The Writings of Maria Valtorta

163. Au banquet chez le pharisien Eli, on parle de taxes et du royaume messianique.

163. Supper in the house of Eli the Pharisee. Confrontation

163.1

Il y a beaucoup de remue-ménage chez Eli aujourd’hui : serviteurs et servantes vont et viennent et, au milieu d’eux, tout joyeux, le petit Elisée. Puis voici deux personnages solennels, suivis d’encore deux autres. Je reconnais les deux premiers : ils étaient allés chez Matthieu avec Eli. Quant aux deux autres, je ne les connais pas, mais j’entends dire qu’ils s’appellent Samuel et Joachim. Jésus arrive en dernier, accompagné de Judas.

Après de grandes salutations réciproques vient la question :

« tu es seul avec lui ? Et les autres ?

– Ils sont dans la campagne. Ils reviendront ce soir.

– Quel dommage ! Je croyais que… Hier soir, je ne t’ai pas invité toi seulement, cela s’adressait à tous tes disciples. Je crains maintenant qu’ils ne se soient sentis offensés, ou alors… qu’ils dédaignent venir chez moi, à cause de vieilles fâcheries. Eh, eh ! »

Le vieil homme rit…

« Oh non ! Mes disciples ignorent les susceptibilités orgueil­leuses et les rancœurs incurables.

– Très bien.

163.2

Entrons donc. »

Après le cérémonial habituel de purification, ils se dirigent vers la salle du banquet, qui s’ouvre sur une vaste cour où les premières roses mettent une note de gaieté.

Jésus caresse le petit Elisée qui joue dans la cour et ne garde plus du danger passé que quatre petites marques rouges sur la main. S’il ne se rappelle même plus sa peur, il se souvient bien de Jésus et veut l’embrasser et être embrassé par lui, avec la spontanéité des enfants. Les bras enlacés autour du cou de Jésus, il lui parle dans les cheveux et lui confie que, quand il sera grand, il ira avec lui. Il lui demande :

« Tu veux bien de moi ?

– Je veux tout le monde. Sois gentil et tu viendras avec moi. »

L’enfant part en sautillant.

Ils se mettent à table. Eli veut tellement être parfait qu’il place auprès de lui d’un côté Jésus et de l’autre Judas, qui se trouve donc entre Eli et Simon ; Jésus se trouve entre Eli et Urie.

163.3

Le repas commence. Au début, on discute de choses et d’autres. Puis cela devient plus intéressant. Et, comme les blessures font souffrir et que les chaînes pèsent lourd, revoilà l’éternel discours sur l’esclavage dans lequel Rome tient la Palestine. Je ne sais si ce sujet a été choisi intentionnellement ou sans mauvaise intention. Ce que je sais, c’est que les cinq pharisiens se plaignent de nouvelles vexations romaines comme d’un sacrilège, et ils veulent intéresser Jésus à la discussion.

« Tu comprends, ils veulent examiner scrupuleusement nos recettes. Et, comme ils ont compris que nous nous réunissons dans les synagogues pour parler de cela et d’eux, ils nous menacent d’y entrer, sans aucun respect. Je crains que, un beau jour, ils n’entrent même dans les maisons des prêtres ! S’écrie Joachim.

– Et toi, qu’en dis-tu ? N’en es-tu pas dégoûté ? » demande Eli.

Interpellé, directement, Jésus répond :

« Comme juif oui, comme homme non.

– Pourquoi cette distinction ? Je ne comprends pas. Es-tu deux en un ?

– Non. Mais il y a en moi d’une part la chair et le sang – en somme, l’animal – et d’autre part l’âme. Mon âme de juif respectueux de la Loi souffre de ces profanations. Pas la chair et le sang, car il me manque l’aiguillon qui vous blesse, vous.

– Lequel ?

– L’intérêt. Vous dites que vous vous réunissez dans les synagogues pour parler aussi d’affaires sans avoir à craindre des oreilles indiscrètes. Vous redoutez de ne plus pouvoir le faire, par conséquent vous redoutez de ne plus pouvoir dissimuler au fisc le moindre sou, donc d’être soumis à des taxes en juste rapport avec vos biens. Moi, je n’ai rien. Je vis de la bonté de mon prochain et de mon amour pour lui. Je ne possède ni or, ni champs, ni vignobles, et je n’ai pas d’autre maison que celle de ma mère, si petite et si pauvre que le fisc la néglige. Je ne suis donc pas poussé par la crainte qu’on découvre de fausses déclarations, d’être taxé et puni. Tout ce que j’ai, c’est la Parole que Dieu m’a donnée et que j’annonce. Or c’est une chose tellement élevée que l’homme ne saurait la taxer.

163.4

– Mais, si tu étais dans notre situation, comment te comporterais-tu ?

– Ne vous offensez pas si je vous dis ma pensée tout net : elle s’oppose à la vôtre. En vérité, je vous dis que j’agirais autrement.

– Et comment ?

– En ne lésant pas la sainte vérité. C’est une vertu toujours sublime, même quand elle s’applique à des choses aussi humaines que les impôts.

– Mais alors, on nous prendrait tout ! Tu ne réfléchis pas au fait que nous possédons beaucoup et que nous devrions donner beaucoup !

– Vous l’avez dit : Dieu vous a donné beaucoup. A vous de donner beaucoup, dans une juste proportion. Pourquoi agir malhonnêtement, comme c’est malheureusement le cas, au point que le pauvre doive supporter des impôts sans rapport avec ses ressources ? C’est ce qui se fait chez nous. Que les taxes sont nombreuses en Israël – les taxes qui viennent de nous –, et comme elles sont injustes ! Elles servent aux grands, qui ont déjà de grands biens. Alors qu’elles font le désespoir des pauvres qui, pour les verser, doivent se priver jusqu’à souffrir de la faim. Ce n’est pas cela que nous conseille la charité envers notre prochain. Nous devrions avoir le souci, nous autres juifs, de prendre sur nos épaules les charges qui accablent le pauvre.

– Tu parles comme cela parce que tu es pauvre, toi aussi !

– Non, Urie. Je parle comme cela parce que ce n’est que justice. Pourquoi Rome a-t-elle pu et peut-elle encore exercer une telle pression sur nous ? parce que nous avons péché et que nous sommes divisés par des rancœurs. Le riche hait le pauvre, le pauvre hait le riche. Parce qu’il n’y a pas de justice. L’ennemi en profite pour nous assujettir.

– Tu as fait allusion à plusieurs motifs… Quels sont les autres ?

– Je ne voudrais pas manquer à la vérité en altérant le caractère du lieu consacré au culte : vous en avez fait un refuge sûr pour des préoccupations humaines.

– Tu nous le reproches.

– Non, je réponds. A vous d’écouter votre conscience. Vous êtes des maîtres, par conséquent…

163.5

– Moi, je suis d’avis que le moment est venu de se soulever, de se rebeller, de punir l’envahisseur et de rétablir notre royaume.

– C’est bien vrai ! Tu as raison, Simon. Mais le Messie est ici. C’est à lui qu’il revient de le faire, répond Eli.

– Mais, pardonne-moi, Jésus, pour l’instant le Messie n’est que bonté. Il donne des conseils sur tout, mais ne pousse pas à la révolte. Nous allons agir et…

– Ecoute, Simon : rappelle-toi le Livre des Rois[1]. Saül était à Gilgal, les Philistins à Mikmas, le peuple avait peur et se débandait, le prophète Samuel n’arrivait pas. Saül voulut prendre les devants et offrir lui-même le sacrifice. Rappelle-toi la réponse que, à son arrivée, Samuel fit à l’imprudent roi Saül : “ Tu as agi en insensé et tu n’as pas observé l’ordre que le Seigneur t’avait donné. Si tu n’avais pas fait cela, le Seigneur aurait affermi pour toujours ta royauté sur Israël mais, au lieu de cela, ta royauté ne subsistera pas. ” Un acte intempestif et orgueilleux n’a servi ni au roi ni au peuple. Dieu connaît l’heure, pas l’homme. Dieu connaît les moyens, pas l’homme. Laissez faire Dieu et méritez son aide en vous conduisant saintement. Mon Royaume ne viendra pas par la rébellion et la férocité, mais il s’établira. Il ne sera pas réservé à un petit nombre, mais il sera universel. Bienheureux ceux qui viendront à lui, sans être trompés par mon aspect pauvre, selon l’esprit de la terre, et qui verront en moi le Sauveur. N’ayez pas peur. Je serai Roi, le roi issu d’Israël, le roi qui étendra son règne sur l’humanité tout entière. Mais vous, les maîtres d’Israël, ne déformez pas mes paroles ni celles des prophètes qui m’annoncent. Aucun royaume humain, aussi puissant soit-il, n’est universel ni éternel. Les prophètes disent que le mien le sera. Que cela vous éclaire sur la vérité et la spiritualité de ma royauté.

163.6

Je vous quitte. Mais j’ai une prière à adresser à Eli : voici ta bourse. Dans un abri de Simon, fils de Jonas, il y a des pauvres venus de partout. Viens avec moi leur donner l’obole de l’amour. Paix à vous tous.

– Reste donc encore ! Insistent les pharisiens.

– Je ne puis. Il y a des gens qui souffrent dans leur corps et dans leur cœur, et qui attendent d’être consolés. Demain, je partirai. Je veux que personne ne voie son espoir déçu en me voyant partir.

– Maître, moi… je suis vieux et fatigué. Vas-y, toi, en mon nom. Tu es accompagné de Judas, et nous le connaissons bien… Fais-le toi-même. Que Dieu soit avec toi. »

Jésus sort avec Judas qui, à peine sur la place, dit :

« Vieille vipère ! Qu’aura-t-il voulu dire ?

– N’y pense plus ! Ou plutôt, pense qu’il a voulu te compli­menter.

– Impossible, Maître ! Ils ne complimentent jamais ceux qui font le bien. Je veux dire : jamais sincèrement. Et pour ce qui est de venir… c’est parce qu’il méprise le pauvre et craint sa malédiction. Il a si souvent torturé les pauvres gens d’ici ! Je peux le jurer sans crainte. C’est pour ça…

– Sois bon, Judas ! Laisse Dieu juger. »

163.1

Eli’s house is very busy today. Servants and maidservants come and go and amongst them there is little Elisha, a lively little child. Then there are two stately i\ndividuals and two more. I know the first two, as they are the ones who went with Eli to Matthew’s house. I do not know the other two, but I hear them being called Samuel and Joachim. Jesus comes last with the Iscariot.

After solemn mutual greetings, there is the question: «Only with this one? And the others?»

«The others are around the country. They will come in the evening.»

«Oh! I am sorry. I thought it was… True, last night I invited only You, meaning all the rest with You. Now I was afraid they might be offended, or… they might disdain to come to my house, owing to past light disagreements… eh! eh!» The old man laughs…

«Oh! no! My disciples do not nourish proud touchiness or incurable grudge.»

«Of course! of course! Very well.

163.2

Let us go in then.»

The usual purification ceremony and then they go into the dining room, which opens onto a large yard, where the first roses bring a happy note.

Jesus caresses little Elisha, who is playing in the yard and who has only four little red marks on his hand from the past trouble. He does not even remember his past fear, but he remembers Jesus and he wants to kiss Him and be kissed by Him, with the spontaneity of children. With his little arms around Jesus’ neck, he speaks to Him through His hair, confiding that when he is big he will go to Him and asks: «Do You want me?»

«I want everybody. Be good and you will come with Me.»

The little boy goes away bounding about.

They sit at the table and Eli wishes to be so perfect that he puts Jesus beside him and on the other side Judas, who is thus between Eli and Simon, as Jesus is between Eli and Uriah.

163.3

The meal begins. Their conversation at first is inconsequential. It then becomes interesting. And since wounds are sore and chains are heavy, the talk turns to the eternal topic of the enslavement of Palestine by Rome. I do not know whether it was done deliberately or without any evil purpose. I know that the five Pharisees complain of the new Roman abuses, as of a sacrilege, and they want to get Jesus interested in the discussion.

«You know! They want to pry into our income, down to the last coin. And as they have realised that we meet in the synagogue to speak about that and about them, now they are threatening to come in, without any respect. I am afraid they will enter also the houses of priests, one of these days!» shouts Joachim.

«What do You say about that? Do You not feel disgusted?» asks Eli.

Jesus replies to the direct question: «As an Israelite yes, as a man no.»

«Why that distinction? I do not understand. Are You two in one?»

«No. But there is in Me flesh and blood: that is, the animal. And there is the spirit. The spirit of an Israelite, compliant with the Law, suffers because of such violations. The flesh and blood do not suffer, because I lack the goad that hurts you.»

«Which one?»

«Interest. You said that you meet in the synagogues to speak also of business without fear of intrusive ears. And you are afraid you will no longer be able to do so and consequently you are afraid you may not be able to conceal even a small coin from the tax-collectors and that you may be taxed exactly according to your assets. I possess nothing. I live on the charity of My neighbours and on My love for them. I have neither gold, nor fields, nor vineyards, nor houses, except My Mother’s house in Nazareth, which is so small and poor as to be ignored by the tax-assessors. Consequently I am not afraid that they may find out that My statement of income is untrue and that I may be fined and punished. All I possess is the Word that God gave Me and that I give. But it is such a sublime thing that man has no means whatsoever to affect it.»

163.4

«But if You were in our position what would You do?»

«Well, do not take it amiss if I tell you quite frankly My opinion, which is in contrast to yours. I solemnly tell you that I would behave differently.»

«How?»

«Not offending against the holy truth. It is always a sublime virtue, even when it is applied to such human things as taxes.»

«But… then… ! How they would fleece us! But You are not considering that we own a lot and we would have to pay a lot!»

«You have said it. God has granted you a lot. In proportion you must give a lot. Why behave so badly, as unfortunately many do, so that poor people are taxed out of proportion? We are aware of the situation. How many taxes there are in Israel, our taxes, which are unjust! The great, who already have so much, benefit from them. Whereas they are the despair of poor people who have to pay them and have to starve to find the money. Love for our neighbour does not recommend that. We Israelites should be so thoughtful as to take upon us the burden of the poor.»

«You are saying that because You are poor, too.»

«No, Uriah. I am saying that because it is justice. Why has Rome been able to oppress us thus? Because we sinned and we are divided by hatred. The rich hate the poor, the poor hate the rich. Because there is no justice and the enemy takes advantage of the situation and has subdued us.»

«You have mentioned various reasons… Are there any more?»

«I would not like to go against the truth by twisting the nature of a place consecrated to religion and making it a sure shelter for human things.»

«Are You reproaching us?»

«No. I am replying to you. Listen to your own consciences. You are masters and therefore…»

163.5

«I would say that it is time to rise, to rebel, to punish the invader and restore our kingdom.»

«True, true! You are right, Simon. But the Messiah is here. He must do it» replies Eli.

«But the Messiah, for the time being, forgive me, Jesus, is only Goodness. He advises everything, except to rebel. We will…»

«Listen, Simon. Remember the book of Kings[1]. Saul was at Gilgal, the Philistines were at Michmash, the people were afraid and dispersed, the prophet Samuel was not coming. Saul decided to precede the servant of God and offer the sacrifice himself. Remember the answer that Samuel, on his arrival, gave to the imprudent Saul: “You have acted like a fool and you have not carried out the order that the Lord had commanded you. If you had not done that, now the Lord would have confirmed your sovereignty over Israel forever. But now your sovereignty will not last”. An untimely and proud action served neither the king nor the people. God knows the hour. Man does not. God knows the means, man does not. Leave things to God and deserve His help by means of holy behaviour. My Kingdom is not a kingdom of rebellion and ferocity. But it will be established. It is not a preserve for a few people. It will be universal. Blessed are those who will come to it, who are not led into error by My poor appearance, according to the spirit of the world, and who will see the Saviour in Me. Be not afraid. I shall be King. The King who came from Israel. The King who will extend His Kingdom all over Mankind. But you, masters of Israel, must not misunderstand My words and those of the Prophets who announce Me. No human kingdom, no matter how powerful it may be, is universal and eternal. The Prophets say that Mine will be such. That should enlighten you on the truth and spirituality of My Kingdom.

163.6

I leave you. But I have a request to make to Eli. This is your purse. In a shelter of Simon of Jonas there are some poor people who have come from everywhere. Come with Me to give them the alms of love. Peace be with you all.»

«Stay a little longer» beg the Pharisees.

«I cannot. There are people, whose bodies and hearts are diseased, and they are waiting to be comforted. Tomorrow I will be going away. I want everyone to see Me leave without being disappointed.»

«Master, I… am old and tired. Please go in my name. You have Judas of Simon with You, and we know him well. Do it Yourself. God be with You.»

Jesus goes out with Judas who, as soon as they are in the square, says: «The old viper! What did he mean?»

«Forget about it! Or better still: just think that he wanted to praise you.»

«Impossible, Master! Those mouths never praise those who do good. I mean, never sincerely. And with regards to his coming!… It is because he loathes the poor and is afraid of their curses. He has tortured the poor people here so often. I can swear it without any fear. And therefore…»

«Be good, Judas. Be good. Let God judge.»


Notes

  1. le Livre des Rois : en réalité, cette citation est tirée de 1S 13, 1-14.

Notes

  1. the book of the Kings: but the quote is taken from 1 Samuel 13,1-14.