The Writings of Maria Valtorta

161. Guérison du petit-fils du pharisien Eli de Capharnaüm.

161. The healing of the nephew

161.1

Jésus est sur le point d’arriver en barque à Capharnaüm. Le soleil va se coucher et le lac n’est qu’un scintillement jaune-rouge.

Tandis que les deux barques manœuvrent pour accoster, Jean dit :

« Je me dépêche d’aller chercher de l’eau à la fontaine pour que tu puisses te désaltérer.

– L’eau est bonne, ici, s’exclame André.

– Oui, elle est bonne. Et votre amour me la fait paraître encore meilleure.

– Moi, je vais porter le poisson à la maison. Les femmes les prépareront pour le repas. Tu nous parleras ensuite, à elles et à nous ?

– Oui, Pierre.

– C’est le plus beau, maintenant, de revenir chez soi. Auparavant, nous avions l’air de nomades. Mais maintenant, avec les femmes, il y a plus d’ordre, plus d’amour. Et puis, voir ta Mère me fait oublier toute fatigue. Je ne sais… »

Jésus sourit et se tait.

La barque s’échoue sur la grève. Jean et André, en sous-vêtements courts, sautent dans l’eau et tirent la barque sur la rive avec l’aide des garçons puis disposent la planche qui sert de pont. Jésus est le premier à descendre ; il attend la seconde barque que soit amarrée pour s’unir à tous ses disciples. Puis, à pas lents, ils s’avancent vers la fontaine. C’est une fontaine naturelle, une source qui jaillit un peu en dehors du village et dont l’eau retombe dans un bassin en pierre, fraîche, abondante, argentée. Cette eau vous invite à la boire tant elle est limpide. Jean, qui a couru en avant avec l’amphore, est déjà de retour et tend le broc ruisselant à Jésus, qui boit à longues gorgées.

« Comme tu avais soif, mon Maître ! Et moi, comme un sot, je ne m’étais pas procuré de l’eau !

– cela ne fait rien, Jean. Maintenant tout est passé » répond Jésus avec une caresse.

161.2

Ils sont sur le point de revenir quand ils voient Simon-Pierre, qui était allé porter ses poissons chez lui, arriver aussi vite qu’il le peut.

« Maître, Maître ! Crie-t-il, à bout de souffle. Tout le village est en émoi, car l’unique petit-fils d’Eli le pharisien est en train de mourir à la suite d’une morsure de serpent. Contre la volonté de sa mère, il était parti avec le vieil homme dans leur oliveraie. Eli surveillait des travaux, et l’enfant jouait près des racines d’un vieil olivier. Il a mis la main dans un trou dans l’espoir d’y trouver quelque lézard, mais c’est un serpent qu’il a trouvé. Le vieillard a l’air d’un fou. La mère de l’enfant – qui, entre parenthèses, déteste son beau-père, et à juste titre – l’accuse d’assassinat. L’enfant se refroidit rapidement. Entre parents, ils ne se sont jamais aimés ! Or on ne peut être plus de la même famille que cela !

– Les querelles de familles sont une bien triste chose !

– Mais, Maître, je dis que les serpents n’ont pas aimé le serpent : Eli. Et ils ont tué le petit serpent. Je regrette qu’il m’ait vu et qu’il m’ait crié : “ Le Maître est là ? ” Et je regrette pour le petit. C’était un bel enfant, et ce n’est pas sa faute s’il est le petit-fils d’un pharisien.

– Effectivement, ce n’est pas sa faute. »

161.3

Ils se dirigent vers le village et voient venir à leur rencontre une foule de personnes qui crient et pleurent, le vieil Eli en tête.

« Il nous a trouvés ! Retournons sur nos pas !

– Mais pourquoi ? Ce vieil homme souffre.

– Ce vieil homme te déteste, souviens-t’en : c’est l’un de tes accusateurs les plus acharnés auprès du Temple.

– Je me souviens que je suis la Miséricorde. »

Le vieil Eli, échevelé, bouleversé, les vêtements en désordre, court vers Jésus bras tendus et s’écroule à ses pieds en criant :

« Pitié ! Pitié ! Pardon ! Ne te venge pas de ma dureté de cœur sur un innocent. Toi seul peux le sauver ! Dieu, ton Père, t’a conduit ici. Je crois en toi ! Je te vénère ! Je t’aime ! Pardon ! Je me suis montré injuste et menteur ! Mais me voilà puni. Ces heures sont à elles seules une punition. A l’aide ! C’est le garçon, le seul fils de mon garçon qui est mort. Et elle m’accuse de l’avoir tué. »

Il pleure en se frappant la tête contre terre en cadence.

« Allons, ne pleure pas comme ça. Veux-tu mourir sans plus te soucier de voir grandir cet enfant ?

– Il meurt ! Il meurt ! Il est peut-être déjà mort. Fais-moi mourir, moi aussi. Que je n’aie pas à vivre dans cette maison vide ! Oh, mes tristes derniers jours !

– Eli, relève-toi et allons-y…

– Tu… tu viens vraiment ? Mais sais-tu qui je suis ?

– Un malheureux. Allons. »

Le vieil homme se lève et dit :

« Je pars en avant, mais toi, cours, cours, dépêche-toi ! »

Et il s’en va d’autant plus rapidement que le désespoir lui aiguillonne le cœur.

« Seigneur, crois-tu que cela puisse le faire changer ? Ah ! Quel miracle inutile ! Laisse donc mourir ce petit serpent ! Le vieux mourra aussi de chagrin et… ça en fera un de moins sur ta route. C’est Dieu qui a pensé à…

– Simon ! En vérité, en ce moment c’est toi le serpent. »

Repoussant sévèrement Pierre, qui reste tête basse, Jésus va de l’avant.

161.4

Près de la place la plus grande de Capharnaüm se trouve une belle maison devant laquelle la foule fait grand bruit… Jésus s’y rend et il est sur le point d’y arriver lorsque, par la porte grande ouverte, sort le vieillard, suivi d’une femme échevelée qui serre dans ses bras un petit être à l’agonie. Le venin paralyse déjà ses organes et la mort est proche. Sa menotte blessée pend avec la marque de la morsure à la base du pouce. Eli ne cesse de crier :

« Jésus, Jésus ! »

Jésus, serré, écrasé par la foule qui l’empêche presque de faire le moindre geste, prend cette menotte, la porte à sa bouche, suce la blessure, puis souffle sur le petit visage cireux aux yeux vitreux à demi clos. Puis il se redresse en disant :

« Voilà, l’enfant s’éveille. Ne l’effrayez pas par tous vos visages bouleversés. Il aura déjà bien assez peur au souvenir du serpent. »

De fait, l’enfant, dont le visage reprend couleur, ouvre la bouche et bâille longuement, se frotte les yeux puis les ouvre et paraît ébahi de se trouver au milieu de tant de monde ; puis il se souvient et tente de fuir en faisant un bond si soudain qu’il serait tombé si Jésus ne l’avait reçu promptement dans ses bras.

« Du calme ! De quoi as-tu peur ? Regarde ce beau soleil ! Voilà le lac, ta maison, et ici ta maman et ton grand-père.

– Et le serpent ?

– Disparu. C’est moi qui suis là.

– Toi, oui… »

L’enfant réfléchit… puis, se faisant naïvement la voix de la vérité, il ajoute :

« Mon grand-père me disait de te traiter de “ maudit ”. Mais je ne le fais pas. Moi, je t’aime bien.

– Moi, j’ai dit cela ? Cet enfant délire ! N’en crois rien, Maître. Je t’ai toujours respecté. »

Une fois sa peur surmontée, sa vieille nature réapparaît.

« Les paroles ont de la valeur ou non. Je les prends pour ce qu’elles valent. Adieu, mon petit, adieu, femme, adieu Eli. Aimez-vous bien et aimez-moi, si vous le pouvez. »

Jésus tourne le dos et se dirige vers la maison où il habite.

161.5

« Pourquoi, Maître, ne pas avoir accompli un miracle éclatant ? Tu aurais dû ordonner au venin de quitter l’enfant, tu aurais dû te montrer Dieu. Au lieu de cela tu as sucé le venin comme l’aurait fait le premier venu. »

Judas n’est pas très content. Il aurait voulu quelque chose de sensationnel.

Mais d’autres sont du même avis :

« Tu devais écraser cet ennemi de toute ta puissance. Tu as entendu, hein ? Son venin est aussitôt réapparu…

– Peu importe le venin. Observez plutôt que, si j’avais agi comme vous l’auriez souhaité, il aurait dit que Béelzéboul m’aidait. Dans son âme en ruines, il peut encore admettre mon pouvoir de médecin. Pas davantage. Le miracle amène à la foi ceux qui sont déjà sur cette route. Mais chez ceux qui n’ont pas d’humilité – la foi prouve toujours l’existence de l’humilité dans une âme –, le miracle les pousse au blasphème. Par conséquent, mieux vaut éviter ce risque en recourant à des procédés apparemment humains. C’est la misère des incrédules, leur misère inguérissable. Il n’y a pas d’argent qui la fasse disparaître, car aucun miracle ne porte à croire ni à être bons. Peu importe. Je fais mon devoir, eux suivent leurs tendances mauvaises.

– Mais alors, pourquoi l’avoir fait ?

– Parce que je suis la Bonté et afin que l’on ne puisse dire que j’ai été vindicatif à l’égard de mes ennemis et provocateur vis-à-vis de ceux qui le sont. J’accumule sur leur tête des charbons ardents. Et ce sont eux qui me la présentent pour que je les accumule. Judas, fils de Simon, sois bon, ne cherche pas à agir comme eux. Mais cela suffit. Allons chez ma Mère. Elle sera heureuse de savoir que j’ai guéri un enfant. »

161.1

Jesus is about to arrive in Capernaum by boat. The sun is almost setting and the lake is sparkling with red and yellow hues.

While the two boats are manoeuvring to draw near the coast, John says: «I will go to the fountain and bring You some water for Your thirst.»

«The water is good here» exclaims Andrew.

«Yes, it is good. And your love makes it even better for Me.»

«I will take the fish home. The women will prepare them for supper. Afterwards, will You speak to us and to them?»

«Yes, Peter, I will.»

«It is more pleasant now to come back home. Before we looked like a lot of nomads. But now, with the women, there is more order, more love. And then! When I see Your Mother, I no longer feel tired. I don’t know…»

Jesus smiles and is quiet.

The boat grounds on the shingly shore. John and Andrew, who are wearing short undertunics, jump into the water and with the help of some young men they beach the boat and place a board as a wharf. Jesus is the first to come off, and He waits until the second boat is beached, in order to be together with all of His disciples. Then, walking with slow steps they go towards the fountain. A natural fountain of spring water, that wells up just outside the village, and plentiful, cold and silvery runs into a stone basin. The water is so limpid that it induces people to drink it. John, who has run ahead with an amphora, is already back and he hands the dripping pitcher to Jesus, Who has a long drink.

«How thirsty You were, my Master! And I, foolishly, did not get any water.»

«It does not matter, John. It is all over» and He caresses him.

161.2

They are about to come back when they see Simon Peter arrive, running as fast as he can. He had gone home to take his fish.

«Master! Master!» he shouts panting. «The village is in turmoil, because the only grandchild of Eli, the Pharisee, is about to die from a snakebite. He had gone with the old man, and against his mother’s wishes, to their olive-grove. Eli was overseeing some works, while the child was playing near the roots of an old olive-tree. He put his hand into a hole, hoping to find a lizard, and he found a snake. The old man seems to have become distraught. The child’s mother, who incidentally hates her father-in-law, quite rightly as it happens, is accusing him of being a murderer. The boy is getting colder and colder every moment. Although relatives, they did not love one another! And they could not have been more closely related!»

«Family grudge is never a good thing!»

«Well , Master, I say that the snakes did not love the snake: Eli. And they have killed the little snake. I am sorry that he saw me and he shouted after me: “Is the Master there?”. And I am sorry for the little one, He was a nice boy and it is not his fault that he was the grandson of a Pharisee.»

«Of course, it is not his fault.»

161.3

They walk towards the village and they see a crowd of people, shouting and weeping, coming towards them, with the elderly Eli in front of them.

«He has found us! Let us go back!»

«Why? That old man is suffering.»

«That old man hates You, remember that. He is one of Your first and fiercest accusers at the Temple.»

«I remember that I am Mercy.»

Old Eli, unkempt and upset, with untidy garments, runs towards Jesus, his arms outstretched, and drops at His feet shouting: «Mercy! Mercy! Forgive me. Do not avenge Yourself on an innocent boy for my harshness. You are the only one who can save him! God, Your Father, has brought You here. I believe in You! I venerate You! I love You! Forgive me! I have been unfair! A liar! But I have been punished. These hours alone serve as a punishment. Help me! It’s the boy! The only son of my dead son. And she is accusing me of killing him» and he weeps striking his head on the ground rhythmically.

«Come on! Do not cry like that. Do you want to die without having to look after your grandson any more?»

«He is dying! He is dying! Perhaps he is already dead. Let me die, too. Don’t let me live in that empty house! Oh! My sad last days!»

«Eli, get up and let us go…»

«You… are You really coming? But do You know who I am?»

«An unhappy man. Let us go.»

The old man gets up and says: «I will go ahead, but run, run, be quick!» And he goes away, very quickly, because of the desperation piercing his heart.

«But, Lord, do You think that You will change him? Oh! what a wasted miracle! Let that little snake die! Also the old man will die broken-hearted… and there will be one less on Your way… God has seen to it…»

«Simon! To tell you the truth, you are now the snake.» Jesus severely repels Peter, who lowers his head, and He carries on.

161.4

Near the largest square in Capernaum there is a beautiful house before which the crowds are making a dreadful noise… Jesus moves towards it and is about to arrive when the old man comes out from the wide open door, followed by a ruffled woman, who is holding in her arms a little agonizing child. The poison has already paralyzed his organs and death is near. The little wounded hand is hanging down with the mark of the bite at the root of his thumb. Eli does nothing but shout: «Jesus! Jesus!»

And Jesus, squeezed and overwhelmed by the crowds who obstruct His movements, takes the little hand to His mouth, sucks the wound, then breathes on the waxen face and the glassy half closed eyes. He then straightens Himself up: «Here» He says, «the child will now wake up. Do not frighten him with your expressions which are so upset. He will already be afraid when he remembers the snake.»

In fact the boy, whose face colours up, opens his mouth in a big yawn, rubs his eyes, opens them and is surprised at being among so many people. He then remembers, and is about to run away, with such a sudden leap, that he would have fallen had Jesus not been ready to receive him in His arms.

«Good, good! What are you afraid of? Look how beautiful the sun is! Over there is the lake, your house, and your mother and grandfather are here.»

«And the snake?»

«It is no longer here. But I am.»

«You. Yes…» The child thinks… and then, in the innocent voice of truth, he says: «My grandfather used to tell me to say “cursed” to You. But I will not say it. I love You, I do.»

«I? I said that? The little one is raving. Do not believe him, Master. I have always respected You.» As fear passes away, the old nature comes to surface again.

«Words are and are not of value. I take them for what they are. Goodbye, little one, goodbye, woman, goodbye, Eli. Love one another and love Me, if you can.» Jesus turns around and goes towards the house where He lives.

161.5

«Why, Master, did You not work a striking miracle? You should have ordered the poison to go out of the little one. You should have shown Yourself as being God. Instead You sucked the poison like any poor man.» Judas of Kerioth is not very happy. He wanted something sensational.

Also others are of the same opinion. «You should have crushed that enemy of Yours, with Your power. You heard him, eh! He became poisonous again at once…»

«His poison is of no importance. But you must consider that if I had done what you wanted Me to do, he would have said that I was helped by Beelzebub. His ruined soul can still acknowledge My power as a doctor. But no more. A miracle leads to faith only those who are already on that way. But in those without humility — faith always proves that there is humility in a soul — it leads to blasphemy. It is better therefore to avoid that danger by having recourse to forms of human appearance. The incurable misery is the misery of the incredulous. No means will eliminate it because no miracle induces them to believe or to be good. It does not matter. I fulfill My task. They follow their ill fate.»

«Why did You do it, then?»

«Because I am Goodness and because no one may say that I was vindictive with My enemies and provocative with provokers. I am heaping coal on their heads. And they are handing it to Me that I may heap it. Be good, Judas of Simon. Endeavour not to behave as they do! And that is all. Let us go to My Mother. She will be happy to hear that I cured a child.»