Gli Scritti di Maria Valtorta

616. Le matin de la Résurrection. Prière de Marie.

616. Il mattino della Risurrezione.

616.1

Les femmes reprennent leurs travaux de préparation des onguents qui, dans la nuit, à la fraîcheur de la cour, se sont solidifiés en une lourde pâte.

Jean et Pierre pensent à ranger le Cénacle mais, s’ils lavent la vaisselle, ils remettent tout dans l’état où c’était à la fin de la Cène.

« C’est Jésus qui l’a dit, rappelle Jean.

– Il avait dit aussi : “ Ne dormez pas ! ” Il avait dit : “ Ne sois pas orgueilleux, Pierre. Ne sais-tu pas que l’heure de l’épreuve va venir ? ” Et… et il a dit : “ Tu me renieras… ” »

Pierre pleure de nouveau en gémissant avec un sombre chagrin :

« Et moi, je l’ai renié !

– Assez, Pierre ! Te voilà revenu. Assez de ce tourment !

– Non, ce ne sera jamais assez, jamais. Même si je devenais vieux comme les premiers patriarches, même si je vivais les sept ou neuf cents années d’Adam et de ses premiers descendants, je ne cesserais jamais d’éprouver ce tourment.

– Tu n’espères pas en sa miséricorde ?

– Si. Si je n’y croyais pas, je serais comme Judas : un désespéré. Mais même si Jésus me pardonne du sein du Père où il est retourné, moi, je ne me pardonne pas. Moi ! Moi ! Moi qui ai dit : “ Je ne le connais pas ” parce qu’à ce moment-là il était dangereux de le connaître, parce que j’ai eu honte d’être son disciple, parce que j’ai eu peur de la torture… Lui allait à la mort, et moi… moi, j’ai pensé à sauver ma vie. Et pour la sauver je l’ai repoussé, comme une femme qui a péché repousse, après l’avoir enfanté, le fruit de son sein, qu’il est dangereux d’avoir près d’elle, avant le retour de son mari ignorant de tout. Je suis pire qu’une femme adultère, pire que… »

616.2

Marie-Madeleine entre, attirée par ses lamentations.

« Ne crie pas comme ça ! Marie t’entend. Elle est tellement épuisée ! Elle n’a plus aucune force, et tout lui fait mal. Tes cris inutiles et désordonnés la ramènent à se tourmenter de ce que vous avez été…

– Tu vois ? Tu vois, Jean ? Une femme peut m’imposer le silence. Et elle a raison, parce que nous, les mâles consacrés au Seigneur, nous avons seulement su mentir ou nous enfuir. Les femmes ont été braves. Toi qui n’es qu’à peine plus qu’une femme, tant tu es jeune et pur, tu as su rester. Mais nous, les forts, les mâles, nous nous sommes enfuis. Ah ! quel mépris le monde doit avoir pour moi ! Dis-le-moi, dis-le-moi, femme ! Tu as raison ! Mets ton pied sur cette bouche qui a menti. Sur la semelle de ta sandale, il y a peut-être un peu du sang du Maître. Et seul ce sang, mêlé à la boue du chemin, peut donner un peu de pardon, un peu de paix à celui qui a renié. Je dois pourtant m’habituer au mépris du monde ! Que suis-je ? Répondez-moi donc : que suis-je ?

– Tu es un grand orgueillleux » répond avec calme Marie-Madeleine. « De la souffrance ? Oui, il y en aussi. Tu peux cependant être sûr que cinq parts de ta souffrance sur dix, pour ne pas t’offenser en disant six, viennent de la douleur d’être un homme qui peut être méprisé. Mais réellement, je vais devoir te mépriser si tu ne fais que gémir et te mettre dans tous tes états comme une sotte femmelette ! Ce qui est fait est fait, et ce ne sont pas tes hauts cris qui vont le réparer ou l’effacer. Ils ne font qu’attirer l’attention et mendier une compassion qu’on ne mérite pas. Sois viril dans ton repentir. Ne crie pas. Agis.

616.3

Moi… tu sais qui j’étais… Mais quand j’ai compris que j’étais plus méprisable que du vomi, je ne me suis pas livrée aux convulsions. J’ai agi. Publiquement. Sans indulgence pour moi et sans demander l’indulgence. Le monde me méprisait ? Il avait raison. Je l’avais bien mérité. Le monde disait : “ Une nouvelle fantaisie de la prostituée ” ? Et il appelait blasphème mon recours à Jésus ? Il avait raison. Le monde se rappelait ma conduite passée, qui justifiait toutes ces remarques. Eh bien ? Le monde a dû se convaincre que la pécheresse Marie n’existait plus. C’est par mes actes que j’ai persuadé le monde. Fais-en autant, et tais-toi.

– Tu es sévère, Marie, objecte Jean.

– Plus avec moi qu’avec les autres. Mais je le reconnais : je n’ai pas la main légère de la Mère. Elle est l’Amour. Moi… oh ! moi ! J’ai brisé ma sensualité par le fouet de ma volonté. Et je le ferai davantage. Crois-tu que je me suis pardonnée d’avoir été la Débauche ? Non. Mais je ne le dis qu’à moi-même. Et je me le répéterai toujours. Je mourrai consumée en ce secret regret d’avoir été ma propre corruptrice, dans l’inconsolable douleur de m’être profanée et de n’avoir pu donner au Maître qu’un cœur piétiné… Tu vois… j’ai travaillé plus que toutes aux baumes… Et c’est avec plus de courage que les autres que je le découvrirai… Dieu ! Comment sera-t-il maintenant ! (Marie de Magdala pâlit à cette seule penser). Je le couvrirai de nouveaux baumes en enlevant ceux qui seront certainement corrompus sur ses plaies sans nombre… Je le ferai, parce que les autres auront l’air de liserons après une averse… Mais j’ai le regret de le faire avec ces mains qui ont donné tant de caresses lascives, de m’approcher de sa sainteté avec ma chair souillée… Je voudrais… je voudrais avoir la main de la Mère Vierge pour faire cette dernière onction… »

Marie pleure maintenant doucement, sans sanglots. Qu’elle est différente de la Marie-Madeleine théâtrale qu’on nous présente toujours ! Ce sont les mêmes larmes silencieuses qu’elle avait le jour de son pardon dans la maison du pharisien[1].

616.4

« Tu dis que… les femmes auront peur ? lui demande Pierre.

– Pas peur… Mais elles se troubleront certainement devant son corps, certainement déjà corrompu… enflé… noir. Et puis, c’est certain, elles auront peur des gardes.

– Veux-tu que je vienne ? Et Jean avec moi ?

– Ah ! cela, non ! Nous sortons toutes parce que, comme nous étions toutes là-haut, il est juste que nous soyons toutes autour de son lit de mort. Toi et Jean, vous restez ici. Marie ne peut rester seule !

– Elle ne vient pas ?

– Nous ne la laisserons pas venir !

– Elle est convaincue qu’il va ressusciter… Et toi ?

– Moi, après Marie, je suis celle qui croit le plus. J’ai toujours cru que c’était possible. C’est lui-même qui l’annonçait. Et il ne ment jamais… Lui !… Oh ! avant je l’appelais Jésus, Maître, Sauveur, Seigneur… Maintenant, je le sens si grand que je ne sais, je n’ose plus lui donner un nom… Que lui dirai-je quand je le verrai ?…

– Mais crois-tu vraiment qu’il va ressusciter ?…

– Encore ! Oh ! à force de vous affirmer que je crois et de vous entendre dire que vous ne croyez pas, je finirai par ne plus croire, moi non plus ! J’ai cru et je crois. J’ai cru, et je lui ai depuis longtemps préparé son vêtement. Et pour demain — car demain c’est le troisième jour — je l’apporterai ici, tout prêt…

– Mais si tu dis qu’il sera noir, enflé, laid ?

– Laid, jamais. C’est le péché qui est laid. Mais… mais oui, il sera noir. Eh bien ? Lazare n’était-il pas déjà en décomposition ? Et pourtant il est ressuscité et sa chair fut guérie. Mais si je le dis !… Taisez-vous, incroyants ! En moi aussi la raison humaine sussure : “ Il est mort et ne ressuscitera pas. ” Mais mon esprit, “ son ” esprit, car j’ai eu de lui un nouvel esprit, crie, et il me semble entendre retentir des trompettes d’argent : “ Il ressuscite ! Il ressuscite ! Il ressuscite ! ” Pourquoi me battez-vous comme une nacelle sur les écueils de votre doute ? Je crois ! Je crois, mon Seigneur ! Lazare a obéi au Maître, quoi qu’il lui en ait coûté, et il est resté à Béthanie… Moi qui sais qui est Lazare, fils de Théophile : un homme courageux, pas un couard, je peux mesurer son sacrifice de rester dans l’ombre et non près du Maître. Mais il a obéi. Il lui a été plus héroïque d’obéïr que s’il avait arraché Jésus par l’épée aux hommes armés. Moi, j’ai cru, et je crois. Et je reste ici, à l’attendre, comme Marie. Mais laissez-moi partir. Le jour se lève et, dès que nous y verrons suffisamment, nous nous rendrons au tombeau… »

Et Marie-Madeleine s’éloigne, le visage brûlé par les larmes, mais toujours aussi courageuse.

616.5

Elle entre chez la Vierge.

« Qu’avait Pierre ?

– Une crise de nerfs. Mais c’est passé.

– Ne sois pas dure, Marie. Il souffre.

– Moi aussi. Mais tu vois que je ne t’ai pas même demandé une caresse. Lui a déjà été soigné par toi… Et moi, au contraire, je pense que toi seule, ma Mère, tu as besoin de baume. Ma Mère, sainte, aimée ! Prends courage… Demain, c’est le troisième jour. Nous nous enfermerons ici à l’intérieur, nous deux qui l’aimons. Toi, la sainte femme aimante, moi, la pauvre femme aimante… Mais je le fais avec ce que je suis. Et nous l’attendrons… Eux, ceux qui ne croient pas, nous les enfermerons à côté, avec leurs doutes. Et ici, je mettrai plein de roses… Aujourd’hui, je vais faire apporter le coffre… Je vais passer au palais et donner des ordres à Lévi. Au loin toutes ces horreurs ! Il ne doit pas les voir, notre cher Ressuscité… Plein de roses… Tu mettras un habit neuf… Il ne doit pas te voir ainsi. Je vais te peigner, je vais laver ce pauvre visage défiguré par les larmes. Eternelle jeune fille, je vais te servir de mère… J’aurai enfin la joie de donner des soins maternels à une enfant plus innocente qu’un nouveau-né ! Ma chère Marie ! »

Et, avec son affection exubérante, Marie-Madeleine serre contre sa poitrine la tête de Marie qui est assise, elle la couvre de baisers, la caresse, remet en ordre les légères boucles des cheveux dépeignés derrière les oreilles, essuie les nouvelles larmes qui coulent encore, encore, toujours, avec l’étoffe de son vêtement…

616.6

Les femmes entrent avec des lampes, des amphores et des vases aux larges becs. Marie, femme d’Alphée, porte un lourd mortier.

« On ne peut rester dehors. Il y a un peu de vent et il éteint les lampes » explique-t-elle.

Elles se placent de côté. Sur une table, étroite mais longue, elles posent tout leur matériel puis terminent de préparer leurs baumes, en mêlant dans le mortier la pâte déjà lourde des essences à une poussière blanche qu’elles puisent à pleines poignées dans un sachet. Elles mélangent l’ensemble énergiquement et en emplissent un vase au large bec. Elles le mettent par terre, puis répètent avec un autre la même opération. Parfums et larmes tombent sur les résines.

Marie-Madeleine dit :

« Cela n’était pas là l’onction que j’espérais pouvoir te préparer. »

En effet, Marie-Madeleine, plus habile que toutes, a réglé et dirigé toute la composition du parfum, si capiteux qu’elles se décident à ouvrir la porte et à entrebâiller la fenêtre sur le jardin, qui commence juste à blanchir.

Toutes pleurent après l’observation à voix basse de Marie-Madeleine.

Enfin, elles achèvent leur tâche : tous les vases sont pleins.

Elles sortent avec les amphores vides, le mortier désormais inutile, et plusieurs lampes. Dans la petite pièce, il en reste seulement deux, qui semblent sangloter sous leur lumière tremblante…

Les femmes rentrent et referment la fenêtre, car l’aube est un peu froide. Elles revêtent leurs manteaux et prennent de larges sacs où elles disposent les vases de baume.

616.7

Marie se lève et cherche son manteau, mais toutes se pressent autour d’elle pour la persuader de ne pas venir.

« Tu ne tiens pas debout, Marie ! Cela fait deux jours que tu ne prends pas d’autre nourriture qu’un peu d’eau.

– Oui, Mère, nous ferons vite et bien. Et nous reviendrons aussitôt.

– Ne crains rien, nous l’embaumerons comme un roi. Tu vois quel baume précieux nous avons composé ! Et en quelle quantité !

– Nous ferons attention aux membres et aux blessures, et nous le mettrons en place avec nos mains. Nous sommes fortes, et nous sommes mères. Nous le disposerons comme un enfant dans son berceau. Il ne restera aux autres qu’à fermer les lieux. »

Mais Marie insiste :

« C’est mon devoir » dit-elle. « C’est moi qui l’ai toujours soigné. Je n’ai cédé à d’autres la charge de prendre soin de lui qu’au cours de ses trois dernières années, quand il appartenait au monde, et encore, seulement lorsqu’il était loin de moi. Maintenant que le monde l’a repoussé et renié, il m’appartient de nouveau, et je redeviens sa servante. »

A ces mots, Pierre, qui s’était approché avec Jean de la porte, sans être vu des femmes, s’enfuit dans quelque recoin caché pour pleurer sur son péché. Jean s’arrête sur le seuil, silencieux. Il voudrait certainement y aller lui aussi, mais il fait le sacrifice de rester auprès de Marie.

616.8

Marie-Madeleine reconduit Marie à son siège. Elle s’agenouille devant elle, embrasse ses genoux en levant vers elle son visage douloureux, mais rempli d’amour, et elle lui promet :

« Par son Esprit, ton Fils sait et voit tout. Mais je dirai à son corps, par des baisers, ton amour, ton désir. Je sais ce qu’est l’amour. Je sais quel aiguillon, quelle faim c’est d’aimer, et aussi quelle nostalgie de se trouver en permanence avec celui qui représente l’amour pour nous. Cela existe aussi dans les vils amours qui paraissent être de l’or et ne sont que boue. Quand ensuite la pécheresse peut savoir ce qu’est l’amour saint pour la Miséricorde vivante que les hommes n’ont pas su aimer, alors elle peut mieux comprendre ce qu’est ton amour, Mère. Tu sais que je sais aimer. Et tu te souviens de cette parole de Jésus[2], lors de cette soirée de ma vraie naissance, là-bas sur les rives de notre lac serein : Marie de Magdala sait beaucoup aimer. Or cet amour exubérant qui est le mien, tel l’eau qui déborde d’un bassin incliné, comme le rosier en fleurs qui passe par dessus un mur, tel la flamme bien alimentée qui s’élève plus haut, s’est tout entier déversé sur lui, et a tiré de son amour une nouvelle puissance… Ah ! pourquoi ma capacité d’amour n’a-t-elle pas pu se substituer à lui sur la croix !… Je n’ai pu faire pour lui ce que j’aurais désiré : souffrir, verser mon sang, mourir à sa place sous les railleries de tous. J’aurais été comblée de bonheur s’il m’avait été possible de souffrir à sa place. J’en suis certaine, le cours de ma pauvre vie aurait été brûlé davantage par l’amour triomphal que par le gibet infâme. C’est une fleur nouvelle qui serait née des cendres, la fleur d’une vie pure, vierge, ignorante de tout ce qui n’est pas Dieu. Mais ce que je n’ai pas pu faire pour lui, je le peux encore pour toi, Mère que j’aime de tout mon cœur. Fais-moi confiance. Moi qui ai su, dans la maison de Simon le pharisien, caresser si doucement ses pieds saints, je saurai, maintenant que mon âme s’ouvre de plus en plus à la grâce, caresser encore plus doucement ses membres saints, soigner ses plaies, les embaumer plus avec mon amour, plus avec le baume tiré de mon cœur sous l’action de l’amour et de la douleur, qu’avec l’onguent. Et la mort n’abîmera pas ces chairs qui ont donné tant d’amour et en ont tant reçu. La mort fuira, car l’amour est plus fort qu’elle. L’amour est invincible. Et moi, Mère, avec ton amour parfait, avec mon amour total, j’embaumerai par l’amour mon Roi d’amour. »

Marie embrasse cette femme passionnée qui, finalement, a su trouver l’Homme qui mérite tant de passion, et elle cède à sa prière.

616.9

Les femmes sortent en emportant une lampe. Il n’en reste qu’une dans la pièce. Marie-Madeleine sort la dernière après un dernier baiser à la Mère.

La maison est toute sombre et silencieuse. Le chemin est encore obscur et solitaire.

Jean demande :

« Vous ne voulez vraiment pas de moi ?

– Non. Tu peux être utile ici. Adieu. »

Jean revient trouver Marie.

« Elles n’ont pas voulu de moi… dit-il doucement.

– N’en sois pas blessé. Elles sont à Jésus, et toi à moi. Jean, prions un peu ensemble. Où est Pierre ?

– Je ne sais pas. Dans la maison… mais je ne le vois pas. C’est… Je le croyais plus fort… Moi aussi, j’ai de la peine, mais lui…

– Lui a deux douleurs, toi une seule. Viens, prions aussi pour lui. »

Et Marie dit lentement le “ Notre-Père ”. Puis elle fait une caresse à Jean :

« Va trouver Pierre. Ne le laisse pas seul. Il a été tellement dans les ténèbres en ces heures, qu’il ne supporte même pas la légère lumière du monde. Sois l’apôtre de ton frère égaré. Commence par lui ta prédication. Sur ton chemin, et il sera long, tu en trouveras toujours qui lui ressemblent. Commence ton travail par ton compagnon…

– Mais que dois-je dire ?… Moi, je ne sais pas… Tout le fait pleurer…

– Rappelle-lui le précepte d’amour de Jésus. Dis-lui que celui qui se borne à craindre ne connaît pas encore Dieu suffisamment, car Dieu est amour. Et s’il te réplique : “ J’ai péché ”, réponds-lui que Dieu a tant aimé les pécheurs qu’il leur a envoyé son Fils unique. Dis-lui qu’à tant d’amour il faut répondre par l’amour. Et l’amour donne la confiance dans le Seigneur très bon. Cette confiance ne nous fait pas craindre son jugement parce que, grâce à elle, nous reconnaissons la sagesse et la bonté divines et nous disons : “ Je suis une pauvre créature, mais lui le sait, et il me donne le Christ comme garantie de pardon et colonne de soutien. Ma misère est vaincue par mon union avec le Christ. ” C’est au nom de Jésus que tout est pardonné… Va, Jean, parle-lui de cette manière. Moi, je reste ici avec mon Jésus… »

Et elle caresse le suaire.

Jean sort en fermant la porte derrière lui.

616.10

Marie se met à genoux, comme le soir précédent, visage contre Visage avec le voile de Véronique, et elle prie et parle avec son Fils. Forte pour donner de la force aux autres, elle ploie sous son écrasante croix lorsqu’elle est seule. Pourtant, de temps en temps, telle une flamme qui n’est plus étouffée par le boisseau, son âme s’élève vers une espérance qui, en elle, ne saurait mourir mais croît au contraire avec l’écoulement des heures. Marie dit aussi au Père son espérance, son espérance et sa demande.

616.11

(Vous pouvez placer ici, telle quelle puisqu’elle n’a subi aucun changement, la prière de l’an dernier, les lamentations de cette aube pascale, du 21 février 1944.)

Le 21 février 1944.

[…]

616.12

« Jésus, Jésus ! Tu ne reviens pas encore ? Ta pauvre Maman ne résiste plus à l’idée de te savoir là-bas, mort. Tu l’as dit, et personne ne t’a compris. Mais moi, je t’ai compris ! “ Détruisez le Temple de Dieu, et moi, je le reconstruirai en trois jours. ” Voici venu le commencement du troisième jour. Oh ! mon Jésus ! N’attends pas qu’il soit accompli pour revenir à la vie, à ta Maman qui a besoin de te voir vivant pour ne pas mourir de se souvenir de toi comme mort, ta Maman qui a besoin de te voir beau, en parfaite santé, triomphant, pour ne pas mourir en se souvenant de l’état où elle t’a laissé !

616.13

Oh ! Père ! Père ! Rends-moi mon Fils ! Que je le voie redevenu homme et non plus cadavre, roi et non plus condamné. Plus tard, je le sais, il retournera à toi, au Ciel. Mais je l’aurai vu guéri de tant de mal, je l’aurai vu fort après tant de faiblesse, je l’aurai vu triomphant après tant de luttes, je l’aurai vu Dieu après une humanité qui a enduré de telles souffrances pour les hommes. Alors je me sentirai heureuse, même quand je serai privée de son contact immédiat. Je le saurai avec toi, Père saint, je le saurai pour toujours loin de la Douleur. Maintenant, au contraire, je ne puis, je ne puis oublier qu’il gît dans un tombeau, qu’il est là tué par les souffrances qu’on lui a infligées, et que mon Fils-Dieu partage le sort des hommes dans l’obscurité d’un tombeau, lui qui est ton Vivant.

Père, Père, écoute ta servante. En raison de ce “ oui ”… Je ne t’ai jamais rien demandé en échange de mon obéissance à tes volontés ; c’était ta volonté, et ta volonté était la mienne ; je ne devais rien exiger pour le sacrifice de la mienne à toi, ô Père saint. Mais aujourd’hui, pour ce “ oui ” que j’ai dit à l’ange ton messager, Père, écoute-moi !

Jésus en a fini avec les tortures, car il a tout accompli en agonisant trois heures durant, après les sévices du matin. Mais moi, je vis depuis trois jours cette agonie. Tu vois mon cœur, et tu en entends les battements. Notre Jésus a dit qu’un oiseau ne perd pas une plume que tu ne la voies, qu’il ne meurt pas une fleur des champs sans que tu ne consoles son agonie par ton soleil et ta rosée. Oh ! Père, je meurs de cette douleur ! Traite-moi comme le passereau que tu revêts d’un nouveau plumage et la fleur que tu réchauffes et désaltères par pitié pour elle. Je meurs transie de douleur. Je n’ai plus de sang dans les veines. Autrefois, il est devenu lait pour nourrir ton Fils et le mien ; aujourd’hui, il s’est fait larmes parce que je n’ai plus de Fils. Ils me l’ont tué, tué, Père, et tu sais de quelle façon !

616.14

Je n’ai plus de sang ! Je l’ai répandu avec mon Fils dans la nuit de jeudi, pendant ce funeste vendredi. J’ai froid comme une personne exsangue. Je n’ai plus de soleil, puisque le voilà mort, mon Soleil saint, mon Soleil béni, le Soleil né de mon sein pour la joie de sa Maman, pour le salut du monde. Je n’ai plus de rafraîchissement parce que je ne l’ai plus, Lui, la plus douce des sources pour sa Maman qui buvait sa parole, qui se désaltérait de sa présence. Je suis comme une fleur dans du sable sec.

Je meurs, je meurs, Père saint. Cela ne m’effraie pas, puisque Jésus est mort, lui aussi. Mais comment feront ces petits, le petit troupeau de mon Fils, si faible, si craintif, si inconstant, s’il n’y a personne pour le soutenir ? Je ne suis rien, Père. Mais pour les désirs de mon Fils, je suis comme une troupe d’hommes en armes. Je défends, je défendrai sa doctrine et son héritage comme une louve défend ses louveteaux. Moi qui suis une agnelle, je me ferai louve pour défendre ce qui appartient à mon Fils, et par conséquent ce qui est à toi.

616.15

Tu l’as vu, Père : il y a huit jours, cette ville a dépouillé ses oliviers, ses maisons, ses jardins, ses habitants, et sa voix est devenue rauque à force de crier : “ Hosanna au Fils de David ; béni soit celui qui vient au nom du Seigneur. ” Pendant qu’il passait sur des tapis de branchages, de vêtements, d’étoffes, de fleurs, les habitants se le montraient en disant : “ C’est Jésus, le Prophète de Nazareth de Galilée. C’est le Roi d’Israël. ” Et alors que ces branchages n’étaient pas fanés et que leurs voix étaient encore rauques après tant d’hosannas, ils ont changé leurs cris en accusations, en malédictions et en requêtes de mort ; ils se sont servi des branches coupées en vue du triomphe pour fabriquer les matraques qui allaient frapper ton Agneau, qu’ils conduisaient à la mort.

S’ils en ont tant fait pendant qu’il était au milieu d’eux et leur parlait, leur souriait, les bénissait, les instruisait et portait sur eux ce regard qui fait fondre le cœur et trembler jusqu’aux pierres s’il tourne les yeux vers elles, que feront-ils quand il sera retourné à toi ?

Quant à ses disciples, tu l’as vu : l’un d’eux l’a trahi, les autres se sont enfuis. Il a suffi qu’il soit frappé pour qu’ils s’enfuient comme un vil troupeau, et ils n’ont pas su l’entourer au moment de sa mort. Un seul, le plus jeune, est resté. Maintenant leur chef est revenu, mais il a déjà su le renier une fois. Quand Jésus ne sera plus ici à le garder, saura-t-il persister dans la foi ?

616.16

J’ai beau n’être rien, un peu de mon Fils est en moi, et mon amour comble ce qui me manque et l’efface. Je deviens ainsi quelque chose d’utile à la cause de ton Fils, à son Eglise qui ne trouvera jamais la paix et qui a besoin de faire pousser des racines profondes pour ne pas être arrachée par les vents. Je serai celle qui la soigne. Comme une jardinière active, je veillerai à ce qu’elle grandisse et pousse, droite et forte, à ses débuts… Je ne me soucierai pas de mourir. Mais je ne puis vivre si je reste plus longtemps sans Jésus.

Oh ! Père qui as abandonné le Fils pour le bien des hommes mais l’as ensuite réconforté — puisqu’il est certain que tu l’as accueilli dans ton sein après sa mort —, ne me laisse pas plus longtemps à l’abandon. Je souffre, et je l’offre pour le bien des hommes. Mais réconforte-moi, maintenant, Père. Père, pitié ! Pitié, mon Fils ! Pitié, divin Esprit ! Souviens-toi de ta Vierge ! »

[Le 1er avril 1945]

616.17

Prostrée à terre, Marie paraît prier, non seulement de tout son cœur, mais aussi de tout son corps. C’est vraiment une pauvre épave échouée. Elle ressemble à cette fleur morte de soif dont elle a parlé.

Elle ne remarque même pas la secousse d’un bref mais violent tremblement de terre qui fait crier et fuir le couple de gardiens de la maison pendant que Pierre et Jean, pâles comme la mort, se traînent jusqu’au seuil de la pièce. Mais la vue de Marie ainsi absorbée dans sa prière, loin de tout ce qui n’est pas Dieu, les incitent à refermer la porte et à se retirer, puis à revenir au Cénacle, encore tout effrayés.

616.1

Le donne riprendono i loro lavori agli oli, che nella notte, al fresco del cortile, si sono solidificati in una manteca pesante.

Giovanni e Pietro pensano che è bene mettere a posto il Cenacolo, pulendo le stoviglie, ma poi rimettendo tutto come fosse appena finita la Cena.

«Egli lo ha detto», dice Giovanni.

«Aveva anche detto: “Non dormite”! Aveva detto: “Non essere superbo, Pietro. Non sai che l’ora della prova sta per venire?”. E… e ha detto: “Tu mi rinnegherai…”». Pietro piange di nuovo mentre dice con cupo dolore: «e io l’ho rinnegato!».

«Basta, Pietro! Ora sei tornato tu. Basta di questo tormento!».

«Mai, mai basta. Divenissi vecchio come i primi patriarchi, vivessi i settecento o i novecento anni di Adamo e dei suoi primi nipoti, io non cesserò mai di avere questo tormento».

«Non speri nella sua misericordia?».

«Sì. Se non credessi a questo, sarei come l’Iscariota: un disperato. Ma, se anche Lui mi perdona dal seno del Padre dove è tornato, io non mi perdono. Io! Io! Io che ho detto: “Non lo conosco”, perché in quel momento era pericoloso conoscerlo, perché ho avuto vergogna d’essergli discepolo, perché ho avuto paura della tortura… Lui andava a morire e io… io ho pensato a salvarmi la vita. E per salvarla l’ho respinto, come una donna in peccato, dopo averlo partorito, respinge il frutto del suo seno, che è pericoloso avere presso, prima che torni il marito ignaro. Peggio di un’adultera sono… peggio di…».

616.2

Entra, attirata dalle grida, Maria Maddalena. «Non urlare così. Maria ti sente. È tanto sfinita! Non ha più forza di nulla, e tutto le fa male. I tuoi gridi inutili e scomposti le tornano a dare il tormento di ciò che voi foste…».

«Vedi? Vedi, Giovanni? Una femmina può impormi di tacere. E ha ragione. Perché noi, i maschi sacri al Signore, abbiamo saputo solo mentire o scappare. Le donne sono state brave. Tu, poco più di una donna, tanto sei giovane e puro, hai saputo rimanere. Noi, noi, i forti, i maschi, siamo fuggiti. Oh! che disprezzo deve avere il mondo di me! Dimmelo, dimmelo, donna! Hai ragione! Mettimi il tuo piede sulla bocca che ha mentito. Sulla suola del sandalo c’è forse un poco del suo Sangue. E solo quel Sangue, mescolato al fango della via, può dare un poco di perdono, un poco di pace al rinnegato. Devo pure abituarmi al disprezzo del mondo! Che sono io? Ma ditelo: che sono?».

«Sei una grande superbia», risponde calma la Maddalena. «Dolore? Anche quello. Ma credi pure che, su dieci parti del tuo dolore, cinque, per non offenderti col dire sei, sono del dolore di essere uno che può essere disprezzato. Ma che davvero io ti disprezzerò se continui solo a gemere e a dare in smanie, giusto come fa una femmina stolta! Il fatto è fatto. E non sono i gridi scomposti che lo riparano e annullano. Non fanno che attirare l’attenzione e mendicare una compassione che non si merita. Sii virile nel tuo pentimento. Non strillare. Fai.

616.3

Io… tu lo sai chi ero… Ma, quando ho capito che ero più sprezzabile di un vomito, non sono andata in convulsioni. Ho fatto. Pubblicamente. Senza indulgere con me e senza chiedere indulgenza. Il mondo mi sprezzava? Aveva ragione. Lo avevo meritato. Il mondo diceva: “Un nuovo capriccio della prostituta” e dava un nome di bestemmia al mio andare a Gesù? Aveva ragione. La mia condotta di prima il mondo la ricordava, ed essa giustificava ogni pensiero. Ebbene? Il mondo si è dovuto persuadere che Maria peccatrice non era più. Ho, coi fatti, persuaso il mondo. Fa’ tu altrettanto, e taci».

«Sei severa, Maria», obbietta Giovanni.

«Più con me che cogli altri. Ma lo riconosco. Non ho la mano leggera della Madre. Lei è l’Amore. Io… oh! io! Ho spezzato il mio senso con la sferza del mio volere. E più lo farò. Credi che mi sia perdonata, io, di essere stata la Lussuria? No. Ma non lo dico altro che alla mia persona. E sempre me lo dirò. Consumata morirò in questo segreto rimpianto di essere stata la corruttrice di me stessa, in questo inconsolabile dolore di essermi profanata e di non avere potuto dare a Lui che un cuore calpestato… Vedi… io ho lavorato più di tutte ai balsami… E con più coraggio delle altre io lo scoprirò… Oh! Dio! come sarà ormai! (Maria di Magdala impallidisce solo a pensarlo). E lo coprirò di nuovi balsami, levando quelli che saranno certo tutti corrotti sulle sue piaghe senza numero… Lo farò, perché le altre sembreranno convolvoli dopo un’acquata… Ma ho dolore di farlo con queste mie mani che hanno dato tante carezze lascive, di accostarmi con questa mia carne macchiata alla sua santità… Vorrei… vorrei avere la mano della Madre Vergine per compiere l’ultima unzione…».

Maria ora piange piano, senza sussulti. Come diversa dalla Maddalena teatrale che sempre ci presentano! È lo stesso pianto senza rumore che aveva il giorno del suo perdono nella casa del Fariseo[1].

616.4

«Tu dici che… le donne avranno paura?», le chiede Pietro.

«Non paura… Ma si turberanno davanti al suo Corpo, certo già corrotto… gonfio… nero. E poi, questo è certo, avranno paura delle guardie».

«Vuoi che venga io? Io con Giovanni?».

«Ah! questo no! Noi si esce tutte. Perché, come fummo tutte lassù, così è giusto che tutte si sia intorno al suo letto di morte. Tu e Giovanni rimanete qui. Lei non può restare sola!…».

«Non viene Lei?».

«Non la lasciamo venire!».

«Lei è convinta che risorga… E tu?».

«Io, dopo Maria, sono quella che più credo. Ho creduto sempre che così potesse essere. Lui lo diceva. E Lui non mente mai… Lui!… Oh! prima lo chiamavo Gesù, Maestro, Salvatore, Signore… Ora, ora lo sento tanto grande che non so, non oso più dargli un nome… Che gli dirò quando lo vedrò?…».

«Ma credi proprio che risorga?…».

«Un altro! Oh! A suon di dirvi che credo e di sentirvi dire che non credete, finirò col non credere più neppure io! Ho creduto e credo. Ho creduto e gli ho da tempo preparato la veste. E per domani, perché domani è il terzo giorno, la porterò qui, pronta…».

«Ma se dici che sarà nero, gonfio, brutto?».

«Brutto mai. Brutto è il peccato. Ma… ma sì! Sarà nero. Ebbene? Lazzaro non era già marcio? Eppure risorse. Ed ebbe la carne risarcita. Ma, ma se lo dico!… Tacete, miscredenti! Anche in me la ragione umana mi dice: “È morto e non sorgerà”. Ma il mio spirito, il “suo” spirito, perché io ho avuto un nuovo spirito da Lui, grida, e sembrano squilli di argentee tube: “Sorge! Sorge! Sorge!”. Perché mi sbattete come una navicella contro la scogliera del vostro dubitare? Io credo! Credo, mio Signore! Lazzaro ha ubbidito con strazio al Maestro ed è rimasto a Betania… Io, che so chi è Lazzaro di Teofilo, un forte, non un leprotto pavido, posso misurare il suo sacrificio di rimanere nell’ombra e non presso il Maestro. Ma ha ubbidito. Più eroico in questa ubbidienza che se l’avesse strappato con le armi agli armati. Io ho creduto e credo. E qui sto. In attesa come Lei. Ma lasciatemi andare. Il giorno sorge. Appena ci si vedrà a sufficienza, noi andremo al Sepolcro…».

E la Maddalena se ne va, col suo viso bruciato dal pianto, ma sempre forte.

616.5

Rientra da Maria.

«Che aveva Pietro?».

«Una crisi di nervi. Ma gli è passata».

«Non essere dura, Maria. Soffre».

«Anche io. Ma vedi che non ti ho chiesto neppure una carezza. Lui è stato già medicato da te… E io invece penso che solo tu, Madre mia, hai bisogno di balsamo. Madre mia, santa, amata! Ma fa’ cuore… Domani è il terzo giorno. Ci chiuderemo qui dentro noi due: le sue innamorate. Tu, l’Innamorata santa; io, la povera innamorata… Ma come posso lo sono, con tutta me stessa. E lo aspetteremo… Loro, quelli che non credono, li chiuderemo di là, coi loro dubbi. E qui metterò tante rose… Oggi farò portare il cofano… Ora passerò dal palazzo e darò ordine a Levi. Via tutte queste orribili cose! Non le deve vedere il nostro Risorto… Tante rose… E tu ti metterai una veste nuova… Non deve vederti così. Io ti pettinerò, ti laverò questo povero volto che il pianto ha sfigurato. Eterna fanciulla, io ti farò da madre… Avrò, infine, la beatitudine di avere cure materne per una creatura più innocente di un neonato! Cara!», e con la sua esuberanza affettiva la Maddalena si stringe al petto il capo di Maria, che è seduta, la bacia, la carezza, le ravvia le lievi ciocche dei capelli scomposti dietro le orecchie, le asciuga le nuove lacrime che scendono ancora, ancora, sempre, col lino della sua veste…

616.6

Entrano le donne con lumi e anfore e vasi dalle ampie bocche. Maria d’Alfeo porta un pesante mortaio. «Non si può stare fuori. C’è un poco di vento e spegne le lampade», spiega.

Si pongono in un lato. Su un tavolo, stretto ma lungo, pongono tutte le loro cose, e poi dànno un ultimo tocco ai loro balsami, mescendo nel mortaio, su una polvere bianca che estraggono a manciate da un sacchetto, la già pesante manteca delle essenze. Mescolano lavorando di lena e poi empiono un vaso dall’ampia bocca. Lo pongono al suolo. Ripetono con un altro la stessa operazione. Profumi e lacrime cadono sulle resine.

Maria Maddalena dice: «Non era questa l’unzione che speravo poterti preparare». Perché è la Maddalena che, più esperta di tutte, ha sempre regolato e diretto la composizione del profumo, tanto acuto che pensano di aprire la porta e di socchiudere la finestra sul giardino, che appena inalba.

Tutte piangono più forte dopo l’osservazione sommessa della Maddalena. Hanno finito. Tutti i vasi sono pieni.

Escono con le anfore vuote, il mortaio ormai inutile, e molte lucerne. Ne restano due sole nella stanzetta e tremano, pare singhiozzino anche esse col palpitare della loro luce…

Rientrano le donne e chiudono di nuovo la finestra, perché l’alba è freddina. Si pongono i mantelli e prendono delle ampie sacche in cui collocano i vasi del balsamo.

616.7

Maria si alza e cerca il suo mantello. Ma tutte le si affollano intorno persuadendola a non venire.

«Non ti reggi, Maria. Sono due giorni che non prendi cibo. Un poco d’acqua soltanto».

«Sì, Madre. Faremo presto e bene. E torneremo subito».

«Non temere. Lo imbalsameremo come un re. Vedi che balsamo prezioso componemmo! E quanto!…».

«Non trascureremo membro o ferita, e lo metteremo con le nostre mani a posto. Siamo forti e siamo madri. Lo metteremo come un bambino nella cuna. E agli altri non resterà che da chiudere il suo posto».

Ma Maria insiste: «È il mio dovere», dice. «L’ho curato sempre io. Solo, in questi tre anni che fu del mondo, ho ceduto ad altri la cura di Lui quando Egli mi era lontano. Ora che il mondo lo ha respinto e rinnegato, è di nuovo mio. E io torno la sua serva».

Pietro, che con Giovanni si era avvicinato all’uscio, non visto dalle donne, fugge sentendo queste parole. Fugge in qualche angolo nascosto per piangere sul suo peccato. Giovanni resta presso lo stipite. Ma non dice niente. Vorrebbe andare anche lui. Ma fa il sacrificio di rimanere presso la Madre.

616.8

Maria Maddalena riconduce Maria al suo sedile. Le si inginocchia davanti, l’abbraccia ai ginocchi alzando verso Lei il suo volto doloroso e innamorato, e le promette: «Egli, col suo Spirito, tutto sa e vede. Ma al suo Corpo, coi baci, io dirò il tuo amore, il tuo desiderio. Io so cosa è l’amore. So che pungolo, che fame è amare. Che nostalgia di esser con chi è l’amore per noi. E questo è anche nei vili amori che sembrano oro, e fango sono. Quando poi la peccatrice può sapere ciò che è l’amore santo per la Misericordia vivente, che gli uomini non hanno saputo amare, allora meglio può comprendere cosa è il tuo amore, Madre.

Tu lo sai che io so amare. E tu sai che Egli lo ha detto[2], in quella sera del mio vero natale, là, sulle rive del nostro lago sereno, che Maria sa molto amare. Ora, questo mio esuberante amore, come acqua che trabocca da un bacino piegato, come roseto in fiore che si rovescia giù da una muraglia, come fiamma che, trovando esca, più si apprende e cresce, si è tutto riversato su Lui, e da Lui-Amore ha tratto nuova potenza… Oh! che la mia potenza d’amare non ha potuto sostituirsi a Lui sulla Croce!… Ma quello che per Lui fare non ho potuto — e patire, e sanguinare, e morire al suo posto, fra gli scherni di tutto il mondo, felice, felice, felice di soffrire al suo posto, e, ne sono certa, arso ne sarebbe stato lo stame della mia povera vita più dall’amore trionfale che dal patibolo infame, e sarebbe dalle ceneri sbocciato il nuovo, candido fiore della nuova vita pura, vergine, ignorante di tutto ciò che non è Dio — tutto questo che non ho potuto fare per Lui, per te lo posso fare ancora…, Madre che amo con tutto il mio cuore. Fidati di me. Io che ho saputo, in casa di Simone il fariseo, così dolcemente accarezzare i suoi piedi santi, ora, con l’a­nima che sempre più sboccia alla Grazia, saprò ancora più dolcemente accarezzare le sue membra sante, medicare le ferite, imbalsamarle più col mio amore, più col balsamo tratto dal mio cuore spremuto dall’amore e dal dolore, che non coll’unguento. E la morte non intaccherà quelle carni che tanto amore hanno dato e tanto ne ricevono. Fuggirà la Morte. Perché l’A­mo­re è più forte di essa. È invincibile l’Amore. E io, Madre, col tuo perfetto, col mio totale, di amore imbalsamerò il mio Re d’A­more».

Maria bacia quest’appassionata che ha, finalmente, saputo trovare Chi merita tanta passione, e cede al suo pregare.

616.9

Le donne escono portando una lucerna. Nella stanza ne resta una sola. Ultima esce la Maddalena, dopo un ultimo bacio alla Madre che resta.

La casa è tutta buia e silenziosa. La strada è ancora oscura e solitaria.

Giovanni chiede: «Non mi volete proprio?».

«No. Puoi servire qui. Addio».

Giovanni torna da Maria. «Non mi hanno voluto…», dice piano.

«Non te ne mortificare. Esse da Gesù. Tu da me. Giovanni, preghiamo un poco insieme. Dove è Pietro?».

«Non so. Per la casa. Ma non lo vedo. È… Lo credevo più forte… Anche io ho pena, ma lui…».

«Lui ha due dolori. Tu uno solo. Vieni. Preghiamo anche per lui». E Maria dice lentamente il Pater noster.

Poi carezza Giovanni: «Va’ da Pietro. Non lo lasciare solo. È stato tanto nelle tenebre, in queste ore, che non sopporta neppure la lieve luce del mondo. Sii l’apostolo del tuo fratello smarrito. Inizia da lui la tua predicazione. Sulla tua via, e lunga sarà, troverai sempre dei simili a lui. Col compagno comincia il lavoro…».

«Ma che devo dire?… Io non so… Tutto lo fa piangere…».

«Digli il Suo precetto d’amore. Digli che chi solamente teme non conosce ancora a sufficienza Dio, perché Dio è Amore. E se ti dice: “Io ho peccato”, rispondigli che Dio ha tanto amato i peccatori che per essi ha mandato il suo Unigenito. Digli che a tanto amore va con amore risposto. E l’amore dà fiducia nel buonissimo Signore. Questa fiducia non ci fa temere il suo giudizio, perché con essa riconosciamo la Sapienza e Bontà divina, e diciamo: “Io sono una povera creatura. Ma Egli lo sa. E mi dà il Cristo come garanzia di perdono e colonna di sostegno. La mia miseria viene vinta dalla mia unione col Cristo”. È nel nome di Gesù che tutto viene perdonato… Vai, Giovanni. Digli questo. Io resto qui, con Gesù mio…», e carezza il Sudario.

Giovanni esce, chiudendo la porta dietro di sé.

616.10

Maria si pone in ginocchio come la sera avanti, viso a Viso col velo della Veronica. E prega e parla col Figlio suo. Forte per dare forza agli altri, quando è sola piega sotto la sua schiacciante croce. Eppure ogni tanto, come una fiamma non più oppressa dal moggio, la sua anima si alza verso una speranza che in Lei non può morire. Che anzi cresce col passare delle ore. E dice la sua speranza anche al Padre. La sua speranza e la sua domanda.

616.11

(Qui Lei può mettere tale e quale è, perché non ha mutamento, la preghiera fatta lo scorso anno, il lamento di quest’alba pasquale, del 21 febbraio 1944).

21 febbraio 1944.

[…]

616.12

«Gesù, Gesù! Non torni ancora? La tua povera Mamma non resiste più a saperti là morto. Tu l’hai detto e nessuno ti ha capito. Ma io ti ho capito! “Distruggete il Tempio di Dio ed Io lo riedificherò in tre giorni”. Questo è l’inizio del terzo giorno. Oh! mio Gesù! Non attendere che sia compiuto per tornare alla vita, alla tua Mamma che ha bisogno di vederti vivo per non morire ricordandoti morto, che ha bisogno di vederti bello, sano, trionfante, per non morire ricordandoti in quello stato come ti ha lasciato!

616.13

Oh! Padre! Padre! Rendimi il Figlio mio! Che io lo veda tornato Uomo e non cadavere, Re e non condannato. Dopo, lo so, Egli tornerà a Te, al Cielo. Ma io l’avrò visto guarito da tanto male, l’avrò visto forte dopo tanto languore, l’avrò visto trionfante dopo tanta lotta, l’avrò visto Dio dopo tanta umanità patita per gli uomini. E mi sentirò felice anche perdendo la sua vicinanza. Lo saprò con Te, Padre santo, lo saprò fuori per sempre dal Dolore. Ora invece non posso, non posso dimenticare che è in un sepolcro, che è là ucciso per tanto dolore che gli hanno fatto, che Egli, il mio Figlio-Dio, è accomunato alla sorte degli uomini nel buio di un sepolcro, Egli, il tuo Vivente.

Padre, Padre, ascolta la tua serva. Per quel “sì”… Non ti ho mai chiesto nulla per la mia ubbidienza ai tuoi voleri; era la tua Volontà, e la tua Volontà era la mia; nulla dovevo esigere per il sacrificio della mia a Te, Padre santo. Ma ora, ma ora, per quel “sì” che ho detto all’Angelo messaggero, o Padre, ascoltami!

Egli è fuori dalle torture, perché tutto ha compiuto con l’agonia di tre ore dopo le sevizie del mattino. Ma io sono da tre giorni in questa agonia. Tu lo vedi il mio cuore e ne senti i palpiti. Il nostro Gesù l’ha detto che non cade piuma di uccello che Tu non la veda, che non muore fiore nel campo che Tu non ne consoli l’agonia col tuo sole e la tua rugiada. Oh, Padre, io muoio di questo dolore! Trattami come il passero che rivesti di nuova piuma e il fiore che scaldi e disseti nella tua pietà. Io muoio assiderata dal dolore. Non ho più sangue nelle vene. Una volta è divenuto tutto latte per nutrire il Figlio tuo e mio; ora è divenuto tutto pianto perché non ho più Figlio. Me l’hanno ucciso, ucciso, Padre, e Tu sai in che modo!

616.14

Non ho più sangue! L’ho sparso con Lui nella notte del Giovedì, nel Venerdì funesto. Ho freddo come chi è svenato. Non ho più sole, poiché Egli è morto, il Sole mio santo, il Sole mio benedetto, il Sole nato dal mio seno per la gioia della sua Mamma, per la salute del mondo. Non ho più refrigerio, perché non ho più Lui, la più dolce delle fonti per la sua Mamma che beveva la sua parola, che si dissetava della sua presenza. Sono come un fiore in una arena disseccata.

Muoio, muoio, Padre santo. E di morire non ne ho spavento, poiché anche Egli è morto. Ma come faranno questi piccoli, il piccolo gregge del Figlio mio, così debole, così pauroso, così volubile, se non c’è chi lo sorregge? Sono nulla, Padre. Ma per i desideri del Figlio mio sono come una schiera d’armati. Difendo, difenderò la sua Dottrina e la sua eredità così come una lupa difende i lupicini. Io, agnella, mi farò lupa per difendere ciò che è del Figlio mio e, perciò, ciò che è tuo.

616.15

Tu lo hai visto, Padre. Otto giorni or sono questa città ha spogliato i suoi ulivi, ha spogliato le sue case, ha spogliato i suoi giardini, ha spogliato i suoi abitanti e si è fatta roca per gridare: “Osanna al Figlio di Davide; benedetto Colui che viene nel nome del Signore”. E mentre Egli passava sui tappeti di rami, di vesti, di stoffe, di fiori, se lo indicavano i cittadini dicendo: “È Gesù, il Profeta di Nazareth di Galilea. È il Re d’Israele”. E mentre ancora non erano appassiti quei rami e la voce era ancor roca da tanto osannare, essi hanno mutato il loro grido in accuse e maledizioni ed in richieste di morte, e dei rami staccati per il trionfo hanno fatto randelli per percuotere il tuo Agnello che conducevano alla morte. Se tanto hanno fatto mentre Egli era fra loro e parlava loro, e sorrideva loro, e li guardava con quel suo occhio che stempra il cuore, e ne tremano persin le pietre se ne son guardate, e li beneficava e li ammaestrava, che faranno quando Egli sarà tornato a Te?

I suoi discepoli, lo hai visto. Uno lo ha tradito, gli altri sono fuggiti. È bastato che Egli fosse percosso perché fuggissero come pecore vili, e non hanno saputo stargli intorno mentre moriva. Uno solo, il più giovane, è rimasto. Ora viene l’anziano. Ma ha già saputo rinnegare una volta. Quando Gesù non sarà più qui a guardarlo, saprà permanere nella Fede?

616.16

Io sono un nulla, ma un po’ del mio Figlio è in me, ed il mio amore mette il colmo alla mia manchevolezza e la annulla. Divengo così qualcosa di utile alla causa del tuo Figlio, alla sua Chiesa, che non troverà mai pace e che ha bisogno di mettere radici profonde per non essere divelta dai venti. Io sarò Colei che la cura. Come ortolana solerte veglierò perché cresca forte e diritta nel suo mattino. Poi non mi preoccuperà morire. Ma vivere non posso se resto più a lungo senza Gesù.

Oh! Padre, che hai abbandonato il Figlio per il bene degli uomini ma poi lo hai confortato, perché certo l’hai accolto sul tuo seno dopo la morte, non lasciarmi oltre nell’abbandono. Io lo patisco e lo offro per il bene degli uomini. Ma confortami, ora, Padre. Padre, pietà! Pietà, Figlio mio! Pietà, divino Spirito! Ricòrdati della tua Vergine!».

[1 aprile 1945].

616.17

Dopo, prostrata fino a terra, Maria pare pregare col suo atto oltre che col suo cuore. È proprio una povera cosa abbattuta. Pare quel fiore morto di sete di cui Ella ha parlato.

Non avverte neppure lo scuotìo di un breve ma violento terremoto che fa urlare e fuggire il padrone e la padrona di casa, mentre Pietro e Giovanni, pallidi come morti, si trascinano fin sulla soglia della stanza. Ma, vedendola così assorta nel suo orare, dimentica, lontana da tutto quello che non è Dio, si ritirano chiudendo la porta e tornano spauriti nel Cenacolo.


Notes

  1. dans la maison du pharisien, au chapitre 236.
  2. cette parole de Jésus, en 239.4, répétée en 550.7, lorqu’il parlait du baume véritable, celui de l’amour, “ qui lui plaira infiniment ”.

Note

  1. nella casa del Fariseo, nel capitolo 236.
  2. lo ha detto in 239.4 e lo ha ripetuto in 550.7, dove le ha parlato del vero balsamo, quello dell’amore, “che Egli gradirà infinitamente”.