Veux-tu que je te dise pourquoi la bonté que tu as déjà naturellement se teinte d’une perfection surnaturelle ? C’est parce que tu demandes un don surnaturel : tu demandes le salut d’une âme bien précise en même temps que ta sainteté et celle de Marthe. Tu te rends compte qu’il ne suffit pas d’être bon suivant les idées du monde, mais qu’il faut être bon selon les lois de l’esprit, pour obtenir la grâce de Dieu. Tu n’as pas entendu mes paroles, mais j’ai dit :
“ Quand vous faites le bien, faites-le en secret, et le Père vous en récompensera grandement. ” Tu as agi par un penchant naturel à l’humilité. Et, en vérité, je te dis que le Père te prépare une récompense que tu ne peux pas même imaginer.
– La rédemption de Marie ?
– Cela, et bien plus encore.
– Quoi donc, Maître, de plus impossible ? »
Jésus le regarde et sourit. Puis il dit, sur le ton d’un psaume :
« Le Seigneur règne, et ses saints avec lui.
De ses rayons, il tresse une couronne et la pose sur le front de ses saints d’où, éternellement, elle resplendit aux yeux de Dieu et de l’univers. De quel métal est-elle faite ? De quelles pierreries est-elle décorée ? Le cercle de la couronne est d’or, d’un or très pur obtenu au double feu de l’amour divin et de l’amour de l’homme, ciselé par la volonté qui frappe, lime, taille et affine.
Cette couronne porte des perles en abondance, des émeraudes plus vertes que l’herbe qui pousse en avril, des turquoises couleur de ciel, des opales couleur de lune, des améthystes pudiques comme des violettes, et aussi des jaspes, des saphirs, des hyacinthes et des topazes. Ce sont toutes des pierres enchâssées pour la vie. Et puis, pour achever l’ouvrage, un cercle de rubis, un grand cercle sur le front glorieux.
Puisque cet homme béni aura possédé foi et espérance, qu’il aura eu douceur et chasteté, tempérance et force, justice et prudence, miséricorde sans mesure, et qu’au fond de son cœur il aura écrit de son sang mon nom, sa foi en moi et son amour pour moi, alors son nom sera dans le Ciel.
Exultez dans le Seigneur, vous les justes. L’homme ignore et Dieu voit.
Il inscrit dans les livres éternels mes promesses et vos œuvres, et avec elles vos noms, princes du siècle à venir, triomphateurs éternels avec le Christ du Seigneur. »
Lazare le regarde avec étonnement. Puis il murmure :
« Ah !… moi… je ne serai pas capable…
– Tu crois cela ? »
Jésus cueille sur le sentier un rameau flexible de saule pleureur et dit :
« Regarde : aussi facilement que ma main plie ce rameau, ainsi l’amour pliera ton âme et en fera une couronne éternelle. L’amour est le rédempteur de l’individu. Celui qui aime commence sa rédemption. Le Fils de l’homme la complètera. »
Tout prend fin.