29.1
Je revois l’intérieur de ce pauvre refuge de pierre où Marie et Joseph ont trouvé asile et partagent le sort des animaux.
Un petit feu sommeille, de même que son gardien. Marie relève doucement la tête de sa couche et regarde. Voyant que Joseph a la tête qui tombe sur la poitrine, comme s’il réfléchissait, elle pense que la fatigue a triomphé de son désir de rester éveillé. Elle a un bon sourire et s’assied, puis s’agenouille en faisant moins de bruit que ne peut en faire un papillon qui se pose sur une rose. Un sourire heureux sur le visage, elle prie. Elle prie les bras écartés, pas vraiment en croix mais presque, les paumes tournées vers le ciel et en avant, sans jamais paraître fatiguée de cette position pénible. Puis elle se prosterne, le visage contre le foin, dans une prière encore plus profonde, une longue prière.
Joseph se secoue. Il voit que le feu est presque mort et que l’étable est dans une quasi-obscurité. Il jette une poignée de brindilles extrêmement fines et la flamme se réveille ; il y ajoute des rameaux un peu plus gros, puis encore plus gros, car le froid doit être piquant. Le froid de cette nuit d’hiver paisible pénètre en effet de toutes parts dans ces ruines. Le pauvre Joseph doit être gelé, car il se trouve près de la “ porte ” – appelons comme cela l’ouverture sur laquelle son manteau fait office de rideau. Il avance ses mains vers la flamme, défait ses sandales et en approche ses pieds. Il se réchauffe. Quand le feu a bien pris et que sa lumière est assurée, il se tourne. Il ne voit rien, même plus le voile blanc de Marie, qui traçait auparavant une ligne claire sur le foin sombre. Il se met alors debout et s’approche lentement de la couche.
« Tu ne dors pas, Marie ? » demande-t-il.
Il le demande à trois reprises jusqu’à ce qu’elle en prenne conscience et réponde :
« Je prie.
– Tu n’as besoin de rien ?
– Non, Joseph.
– Essaie de dormir un peu, ou du moins de te reposer.
– Je vais essayer, mais prier ne me fatigue pas.
– Bonne nuit, Marie.
– Bonne nuit, Joseph. »
Marie reprend sa position. Joseph, pour ne plus céder au sommeil, s’agenouille auprès du feu et prie. Pour ce faire, il se couvre le visage de ses mains. Il les enlève de temps en temps pour alimenter le feu puis retourne à sa prière fervente. Excepté le bruit du bois qui crépite et celui de l’âne, qui de temps à autre frappe le sol du pied, on n’entend rien.