The Writings of Maria Valtorta

102. Rencontre de l’ancien berger Jonathas et guérison de Jeanne, femme de Kouza.

102. Meeting with the ex-shepherd Jonathan

102.1

Les disciples sont en train de dîner dans le grand atelier de Joseph, à l’arrière de la maison. L’établi sert de table et tout ce qu’il faut se trouve dessus. Mais je vois que l’atelier sert aussi de dortoir. Sur les deux autres tables de menuisier il y a des nattes qui se changent en couchettes et on a mis le long des murs des petits lits bas (des nattes sur des claies). Les apôtres parlent entre eux et avec le Maître.

« c’est donc vrai que tu vas sur le mont Liban ? demande Judas.

– Je ne fais jamais de promesses sans les tenir. Or ici, je l’ai promis deux fois : aux bergers et à la nourrice de Jeanne, femme de Kouza. J’ai attendu les cinq jours dont j’avais parlé et, par prudence, j’y ai encore ajouté aujourd’hui. Mais maintenant je m’en vais. Dès le lever de la lune, nous partirons. Le chemin sera long, même si nous utilisons la barque jusqu’à Bethsaïde. Mais je veux me réjouir le cœur en allant saluer Benjamin et Daniel eux aussi. Tu vois quelle âme ont les bergers. Ils méritent qu’on aille les honorer, car Dieu lui-même ne s’abaisse pas en honorant un de ses serviteurs, il déploie au contraire sa justice.

– Par cette chaleur ! Prends garde à ce que tu fais. C’est pour toi que je le dis.

– Les nuits sont déjà moins étouffantes. Le soleil est encore pour peu de temps dans le Lion et les orages tempèrent la chaleur. D’ailleurs, je le répète : je n’oblige personne à venir. Tout est spontané en moi et autour de moi. Si vous avez des affaires ou si vous vous sentez fatigués, restez. Nous nous retrouverons plus tard.

– Voilà, c’est bien ce que tu dis : il me faudrait penser à des intérêts de famille. Le temps des moissons arrive et ma mère m’avait prié de voir des amis… Tu sais, au fond, je suis le chef de famille. Je veux dire : je suis l’homme de ma famille. »

Pierre bougonne :

« Heureusement qu’il se rappelle que la mère est toujours la première après le père. »

Qu’il n’ait pas entendu Pierre bougonner ou qu’il ne veuille pas l’entendre, Judas fait mine de rien. Du reste, Jésus arrête Pierre d’un coup œil pendant que Jacques, fils de Zébédée, assis près de Pierre, tire son vêtement pour le faire taire.

« Vas-y, Judas. Tu dois au contraire y aller. Il ne faut pas manquer d’obéissance à sa mère.

– Alors je pars tout de suite, si tu le permets. Je serai à temps à Naïm pour trouver encore où loger. Adieu, Maître. Adieu, mes amis.

– Sois ami de la paix et mérite d’avoir toujours Dieu avec toi. Adieu » dit Jésus pendant que les autres le saluent en chœur.

Son départ n’est pas très regretté et même… Pierre, craignant peut-être que Judas ne change d’idée, l’aide à serrer les courroies de son sac et à le passer en bandoulière. Il l’accompagne jusqu’à la porte de l’atelier, déjà ouverte tout comme l’autre qui donne sur le jardin, certainement pour aérer la pièce dont l’air est étouffant après une journée torride. Il reste sur le seuil pour le regarder partir et, quand il le voit s’éloigner, il fait un geste de joie et d’adieu ironique puis il revient en se frottant les mains. Il ne dit rien… mais il a déjà tout dit. Quelqu’un qui a vu rit dans sa barbe.

102.2

Mais Jésus n’y prête pas attention, car il observe son cousin Jacques qui est devenu tout rouge et triste, laissant de côté ses olives. Il l’interroge :

« Qu’as-tu ?

– Tu as dit : “ Il ne faut pas manquer d’obéissance à sa mère… ” Et nous, alors ?

– N’aie pas de scrupules. En règle générale, c’est comme cela qu’on doit faire. Quand on se borne à être des hommes et des fils de chair. Mais quand on a pris une autre nature et une autre paternité, c’est différent. Comme elle est plus élevée, il faut la suivre suivant ce qu’elle commande et désire. Judas est arrivé avant toi et avant Matthieu… mais il est encore en retard. Il faut qu’il se forme, et il le fera fort lentement. Faites preuve de charité à son égard. Fais preuve de charité, Pierre ! Je comprends… mais je te dis : sois charitable. Supporter les personnes désagréables est une vertu qui n’est pas sans valeur. Mets-la en pratique.

– Oui, Maître… Mais quand je le vois comme ça… comme ça… – bon, tais-toi, Pierre, car Jésus comprend si bien… – j’ai l’impression d’être une voile trop tendue par le vent… Je craque, je craque sous la poussée et quelque chose se casse toujours en moi … Mais, tu sais – ou plutôt tu ne sais pas, parce que comme batelier tu ne vaux rien et c’est pour cela que je te le dis– que si une voile par excès de tension rompt toutes ses attaches, je te jure qu’elle donne une telle gifle au batelier inexpérimenté qu’il en est étourdi… Voilà, moi je sens que… je risque d’avoir toutes mes attaches rompues… et alors… Il vaut mieux qu’il s’en aille de temps en temps. Comme ça, la voile se calme faute de vent, et j’arrive à temps pour renforcer les attaches. »

Plein d’indulgence pour le juste et bouillant Pierre, Jésus sourit et hoche la tête.

102.3

Un grand vacarme de sabots ferrés et des cris de gamins se font entendre dans la rue.

« C’est ici ! C’est ici ! Arrête, homme ! »

Et avant que Jésus et ses disciples n’en sachent la raison, la forme sombre d’un cheval tout fumant de sueur se présente devant l’embrasure de la porte extérieure, et il en descend un cavalier qui se précipite à l’intérieur comme un bolide et se jette aux pieds de Jésus qu’il baise avec vénération.

Tous regardent, ébahis.

« Qui es-tu ? Que veux-tu ?

– Je suis Jonathas. »

Un cri de Joseph lui répond : assis au fond du grand établi, étourdi par son arrivée foudroyante, Joseph n’a pu reconnaître son ami. Le berger se précipite sur l’homme encore à terre :

« Toi, c’est bien toi !…

– Oui. J’adore mon Seigneur adoré ! Trente années d’espérance, oh ! Quelle longue attente ! Elles fleurissent aujourd’hui comme la fleur de l’agave solitaire, d’un seul coup, en une extase bienheureuse, encore plus heureuse que l’autre si lointaine ! Oh mon Sauveur ! »

Femmes, enfants et quelques hommes, parmi lesquels le bon Alphée, fils de Sarah, tenant encore à la main un morceau de pain et du fromage, s’empressent à l’entrée et jusqu’à l’intérieur de la pièce.

« Lève-toi, Jonathas. J’étais sur le point d’aller te chercher, et avec toi Benjamin et Daniel…

– Je sais…

– Relève-toi pour que je te donne le baiser que j’ai donné à tes compagnons. »

Il le force à se lever et l’embrasse.

« Je sais, répète le robuste vieillard, bien portant et bien vêtu. Je sais.

102.4

Elle avait raison. Ce n’était pas quelque délire de mourante ! Oh ! Seigneur Dieu ! Comme l’âme voit et entend quand tu l’ap­pelles ! »

Jonathas est très ému.

Mais il se ressaisit. Il ne perd pas de temps. Adorant et pourtant actif, il va droit au but :

« Jésus, notre Sauveur et notre Messie, je suis venu te prier de venir avec moi. J’ai parlé avec Esther et elle m’a dit… Mais auparavant, auparavant Jeanne t’avait parlé et m’a dit… Oh, ne riez pas d’un homme heureux, vous qui m’entendez, heureux et angoissé jusqu’à ce que j’aie ton “ Je viens. ” Tu sais que j’étais en voyage avec la maîtresse mourante. Quel voyage ! De Tibériade à Bethsaïde, tout s’est bien passé. Mais ensuite, après avoir quitté la barque, j’ai pris un char et, bien que je l’aie équipé de mon mieux, ce fut une torture. On avançait lentement et de nuit, mais elle souffrait. A Césarée de Philippe, elle faillit mourir en crachant du sang. Nous nous sommes arrêtés… Le troisième matin, il y a sept jours, elle m’a fait appeler. Elle paraissait déjà morte, tant elle était pâle et épuisée. Mais quand je l’ai appelée, elle a ouvert ses doux yeux de gazelle mourante et elle m’a souri. D’une main glacée, elle m’a fait signe de me pencher, car elle n’avait plus qu’un filet de voix, et elle m’a dit : “ Jonathas, ramène-moi à la maison. Mais tout de suite. ” Si grand était son effort en me donnant cet ordre, elle qui est toujours plus douce qu’une gentille enfant, que ses joues se sont colorées et qu’un éclair a brillé dans ses yeux. Elle a continué : “ J’ai rêvé de ma maison de Tibériade. A l’intérieur, il y avait Quelqu’un dont le visage était comme une étoile. Il était grand, blond, avec des yeux bleus et une voix plus douce que le son de la harpe. Il me disait : ‘ Je suis la Vie. Viens. Reviens. Je t’attends pour te la donner. ’ Je veux partir. ” Je lui rétorquais : “ Mais, maîtresse ! Tu ne peux pas ! Tu vas mal ! Dès que tu iras mieux, nous aviserons. ” Je croyais que c’était délire de mourante. Mais elle a pleuré et puis… – ah, c’est la première fois qu’elle l’a dit depuis ces six ans qu’elle est ma maîtresse et, oui, elle s’est même assise, et en colère, elle qui ne peut remuer – puis elle m’a dit : “ Serviteur, je le veux. Je suis ta maîtresse. Obéis ! ” Elle s’est laissée retomber, tout en sang. J’ai bien cru qu’elle allait mourir… et j’ai dit : “ Faisons-lui plaisir. Mourir pour mourir… Je n’aurai pas le remords de l’avoir contrariée à la fin, après avoir toujours voulu la satisfaire. ” Quel voyage ! Elle n’acceptait de repos qu’entre la troisième et la sixième heure. J’ai crevé les chevaux pour aller plus vite. Nous sommes arrivés à Tibériade à la neuvième heure, ce matin… Et Esther m’a parlé… Alors, j’ai compris que c’était toi qui l’avais appelée. Car c’était l’heure et le jour où tu avais promis un miracle à Esther que tu étais apparu à l’esprit de ma maîtresse. Elle a voulu repartir aussitôt après l’heure de none et m’a envoyé pour la devancer… Oh, viens, mon Sauveur !

– Je viens tout de suite. La foi mérite récompense. Qui me désire me possède. Allons.

– Attends. J’ai jeté une bourse à un jeune, en disant : “ Trois, cinq, autant d’ânes que vous voulez, si vous n’avez pas de chevaux, et vite, à la maison de Jésus. ” Ils vont arriver. Nous irons plus vite. J’espère la rencontrer près de Cana. Si du moins…

– Quoi, Jonathas ?

– Si, du moins, elle est vivante…

– Vivante, elle l’est. Mais quand bien même elle serait morte, je suis la Vie.

102.5

Voici ma Mère. »

La Vierge, certainement avertie par quelqu’un, est en effet en train d’accourir, suivie de Marie, femme d’Alphée.

« Mon Fils, tu pars ?

– Oui, Mère. Je pars avec Jonathas. Il est venu. Je savais que je pourrais te le présenter. C’est pour cela que j’ai attendu un jour de plus. »

Jonathas a d’abord fait une salutation profonde, les bras croisés sur la poitrine, et maintenant il s’agenouille, soulève légèrement le vêtement de Marie et en embrasse le bord, en disant :

« Je salue la Mère de mon Seigneur ! »

Alphée, fils de Sarah, dit aux curieux :

« Eh bien, qu’en dites-vous ? N’est-ce pas honteux de notre part d’être les seuls sans foi ? »

Un bruit de nombreux sabots se fait entendre dans la rue. Ce sont les ânes. Je crois qu’il y a tous ceux de Nazareth et ils sont si nombreux qu’il y en aurait assez pour un escadron. Jonathas choisit les meilleurs et les marchande, en payant sans lésiner ; il prend deux Nazaréens avec d’autres ânes, par crainte que quelque animal ne se déferre en route et pour qu’ils puissent ramener toute cette bruyante cavalerie. Pendant ce temps, les deux Marie aident à boucler sacs et besaces.

Marie, femme d’Alphée, dit à ses fils :

« Je laisserai vos lits en place et je les caresserai… J’aurai l’impression de vous faire des caresses. Soyez bons, dignes de Jésus, mes enfants… et moi… moi, je serai heureuse… »

Ce disant, elle pleure à chaudes larmes.

Marie, de son côté, aide son Jésus, le caresse avec amour, en lui faisant mille recommandations et en le chargeant de ses affectueuses salutations pour les bergers du Liban, car Jésus lui annonce qu’il ne reviendra pas avant de les avoir retrouvés.

102.6

Ils partent. La nuit descend et la lune, à son premier quartier, se lève. Jésus et Jonathas sont en tête. Tous les autres les suivent. Tant qu’ils sont dans la ville, ils marchent au pas car les gens s’attroupent, mais à peine sortis, ils vont au trot. C’est une troupe qui résonne du bruit des sabots et des grelots.

« Elle est dans le char avec Esther, explique Jonathas. Ah ! Ma maîtresse ! Quelle joie de te faire plaisir ! T’amener Jésus ! Oh, mon Seigneur ! T’avoir ici à côté de moi ! Te posséder ! Tu as bien sur ton visage l’éclat d’une étoile, comme elle t’a vu, tu es blond avec des yeux couleur de ciel et ta voix a bien le son de la harpe… Mais conduiras-tu ta Mère auprès de ma maîtresse, un jour ?

– Ta maîtresse viendra à elle. Elles seront amies.

– Oui ? Oh !… Oui, elle peut l’être. Jeanne est épouse et a été mère. Mais elle a une âme pure comme une vierge. Elle peut rester à côté de Marie, la bénie. »

Jésus se retourne en entendant un frais éclat de rire de Jean, que tous les autres imitent.

« C’est moi, Maître, qui les fais rire. Sur la barque, je suis plus à l’aise qu’un chat… mais là-dessus ! J’ai l’impression d’être un tonneau qui roule librement sur le pont d’un navire que fait tanguer le vent de suroît ! » dit Pierre.

Jésus lui sourit et l’encourage, lui promettant que le trot sera bientôt fini.

« Oh ! Ce n’est rien. Si les garçons rient, il n’y a pas de mal. Avançons, allons faire plaisir à cette brave femme. »

Jésus se retourne encore à un autre éclat de rire.

Pierre s’écrie :

« Non, cela, je ne te le dis pas, Maître. Mais, après tout, pourquoi pas ? Je disais : “ Notre grand ministre se rongera les mains, quand il saura qu’il a manqué l’occasion de faire le paon devant une dame. ” Eux rient, mais c’est comme ça. Je suis sûr que s’il avait pu l’imaginer, il aurait oublié de s’occuper des vignes de son père. »

Jésus ne réplique pas.

102.7

Le trajet se fait rapidement sur ces ânes bien nourris. Dans le clair de lune, on a dépassé Cana.

« Si tu permets, je pars en avant. J’arrête le char. Les secousses la font tellement souffrir !

– Vas-y. »

Jonathas pousse son cheval au galop.

Après un assez long parcours au clair de lune, voilà que se dessine la forme sombre d’un grand char couvert, arrêté au bord du chemin. Jésus pique son âne qui part au petit galop. Le voilà près du char. Il descend.

« Le Messie ! » annonce Jonathas.

La vieille nourrice se précipite du char sur la route, et de la route dans la poussière.

« Oh ! Sauve-la ! Elle est en train de mourir.

– Me voici. »

Jésus monte sur le char où on a étendu un tas de coussins ; sur eux se trouve un corps frêle. Dans un coin, il y a une lanterne, des coupes, des amphores. A côté, une jeune servante pleure en essuyant la sueur froide de la mourante. Jonathas accourt avec une des lanternes du char.

Jésus se penche sur la femme qui se laisse aller ; elle est vraiment sur le point de mourir. Il n’y a pas de différence entre la blancheur de son vêtement de lin et la pâleur légèrement bleutée des mains et du visage émaciés. Seuls d’épais sourcils et de longs cils très noirs donnent quelque couleur à ce visage de neige. Elle n’a même plus ce rouge de mauvais augure des poitrinaires sur ses pommettes décolorées. On voit une ombre rose violette, ce sont ses lèvres entrouvertes à cause de sa respiration difficile.

Jésus s’agenouille à côté d’elle et l’observe. La nourrice lui prend la main et l’appelle. Mais l’âme, déjà sur le seuil de l’éternité, n’a plus aucune conscience.

Les disciples et les deux jeunes gens de Nazareth sont arrivés et se pressent contre le char.

Jésus met une main sur le front de la mourante qui ouvre un instant ses yeux embrumés et vagues, puis les referme.

« Elle a perdu conscience » gémit la nourrice.

Et elle pleure plus fort.

Jésus fait un geste :

« Mère, elle va entendre. Aie confiance. »

Puis il appelle :

« Jeanne ! Jeanne ! C’est moi ! C’est moi qui t’appelle. Je suis la Vie. Regarde-moi, Jeanne. »

Avec un regard plus vivant, la mourante ouvre ses grands yeux noirs et observe le visage penché sur elle. Elle a un mouvement de joie et sourit. Elle remue doucement les lèvres pour dire un mot qui, pourtant, n’arrive pas à se faire entendre.

« Oui, c’est moi. Tu es venue, et je suis venu te sauver. Peux-tu croire en moi ? »

La mourante fait un signe de la tête. Toute sa vitalité se rassemble dans ses yeux, qui disent tout ce que la parole ne peut exprimer autrement.

Jésus, tout en restant à genoux et la main gauche sur son front, se redresse et prend son attitude de miracle :

« Eh bien, je le veux. Sois guérie ! Lève-toi. »

Il retire sa main et se met debout.

Une fraction de minute après, Jeanne, femme de Kouza, sans aide d’aucune sorte, s’assied, pousse un cri et se jette aux pieds de Jésus, en criant d’une voix forte, heureuse :

« Oh ! T’aimer, ma Vie ! Pour toujours ! Je suis à toi ! Je suis à toi pour toujours ! Nourrice ! Jonathas ! Je suis guérie ! Ah ! Vite, courez le dire à Kouza. Qu’il vienne adorer le Seigneur ! Oh, bénis-moi, encore, encore, encore ! Oh, mon Sauveur ! »

Elle pleure et rit tout à la fois en baisant les vêtements et les mains de Jésus.

« Je te bénis, oui. Que veux-tu que je fasse d’autre pour toi ?

– Rien, Seigneur. Seulement que tu m’aimes et me permettes de t’aimer.

– Tu ne voudrais pas un bébé ?

– Oh, un bébé !… Mais fais ce que tu veux, Seigneur. Je t’abandonne tout : mon passé, mon présent, mon avenir. Je te dois tout et te remets tout. Toi, donne à ta servante ce que tu sais être le meilleur.

– La vie éternelle, alors. Sois heureuse. Dieu t’aime.

102.8

Je m’en vais. Je te bénis et je vous bénis.

– Non, Seigneur. Arrête-toi dans ma maison qui, maintenant, est réellement un rosier fleuri. Permets-moi d’y rentrer avec toi… Ah, que je suis heureuse !

– Je viens, mais j’ai mes disciples.

– Ce sont mes frères, Seigneur. Jeanne aura, pour eux comme pour toi, nourriture, boisson et tout ce qu’il faut. Fais-moi plaisir !

– Allons. Renvoyez les montures et suivez-nous à pied. Il reste peu de chemin à faire maintenant. Nous avancerons lentement pour que vous puissiez suivre. Adieu, Ismaël et Aser. Saluez encore ma Mère pour moi, et aussi mes amis. »

Les deux Nazaréens, stupéfaits, s’en vont avec leur bruyante cavalerie pendant que le char prend le chemin du retour avec sa charge désormais joyeuse. Derrière, en groupe, les disciples commentent le fait.

Tout prend fin.

102.1

The disciples are having their supper in Joseph’s large workshop. The big bench is used as a table, on which there is everything that is needed. But I see that the workshop is used also as a dormitory. The other two carpenter’s benches have been changed into beds by placing mats on them, and little low beds (mats on hurdles) have been placed along the walls. The apostles are speaking to one another and to the Master.

«So You are really going up to Lebanon?» asks the Iscariot.

«I never promise what I am not going to keep. In this case I promised twice: the shepherds and Johanna of Chuza’s nurse. I have waited for five days as I told her, and I have added today for caution sake. But now I am going. We shall start as soon as the moon rises. It will be a long way even if we go by boat as far as Bethsaida. But I want My heart to rejoice, greeting also Benjamin and Daniel. You have seen what souls the shepherds have. Oh! It is well worthwhile going to honour them, because not even God lowers Himself by honouring one of His servants, on the contrary He increases His justice.»

«In this heat? Watch what You are doing. I am telling You for Your own sake.»

«Nights are already less sultry. The sun will be in Leo only for a short time now, and the storms are mitigating the heat. And I tell you once again. I am not compelling anyone to come. Everything must be spontaneous in Me and around Me. If you have business to attend to, or if you feel tired, stay here. We will meet later.»

«Well, You said so. I have to attend to some family matters. Vintage time is near and my mother asked me to see certain friends… You know, I am the head of the family, after all. I mean: I am the man in the family.»

Peter grumbles: «It is a good thing that he remembers that a mother always comes first after a father.»

Judas, whether he does not hear or he does not want to hear, shows no sign that he has heard the grumbling, which in any case Jesus checks by casting a glance, while James of Zebedee, who is sitting near Peter, gives a tug at his tunic to make him keep quiet.

«You may go, Judas. In fact, you must go. We must never be wanting in obedience to our mothers.»

«Well, I will go at once, if You allow me. I will be at Nain in time to find accommodation. Goodbye, Master. Goodbye, friends.»

«Be the friend of peace and deserve always to have God with you. Goodbye» says Jesus, whereas the others say goodbye altogether.

There is not much grief at seeing him depart, on the contrary… Peter, perhaps because he is afraid that he may change his mind, helps him to tie the straps of his bag and to sling it across his back, he takes him to the door of the workshop, which is already open like the other door opening on to the kitchen garden, obviously to ventilate the sultry room after a very hot day. He remains at the door looking at Judas going away, and when he sees that he is really departing, he makes a gesture of joy and of ironical farewell and comes back in rubbing his hands. He says nothing… but has already said everything. Some of the disciples who have been watching, sneer.

102.2

But Jesus does not notice them, because He is scanning the face of His cousin James, who has blushed and looks serious, and has stopped eating his olives. He asks him: «What is the matter?»

«You said: “We must not lack obedience to our mother…” What about us, then?»

«Have no scruples. As a general rule that is how one must behave. When one is but a man and a child of the same flesh. But not when one has taken another nature and a different paternity. Such higher paternity is to be followed in its orders and desires. Judas came before you and Matthew… but he is still so far behind. He must form, and he will do so very slowly. You must all be charitable to him, you, too, Peter, be charitable! I understand… but I say to you: be charitable. To tolerate annoying people is not an easy virtue. Make use of it.»

«Yes, Master… But when I see him so… so… Well, be quiet, Peter, because in any case He understands… I seem to be a sail too taut because of the wind… I creak under the stress, and something always breaks within me… But You know, or rather, You do not know because You are worth nothing as a boatman, so I tell You, if all the sheets of a sail snap because of excessive tension, I can assure You that the sail gives the stupid boatman such a slap, that it stuns him… Now I feel that… I risk having all the sheets broken… and then… It is better, yes, if now and again he goes away. So the sail droops because of lack of wind and I have time to reinforce the sheets.»

Jesus smiles and shakes His head, pitying the just and fiery Peter.

102.3

A loud noise of ironshod hooves and the shouting of children is heard in the street. «He is here! He is here! Stop, man.» And before Jesus and the disciples realise what is happening, the dark body of a horse steaming with sweat appears before the door, a horseman dismounts, rushes in and prostrates himself at Jesus’ feet, kissing them with veneration.

They all look at him quite amazed. «Who are you? What do you want?»

«I am Jonathan.»

Joseph responds with a cry: as, sitting behind the high bench, and, because of the flashing arrival, it had been impossible for him to recognise his friend. The shepherd rushes toward the prostrated man: «You, it is you!…»

«Yes. I am worshipping my beloved Lord! Thirty years of hope, oh! What a long wait! Here: those years have now blossomed like the flower of a solitary agave, all of a sudden, in a blissful ecstasy, even more blissful than the one of long ago! Oh! My Saviour!»

Women, children and some men, amongst whom also good Alphaeus of Sarah, still holding a piece of bread and cheese in his hand, gather at the door and even inside the large room.

«Stand up, Jonathan. I was about to come and look for you, Benjamin and Daniel…»

«I know…»

«Stand up, that I may give you the kiss that I gave your friends.» Jesus forces him to stand up and kisses him.

«I know» repeats the robust old man, who is well preserved and well dressed. «I know.

102.4

She was right. It was not the delirium of a dying person! Oh! Lord God! How a soul hears and perceives You, when You call it!» Jonathan is moved.

But he recovers. He does not waste time. Full of adoration and yet active, he comes to the point. «Jesus, our Saviour and Messiah. I have come to beg You to come with me. I have spoken to Esther and she told me… But earlier, Johanna had spoken to You and she told me… oh! do not laugh at a happy man, you who hear me, for I am happy and yet distressed, until I hear You say “I will come”. You know that I was travelling with my dying mistress. What a journey! It was quite good from Tiberias to Bethsaida. But after we left the boat and took a wagon, although I had fitted it out as well as I could, it was a torture. We travelled slowly, by night, but she suffered. At Caesarea Philippi she was on the point of death, vomiting blood. We stopped… The third morning, seven days ago, she sent for me. She was so pale and exhausted, that she looked as if she were already dead. But when I called her, she opened her mild eyes, like those of a dying gazelle and smiled at me. With her little ice-cold hand she beckoned me to bend down, her voice being so weak, and she said to me: “Jonathan, take me home. But at once”. Her effort in giving the order was so great that, although she is always more gentle than a good little child, her cheeks turned scarlet and for a moment her eyes brightened up. She continued: “I dreamed of my house at Tiberias. There was in it One Whose face was like a star, He was tall, fair-haired, His eyes were as blue as the sky and His voice sweeter than the sound of a harp. He was saying to me: ‘I am the Life. Come. Come back. I am waiting for you to give you it. I want to go”. I said: “My mistress! You cannot! You are not well! When you are better, we will see”. I thought it was the delirium of a dying person. But she was weeping and then… — oh! it is the first time she said so during the six years that she had been my mistress, and she even sat up in her anger, whereas before she could not move — and then she said to me: “Servant, I want to go. I am your mistress. Obey!” and she then fell back vomiting blood. I thought she was dying… and I said: “Let us make her happy. She will die one way or the other!… I will feel no remorse for displeasing her at the end, after pleasing her all the time”. What a journey! She would not rest except in the morning between the third and the sixth hour. I wore the horses out to come quickly. We arrived at Tiberias today at the ninth hour… And Esther told me… I then understood that it was You Who had called her. Because that was the hour and the day You promised Esther a miracle and You appeared to the soul of my mistress. She wanted to start again immediately after the ninth hour and she sent me on first… Oh! come, my Saviour!»

«I will come at once. Faith deserves a reward. He who wants Me, will have Me. Let us go.»

«Wait. I threw a purse of money to a young man, saying: “Three, five, as many donkeys as you like, if you have no horses, and at once, at Jesus’ house”. They are about to come. We will be quicker. I hope to meet her near Cana. If at least…»

«What, Jonathan?»

«If at least she is alive…»

102.5

«She is alive. But even if she were dead, I am the Life. Here is My Mother.»

The Virgin, Who has obviously been informed by someone, is hastening towards them followed by Mary of Alphaeus. «Son, are You going away?»

«Yes, Mother. I am going with Jonathan. He has come. I knew I would be able to let You see him. That is why I waited an extra day.»

Jonathan at first has bowed down deeply, with his arms crossed over his chest, he now kneels down and lightly lifts the hem of Mary’s dress and kisses it saying: «I greet the Mother of my Lord!»

Alphaeus of Sarah says to the curious onlookers: «Oh! What do you say? Should we not be ashamed of being the only faithless ones?»

The noise of many hooves is heard in the street. It is from the little donkeys. I think that all the donkeys in Nazareth are there, and they are so many that they would be sufficient for a squadron. While Jonathan picks the best and negotiates, paying without haggling over the price, and takes two Nazarenes with some more donkeys, lest some might lose a shoe, and that the two men might bring back all the braying herd of donkeys, Mary and the other Mary help to close the haversacks and sacks.

Mary of Alphaeus says to her sons: «I will leave your beds here. And I will caress them… And I will feel as if I were caressing you. Be good, worthy of Jesus, sons,… and I… I will be happy…» and in the meantime she is shedding large tears.

Mary instead helps Jesus and caresses Him lovingly, giving Him much advice and many messages for the other two Lebanese shepherds, because Jesus states that He will not be back until He finds them.

102.6

They depart. It is evening and the first quarter of the moon is rising now. Jesus is in front with Jonathan, all the others are behind. While they are in town they go at a walking pace, because of the people gathering near them. But as soon as they are out, they break into a gallop, while the caravan resounds with hooves and harness bells.

«She is in the wagon with Esther» explains Jonathan. «Oh! My mistress! What a joy to make you happy! To bring Jesus to you! Oh! my Lord! To have You here, beside me! To have You! Your face is really like the star that she saw and Your hair is fair and Your eyes like the sky and Your voice is really the sound of a harp… oh! But Your Mother! Will You bring Her to my mistress, one day?»

«Your mistress will come to Her. They will be friends.»

«Will they? Oh!… Yes, she can. Johanna is married and had a child. But her soul is as pure as a virgin’s. She can be near the blessed Mary.»

Jesus turns around because of a hearty laugh from John, which all the others imitate.

«It’s me, Master, that makes them laugh. On the boat I am more steady than a cat… but here! I am like a barrel left loose on the deck of a boat caught in a southwest wind» says Peter.

Jesus smiles and encourages him, promising that the trot will soon be over.

«Oh! It’s all right. It’s all right if the boys laugh. Let us go and make this good woman happy.»

Jesus turns around again at another outburst of laughter. Peter exclaims: «No, I will not tell You that one, Master. But why not? Yes, I will tell You. I was saying “Our supreme minister will be upset when he finds out that he was absent when there was the possibility of strutting about with a lady of rank”. And they laugh. But it is so. I am sure that if he had imagined that, he would not have had paternal vineyards to look after.»

Jesus does not reply.

102.7

The road is quickly covered by the well-fed little donkeys. Cana is soon left behind them in the clear moonlight.

«If You allow me, I will go ahead. I will stop the wagon. Its jolting makes her suffer so much.»

«Yes, go.»

Jonathan puts his horse to the gallop.

They go a long way in the moonlight. Then they meet the dark shape of a large covered wagon, stopped at the roadside. Jesus spurs His donkey which breaks into a canter. He is now near the wagon and dismounts.

«The Messiah!» announces Jonathan.

The old nurse rushes out of the wagon onto the road, and then throws herself down onto the dust. «Oh! save her! She is dying.»

«Here I am.» And Jesus climbs into the wagon, where there is a pile of cushions and a slender body on them. There is a little lamp in a corner, and cups and amphoras. A young maid servant is weeping, while wiping the cold perspiration from the dying woman. Jonathan hastens in with one of the wagon lamps.

Jesus bends over the unconscious woman, who is really dying. There is no difference between the whiteness of her linen dress and the palor, which is even faintly bluish, of her emaciated hands and face. Only her thick eyebrows and her very dark long eyelashes give some colour to the snow white face. Her cheeks do not even have the ominous bright scarlet of consumptives. Her lips are only a shade of violet pink, half open while breathing is difficult.

Jesus kneels down beside her and watches her. The nurse takes her hand and calls her. But her soul, already on the threshold of death, does not give any response.

The disciples have arrived with the two young men from Nazareth and they gather round the wagon.

Jesus lays His hand on the forehead of the dying woman, who for one instant opens her dimmed hazy eyes and then closes them again.

«She no longer hears» moans the nurse. And she cries louder.

Jesus makes a gesture: «Mother, she will hear. Have faith.» He then calls her: «Johanna! Johanna! It is I! I am calling you. I am the Life. Look at Me, Johanna.»

The dying woman opens her large dark eyes with a brighter glance and looks at the face bending over her. She shows joy and smiles. She slowly moves her lips forming a word which, however, has no sound.

«Yes. It is I. You have come and I have come. To save you. Can you have faith in Me?»

The dying woman nods her head. All her vitality and all the words which she is unable to express otherwise are concentrated in her glance.

«Well (Jesus, while still kneeling down and holding His left hand on her forehead, straightens Himself up, exerting His Heavenly power) Well: I want it. Be cured. Rise.» He removes His hand and stands up.

A fraction of a second, then Johanna of Chuza, without any help whatsoever, sits up, gives a cry and throws herself at Jesus’ feet, calling in a loud happy voice: «Oh! To love You, my Life. Forever! Yours! Forever Yours! Nurse! Jonathan! I am cured! Oh! Quick! Run and tell Chuza. That he may come to adore the Lord! Oh! bless me again, and again, and again! Oh! My Saviour.» She weeps and smiles, kissing Jesus’ tunic and hands.

«Yes, I bless you. What else shall I do for you?»

«Nothing, Lord. Beside loving me and allowing me to love You.»

«And would you not like to have a child?»

«Oh! a child!… Do as You please, Lord. I leave everything to You: my past, my present and my future. I owe You everything and I give You everything. Give Your servant what You know is better.»

102.8

«Eternal life then. Be happy. God loves you. I am going. I bless you, and I bless you all.»

«No, my Lord. Stop in my house, which now is, oh! is really a flowery rose-garden. Allow me to go back in there with You… Oh! How happy I am!»

«I will come. But I have My disciples.»

«My brothers, Lord. Johanna will have for them, as for You, food and drinks and every refreshment. Make me happy!»

«Let us go. Send the donkeys back and follow us on foot. The road is a short one now. We shall go slowly, that you may follow us. Goodbye, Ishmael and Aser. Give greetings to My Mother on My behalf and My friends.»

The two Nazarenes, dumbfounded, depart with their braying donkeys, whereas the wagon starts its return journey, this time with its load of joy. The disciples follow in a group making their comments.

And it all ends.