant comme des esclaves à ce travail pénible même pour de robustes bouvillons.

Jésus aussi regarde ce spectacle. Son visage devient triste jusqu’aux larmes.

Les disciples – onze, car Judas est encore absent et les bergers ne sont plus là – parlent entre eux et Pierre dit :

« La barque aussi est petite, pauvre et fatigante… Mais c’est cent fois mieux que ce travail de bêtes de somme ! »

Puis il demande :

« Maître, est-ce qu’il s’agit déjà des serviteurs de Doras ? »

C’est Simon le Zélote qui répond :

« Je ne le pense pas. Ses champs sont au-delà de ce verger, me semble-t-il. Et nous ne les voyons pas encore. »

109.2

Mais Pierre, toujours curieux, quitte la route et longe un talus entre deux champs. Sur le bord, quatre laboureurs maigres et en sueur se sont assis un instant. La fatigue les fait haleter. Pierre les interroge :

« Vous êtes à Doras ?

– Non. Mais nous appartenons à un de ses parents, Yokhanan. Et toi, qui es-tu ?

– Je suis Simon, fils de Jonas, pêcheur de Galilée jusqu’à la lune de Ziv. Maintenant, Pierre de Jésus de Nazareth, le Messie de la Bonne Nouvelle. »

Pierre le dit avec le respect et la fierté de quelqu’un qui dirait : « J’appartiens au haut et divin César de Rome », si ce n’est même plus. Son honnête visage s’illumine vraiment de la joie de proclamer son appartenance à Jésus.

« Oh ! Le Messie ! Où est-il donc ? demandent les quatre malheureux.

– C’est celui-là, ce grand blond vêtu de rouge foncé. Celui qui regarde par ici, maintenant, et sourit en m’attendant.

– Oh !… Si nous nous approchions de lui… il nous chasserait ?

– Vous chasser ?… Pourquoi ? C’est l’ami des malheureux, des pauvres, de ceux qu’on opprime, et il me semble que vous… vous êtes vraiment de ceux-là…

– Si nous le sommes ? Jamais comme ceux de Doras. Au moins, nous avons du pain à discrétion et on ne nous fouette que si nous laissons tomber le travail, mais…

– De sorte que si maintenant ce beau monsieur Yokhanan vous trouvait ici, à parler, vous…

– Il nous fouetterait comme il ne fouette pas ses chiens… »

Pierre émet un sifflement de surprise. Puis il dit :

« Dans ce cas, il vaut mieux faire comme ça… »

Les mains en entonnoir sur sa bouche, il crie à toutes forces :

« Maître, viens ici. Il y a des cœurs qui souffrent et qui désirent ta présence.

– Mais que dis-tu ? ! Lui, venir à nous ? ! Mais nous sommes d’ignobles serviteurs ! »

Les quatre hommes sont effrayés d’une pareille hardiesse.

« Mais les coups de fouet ne sont pas agréables. Et si ce beau pharisien nous tombe dessus, je ne voudrais pas en avoir une part, moi aussi… » dit Pierre en riant et en secouant de sa grosse main le plus effrayé des quatre.

109.3

Jésus arrive à longues enjambées. Les quatre hommes sont indécis. Ils voudraient bien courir à sa rencontre, mais le respect les paralyse. Pauvres êtres que la méchanceté humaine a rendus tout craintifs ! Ils tombent à plat ventre sur le sol, adorant dans cette position le Messie qui vient à eux.

« Que la paix soit sur tous ceux qui me désirent. Celui qui me désire veut faire le bien et moi, je l’aime comme un ami. Levez-vous. Qui êtes-vous ? »

Les quatre hommes lèvent à peine le visage et restent à genoux, muets.

Pierre intervient :

« Ce sont quatre serviteurs du pharisien Yokhanan, un parent de Doras. Ils voudraient te parler, mais… s’il survient, ils seront frappés à coups de bâtons, alors je t’ai dit : “ Viens. ” Debout, les garçons ! Il ne va pas vous manger ! Ayez confiance ! Pensez que c’est pour vous un ami.

– Nous… nous avons entendu parler de toi… Jonas nous disait…

– Je viens pour lui. Je sais qu’il m’a annoncé. Que savez-vous de moi ?

– Que tu es le Messie. Qu’il t’a vu tout petit, que les anges ont chanté la paix aux bons à ton arrivée, que tu as été persécuté… mais que tu t’es sauvé et que maintenant tu as recherché tes bergers et… et que tu les aimes. C’est ce qu’il disait. Et nous pensions : s’il est assez bon pour aimer et rechercher des bergers, il voudra sûrement nous faire à nous aussi un peu de bien… Nous avons tant besoin que quelqu’un nous aime…

– Moi, je vous aime.

109.4

Vous souffrez beaucoup ?

– Oh ! Combien !… Mais ceux de Doras, plus encore. Si Yokhanan nous trouvait ici à parler !… Mais aujourd’hui, il est à Guerguesa. Il n’est pas encore revenu de la fête des Tentes. Néanmoins, son intendant nous donnera ce soir notre nourriture après avoir mesuré le travail effectué. Mais peu importe. Nous rattraperons le temps perdu en nous passant de repos lors du repas de la sixième heure.

– Dis, mon garçon, est-ce que je ne serai pas capable de faire avancer ce truc-là ? Est-ce un travail difficile ? demande Pierre.

– Difficile, non, mais fatigant. C’est un travail de force.

– De la force, j’en ai. Montre-moi. Si j’y arrive, tu parles ! Et moi je fais le bœuf. Jean, André et Jacques, regardez la leçon. Nous passons des poissons aux vers de terre. Allons-y ! »

Pierre saisit la traverse du timon. A chaque charrue, il y a deux hommes, un de chaque côté du timon. Il regarde et imite tous les mouvements du paysan. Fort et reposé comme il est, il fait du bon travail et l’homme le félicite.

« Je suis un maître laboureur, s’exclame le bon Pierre, tout content. Allons, Jean ! Viens ici. Un bœuf et un bouvillon par charrue. A l’autre, Jacques et ce veau muet qu’est mon frère. Allons ! Oh ! Hisse ! »

Et les deux couples de laboureurs se mettent à retourner la terre et à tracer des sillons le long du champ. Une fois au bout du champ, ils retournent la charrue et commencent un nouveau sillon. On dirait qu’ils ont toujours fait ce travail de paysan.

109.5

« Comme ils sont bons, tes amis ! Dit le plus hardi des serviteurs de Yokhanan. C’est toi qui les as rendus comme ça ?

– J’ai donné une direction à leur bonté, comme tu le fais avec la serpe de l’émondeur. Mais la bonté était déjà présente en eux. Maintenant elle s’épanouit, parce qu’il y a quelqu’un pour en prendre soin.

– Ils sont humbles aussi. Ils sont tes amis, et pourtant ils rendent un tel service à de pauvres serviteurs !

– On ne peut être avec moi sans aimer l’humilité, la douceur, la continence, l’honnêteté et l’amour, par-dessus tout l’amour, parce que celui qui aime Dieu et son prochain possède par suite toutes les vertus et gagne le Ciel.

– Nous aussi, nous pourrons l’avoir, nous qui n’avons le temps ni de prier, ni d’aller au Temple, ni même de lever la tête au-dessus du sillon ?

– Répondez : y a-t-il en vous de la haine pour celui qui vous traite aussi durement ? Y a-t-il en vous de la révolte et des reproches à Dieu de vous avoir placés parmi les derniers de la terre ?

– Oh non, Maître ! C’est notre sort. Mais quand, recrus de fatigue, nous nous jetons sur notre couche, nous disons : “ Eh bien, le Dieu d’Abraham sait que nous n’en pouvons plus et que nous ne pouvons que lui dire : ‘ Sois béni, Seigneur ! ’ ” et nous disons aussi : “ Aujourd’hui encore, nous avons vécu sans pécher ”… Tu sais… Nous pourrions encore frauder un petit peu et manger un fruit avec notre pain, ou verser de l’huile sur les légumes cuits à l’eau. Mais le maître a dit : “ Les serviteurs ont assez avec le pain et les légumes cuits et, au temps de la moisson, un peu de vinaigre dans l’eau pour étancher la soif et donner des forces. ” Alors nous obéissons. Enfin… ça pourrait être pire.

– Et moi, je vous dis qu’en vérité le Dieu d’Abraham sourit à vos cœurs, et qu’il tourne un visage sévère vers ceux qui l’insultent au Temple par des prières mensongères, alors qu’ils n’aiment pas leurs semblables.

– Mais entre eux ils s’aiment ! Du moins… c’est l’impression qu’ils donnent, car ils se témoignent leur respect par des courbettes et des cadeaux. Ce n’est qu’avec nous qu’ils sont sans amour. Mais nous, nous sommes différents d’eux. C’est juste.

– Non, dans le Royaume de mon Père ce n’est pas juste et la manière de juger sera différente. Ce ne sont pas aux riches et aux puissants, en tant que tels, que reviendront les honneurs, mais seulement à ceux qui auront toujours aimé Dieu plus qu’eux-mêmes et plus que toute autre chose comme l’argent, le pouvoir, les femmes, la table ; ceux qui auront aimé leurs semblables que sont tous les hommes, riches comme pauvres, connus comme inconnus, instruits ou sans culture, bons ou mauvais. Oui, même les mauvais, il faut les aimer. Non pour leur méchanceté, mais par pitié pour leurs âmes qu’ils blessent à mort. Il faut les aimer d’un amour qui supplie le Père céleste de les guérir et de les racheter. Dans le Royaume des Cieux seront bienheureux ceux qui auront honoré le Seigneur avec vérité et justice, et respecté ceux qui les ont mis au monde ainsi que leur parenté en signe d’amour ; ceux qui n’auront volé d’aucune façon et en rien, c’est-à-dire ceux qui auront donné et demandé ce qui est juste, même pour le travail des serviteurs ; ceux qui n’auront tué personne ni détruit la réputation d’autrui, et n’auront pas eu le désir de tuer, même si d’autres sont cruels au point de pousser le cœur au mépris et à la révolte ; ceux qui n’auront pas fait de faux serments pour nuire à leur prochain ou offenser la vérité ; ceux qui n’auront pas commis d’adultère ni de péché de la chair, quels qu’ils soient ; ceux qui, doux et résignés, auront toujours accepté leur sort sans envier les autres. C’est à ceux-là qu’appartient le Royaume des Cieux, et le mendiant lui-même peut être là-haut un roi bienheureux, alors que le Tétrarque sera, en fait de pouvoir, réduit à moins que rien, à un sort pire que le néant : il sera une proie pour Mammon s’il a agi contre la loi éternelle du Décalogue. »

109.6

Les hommes l’écoutent, bouche bée.

Près de Jésus se trouvent Barthélemy, Matthieu, Simon, Philippe, Thomas, Jacques et Jude, fils d’Alphée. Les quatre autres continuent leur travail, rouges, en sueur, mais joyeux. Pierre suffit à maintenir la gaieté.

« Ah ! Comme Jonas avait raison de te dire : “ Saint ! ” Tout en toi est saint, tes paroles, ton regard, ton sourire. Nous n’avons jamais eu conscience de notre âme comme à présent !…

– Cela fait longtemps que vous n’avez pas vu Jonas ?

– Depuis qu’il est malade.

– Malade ?

– Oui, Maître. Il n’en peut plus. Il se traînait déjà auparavant, mais depuis les travaux de l’été et la vendange, il ne tient plus debout. Et pourtant… il le fait travailler, ce… Oh, tu dis qu’il faut aimer tout le monde. Mais il est bien difficile d’aimer une hyène ! Or Doras est pire qu’une hyène.

– Jonas l’aime…

– Oui, Maître. Et j’affirme que c’est un saint, comme ceux qui, par fidélité au Seigneur notre Dieu, ont été martyrisés.

– Tu as bien parlé. Comment t’appelles-tu ?

– Michée, et lui Saul et cet autre Joël, et ce dernier Isaïe.

– Je rappellerai vos noms au Père. Vous dites que Jonas est très malade ?

– Oui. Sitôt le travail fini, il se jette sur sa couche et nous ne le voyons pas. C’est ce que nous disent les autres serviteurs de Doras.

– Il est au travail à cette heure-ci ?

– S’il tient debout, oui. Il devrait se trouver au-delà de cette pommeraie.

– La récolte de Doras a été bonne ?

– Oh ! Célèbre dans toute la région ! On a dû étayer les arbres à cause des fruits d’une grosseur miraculeuse, et Doras a dû faire fabriquer de nouvelles cuves, car le raisin ne pouvait trouver place dans celles qu’il avait déjà, tellement il y en avait.

– Alors Doras aura sûrement récompensé son serviteur !

– Récompensé ? Ah ! Seigneur, comme tu le connais mal !

– Mais Jonas m’a dit que, il y a quelques années, il a été frappé à mort pour la perte de quelques grappes et qu’il est devenu esclave pour dettes, le maître l’ayant accusé de la perte d’un peu de moisson. Cette année, il aurait donc dû le récompenser, puisqu’il a obtenu une abondance aussi miraculeuse.

– Non. Il l’a fouetté avec férocité, l’accusant de n’avoir pas obtenu la même abondance les années précédentes, sous prétexte qu’il n’avait pas soigné la terre comme il le fallait.

– Mais cet homme est une bête fauve ! S’exclame Matthieu.

– Non. Il n’a plus d’âme, dit Jésus.

109.7

Je vous laisse, mes enfants, avec ma bénédiction. Avez-vous du pain et de la nourriture pour aujourd’hui ?

– Nous avons ce pain. »

Il montre une miche de pain noir qu’il tire d’un sac jeté par terre.

« Prenez ma nourriture. Je n’ai que cela, mais je suis chez Doras aujourd’hui et…

– Toi, chez Doras ?

– Oui, pour racheter Jonas. Vous ne le saviez pas ?

– Personne ne sait rien, ici. Mais… méfie-toi, Maître. Tu es comme une brebis dans la gueule du loup.

– Il ne pourra rien me faire. Prenez ma nourriture. Jacques, donne ce que nous avons, même votre vin. Réjouissez-vous un peu, vous aussi, mes pauvres amis. C’est bon pour l’âme et pour le corps. Pierre ! Allons.

– J’arrive, Maître. Il n’y a plus que ce sillon à finir. »

Puis il court vers Jésus, congestionné de fatigue. Il s’essuie avec son manteau – qu’il avait enlevé –, le remet et rit, tout heureux.

Les quatre hommes n’en finissent plus de remercier.

« Tu repasseras par ici, Maître ?

– Oui. Attendez-moi. Vous saluerez Jonas. Pouvez-vous le faire ?

– Bien sûr. Le champ devait être labouré pour ce soir. Plus des deux tiers sont déjà faits, si bien, si vite ! Ils sont forts, tes amis ! Que Dieu vous bénisse ! Aujourd’hui, pour nous, c’est beaucoup plus que la fête des Azymes. Ah, que Dieu vous bénisse tous ! Tous ! Tous ! »

109.8

Jésus se dirige directement vers la pommeraie. Après l’avoir traversée, ils parviennent aux champs de Doras. D’autres paysans sont à la charrue ou courbés pour débarrasser les sillons des herbes arrachées. Mais Jonas n’est pas là. On reconnaît Jésus et, sans quitter leur travail, les hommes le saluent.

« Où est Jonas ?

– Après deux heures de travail, il est tombé sur le sillon et on l’a transporté à la maison. Pauvre Jonas… Il n’aura plus longtemps à souffrir. Il est vraiment à bout. Jamais plus nous n’aurons un meilleur ami que lui.

– Vous m’avez sur terre et lui, vous l’aurez dans le sein d’Abraham. Les morts aiment les vivants d’un double amour : le leur et celui qu’ils reçoivent du fait de leur vie en Dieu, un amour parfait par conséquent.

– Va le trouver immédiatement, pour qu’il puisse te voir dans sa souffrance. »

Jésus bénit et s’en va.

« Et maintenant, que vas-tu faire ? Que diras-tu à Doras ? demandent les disciples.

– Je ferai comme si je ne savais rien. S’il est pris de front, il est capable de s’acharner sur Jonas et sur ses serviteurs.

– Ton ami a raison : c’est un chacal, dit Pierre à Simon.

– Lazare dit toujours la vérité et il n’est pas médisant. Tu le connaîtras et tu l’aimeras » répond celui-ci.

109.9

On voit la maison du pharisien, large, basse mais bien bâtie, au milieu d’un verger actuellement dégarni. C’est une maison de campagne, mais elle est riche et pratique. Pierre et Simon vont de l’avant pour avertir.

Doras sort. C’est un vieillard au profil dur de vieux rapace. Un regard ironique, une bouche de serpent qui esquisse un sourire faux dans sa barbe plus blanche que noire.

« Salut, Jésus » dit-il en guise de salutation familière et visiblement dédaigneuse.

Jésus ne dit pas : « Paix », mais répond :

« Que ton salut revienne sur toi.

– Entre. La maison t’accueille. Tu es ponctuel comme un roi.

– Comme un honnête homme » réplique Jésus.

Doras rit comme si c’était une plaisanterie.

Jésus se retourne et dit aux disciples, qui ne sont pas invités :

« Entrez. Ce sont mes amis.

– Qu’ils viennent… mais… celui-ci n’est-il pas le gabelou, le fils d’Alphée ?

– C’est Matthieu, disciple du Christ » réplique Jésus sur un ton que… l’autre comprend et il se met à rire jaune, plus qu’auparavant.

Doras voudrait écraser le « pauvre » maître galiléen sous l’opulence de sa maison dont l’intérieur est vraiment fastueux. Fastueux et glacial. Les serviteurs ont l’air d’esclaves. Ils vont et viennent, courbés, s’éclipsant rapidement, redoutant toujours d’être punis. On sent que c’est une maison où règnent froideur et haine.

Mais Jésus ne se laisse pas impressionner par la vue des richesses ni par l’évocation de la fortune et de la parenté… et Doras qui se rend compte de l’indifférence du Maître, l’emmène dans le verger. Il lui montre les arbres rares et en offre les fruits que des serviteurs apportent sur des plateaux et dans des coupes d’or. Jésus les goûte et loue leur goût exquis. Certains sont conservés dans un sirop et il y a des pêches magnifiques, au naturel, ainsi que des poires d’une taille inhabituelle.

« Je suis le seul de toute la Palestine à les avoir et je crois qu’il n’y en a pas dans toute la péninsule. J’ai fait venir les plants de Perse et de plus loin encore. La caravane m’a bien coûté un talent. Les Tétrarques eux-mêmes n’ont pas ces fruits. Peut-être pas même César. Je compte les fruits des arbres et j’exige tous les noyaux. Les poires ne sont consommées qu’à ma table, car je ne veux pas qu’on en prenne un pépin. J’en envoie à Hanne, mais cuites pour que les pépins soient stériles.

– Ce sont pourtant des arbres de Dieu. Or tous les hommes sont égaux.

– Egaux ? Non ! Moi je serais égal à … à tes Galiléens ?

– Les âmes viennent de Dieu, et il les crée égales.

– Mais moi, je suis Doras, le fidèle pharisien !… »

On dirait un dindon qui fait la roue lorsqu’il le dit.

Jésus le transperce de ses yeux de saphir qui se font toujours plus étincelants. Chez lui, c’est un signe qui annonce un débordement de pitié ou de sévérité. Jésus est beaucoup plus grand que Doras et il le domine, imposant dans son habit pourpre à côté du pharisien, qui est petit, un peu voûté, parcheminé, et qui porte un vêtement d’une ampleur et d’une abondance de franges impressionnante.

Après s’être admiré lui-même quelques instants, Doras s’écrie :

« Cependant, Jésus, pourquoi envoyer Lazare, le frère d’une prostituée, dans la maison de Doras, le pur pharisien ? Lazare est ton ami ? Mais tu ne dois pas ! Ne sais-tu pas qu’il est anathème puisque sa sœur Marie est prostituée ?

– Je ne connais que Lazare et sa conduite, qui est honnête.

– Mais le monde se souvient du péché de cette maison, et considère que la tache en rejaillit sur les amis… N’y va pas. Pourquoi n’es-tu pas pharisien ? Si tu veux… je suis puissant… je te fais accueillir comme tel, bien que tu sois galiléen. J’ai tout pouvoir au Sanhédrin. Hanne est dans ma main comme ce pan de mon manteau. On te craindrait davantage.

– Je veux seulement être aimé.

– Moi, je t’aimerai.

109.10

Tu vois que déjà je t’aime puisque j’accède à ton désir et que je te donne Jonas.

– Je l’ai payé.

– C’est vrai et je m’étonne que tu aies pu verser une telle somme.

– Non pas moi, mais un ami pour moi.

– Bien, bien, je ne fais pas d’enquête. Je dis seulement : tu vois que je t’aime et que je veux te faire plaisir. Tu auras Jonas après le repas. C’est bien parce que c’est toi que je fais ce sacrifice… »

Il rit de son rire cruel.

Jésus, les bras croisés, le transperce d’un regard de plus en plus sévère. Ils sont encore dans le verger en attendant le repas.

« Cependant, tu dois me faire plaisir. Joie pour joie. Je te donne mon meilleur serviteur. Je me prive pour cela d’un revenu intéressant. Cette année, ta bénédiction – je sais que tu es venu au début des grandes chaleurs – m’a procuré des récoltes qui ont rendu célèbre mon domaine. Maintenant, bénis mes troupeaux et mes champs. L’année prochaine, je ne regretterai pas Jonas… et, en attendant, je lui trouverai un bon remplaçant. Viens, bénis. Donne-moi la joie d’être célèbre dans toute la Palestine et d’avoir des bercails et des greniers qui regorgent de biens de toutes sortes. Viens. »

Il le saisit et cherche à l’entraîner, pris par la fièvre de l’or.

Mais Jésus résiste :

« Où est Jonas ? demande-t-il sévèrement.

– Au labour. Il a encore voulu faire ce travail pour son bon maître. Mais il viendra avant la fin du repas. En attendant, viens bénir les troupeaux, les champs, les vergers, les vignes, les pressoirs. Tout, tout… Ah ! Quelle fertilité l’année prochaine ! Viens, donc.

– Où est Jonas ? demande Jésus d’une voix tonitruante.

– Mais je te l’ai dit : il dirige le labour. C’est le premier serviteur et il ne travaille pas : il dirige.

– Menteur !

– Menteur, moi ? Je le jure sur Yahvé !

– Parjure !

– Moi, moi parjure ? Moi qui suis le plus fidèle parmi les fidèles ? Attention à ce que tu dis !

– Assassin ! »

Jésus a haussé toujours plus la voix et son dernier mot est un vrai tonnerre. Les disciples se serrent autour de Jésus, les serviteurs se montrent craintifs sur les portes. Le visage de Jésus est d’une sévérité insoutenable. On dirait que ses yeux lancent des rayons phosphorescents.

Un instant, Doras est pris de peur. Il se fait plus petit, tel un paquet d’étoffes très fines, devant la personne altière de Jésus vêtu d’un lourd vêtement de laine rouge foncé. Mais ensuite, l’orgueil le ressaisit et il crie de sa voix glapissante de renard :

« Chez moi, je suis seul à commander. Sors, vil galiléen.

– Je sortirai après t’avoir maudit avec tes champs, tes troupeaux, tes vignes pour cette année et celles qui viennent.

– Non, pas cela ! Oui, c’est vrai. Jonas est malade, mais il est soigné, bien soigné. Retire ta malédiction !

109.11

– Où est Jonas ? Qu’un serviteur me conduise à lui, tout de suite ! Je l’ai payé, et puisque pour toi, c’est une marchandise, une machine, je le considère comme tel. Puisque je l’ai payé, je l’exige. »

Doras tire un sifflet d’or de son sein et siffle par trois fois. Une nuée de serviteurs de la maison et des champs débouchent de tous côtés, accourent, tellement courbés qu’ils semblent ramper, auprès de leur maître redouté.

« Amenez-lui Jonas et remettez-le-lui. Où vas-tu ? »

Jésus ne répond même pas. Il suit les serviteurs qui se sont précipités au-delà du jardin vers ces sordides tanières que sont les maisons des pauvres paysans.

Ils entrent dans le taudis de Jonas. Celui-ci est devenu un squelette. Il halète, à demi nu, harcelé par la fièvre sur un grabat de roseaux, sur lequel fait office de matelas un vêtement rapetassé avec, comme couverture, un manteau en lambeaux. La jeune femme de l’autre fois le soigne comme elle le peut.

« Jonas ! Mon ami ! Je suis venu te chercher !

– Toi ? Mon Seigneur ! Je meurs… mais suis heureux de t’avoir ici auprès de moi !

– Mon fidèle ami, tu es libre maintenant et tu ne mourras pas ici. Je te conduis chez moi.

– Libre ? Pourquoi ? Chez toi ? Ah oui ! Tu m’avais promis que je verrais ta Mère. »

Penché sur le misérable lit du malheureux, Jésus est tout amour, et la joie paraît ranimer Jonas.

« Pierre : tu es fort. Soulève Jonas, et vous, donnez votre manteau. Ce lit est trop dur pour quelqu’un dans son état. »

Les disciples enlèvent promptement leurs manteaux. Ils les plient et les doublent, les étendent, et en mettent certains en guise d’oreiller. Pierre dépose sa charge décharnée et Jésus le recouvre de son propre manteau.

« Pierre, as-tu de l’argent ?

– Oui, Maître, j’ai quarante deniers.

– C’est bien. Allons-y. Courage, Jonas. Encore un peu de fatigue, puis une grande paix, chez moi, auprès de Marie…

– Marie… oui… oh ! Ta maison ! »

Epuisé, le pauvre Jonas pleure. Il ne sait que pleurer.

« Adieu, femme. Le Seigneur te bénira pour ta miséricorde.

– Adieu, Seigneur, adieu Jonas. Prie, priez pour moi. »

La jeune femme pleure…

109.12

Quand ils sont sur le seuil, Doras arrive. Jonas a un mouvement de peur et se cache le visage. Mais Jésus lui pose une main sur la tête et sort à son côté, plus sévère qu’un juge. Le misérable cortège sort dans la cour rustique, prend l’allée du potager.

« Ce lit est à moi ! Je t’ai vendu le serviteur, pas le lit. »

Sans mot dire, Jésus jette la bourse à ses pieds. Doras la prend, la vide.

« Quarante deniers et cinq didrachmes. C’est peu ! »

Jésus dévisage l’avide et répugnant argousin sans lui répondre. C’est une scène indescriptible.

« dis-moi au moins que tu retires l’anathème ! »

Jésus le foudroie d’un nouveau regard et d’une brève réplique :

« Je te remets au Dieu du Sinaï. »

Et il passe son chemin, très droit, à côté de la litière grossière portée précautionneusement par Pierre et André.

Voyant que tout est inutile, que la condamnation est certaine, Doras crie :

« Nous nous reverrons, Jésus ! Ah ! Je te tiendrai entre mes mains ! Je te ferai une guerre à mort. Emporte donc cette ombre d’homme. Il ne me sert plus à rien. Cela m’évitera des frais de sépulture. Va-t’en, va-t’en, Satan maudit ! Mais je mettrai tout le Sanhédrin contre toi. Satan ! Satan ! »

Jésus fait semblant de ne pas entendre. Les disciples sont consternés.

109.13

Jésus ne s’occupe que de Jonas. Il cherche les sentiers les moins mauvais, ceux qui sont en meilleur état, jusqu’à ce qu’ils arrivent à un carrefour près des champs de Yokhanan. Les quatre paysans accourent pour saluer leur ami qui s’en va et Jésus qui les bénit.

Mais le chemin est long d’Esdrelon à Nazareth, et ils ne peuvent aller bien vite avec leur charge pitoyable. Le long de la grande route, pas un char, pas un charreton. Rien. Ils marchent en silence. Jonas semble dormir. Mais sa main ne quitte pas la main de Jésus.

Vers le soir, un char militaire romain les rejoint.

« Au nom de Dieu, arrêtez-vous » dit Jésus en levant la main.

Les deux soldats s’arrêtent. De sous la capote du char qui est tirée parce qu’il commence à pleuvoir, un gradé à l’air bien solennel sort la tête.

« Que veux-tu ? demande-t-il à Jésus.

– J’ai un ami qui se meurt. Je te demande une place pour lui sur le char.

– On ne devrait pas… mais… monte. Nous ne sommes pas des chiens, non plus, nous autres. »

On hisse le brancard.

« C’est ton ami ? Qui es-tu ?

– Le rabbin Jésus de Nazareth.

– Toi ? Oh !… »

Le gradé le regarde curieusement.

« Si c’est toi, alors… montez aussi nombreux que vous le pouvez. Il suffit qu’on ne vous voie pas…. C’est la consigne… mais, au-dessus de la consigne, il y a l’humanité, pas vrai ? Or toi, tu es bon. Je le sais. Eh ! Nous autres, soldats, nous savons tout… Comment je le sais ? Même les pierres parlent en bien ou en mal, et nous avons des oreilles pour les entendre pour servir César. Tu n’es pas un faux Christ comme les autres d’auparavant, qui étaient séditieux et rebelles. Tu es bon. Rome le sait. Cet homme… est très malade.

– C’est pour cela que je le conduis chez ma mère.

– Hum ! Elle n’aura pas longtemps à le soigner ! Donne-lui un peu de vin. Il y en a dans cette gourde. Quant à toi, Aquila, fouette les chevaux, et toi, Quintus, donne-moi la ration de miel et de beurre. Elle est à moi, mais elle lui fera du bien. Il tousse beaucoup, et le miel est bon pour la toux.

– Tu es bon.

– Non, je suis moins mauvais que beaucoup. Et je suis heureux de t’avoir auprès de moi.

109.14

Souviens-toi de Publius Quintilianus de la légion italique. Je suis à Césarée, mais maintenant, je vais à Ptolémaïs. Ordre d’inspection.

– Tu ne t’opposes pas à moi.

– Moi ? Je suis l’ennemi des méchants, jamais des bons. Et je voudrais être bon, moi aussi. Dis-moi : pour nous, hommes d’armes, quelle doctrine prêches-tu ?

– Il n’y a qu’une doctrine, la même pour tous. Justice, honnêteté, continence, pitié. Exercer son métier sans abuser. Même dans la dure nécessité du métier des armes, respecter l’humanité. Et chercher à connaître la Vérité, c’est-à-dire Dieu, unique et éternel car, sans cette connaissance, tout acte est privé de grâce et donc de récompense éternelle.

– Mais, à ma mort, qu’en sera-t-il du bien que j’ai fait ?

– Celui qui vient au Dieu vrai retrouve ce bien dans l’autre vie.

– Je nais une seconde fois ? Je deviens tribun, ou même empereur ?

– Non, tu deviens semblable à Dieu en t’unissant à son éternelle béatitude dans le Ciel.

– Comment ? Moi, dans l’Olympe, parmi les dieux ?

– Il n’y a pas plusieurs dieux. Il n’y a que le Dieu vrai, celui que je prêche, celui qui t’entend et remarque ta bonté et ton désir de connaître le bien.

– Cela me plaît ! Je ne savais pas que Dieu pouvait s’occuper d’un pauvre soldat païen.

– C’est lui qui t’a créé, Publius, c’est pourquoi il t’aime et te voudrait avec lui.

– Eh… pourquoi pas ? Mais… personne ne nous parle de Dieu… jamais…

– Je viendrai à Césarée et tu m’entendras.

– Oh oui ! Je viendrai t’écouter. Nous voici à Nazareth. Je voudrais te rendre encore service. Mais si on me voit…

– Je descends et te bénis pour ta bonté.

– Salut, Maître.

– Que le Seigneur se manifeste à vous, soldats. Adieu. »

109.15

Ils descendent et reprennent leur marche.

« D’ici peu, tu pourras te reposer, Jonas » dit Jésus pour le réconforter.

Jonas sourit. Il est de plus en plus calme à mesure que la soirée avance et qu’il est sûr d’être loin de Doras.

Jean et son frère courent en avant prévenir Marie. Quand le petit cortège arrive à Nazareth, presque déserte à la nuit tombante, Marie est déjà sur le seuil, en train d’attendre son Fils.

« Mère, voici Jonas. Il va se réfugier dans ta douceur pour commencer à goûter son paradis. Tu es heureux, Jonas ?

– Heureux ! Heureux ! » murmure comme en une extase l’homme épuisé.

On le porte dans la petite pièce où est mort Joseph.

« Tu es sur le lit de mon père. Ma Mère est ici, et là, c’est moi. Tu vois ? Nazareth devient Bethléem. A ton tour d’être le petit Jésus entre deux personnes qui t’aiment et vénèrent en toi le serviteur fidèle. Les anges, tu ne les vois pas, mais ils volent au-dessus de toi avec leurs ailes de lumière et ils chantent les paroles du psaume de la Nativité… »

Jésus fait couler sa douceur sur le pauvre Jonas qui s’affaiblit d’instant en instant. Il semble avoir résisté jusqu’à ce moment pour mourir ici… mais il est heureux. Il sourit, cherche à baiser la main de Jésus, celle de Marie, à parler, à parler… mais il est si épuisé que ses mots se brisent. Marie le réconforte comme une mère. Et il répète : « Oui… oui », un sourire bienheureux sur son visage décharné.

A la porte du jardin, les disciples observent en silence, profondément émus.

« Dieu a exaucé ton long désir. L’étoile de ta longue nuit est devenue l’étoile de ton matin éternel. Tu connais son nom, dit Jésus.

– C’est le tien, Jésus ! Oh ! Jésus ! Les anges… Qui est-ce qui me chante l’hymne angélique ? Mon âme l’entend… mais mon oreille aussi voudrait l’écouter… Qui, pour me faire m’endormir dans la joie… J’ai tellement sommeil ! J’ai tant supporté ! Tant de larmes… Tant d’insultes… Doras… Je lui pardonne… mais je ne veux pas entendre sa voix et je l’entends… C’est comme la voix de Satan près de moi qui vais mourir. Qui me couvrira cette voix par les paroles venues du paradis ? »

Marie, sur le même air que sa berceuse, chante doucement :

« Gloire à Dieu, au plus haut des Cieux et paix aux hommes ici-bas. »

Elle le répète deux ou trois fois parce qu’elle voit que Jonas se calme en l’entendant.

« Doras ne parle plus, dit-il après quelque temps. Les anges seulement… Il y avait un bébé… dans une mangeoire… entre un bœuf et un âne… et c’était le Messie… Je l’ai adoré… et avec lui il y avait Joseph et Marie… »

La voix s’éteint en un bref gargouillis et le silence lui succède.

« Paix au Ciel à l’homme de bonne volonté ! Il est mort. Nous le mettrons dans notre pauvre tombeau. Il mérite d’attendre la résurrection des morts auprès de ce juste qu’était mon père » dit Jésus.

Prévenue par je ne sais qui, Marie, femme d’Alphée, arrive. Sur ce, la vision s’arrête.

109.1

Rivedo il piano di Esdrelon, di giorno, un giorno seminuvoloso di fine autunno. Vi deve essere stata della pioggia nella notte, una delle prime piogge dei tristi mesi invernali, perché la terra è umida per quanto non fangosa. E vi è ancora vento. Un vento umido che strappa le foglie ingiallite e penetra nelle ossa col suo alito pregno d’umidità.

Nei campi sono rare coppie di buoi all’aratro. Rivoltano a fatica la terra grassa e pesante di questa fertile pianura per prepararla al seme. E quello che mi fa pena è vedere che in certi luoghi sono gli stessi uomini che fanno l’ufficio dei buoi, spingendo il vomere con tutta la forza delle loro braccia, e persino del petto, puntando i piedi nel suolo già smosso, faticando come schiavi in quest’opera in cui faticano anche i robusti giovenchi.

Anche Gesù guarda e vede. E il suo volto si fa triste fino al pianto.

I discepoli – undici, perché Giuda è ancora assente e i pastori non ci sono più – parlano fra loro, e Pietro dice: «Piccola, povera, faticosa anche la barca… Ma cento volte meglio di questo servizio da bestie da soma!». E poi interroga: «Maestro, saranno già servi di Doras?».

Risponde Simone Zelote: «Non credo. I suoi campi sono oltre quel frutteto, mi pare. E noi non li vediamo ancora».

109.2

Ma Pietro, curioso sempre, lascia la strada e va lungo una proda fra due campi. Sui margini di essa si sono seduti per un momento quattro magri e sudati agricoltori. Anelano per la fatica. Pietro li interroga: «Siete di Doras?».

«No. Siamo del suo parente però, di Giocana siamo. E tu chi sei?».

«Sono Simone di Giona, pescatore di Galilea fino alla luna di ziv. Ora Pietro di Gesù di Nazaret, il Messia della Buona Novella». Pietro dice questo col rispetto e la gloria con cui uno direbbe: «Appartengo all’alto e divino Cesare di Roma» e molto più ancora. Il suo onesto viso splende proprio nella gioia del professarsi di Gesù.

«Oh! il Messia! Dove, dove è?», dicono i quattro infelici.

«Quello è. Quello alto e biondo, vestito di rosso scuro. Quello che guarda ora qui, e sorride attendendomi».

«Oh!… Se noi si andasse… ci caccerebbe?».

«Cacciarvi? Perché? È l’amico degli infelici, dei poveri, degli oppressi, e mi pare che voi… sì, siate proprio di questi…».

«Oh! se lo siamo! Mai come quelli di Doras. Almeno abbiamo pane a volontà e non siamo frustati altro che se si smette il lavoro, ma…».

«Sicché, se ora il bel signorino Giocana vi trovasse qui a parlare, vi…».

«Ci frusterebbe come non frusta i suoi cani…».

Pietro fa una fischiatina significativa. Poi dice: «Allora è meglio fare così…», e messe le mani ad imbuto alla bocca chiama forte: «Maestro. Vieni qui. Ci sono dei cuori che soffrono e ti vogliono».

«Ma che dici?! Lui?! Da noi?! Ma noi siamo servi ignobili!».

I quattro sono esterrefatti di tanto ardire.

«Ma le frustate non sono piacevoli. E se capita quel bel fariseo non vorrei averne una porzione anche io…», ride Pietro scuotendo con la sua manona il più esterrefatto dei quattro.

109.3

Gesù, col suo lungo passo, sta già raggiungendoli[1]. I quattro non sanno che fare. Vorrebbero corrergli incontro, ma il rispetto li paralizza. Poveri esseri che la cattiveria umana ha reso di tutto impauriti. Cadono bocconi al suolo, adorando di lì il Messia che viene a loro.

«La pace a tutti coloro che mi desiderano. Chi mi desidera ha desiderio di bene, ed Io lo amo come un amico. Alzatevi. Chi siete?».

Ma i quattro alzano appena il volto dal suolo e stanno in ginocchio e muti.

Parla Pietro: «Sono quattro servi del fariseo Giocana, parente di Doras. Vorrebbero parlarti, ma… se arriva lui sono legnate, e allora ti ho detto: “Vieni”. Su, ragazzi. Non vi mangia!

Abbiate fiducia. Pensate che sia un vostro amico».

«Noi… noi sappiamo di Te… Lo diceva Giona…».

«Vengo per lui. Lo so che mi ha annunciato. Che sapete di Me?».

«Che sei il Messia. Che ti ha visto piccino, che gli angeli hanno cantato la pace ai buoni con la tua venuta, che sei stato perseguitato… ma che ti sei salvato, e che ora hai cercato i tuoi pastori e… e li ami. Questo lo diceva ora, queste ultime cose. E noi pensavamo: se è così buono da amare e cercare dei pastori, certo vorrebbe un poco di bene anche a noi… Abbiamo tanto bisogno di chi ci ami…».

«Io vi amo.

109.4

Soffrite molto?».

«Oh!… Ma quelli di Doras più ancora. Se Giocana ci trovasse qui a parlare!… Ma oggi è a Gerghesa. Ancora non è tornato dai Tabernacoli. Però il suo intendente questa sera ci darà il cibo dopo avere misurato il lavoro. Ma non importa. Riprenderemo il tempo non riposando per il pasto dell’ora di sesta».

«Di’, ragazzo. Non sarei buono io di mandare avanti quell’arnese lì? È un lavoro difficile?», chiede Pietro.

«Difficile no. Ma faticoso. Ci vuole forza».

«Ce l’ho. Fammi vedere. Se riesco, tu parli ed io faccio il bove. Tu, Giovanni, Andrea e Giacomo, avanti alla lezione. Passiamo dai pesci ai vermi del suolo. Su!».

Pietro mette mano all’asse traversa del timone. Ad ogni aratro sono due uomini, l’uno di qua, l’altro di là della lunga stanga timoniera. E guarda e imita tutte le mosse del contadino. Forte come è, e riposato, lavora bene e l’uomo lo loda.

«Sono un maestro d’aratura», esclama contento il buon Pietro. «Su, Giovanni! Vieni qui. Un toro e un giovenco per aratro.

All’altro, Giacomo e quel muto vitello del fratello mio. Forza! Ah!… issa!», e le due coppie di aratori vanno affiancate rivoltando la terra e tracciando i solchi per il lungo campo, e al limite di esso rivoltano l’aratro e fanno il nuovo solco. Sembra che abbiano fatto[2] sempre i contadini.

109.5

«Come sono buoni i tuoi amici!», dice il più audace dei servi di Giocana. «Tu li hai fatti tali?».

«Io ho dato una regola alla loro bontà. Come tu fai con le cesoie del potatore. Ma la bontà era in loro. Ora fiorisce bene perché vi è chi la cura».

«Sono umili anche. Amici tuoi e servire così dei poveri servi!».

«Con Me non possono essere che coloro che amano l’umiltà, la mitezza, la continenza, l’onestà e l’amore, soprattutto l’amore. Perché chi ama Dio e prossimo ha di conseguenza tutte le virtù e acquista il Cielo».

«Anche noi potremo averlo, noi che non abbiamo tempo di pregare, di andare al Tempio, di neppure alzare il capo dal solco?».

«Rispondete: è in voi odio verso chi vi tratta così duramente? È in voi ribellione e rimprovero a Dio per avervi messi fra gli infimi della Terra?».

«Oh! no, Maestro! È la nostra sorte. Ma quando, stanchi, ci buttiamo sul giaciglio, diciamo: “Ebbene, il Dio di Abramo lo sa che siamo tanto sfiniti che non possiamo dirgli di più di: ‘ Sia benedetto il Signore!’”, e anche diciamo: “Anche oggi abbiamo vissuto senza peccare”… Sai… potremmo anche frodare un pochino, e col pane mangiare un frutto, o versare dell’olio sull’erbe lessate. Ma il padrone ha detto: “Ai servi basta il pane e l’erbe cotte, e nel tempo della messe un poco d’aceto nell’acqua per temperare la sete e dare il vigore”. E noi lo facciamo. Infine… si potrebbe stare peggio».

«Ed Io vi dico che in verità il Dio d’Abramo sorride ai vostri cuori, mentre volge viso acerbo a coloro che lo insultano nel Tempio con bugiarde preghiere mentre non amano i loro simili».

«Oh! ma fra simili si amano! Almeno… sembra così, perché si venerano a vicenda con doni e inchini. È con noi che non hanno amore. Ma noi siamo diversi da loro, ed è giusto».

«No. Nel Regno del Padre mio non è giusto. E diverso sarà il modo di giudicare. Non i ricchi e potenti, perché tali, avranno onori. Ma solo coloro che avranno sempre amato Dio amandolo sopra se stessi ed ogni altra cosa quale il denaro, il potere, la donna, la mensa; e amando i propri simili che sono tutti gli uomini, sia che siano ricchi o poveri, noti o ignoti, dotti o senza coltura, buoni o malvagi. Sì, anche i malvagi bisogna amarli. Non per la loro malvagità, ma per la pietà verso la loro anima da loro ferita a morte. Occorre amarli di un amore che supplica il Padre celeste di guarirli e redimerli. Nel Regno dei Cieli saranno beati coloro che avranno onorato il Signore con verità e giustizia, e amato i genitori ed i parenti per rispetto; coloro che non avranno rubato in nessun modo e nessuna cosa, ossia avranno dato e preteso il giusto, anche nel lavoro dei servi; coloro che non avranno ucciso né riputazioni né creature e non avranno avuto desiderio di uccidere, anche se i modi degli altri sono tanto crudeli da sollevare il cuore a sdegno e a rivolta; coloro che non avranno giurato il falso danneggiando il prossimo e la verità; coloro che non avranno commesso adulterio o vizio carnale quale che sia; coloro che miti e rassegnati avranno sempre accettato la loro sorte senza invidie verso gli altri. Di questi è il Regno dei Cieli, ed anche il mendico può essere lassù un re beato, mentre il Tetrarca nel suo potere sarà men che nulla, più che nulla anzi: sarà pasto di Mammona se avrà agito contro la legge eterna del Decalogo».

109.6

Gli uomini sono a bocca aperta ad udirlo.

Presso a Gesù sono Bartolomeo, Matteo, Simone, Filippo, Tommaso[3], Giacomo e Giuda d’Alfeo. Gli altri quattro continuano il loro lavoro, rossi, accaldati, ma allegri. Basta Pietro a tenere allegri tutti.

«Oh! come aveva ragione Giona di dirti “Santo”! Tutto in Te è santo. Le parole, lo sguardo, il sorriso. Noi non abbiamo mai sentito l’anima così!…».

«È molto che non vedete Giona?».

«Da quando è malato».

«Malato?».

«Sì, Maestro. Non ne può più. Si trascinava già prima. Ma dopo i lavori d’estate e la vendemmia non sta più in piedi. Eppure… lo fa lavorare quel… Oh! Tu dici che bisogna amare tutti. Ma è molto difficile amare le iene! E Doras è più di una iena».

«Giona lo ama…».

«Sì, Maestro. E io dico che è santo come quelli che per fedeltà al Signore Iddio nostro sono stati uccisi con martirio».

«Hai detto bene. Come ti chiami?».

«Michea, e questo Saulo, e questo Gioele, e questo Isaia».

«Ricorderò i vostri nomi al Padre. E dite che Giona è molto malato?».

«Sì. Appena finito il lavoro si butta sullo strame e noi non lo vediamo. Ce lo dicono altri servi di Doras».

«È sul lavoro a quest’ora?».

«Se sta ritto, sì. Dovrebbe essere oltre quel pometo».

«Fu buono il raccolto di Doras?».

«Oh! celebre in tutta la regione. Le piante ebbero puntello per le frutta di grossezza di miracolo, e Doras dovette fare fabbricare nuovi tini perché l’uva non avrebbe potuto esser posta in quelli soliti, tant’era».

«Allora Doras avrà premiato il suo servo!».

«Premiato! Oh! Signore, come lo conosci male!».

«Ma Giona mi disse che anni or sono lo colpì a morte per la perdita di qualche grappolo e che divenne schiavo per debiti, avendogli il padrone fatto accusa di perdita per poca messe. Quest’anno che ebbe miracolosa abbondanza, avrebbe dovuto dunque dargli premio».

«No. Lo frustò ferocemente, accusandolo di non avere gli scorsi anni ottenuto la stessa abbondanza per non avere curato la terra a dovere».

«Ma quest’uomo è una belva!», esclama Matteo.

«No. È un senza anima», dice Gesù.

109.7

«Vi lascio, figli, con una benedizione. Avete pane e cibo per oggi?».

«Abbiamo questo pane», e mostrano una pagnotta scura tratta da un sacchetto gettato al suolo.

«Prendete il mio cibo. Non ho che questo. Ma Io sono da Doras oggi e…».

«Tu da Doras?».

«Sì. Per riscattare Giona. Non lo sapevate?».

«Nessuno sa nulla qui. Ma… diffida, Maestro. Sei come una pecora nell’antro del lupo».

«Non potrà farmi nulla. Prendete il mio cibo. Giacomo, dài quanto abbiamo. Anche il vostro vino. Giubilate un poco anche voi, poveri amici. E per l’anima e per il corpo. Pietro! Andiamo».

«Vengo, Maestro. Non c’è che questo solco da finire». E corre a Gesù congestionato di fatica. Si asciuga col mantello che aveva spogliato, se lo rimette e ride felice.

I quattro non finiscono di ringraziare.

«Passerai di qui, Maestro?».

«Sì, attendetemi. Saluterete Giona. Lo potete fare?».

«Oh! sì. Il campo doveva essere arato a sera. Più di due terzi è fatto. Come bene e svelto! Sono forti i tuoi amici! Dio vi benedica. Oggi per noi è più di festa d’Azzimi. Oh! che Dio vi benedica tutti! Tutti! Tutti!».

109.8

Gesù se ne va dritto al pometo. Lo traversano, giungono ai campi di Doras. Altri contadini all’aratro o curvi a mondare i solchi dalle erbe strappate. Ma Giona non c’è. Gesù è riconosciuto e, senza lasciare il lavoro, gli uomini lo salutano.

«Dove è Giona?».

«Dopo due ore è caduto sul solco ed è stato portato a casa.

Povero Giona. Ancora per poco ha da soffrire. È proprio alla fine. Mai più avremo un amico più buono».

«Me avete sulla Terra ed egli in seno ad Abramo. I morti amano i vivi di duplice amore: il loro e quello che assumono essendo con Dio, amore perfetto perciò».

«Oh! vai subito da lui. Che ti veda sul suo soffrire!».

Gesù benedice e va.

«Ed ora che farai? Che dirai a Doras?», chiedono i discepoli.

«Andrò come nulla sapessi. Se egli si vede preso di fronte è capace di infierire su Giona e sui servi».

«Ha ragione il tuo amico: è uno sciacallo», dice Pietro a Simone.

«Lazzaro non dice mai altro che il vero e non è maldicente. Lo conoscerai e lo amerai», risponde questi.

109.9

Si vede la casa del fariseo. Larga, bassa, ma ben costrutta, in mezzo ad un frutteto ormai spoglio. Casa di campagna ma ricca e comoda. Pietro e Simone vanno avanti ad avvertire.

Esce Doras. Un vecchio dal profilo duro di vecchio rapace. Occhi ironici, bocca di serpe che guizza in un sorriso falso fra la barba più bianca che nera. «Salute, Gesù», saluta famigliarmente e con palese degnazione.

Gesù non dice: «Pace»; risponde: «Essa ti ritorni».

«Entra. La casa ti accoglie. Sei stato puntuale come un re».

«Come un onesto», ribatte Gesù.

Doras ride come di una celia.

Gesù si volge e dice ai discepoli, non invitati: «Entrate. Sono i miei amici».

«Vengano… ma… quello non è il gabelliere figlio d’Alfeo?».

«Questo è Matteo il discepolo del Cristo», dice Gesù con un tono che… l’altro capisce e torna a ridere più verde di prima.

Doras vorrebbe schiacciare il «povero» maestro galileo sotto l’opulenza della sua casa, che dentro è fastosa. Fastosa e gelida. I servi paiono schiavi. Vanno curvi, sgattaiolando rapidi, timorosi sempre di punizione. Si sente la casa in cui regna freddezza e odio.

Ma Gesù non si schiaccia con l’esposizione delle ricchezze né con il ricordargli il censo e le parentele… e Doras, che capisce l’indifferenza del Maestro, lo porta seco per il fruttetogiardino, mostrando piante rare e offrendo frutti delle stesse che i servi portano su vassoi e in coppe d’oro. Gesù gusta e loda la squisitezza delle frutta, parte conservate come in un giulebbe, e sono pesche bellissime, parte allo stato naturale e sono pere di una grossezza rara.

«Le ho io solo in tutta la Palestina e credo che neppure nella intera penisola ve ne siano. Le ho mandate a prendere in Persia e più lontano ancora. La carovana mi costò quanto un talento. Ma neanche i Tetrarca hanno questi frutti. Forse neanche Cesare li ha. Ne conto i frutti e voglio tutti i noccioli. E le pere solo alla mia tavola si consumano, perché non voglio che ne sia carpito un seme. Ad Anna ne mando, ma solo di già cotte perché siano sterili».

«Sono piante di Dio, però. E gli uomini sono tutti uguali».

«Uguali? Noooh! Io uguale a… ai tuoi galilei?».

«L’anima viene da Dio, ed Egli le crea uguali».

«Ma io sono Doras, il fedele fariseo!…». Pare un tacchino che faccia la ruota nel dirlo.

Gesù lo dardeggia con i suoi occhi di zaffiro che si fanno sempre più accesi, segno che denuncia in Lui o rigurgito di pietà o di severità. Gesù è tanto più alto di Doras e lo domina, imponente nel suo abito porpureo presso il piccolo, un poco curvo fariseo incartapecorito nel suo abito di un’ampiezza e una abbondanza di frange impressionante.

Doras, dopo qualche tempo di auto-ammirazione di sé, esclama: «Però, Gesù, perché mandare nella casa di Doras, il puro fariseo, Lazzaro, fratello di una meretrice? Tuo amico Lazzaro? Ma non devi! Non sai che è nell’anatema perché la sorella Maria è meretrice?».

«Non conosco altro che Lazzaro e le sue azioni che sono oneste».

«Ma il mondo ricorda il peccato di quella casa e vede che la sua macchia si estende sugli amici… Non vi andare. Perché non sei fariseo? Se vuoi… io sono potente… ti faccio accogliere per tale nonostante Tu sia galileo. Tutto io posso nel Sinedrio. Anna è in mia mano come questo lembo del mio mantello. Saresti più temuto».

«Voglio solo essere amato».

«Io ti amerò.

109.10

Vedi che già ti amo cedendo al tuo desiderio e dandoti Giona».

«L’ho pagato».

«È vero, e mi sono stupito che Tu potessi versare tale somma».

«Non Io. Un amico per Me».

«Bene, bene. Non indago. Dico: vedi che ti amo e voglio farti contento. Avrai Giona dopo il pasto. Solo per Te faccio questo sacrificio…», e ride del suo crudele riso.

Gesù lo dardeggia sempre più severo con le braccia conserte al petto. Sono ancora nel giardino-frutteto in attesa del pasto.

«Però Tu mi devi fare contento. Gioia per gioia. Io ti do il servo migliore. Mi privo perciò di un utile futuro. Quest’anno la tua benedizione – so che sei venuto all’inizio del gran calore – mi ha dato raccolti che hanno reso celebri i miei poderi. Ora benedici le mie mandre ed i miei campi. Per l’anno prossimo non rimpiangerò Giona… e intanto troverò uno suo pari. Vieni, benedici. Dammi la gioia d’esser celebrato per tutta la Palestina e di avere ovili e granai rigurgitanti di ogni bene. Vieni», e lo afferra e cerca trascinarlo, preso dalla febbre dell’oro.

Ma Gesù resiste: «Dove è Giona?», chiede severo.

«All’aratura. Ha voluto fare ancora questo per il suo buon padrone. Ma prima che il pasto sia finito verrà. Intanto vieni a benedire le mandre, i campi, i frutteti, le vigne, i frantoi. Tutto, tutto… Oh! come saranno fertili l’anno veniente! Vieni dunque».

«Dove è Giona?», tuona Gesù più forte.

«Ma te l’ho detto! Presiede l’aratura. È il primo servo e non lavora: presiede».

«Mentitore!».

«Io? Lo giuro su Jeové!».

«Spergiuro!».

«Io? Io spergiuro? Io che sono il fedele più fedele? Guarda come parli!».

«Assassino!».

Gesù ha sempre più elevato la voce, e l’ultima parola è un tuono. I discepoli gli si fanno intorno, i servi si affacciano dalle porte timorosi. Il volto di Gesù è insostenibile nella sua severità. Gli occhi sembrano emanare raggi fosforescenti.

Doras ne ha un attimo di paura. Si fa più piccolo, matassa di stoffa finissima presso l’alta persona di Gesù vestita di pesante lana rosso cupo. Ma poi la superbia lo riprende e urla con la sua voce squittente, proprio come quella delle volpi: «In casa mia ordino io solo. Esci, vile galileo».

«Uscirò dopo avere maledetto te, i tuoi campi, armenti e vigne, per questo e per gli anni avvenire».

«No, questo no! Sì. È vero. Giona è malato. Ma è curato. Bene è curato. Ritira la tua maledizione».

109.11

«Dove è Giona? Un servo mi conduca a lui, subito. Io l’ho pagato e, poi che per te è una merce, una macchina, tale lo considero; e poi che l’ho acquistato, lo voglio».

Doras trae un fischietto d’oro dal seno e fischia tre volte. Un nuvolo di servi della casa e della terra sbucano da ogni parte, corrono, talmente curvi da strisciare quasi, fino presso il temuto padrone.

«Portate Giona a costui e consegnatelo. Dove vai?».

Gesù neppure risponde. Cammina dietro i servi che si sono precipitati oltre il giardino verso le case dei contadini, le luride tane dei miseri contadini.

Entrano nella stamberga di Giona. Questo ha finito di scheletrirsi e anela seminudo per la febbre sul graticcio di canne, su cui fa da materasso una veste rattoppata e da copertura un ancor più rotto mantello. La giovane dell’altra volta lo cura come può.

«Giona! Amico mio! Sono venuto a prenderti!».

«Tu? Signor mio! Muoio… ma sono felice di averti qui!».

«Amico fedele, sei libero ora, e qui non morrai. Ti porto a casa mia».

«Libero? Perché? A casa tua? Ah, sì! lo avevi promesso che l’avrei vista tua Madre».

Gesù è tutto amore, curvo sul miserabile letto dell’infelice. E Giona pare rianimarsi dalla gioia.

«Pietro, tu sei forte. Solleva Giona, e voi date il mantello. È troppo duro questo letto per uno nel suo stato».

I discepoli si spogliano dei loro mantelli con prontezza, li piegano a più doppi e li stendono, di alcuni fanno guanciale. Pietro depone il suo carico d’ossa e Gesù lo copre col suo stesso mantello.

«Pietro, hai denaro?».

«Sì, Maestro, ho quaranta denari».

«Va bene. Andiamo. Coraggio, Giona. Un poco di fatica ancora, poi tanta pace nella mia casa, presso Maria…».

«Maria… sì… oh! la tua casa!». Nel suo sfinimento piange il povero Giona. Non sa che piangere.

«Addio, donna. Ti benedirà il Signore per la tua misericordia».

«Addio Signore, addio Giona. Prega, pregate per me». La giovane piange…

109.12

Quando sono sulla soglia, ecco Doras. Giona ha un atto di paura e si ripara il viso. Ma Gesù gli pone una mano sul capo ed esce al suo fianco, più severo di un giudice. Il misero corteo esce nella corte rustica, prende il sentiero del brolo.

«Quel letto è mio! Ti ho venduto il servo. Non il letto».

Gesù gli butta ai piedi la borsa senza parlare.

Doras la prende, la svuota. «Quaranta denari e cinque didramme. È poco!».

Gesù squadra, ed è impossibile dire cosa è il suo atto, l’avido e ripugnante aguzzino e non risponde.

«Almeno dimmi che ritiri l’anatema!».

Gesù lo fulmina con un nuovo sguardo e una breve frase: «Ti affido al Dio del Sinai», e passa eretto oltre, a fianco della rustica lettiga portata con precauzione da Pietro e Andrea.

Doras, vedendo che tutto è inutile, che la condanna è certa, urla: «Ci rivedremo, Gesù! Oh! ti avrò fra le unghie ancora! Guerra a morte ti farò. Prenditi pure questo straccio d’uomo.

Non mi serve più. Risparmierò il seppellimento. Va’, va’, satana maledetto! Ma tutto il Sinedrio ti metterò contro. Satana!

Satana!».

Gesù non mostra di udire. I discepoli sono costernati.

109.13

Gesù si occupa solo di Giona. Cerca i sentieri più piani, più riparati, fino a che giunge ad un crocicchio presso i campi di Giocana. I quattro contadini corrono a salutare l’amico che parte e il Salvatore che benedice.

Ma lunga è la strada da Esdrelon a Nazaret, né si può procedere spediti con quel pietoso carico. Lungo la via maestra non vi è nessun carro o carretto. Nulla. Procedono in silenzio. Giona pare che dorma. Ma non abbandona la mano di Gesù.

Verso sera, ecco un carro militare romano che li raggiunge.

«In nome di Dio, fermate», dice Gesù alzando il braccio.

I due soldati fermano; dalla tenda tirata sul carro, poiché comincia a piovere, fa capolino un graduato tutto pomposo.

«Che vuoi?», chiede a Gesù.

«Ho un amico morente. Vi chiedo posto per lui sul carro».

«Non si potrebbe… ma… sali. Non siamo cani neppure noi».

Viene issata la barella.

«Tuo amico? Chi sei?».

«Rabbi Gesù di Nazareth».

«Tu? Oh!…». Il graduato lo guarda curioso. «Se sei Tu allora… salite in quanti più potete. Basta non vi facciate vedere…

È ordine così… ma sopra l’ordine c’è anche l’umanità, no? E Tu sei buono. Lo so. Eh! noi soldati sappiamo tutto… Come lo so? Anche le pietre parlano in bene e in male, e noi abbiamo orecchie ad udirle per servire Cesare. Tu non sei un falso Cristo come gli altri di prima, sediziosi e ribelli. Tu sei buono. Roma lo sa. Quest’uomo… è molto malato».

«Lo porto da mia Madre per questo».

«Umh! lo curerà per poco! Dàgli un poco di vino. È in quella borraccia. Tu, Aquila, sferza i cavalli e tu, Quinto, dammi la razione di miele e burro. È mia, ma gli farà bene. Ha molta tosse e il miele medica».

«Sei buono».

«No. Sono meno cattivo di molti. E sono contento di averti con me.

109.14

Ricordati di Publio Quintilliano dell’Italica. Sto a Cesarea. Ma ora vado a Tolemaide. Ispezione d’ordine».

«Non mi sei nemico tu».

«Io? Nemico dei cattivi. Mai dei buoni. E vorrei essere buono anche io. Dimmi: per noi, uomini d’arme, quale dottrina Tu predichi?».

«Una è la dottrina, per tutti. Giustizia, onestà, continenza, pietà. Esercitare il proprio ufficio senza abusi. Anche nella dura necessità delle armi, seguire l’umanità. E cercare di conoscere la Verità, ossia Dio uno ed eterno, senza la quale conoscenza ogni azione rimane priva di grazia e perciò di premio eterno».

«Ma quando sono morto, che me ne faccio del bene fatto?».

«Chi viene al Dio vero trova quel bene nell’altra vita».

«Rinasco un’altra volta? Divento tribuno o anche imperatore?».

«No. Diventi simile a Dio sposandoti alla sua eterna beatitudine nel Cielo».

«Come? Nell’Olimpo io? Fra gli dèi?».

«Non vi sono dèi. Vi è il Dio vero. Quello che Io predico.

Quello che ti ode e segna la tua bontà e il tuo desiderio di conoscere il Bene».

«Questo mi piace! Non sapevo che Dio si potesse occupare di un povero soldato pagano».

«Egli ti ha creato, Publio. Perciò ti ama e ti vorrebbe con Lui».

«Eh!… perché no? Ma… nessuno ci parla di Dio… mai…».

«Io verrò a Cesarea e mi udrai».

«Oh! sì. Ed io verrò ad udirti. Ecco là Nazaret. Io ti vorrei servire ancora. Ma se sono visto…».

«Scendo, e ti benedico per la tua bontà».

«Salve, Maestro».

«Il Signore vi si mostri, militi. Addio».

109.15

Scendono. Riprendono l’andare.

«Fra poco riposerai, Giona», rincuora Gesù.

Giona sorride. È sempre più calmo man mano che scende la sera e che è sicuro di esser lontano da Doras.

Giovanni col fratello corre avanti, ad avvisare Maria. E quando il piccolo corteo giunge in Nazaret quasi deserta nella sera che scende, Maria è già sulla soglia in attesa del Figlio.

«Madre, ecco Giona. Si ricovera sotto la tua dolcezza per cominciare a gustare il suo Paradiso. Felice, Giona?».

«Felice! Felice!», mormora come in estasi lo sfinito.

Viene portato nella stanzetta dove morì Giuseppe.

«Sei sul letto di mio padre. E qui è la Madre, e qui sono Io. Vedi? Nazaret diventa Betlemme, e tu ora sei il piccolo Gesù fra due che ti amano, e questi sono quelli che venerano in te il servo fedele. Gli angeli non li vedi, ma alitano su te le loro ali di luce e cantano le parole del salmo natalizio…».

Gesù versa la sua dolcezza sul povero Giona che si accascia di attimo in attimo. Pare che abbia resistito fino allora per morire qui… ma è beato. Sorride, cerca baciare la mano di Gesù, quella di Maria, e di dire, dire… ma l’affanno spezza la parola. Maria lo conforta come una madre. E lui ripete: «Sì… sì» col suo sorriso beato nel volto scheletrito.

I discepoli, sulla porta dell’orto, tacciono e osservano commossi.

«Dio ha ascoltato il tuo lungo desiderio. La Stella della tua lunga notte ora diventa la Stella del tuo eterno mattino. Tu ne sai il Nome», dice Gesù.

«Gesù, il tuo! Oh! Gesù! Gli angeli… Chi mi canta l’inno angelico? L’anima l’ode… ma anche l’orecchio lo vuole udire… Chi, per farmi dormire felice… Ho tanto sonno! Tanta fatica ho fatto!… Tante lacrime… Tanti insulti… Doras… io lo perdono… ma non voglio sentire la sua voce e la sento… È come la voce di Satana presso al mio morire. Chi me la copre quella voce con le parole venute dal Paradiso?».

È Maria che, sull’aria stessa della sua ninna-nanna, canta piano: «Gloria a Dio negli alti Cieli e pace agli uomini quaggiù». E lo ripete due o tre volte, poiché vede che Giona si fa calmo nell’udirla.

«Non parla più Doras», dice dopo qualche tempo. «Solo gli angeli… Era un Bambino… in una greppia… fra un bue e un asino… ed era il Messia… Ed io l’ho adorato… e con Lui c’era Giuseppe e Maria…». La voce si spegne in un breve gorgoglio e subentra il silenzio.

«Pace in Cielo all’uomo di buona volontà! È morto. Lo metteremo nel nostro povero sepolcro. Merita di attendere la risurrezione dei morti presso al giusto mio padre», dice Gesù.

E mentre, avvertita da non so chi, entra Maria d’Alfeo, tutto cessa.


Note

  1. sta già raggiungendoli, invece di è dietro che arriva (analoga espressione corretta in 102.1), è correzione di MV su una copia dattiloscritta.
  2. fatto, parola mancante sull’originale autografo per evidente distrazione di MV, è nella copia dattiloscritta.
  3. Tommaso è un’aggiunta di MV su una copia dattiloscritta.