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« Tu ne reconduis pas l’enfant à sa mère ? demande Barthélemy à Jésus, qu’il trouve sur la terrasse, absorbé dans une profonde prière.
– Non, j’attendrai qu’elle revienne de la synagogue…
– Tu espères que le Seigneur lui parlera là-bas… et qu’elle… comprendra son devoir ? Tu penses en sage, mais elle n’est pas sage. Une autre mère serait accourue dès hier soir pour reprendre son enfant. Enfin… nous avions navigué sur une mer en tempête… Elle ne savait pas d’où nous venions… S’est-elle par hasard préoccupée de voir si son fils n’en avait pas souffert ? Elle vient peut-être ce matin ? Regarde combien de mères sont déjà debout, bien qu’il fasse jour depuis peu, empressées à étendre les vêtements de fête pour qu’ils finissent de sécher et que les enfants puissent les mettre propres pour le jour du Seigneur. Un pharisien dirait qu’elles font un travail servile, parce qu’elles étendent ces petits vêtements. Moi, je dis qu’elles font un acte d’amour envers Dieu et envers leurs enfants. Ce sont de pauvres femmes pour la plupart. Regarde là, Marie de Benjamin et Rébecca de Michée. Et sur cette pauvre terrasse, Jeanne qui, patiemment, démêle les franges du pauvre vêtement de son garçon afin qu’il paraisse moins pauvre pour aller à la fonction sacrée. Et là aussi, sur la rive qui va être bientôt tout ensoleillée, Selida étend la toile encore grège, pour que paraisse fin ce qui est toujours un tissu grossier, beau seulement en raison des sacrifices qu’il lui coûte : tant de bouchées de pain enlevées à la faim qui la tenaillait pour les changer en filasse de chanvre. Et là-bas, n’est-ce pas Adina qui frotte avec des herbes le petit vêtement déteint de sa fillette pour qu’il paraisse plus vert ? Mais la mère d’Alphée, on ne la voit pas…
– Que le Seigneur change son cœur ! Il n’y a rien d’autre à dire… »