The Writings of Maria Valtorta

188. A En-Dor, après une ascension sur le mont Thabor.

188. At Endor after an ascent to the Tabor.

188.1

Le mont Thabor est maintenant derrière les voyageurs, ils l’ont déjà dépassé. Le groupe chemine dans une plaine située entre cette montagne et une autre qui lui fait face, en parlant de l’ascension que tout le monde a faite. Il semble pourtant que, au début, les plus âgés auraient bien voulu se l’épargner. Mais, maintenant, tous sont contents d’être arrivés jusqu’au sommet.

Leur marche est aisée car on est sur une route de grande communication, assez praticable. L’heure est fraîche, car j’ai l’impression qu’ils ont passé la nuit sur les pentes du Thabor.

« Voici En-Dor, dit Jésus en montrant du doigt un misérable village agrippé aux premiers contreforts de cet autre groupe montagneux. Tu veux vraiment y aller ?

− Si tu veux me faire plaisir…, répond Judas.

− Dans ce cas, allons-y.

− Mais cela fera beaucoup de chemin ? demande Barthélemy qui, en raison de son âge, ne doit pas être très partisan des excursions panoramiques.

− Oh non ! Mais, si vous voulez rester…, dit Jésus.

− Oui, oui ! Vous n’avez qu’à rester. Il me suffit d’y aller avec le Maître, se hâte d’ajouter Judas.

− En fait, je voudrais savoir ce qu’il y a de beau à voir avant de me décider… Au sommet du Thabor, nous avons vu la mer et après le discours du garçon, je dois reconnaître que je l’ai bien vue pour la première fois, et je l’ai vue comme, toi, tu vois : avec le cœur. Ici… je voudrais savoir s’il y a quelque chose à apprendre et, si c’est le cas, je viens même si je dois me fatiguer, dit Pierre.

− Tu les entends ? Tu n’as pas encore précisé tes intentions. Par gentillesse pour tes compagnons, fais-le maintenant, dit Jésus.

− N’est-ce pas à En-Dor que Saül voulut aller[1] consulter la pythie ?

− Oui. Eh bien ?

− Eh bien, Maître, j’aimerais y aller et t’entendre parler de Saül.

− Oh ! Alors j’y viens moi aussi ! S’exclame Pierre, enthousiaste.

− Dans ce cas, allons-y. »

Ils parcourent rapidement le dernier tronçon de route principale, puis la laissent pour un chemin secondaire qui mène directement à En-Dor.

188.2

C’est une pauvre localité, comme l’a dit Jésus. Les maisons sont accrochées aux pentes qui, plus loin, après le village, de­viennent plus abruptes. Les habitants sont pauvres. Ils doivent tout au plus pratiquer l’élevage de moutons sur les pâturages de la montagne et au milieu des forêts de chênes séculaires. On voit aussi quelques petits champs d’orge ou de céréales du même genre dans les coins favorables, ainsi que des pommiers et des figuiers. Quelques rares vignes autour des maisons servent à orner un peu les murs, sombres, comme si ce pays était plutôt humide.

« Nous allons demander où se trouvait la magicienne » dit Jésus.

Et il arrête une femme qui revient de la fontaine avec ses amphores.

La femme le regarde curieusement, puis répond impoliment :

« Je ne sais pas. J’ai bien d’autres choses à faire plus importantes que ces balivernes, moi ! » et elle le laisse en plan.

Jésus s’adresse alors à un petit vieux qui taille un morceau de bois.

« La magicienne ?…Saül ?…Qui s’en soucie encore ? Mais attends… Il y a quelqu’un qui a étudié et il saura peut-être… Viens. »

Le petit vieux monte en boitant par un sentier pierreux, jusqu’à une maison très misérable et négligée.

« C’est ici. Je vais entrer et l’appeler. »

Pierre, montrant des poulets qui grattent le sol dans une cour malpropre, dit :

« Cet homme n’est pas juif. »

Mais il n’ajoute rien, parce que le petit vieux revient, suivi d’un homme borgne, sale et désordonné comme tout ce qu’il y a dans sa maison.

Le vieillard dit :

« Vois-tu, cet homme dit que c’est là, après cette maison en ruines. Il faut prendre un sentier, puis passer un ruisseau, un bois et des cavernes ; la plus haute, celle qui montre encore des murs écroulés sur le côté, c’est celle que tu cherches. N’est-ce pas ce que tu as dit ?

− Non. Tu as tout embrouillé. Je vais accompagner moi-même avec ces étrangers. »

L’homme a une voix rude et gutturale, ce qui accroît l’impression défavorable.

188.3

Ils marchent. Pierre, Philippe et Thomas font signes sur signes à Jésus pour qu’il n’y aille pas. Mais Jésus ne les écoute pas. Il avance avec Judas, derrière l’homme, et les autres le suivent… de mauvaise grâce.

« Tu es juif ? demande l’homme.

– Oui.

– Moi aussi ou presque, même si je n’en donne pas l’impression. Mais j’ai vécu très longtemps dans d’autres pays et j’ai pris des habitudes qui ne plaisent pas à ces imbéciles. Je vaux mieux que les autres, mais ils me traitent de démon parce que je lis beaucoup, que j’élève des poulets que je vends aux Romains et que je sais soigner par les plantes. Quand j’étais jeune, à cause d’une femme, je me suis querellé avec un Romain – j’étais alors à Cintium – et je l’ai poignardé. Lui, il est mort, moi j’ai perdu un œil et ce que je possédais et je fus condamné à des années de travaux forcés… pour toujours. Mais je savais soigner et j’ai guéri la fille d’un gardien. Cela me valut son amitié et un peu de liberté… J’en ai profité pour m’enfuir. J’ai mal agi, car cet homme a certainement payé ma fuite de sa vie. Mais la liberté semble belle quand on est prisonnier…

– Et elle n’est pas belle, après ?

– Non, mieux vaut la prison, où l’on est seul, que le contact avec les hommes qui ne respectent pas votre solitude et sont autour de vous pour vous haïr…

– Tu as étudié les philosophes ?

– J’étais maître à Cintium… J’étais prosélyte…

– Et maintenant ?

– Maintenant, je ne suis rien. Je vis dans la réalité, et dans la haine, de même qu’on m’a haï et qu’on me hait.

– Qui te hait ?

– Tout le monde. Et Dieu en premier. J’avais une femme… et Dieu a permis qu’elle me trahisse et me ruine. J’étais libre et respecté, et Dieu a permis que je devienne un forçat. L’abandon de Dieu, l’injustice des hommes ont rayé de mon existence Celui-ci et ceux-là. Ici, il n’y a plus rien… »

Et il se bat le front et la poitrine.

« Ou, pour dire mieux : ici, dans ma tête, il y a la pensée, le savoir. Là, il n’y a rien. »

Et il crache avec mépris.

« Tu te trompes : il y a encore deux choses.

– Lesquelles ?

– Le souvenir et la haine. Enlève-les.

188.4

Sois vraiment vide… et moi, je te donnerai une chose nouvelle à y mettre.

– Quoi ?

– L’amour.

– Ha ! Ha ! Ha ! Tu me fais rire ! Voici trente-cinq ans que je ne riais plus, homme. Depuis que j’ai eu la preuve que ma femme me trahissait avec un marchand de vin romain. L’amour ! L’amour, à moi ! C’est comme si je jetais des pierres précieuses à mes poulets ! Ils mourraient d’indigestion s’ils ne réussissaient pas à les évacuer. Il en va de même pour moi : ton amour me pèserait sur le cœur si je ne pouvais le digérer…

– Non, homme ! Ne parle pas comme cela ! »

Jésus, réellement et visiblement affligé, lui pose la main sur l’épaule.

L’homme le regarde de son œil unique, et ce qu’il voit dans ce visage doux et très beau le rend muet et change son expression. Du sarcasme, il passe à un profond sérieux et de là à une vraie tristesse. Il baisse la tête puis demande, d’une voix transformée :

« Qui es- tu ?

– Jésus de Nazareth. Le Messie.

– Toi !

– Moi. Tu n’as pas entendu parler de moi, toi qui lis ?

– Je savais… Mais pas que tu étais vivant et pas… Ah ! Surtout, cela, je ne le savais pas ! Je ne savais pas que tu étais bon avec tout le monde… comme ça… même avec les assassins… Pardonne ce que je t’ai dit… de Dieu et de l’amour… Maintenant, je comprends pourquoi tu veux me donner l’amour… Car sans l’amour, le monde est un enfer et toi, le Messie, tu veux en faire un paradis.

– Un paradis dans tout cœur. Donne-moi le souvenir et la haine qui te rendent malade et laisse-moi mettre dans ton cœur l’amour !

– Ah ! Si je t’avais connu plus tôt !… A l’époque… Mais quand j’ai tué, tu n’étais sûrement pas né… Mais après… après… lorsque, libre comme l’est le serpent dans les forêts, j’ai vécu pour empoisonner par ma haine.

– Mais tu as aussi fait du bien. N’as-tu pas dit que tu soignais par les herbes ?

– Oui. Pour être toléré. Mais que de fois j’ai lutté contre la volonté d’empoisonner au moyen de philtres !… Tu vois ? Je me suis réfugié ici parce que… c’est un village où l’on ignore le monde, et que le monde ignore. Un village maudit. Ailleurs, on me haïssait et je haïssais, et j’avais peur d’être reconnu… Mais je suis mauvais.

– Tu as regretté d’avoir causé du mal au gardien de la prison. Tu vois que tu es encore capable de bonté ? Tu n’es pas méchant… Tu as seulement une grande blessure ouverte et personne ne te la soigne… Ta bonté s’en va par elle, comme le sang par les blessures. Mais s’il y avait quelqu’un pour te soigner et fermer ta blessure, mon pauvre frère, ta bonté ne s’enfuirait plus au fur et à mesure qu’elle se forme. Elle grandirait en toi… »

L’homme, la tête penchée, pleure sans que rien ne trahisse ses larmes. Seul Jésus, qui marche à côté de lui, le voit. Oui, il le voit. Mais il ne dit rien de plus.

188.5

Ils arrivent à un taudis fait de décombres et de cavernes dans la montagne. L’homme cherche à raffermir sa voix et il dit :

« Voilà, c’est ici. Entre donc.

– Merci, mon ami. Sois bon. »

L’homme garde le silence et reste là où il est, pendant que Jésus, accompagné de ses disciples, enjambe des pierres qui étaient certainement des matériaux de murailles solides, dérangeant des lézards verts et d’autres bêtes sauvages. Ils entrent dans une vaste grotte tapissée de suie sur les parois de laquelle il y a encore, gravés dans la pierre, les signes du zodiaque et semblables histoires. Dans un coin, noirci par la fumée, se trouve une niche et, au-dessous, un trou qui ressemble à une bouche d’égout pour l’écoulement de liquide. Les chauves-souris décorent le plafond de leurs grappes repoussantes. Un hibou, dérangé par la lumière d’une branche que Jacques a allumée pour voir s’ils marchent sur des scorpions ou des aspics, se lamente en battant ses ailes ouatées et en fermant ses gros yeux blessés par la lumière. Il est justement perché dans la niche, et une puanteur de rats morts, de belettes, d’oiseaux en putréfaction sous ses pieds se mêle à l’odeur des excréments et du sol humide.

« Quel bel endroit, en vérité ! Dit Pierre. Mon garçon, ça ne vaut pas ton mont Thabor et ta mer ! »

Puis, se tournant vers Jésus :

« Maître, satisfais vite Judas, parce que, ici… ce n’est sûrement pas la salle royale d’Hérode Antipas !

– Tout de suite. Que veux-tu savoir de précis ? demande-t-il à Judas.

– Voilà… : je voudrais savoir si et pourquoi Saül a péché en venant ici… Je voudrais savoir s’il est possible qu’une femme puisse invoquer les morts. Je voudrais savoir si… Ah ! En somme, parle, toi ! Je te poserai des questions.

– Cela demande du temps ! Sortons au moins au soleil, sur les rochers… Nous éviterons l’humidité et la puanteur ! » supplie Pierre.

Jésus y consent. Ils s’assoient comme ils peuvent sur les ruines des murailles.

« Le péché de Saül n’a été que l’un de ses péchés. Il a été précédé et suivi de beaucoup d’autres, tous graves. Double ingratitude envers Samuel qui lui avait donné l’onction royale et qui s’éclipsa ensuite pour ne pas partager avec le roi l’admiration du peuple. Ingratitude envers David qui l’a débarrassé de Goliath et épargné dans la caverne d’Engadi et à Hakila. Coupable de multiples désobéissances et de scandales dans le peuple. Coupable d’avoir affligé Samuel son bienfaiteur, en manquant à la charité. Coupable de jalousie et d’attentats contre David, son autre bienfaiteur et enfin du crime commis ici.

– Contre qui ? Il n’y a tué personne.

– Il a tué son âme. Il a fini de la tuer, ici, à l’intérieur.

188.6

Pourquoi baisses-tu la tête ?

– Je réfléchis, Maître.

– Tu réfléchis, je le vois. A quoi penses-tu ? Pourquoi as-tu voulu venir ? Ce n’est pas par pure curiosité intellectuelle, reconnais-le.

– On entend toujours parler de magie, de nécromancie, d’invocation d’esprits… Je voulais voir si je découvrais quelque chose… Il me plairait de savoir comment cela arrive… Je pense que nous, qui sommes destinés à étonner pour attirer, nous devrions être un peu nécromanciens. Tu es toi, et tu agis par ta puissance. Mais nous, il nous faut chercher une puissance, une aide pour opérer des œuvres étranges qui s’imposent…

– Oh ! Tu es fou ? Mais que dis-tu ? s’écrient plusieurs.

– Taisez-vous. Laissez-le parler. Sa folie est autre chose que de la folie.

– Oui, en somme, il me semblait qu’en venant ici, un peu de la magie de cette époque pourrait entrer en moi et me rendre plus grand. Dans ton intérêt, crois-le bien.

– Je sais que tu es sincère dans le désir que tu éprouves actuellement. Mais je te réponds avec des paroles éternelles, car ce sont des paroles du Livre, et le Livre existera tant qu’il y aura des hommes. Cru ou méprisé, défendu au nom de la vérité ou tourné en ridicule, il existera, il existera toujours.

Il est dit : “ Eve, ayant vu que le fruit de l’arbre était bon à manger et beau à voir, le cueillit, en mangea et en donna à son mari… Alors leurs yeux s’ouvrirent et ils s’aperçurent qu’ils étaient nus, et ils se firent des ceintures… Et Dieu dit : ‘ Et qui vous a appris que vous étiez nus ? Vous avez donc mangé de l’arbre dont je vous avais défendu de manger. ’ Et il les chassa du paradis de délices. ” Et il est écrit dans le livre de Saül : “ Samuel dit, en apparaissant : ‘ Pourquoi m’as-tu troublé en me faisant invoquer ? Pourquoi m’interroger après que le Seigneur s’est retiré de toi ? Le Seigneur te traitera comme je te l’ai dit… parce que tu n’as pas obéi à la voix du Seigneur. ’ ”

Mon fils, ne tends pas la main vers le fruit défendu. Il est déjà imprudent de l’approcher. Ne sois pas curieux de connaître ce qui est au-delà de la terre, de peur d’être victime du poison satanique. Fuis l’occultisme et ce qui ne s’explique pas. Une seule chose doit être accueillie avec une sainte foi : Dieu. Mais ce qui n’est pas Dieu et ne s’explique pas par les forces de la raison ni ne peut être créé par des forces humaines, fuis-le, fuis-le, afin que ne s’ouvrent pas pour toi les sources de la malice et que tu ne comprennes pas que tu es “ nu ”. Nu signifie repoussant dans une humanité mêlée au satanisme.

Pourquoi veux-tu étonner par d’obscurs prodiges ? Etonne par ta sainteté, et qu’elle soit lumineuse comme une chose qui vient de Dieu. Ne désire pas déchirer les voiles qui séparent les vivants des trépassés. Ne trouble pas les défunts. Ecoute-les, s’ils sont sages, tant qu’ils sont sur la terre. Vénère-les en leur obéissant même après leur mort. Mais ne trouble pas leur seconde vie. Celui qui n’obéit pas à la voix du Seigneur perd le Seigneur. Or le Seigneur a interdit l’occultisme, la nécromancie, le satanisme sous toutes ses formes. Que veux-tu savoir de plus que ce que la Parole te dit déjà ? Que veux-tu opérer de plus que ce que ta bonté et ma puissance te permettent d’opérer ? Ne désire pas le péché, mais la sainteté, mon fils.

Ne sois pas blessé par ce que je te dis. Il me plaît que tu te découvres dans ton humanité. Ce qui te plaît à toi plaît à beaucoup, à trop de gens. Seul le but que tu fixes à ce que tu désires : “ être puissant pour attirer à moi ”, enlève à cette humanité un grand poids et lui donne des ailes. Mais ce sont des ailes d’oiseau de nuit. Non, mon Judas : mets à ton âme des ailes lumineuses, des ailes d’ange. Ce n’est que grâce à leur souffle que tu attireras les cœurs, que tu les transporteras, dans ton sillage, vers Dieu. Pouvons-nous partir ?

– Oui. Maître ! Je me suis trompé…

– Non, tu as été un chercheur… Le monde en sera toujours rempli. Viens, viens. Sortons de ce lieu de puanteur. Marchons vers le soleil ! Dans quelques jours, ce sera la Pâque, ensuite nous irons chez ta mère ; c’est elle que j’invoque pour toi : ta maison honnête, ta mère sainte. Oh, quelle paix ! »

Comme toujours, le souvenir de sa mère, les éloges du Maître sur sa mère rassérènent Judas.

188.7

Ils sortent des ruines et commencent à descendre par le sentier qu’ils avaient pris. L’homme borgne est resté sur place.

« Encore là ? demande Jésus en faisant mine de ne pas remarquer son visage rougi par les larmes.

– Oui. Si tu me le permets ; je te suis. J’ai une chose à te dire…

– Viens donc avec moi. Que veux-tu me dire ?

– Jésus… Je crois que, pour trouver la force de parler, de faire la magie sainte de me changer moi-même, d’invoquer mon âme morte comme la magicienne invoqua Samuel pour Saül, je dois dire ton Nom, doux comme ton regard, saint comme ta voix. Tu m’as donné une vie nouvelle et elle est informe, incapable comme celle d’un nouveau-né dont la naissance a été difficile. Elle se débat encore dans l’étreinte d’une mauvaise écorce. Aide-moi à sortir de ma mort.

– Oui, mon ami.

– Je… j’ai compris que j’ai encore un peu d’humanité dans mon cœur. Je ne suis pas complètement une bête sauvage, et je puis encore aimer et être aimé, pardonner et être pardonné. Ton amour, ton amour qui est pardon me l’apprend. C’est bien cela, n’est-ce pas ?

– Oui, mon ami.

– Alors… emmène-moi avec toi. Je m’appelais Félix ! Quelle ironie ! Mais toi, donne-moi un nouveau nom, afin que le passé soit réellement mort. Je te suivrai comme un chien vagabond qui finit par trouver un maître. Je serai ton esclave, si tu veux. Mais ne me laisse pas seul…

– Oui, mon ami.

– Quel nom me donnes-tu ?

– Un nom qui m’est cher : Jean. Car tu es la grâce que fait le Seigneur.

– Me prends-tu avec toi ?

– Pour l’instant, oui. Après, tu me suivras avec les disciples. Mais ta maison ?

– Je n’ai plus de maison. Je vais laisser aux pauvres ce que j’ai. Donne-moi seulement ton amour et du pain.

– Viens. »

Jésus se retourne et appelle les apôtres :

« Mes amis, et tout spécialement toi, Judas, je vous remercie. Par toi, par vous, une âme vient à Dieu. Voici le nouveau disciple. Il vient avec nous jusqu’au moment où nous pourrons le confier aux frères disciples. Soyez heureux d’avoir trouvé un cœur et bénissez Dieu avec moi. »

Les douze ne semblent vraiment pas très heureux. Mais ils font bon visage par obéissance et par politesse.

« Si tu le permets, je pars en avant. Tu me trouveras sur le seuil de la maison.

– Vas-y. »

L’homme part en courant. On dirait un autre homme.

« Et maintenant que nous sommes seuls, je vous ordonne, je vous ordonne, d’être bons avec lui et de ne pas parler de son passé à qui que ce soit. Celui qui parlerait ou manquerait de charité à l’égard de notre frère racheté, se verrait à l’instant repoussé par moi. Vous avez bien compris ? Voyez combien le Seigneur est bon ! Venus ici dans un but humain, il nous accorde d’en repartir après avoir obtenu une faveur surnaturelle. Ah ! Je jubile de la joie qui naît au Ciel pour le nouveau converti. »

188.8

Ils arrivent devant la maison. Sur le seuil, portant un vêtement foncé et propre, un manteau assorti, une paire de sandales neuves et un grand sac sur les épaules, voilà l’homme. Il ferme la porte puis – chose étrange chez un homme que l’on pourrait croire insensible – il prend une petite poule blanche, peut-être sa préférée, apprivoisée, elle se couche dans ses mains. Il lui donne un baiser et pleure, puis la dépose à terre.

« Allons-y… et pardonne-moi. Mais eux, mes poulets, m’ont aimé… Je leur parlais et… ils me comprenaient…

– Je te comprends, moi aussi… et je t’aime. Je t’aime beaucoup. Je te donnerai tout l’amour que pendant trente-cinq années le monde t’a refusé…

– Ah ! Je le sais ! Je le sens ! C’est pour cela que je viens. Mais aie de la compassion pour un homme qui… qui aime un animal qui… qui… lui a été plus fidèle que l’homme…

– Oui… oui. Ne pense plus au passé. Tu auras tant à faire ! Et par ton expérience, tu feras beaucoup de bien. Simon, viens ici, et toi aussi, Matthieu. Tu vois ? Cet homme a été plus que prisonnier, et il a été lépreux. L’autre était un pécheur. Et ils me sont chers, car ils savent comprendre les pauvres cœurs… N’est-ce pas ?

– Grâce à ta bonté, Seigneur. Mais, mon ami, sois bien sûr que tout le passé disparaît si l’on se met à son service. Il ne reste que la paix, dit Simon le Zélote.

– Oui, la paix et une nouvelle jeunesse viennent remplacer la vieillesse du vice et de la haine. Moi, j’étais publicain, mais maintenant je suis apôtre. Nous avons devant nous le monde et nous sommes instruits sur son compte. Nous ne sommes pas des enfants étourdis qui passent près du fruit nuisible et de l’arbre qui ploie sans voir la réalité. Nous, nous savons. Nous pouvons éviter le mal et apprendre aux autres à l’éviter. Nous savons redresser celui qui plie. Car nous savons comme cela soulage d’être relevés. Et nous connaissons celui qui relève : Lui, dit Matthieu.

– C’est vrai ! C’est vrai ! Vous m’aiderez. Merci. C’est comme si je passais d’un endroit sombre et fétide à l’espace libre d’un pré en fleurs… J’ai éprouvé quelque chose de semblable quand je suis sorti libre, enfin libre, après vingt années de bagne et de travail épuisant dans les mines d’Anatolie, lorsque je me suis trouvé – je m’étais enfui un soir de tempête – au sommet d’une montagne abrupte, mais dégagée, pleine de soleil à l’aurore et couverte de bosquets odorants… La liberté ! Mais maintenant, c’est encore mieux ! Tout en moi se dilate ! Je n’avais plus de chaînes depuis quinze ans. Mais, pour moi, la haine, la peur, la solitude étaient toujours des chaînes… Les voilà maintenant tombées !…

188.9

Nous voici à la maison du vieil homme qui vous a conduits à moi. Homme ! Homme ! »

Le vieillard accourt et se fige comme une statue à la vue du borgne propre, en vêtement de voyage, le visage souriant.

« Tiens, c’est la clé de ma maison. Je pars, pour toujours. Je te suis reconnaissant car tu es mon bienfaiteur. Tu m’as rendu une famille. Fais de mes biens tout ce que tu veux… et soigne mes poulets. Ne les maltraite pas. A chaque sabbat un romain vient acheter les œufs… Cela te fera un revenu… Traite-les bien, mes poules… et que Dieu t’en récompense. »

Le vieillard est stupéfait… Il prend la clé et reste bouche bée.

Jésus dit :

« Oui, fais comme il te le dit, et moi aussi je t’en serai reconnaissant. Au nom de Jésus, je te bénis.

– Le Nazaréen ! C’est toi ! Miséricorde ! J’ai parlé avec le Seigneur ! Femmes ! Femmes ! Hommes ! Le Messie est parmi nous ! »

Il crie comme un putois, et les gens arrivent de tous côtés.

« Bénis-nous ! Bénis-nous ! » crient-ils.

Certains disent : « Reste ! », d’autres : « Où vas-tu ? Dis-nous au moins où tu vas.

– A Naïm. Je ne puis rester.

– Nous te suivons ! Tu veux bien ?

– Venez. Et à ceux qui restent, paix et bénédiction. »

Ils se dirigent vers la grand-route et s’y engagent.

188.10

L’homme, qui chemine près de Jésus et fatigue sous le poids de son sac, attire la curiosité de Pierre.

« Mais qu’est-ce que tu as là-dedans de si lourd ? demande-t-il.

– Mes vêtements… et des livres… Ce sont mes amis, après les poulets et avec eux. Je n’ai pu m’en séparer. Mais ils pèsent lourd.

– Eh ! La science, ça pèse ! Bien sûr ! Et à qui cela plaît, hein ?

– Ils m’ont empêché de devenir fou.

– Eh ! Tu dois bien les aimer ! Mais de quels livres s’agit-il ?

– Philosophie, histoire, poésie grecque et romaine…

– C’est beau, beau. Certainement beau. Mais… penses-tu pouvoir les traîner ?

– j’arriverai peut-être même à m’en séparer. Mais on ne peut pas tout faire à la fois, n’est-ce pas, Messie ?

– Appelle-moi Maître. C’est vrai, ce n’est pas possible. Mais je te trouverai un lieu où abriter tes amis, les livres. Ils pourront t’être utiles pour discuter sur Dieu avec les païens.

– Ah ! Ton avis n’a pas la moindre réserve ! »

Jésus sourit et Pierre s’écrie :

« Je crois bien ! Lui, il est la Sagesse !

– Il est la Bonté, sois-en sûr. Toi, tu es cultivé ?

– Moi ? Ah ! Très cultivé ! Je sais distinguer une alose d’une carpe. Ma culture ne va pas plus loin. Je suis pêcheur, mon ami ! »

Pierre rit, humble et franc.

« Tu es honnête. C’est une science qu’on apprend par soi-même. Et c’est très difficile de l’avoir. Tu me plais.

– Toi aussi, tu me plais parce que tu es franc, même quand tu t’accuses. Je pardonne tout. J’aide tout le monde. Mais je suis l’ennemi impitoyable de ceux qui sont faux. Ils me dégoûtent.

– Tu as raison. L’homme faux est un criminel.

– Un criminel, tu l’as dit. Dis, as-tu assez confiance pour me donner un peu ton sac ? Tu peux être sûr que je ne m’en irai pas avec tes livres… Tu me parais fatigué…

– Vingt ans dans les mines vous brisent… Mais pourquoi veux-tu te fatiguer, toi ?

– Parce que le Maître nous a appris à nous aimer comme des frères. Donne-moi cela et prends mes nippes. Elles ne sont pas lourdes… Il n’y a pas d’histoires ni de poésies. Mon histoire, ma poésie et l’autre chose que tu m’as dite, c’est lui, mon Jésus, notre Jésus. »

188.1

Jesus and the apostles have passed Mount Tabor and left it behind them. They are now walking on a plain lying between that mountain and another one facing it, talking of the climb made by them all, although at the beginning the elder ones had not been too keen. But now they are happy they had gone up to the top. The journey is now easy because they are on a main road which is quite comfortable for walking. It is early in the morning because I am under the impression that they have spent the night on the slopes of the Tabor.

«That is Endor» says Jesus pointing to a poor village built on the first heights of the other mountain. «Do you really want to go there?»

«If You wish to make me happy…» responds the Iscariot.

«Let us go, then.»

«But is it a long way?» asks Bartholomew, who, because of his age, is not very keen on walking tours.

«Oh! no! But if you wish to stay…» says Jesus.

«Yes! You may stay. I will go with the Master» says Judas of Kerioth immediately.

«Listen, before making up my mind, I would like to know what there is to be seen… From the top of Mount Tabor we saw the sea and after the boy’s speech I must admit that I saw it properly for the first time and I saw it as You see: with my heart. Here… I would like to know whether there is anything to learn, because in that case I will come even if it is tiresome…» says Peter.

«Do you hear that? You have not yet said what you intend doing. Be kind to your companions and tell us now» says Jesus invitingly.

«Did Saul not go to Endor[1] to consult the necromancer?»

«Yes, he did. So?»

«Well, Master, I would like to go there and hear You speak of Saul.»

«In that case I will come, too!» exclaims Peter full of enthusiasm.

«Let us go then.»

They walk fast along the last stretch of the main road, which they leave to follow a secondary road, which takes straight to Endor.

188.2

It is a poor village, as Jesus said. The houses cling to the slopes which, beyond the village become steeper. Poor people live in them. Most of them must be shepherds who pasture their flocks on the sides of the mountain and in the woods of old oak-trees. There are a few small fields of barley, or similar fodder grains, in favourable sites and some apple and fig-trees. There are only a few vines around the houses, decorating the walls, which are dark because the place is obviously a damp one.

«We will now ask where the place of the necromancer was» says Jesus. And He stops a woman who is coming back from the fountain with pitchers.

She looks at Him curiously, then replies impolitely: «I don’t know. I have much more important things to worry about than such nonsense!» and she goes away.

Jesus turns to an old man who is carving a bit of wood.

«The necromancer?… Saul?… Who bothers about them now? But, wait… There is one here who has studied and perhaps he knows… Come with me.»

And the old man climbs laboriously up a stony lane to a very poor and shabby looking house. «He lives here. I will go in and call him.»

Peter, pointing at some poultry scratching about in a dirty yard, says: «This fellow is not an Israelite.» But he says no more because the old man comes back followed by a man blind in one eye, who is as dirty and untidy as everything around his house.

The old man says: «See? This man says that it is over there beyond that dilapidated house. There is a path, a stream, a wood and some caves, the one at the top, where there are still traces of ruined walls on one side, is the one you are looking for. Is that right?»

«No. You have muddled everything. I will go with these strangers.» The man’s voice is harsh and guttural, which increases everybody’s feeling of uneasiness.

188.3

He starts walking. Peter, Philip and Thomas make repeated signs to Jesus to advise Him not to go. But Jesus does not pay attention. He walks with Judas behind the man, and the others follow Him… unwillingly.

«Are You an Israelite?» asks the man.

«Yes, I am.»

«I, too, or almost, although I do not look like one. But I lived a long time abroad and I got into many habits, of which these fools here disapprove. I am better than the others. But they say that I am a demon, because I read a great deal, I breed poultry which I sell to the Romans and I can cure people by means of herbs. When young, because of a woman, I quarrelled with a Roman – I was at Cintium then – and I stabbed him. He died, I lost one eye and all my wealth and I was sentenced to life imprisonment. But I knew how to cure people, and I cured the daughter of one of the guards. I thus won his friendship and some freedom… I used it to escape. I acted badly, because the man certainly paid for my flight with his life. But freedom seems so beautiful when one is a prisoner…»

«Is it not really beautiful afterwards?»

«No. Jail, where one is alone, is better than being in contact with men who do not allow you to be alone and come around us to hate us…»

«Did you study philosophy?»

«I was a teacher at Cintium… I was a proselyte…»

«And now?»

«Now I am nothing. I live according to the reality of facts. And I hate, as I was and am still hated.»

«Who hates you?»

«Everybody. And God is the first. She was my wife… and God allowed her to be unfaithful to me and ruin me. I was free and respected, and God allowed me to become a convict serving a life sentence. God abandoned me, men were unfair. Both He and they destroyed me. There is nothing left here…» and he strikes his forehead and his chest. «Rather, here, in my head, there are my thoughts, my knowledge. It is in here that there is nothing» and he spits contemptuously.

«You are wrong. You still have two things there.»

«Which?»

«Remembrance and hatred. Remove them.

188.4

Become really empty… and I will give you something new to put in there.»

«What?»

«Love.»

«Ah! Ah! You make me laugh. I have not laughed for thirty-five years, man. Since I had the proof that the woman was unfaithful to me with the Roman wine merchant. Love! Love to me! It is like me throwing jewels to my chickens! They would die of indigestion, unless they passed them out with their excrement. The same would happen to me. Your love would be a burden to me, if I could not digest it…»

«No, man! Do not say that!» Jesus lays His hand on the man’s shoulder, He is deeply and openly distressed.

The man looks at Him with his only eye and what he sees on that most sweet and beautiful face causes him to be struck dumb and to change his expression. From being sarcastic he becomes very serious and then really sad. He lowers his head and with a different voice he asks: «Who are You?»

«Jesus of Nazareth. The Messiah.»

«You!!!»

«I. Did you not know about Me, since you read so much?»

«I knew… But I did not know that You were alive and… above all, I did not know this. I did not know that You are good to everybody… thus… to murderers too… Forgive me for what I said… about God and love… Now I understand why You want to give me love… Because without love the world is hell, and You the Messiah want to make a paradise of it.»

«A paradise in every heart. Give Me the remembrance and the hatred that make you ill and let Me put love into your heart!»

«Oh! I wish I had known You before!… then… But when I killed, You were certainly not born yet… But later… when I was free, as free as a snake in a forest, I lived to poison people with my hatred.»

«But you did some good as well. Did you not say that you cured people by means of herbs?»

«Yes. To be tolerated. But how many times I had to struggle against my desire to poison people by means of potions!… See? I took refuge here because… it is a place where the world is ignored and which the world ignores. A cursed place. In other places I hated and was hated and I was afraid of being recognised… But I am wicked.»

«You regret having harmed the prison guard. Do you not see that there is still some goodness in you? You are not wicked… Your only trouble is that you have a large open wound, which nobody is curing… Your goodness runs out of it as blood from a wound. But if someone would cure your wound and heal it, My dear brother, goodness would increase in you, because it would no longer vanish as it forms…»

The man weeps with a bent head trying to conceal his tears. Only Jesus Who is walking beside him notices them. He notices but does not say anything else.

188.5

They arrive at a cavern made of rubble and mountain caves. The man endeavours to steady his voice and says: «Here it is. You may go in.»

«Thank you, My friend. Be good.»

The man does not say anything and remains where he was, while Jesus with His apostles, passing over large stones which must have been part of very strong walls, upsetting green lizards and other ugly looking insects, enters a large smoky grotto, on the walls of which there are still graffiti signs of the zodiac and similar things. In a corner blackened by smoke there is a niche and under it a hole which looks like a gully-hole for water. Bats hanging in disgusting bunches decorate the ceiling and an owl, upset by the light of a branch which James has lit to ensure they do not tread on scorpions or asps, complains by flapping its wadded wings and closing its ugly eyes which cannot bear the light. It is perched in the niche, and the foul smell of dead mice, of weasels and birds in decomposition at its feet is mixed with the stench of dung and of the damp soil.

«It is really a lovely place!» says Peter. «Your Tabor and your sea were much better, my boy!» And then addressing Jesus: «Master, satisfy Judas at once because this is not… Antipa’s royal hall!»

«Certainly. What is it that you want to know?» He asks Judas of Kerioth.

«Well… I would like to know whether and why Saul sinned coming here… I would like to know whether it is possible for a woman to evoke the dead. I would like to know whether… Oh! It is better if You speak. I will ask You questions.»

«It’s a long story. At least let us go out there, in the sunshine, on the stones… We will get away from the dampness and the stench» begs Peter.

And Jesus agrees. They sit as best they can on the ruins of the walls.

«Saul’s sin was only one of his sins. It was preceded and followed by many more. All of them serious. Double ingratitude towards Samuel who had annointed him king and who subsequently disappeared so as not to share with the king the admiration of the people. He was several times ungrateful to David who saved him from Goliath and spared him in the caves at Engedi and Hachilah. He was guilty of many acts of disobedience and of scandalising his people. He was guilty of grieving his benefactor Samuel by lacking in charity. He was guilty of jealousy, of making attempts on David’s life, David being another benefactor of his, and finally, of the crime he committed here.»

«Against whom? He did not kill anyone here.»

«He killed his soul in here, he finished killing it.

188.6

Why are you lowering your head?»

«I am thinking, Master.»

«You are thinking. I can see that. What are you thinking about? Why did you want to come? You must admit it was not out of mere curiosity of a scholar.»

«We always hear someone talk of magicians, necromancers, evoked spirits… I wanted to see whether I could discover anything… I would like to know how it is done… I think that since we are destined to amaze people in order to attract them, we should be, somehow, necromancers too. You are You and You do things by means of Your power. But we must ask for power, for help in order to perform exceptional deeds, which are necessary…»

«Are you mad? What are you saying?» shout many.

«Be quiet. Let him speak. He is not mad.»

«Yes, I thought that by coming here a little of the magic of gone by days would assume possession of me and make me greater. In Your interest, believe me.»

«I know that your present desire is a sincere one. But I will reply to you with eternal words, because they are words of the Book, and the Book will exist as long as man exists. Believed or mocked at, employed to defend the truth or scorned at, it will always exist. It states: “And Eve, seeing that the fruit of the tree was good to eat and pleasing to the eye, took it and ate it and gave some to her husband… Then their eyes were opened and they realised that they were naked and they made themselves loin-cloths… And God said: ‘How did you realise that you were naked? Only because you ate the forbidden fruit’. And He expelled them from the garden of delights”. And in the book of Saul, it states: “Samuel appearing said: ‘Why have you disturbed me, conjuring me up? Why do you consult me when the Lord has abandoned you? The Lord will deal with you as I told you… because you did not obey the voice of the Lord’ “. Son, do not stretch your hand towards the forbidden fruit. It is imprudent even to go near it. Do not be curious to know ultramundane things, lest its satanic poison should conquer you. Avoid the occult and what cannot be explained. One thing only is to be accepted with holy faith: God. But avoid what is not God and what cannot be explained by man’s reason or cannot be done by man’s power, so that the sources of wickedness may not be opened for you and you may realise that you are “naked”. Naked: repellent in your humanity mixed with satanism. Why do you wish to amaze people by means of obscure prodigies? Amaze them through your holiness, which should be as bright as things coming from God. Do not be anxious to tear the veils which separate the living from the dead. Do not disturb the deceased. Listen to them, if they are wise, while they are on the earth, venerate them by obeying them also after their death. But do not upset their second life. He who does not obey the voice of the Lord, loses the Lord. And the Lord has forbidden occultism, necromancy, satanism in all its forms. What more do you wish to know than the Word already tells you? What more do you wish to perform than your goodness and My power enable you to perform? Do not crave for sin, but for holiness, son. Do not feel mortified. I am glad that you disclose your humanity. Many people, too many, like what you like. But the purpose of your desire: “to be power to attract people to Me” removes a heavy weight from that humanity and puts wings on it. But they are the wings of a night bird. No, My dear Judas. Put wings as bright as the sun, wings of an angel on your spirit. By the simple breeze caused by flapping them you will attract hearts and will lead them in your wake to God. Can we go?»

«Yes, Master! I was wrong…»

«No. You have been an inquirer… The world will always be full of them. Come. Let us get away from the stench of this place. Let us go towards the sun! In a few days it will be Passover, and afterwards we will go to your mother’s. I conjure her up for you: your honest home, your holy mother. How peaceful it is!»

As usual, the recollection of his mother and the Master’s praise for her, cheer Judas.

188.7

They come out of the ruins and they begin to descend the path they had walked up previously. The man blind in one eye is still there.

«Are you still here?» asks Jesus pretending that He does not notice that his face is flushed because of the many tears he has shed.

«Yes, I am still here. I will follow You if You allow me. I have something to tell you…»

«Come with Me, then. What do you want to tell Me?»

«Jesus… I find that to have the strength to speak and to work the holy magic of changing myself, of conjuring up my dead soul as the necromancer evoked Samuel for Saul, I must pronounce Your Name, which is as sweet as Your eyes, and as holy as Your voice. You have given me a new life, but it lacks form and energy, like the life of a new-born baby after a difficult birth. It still struggles in the grip of wicked old habits. Help me to come out of my death.»

«Yes, My friend.»

«I… I have realised that there is still a little humanity in my heart. I am not entirely a beast, and I can still love and be loved, forgive and be forgiven. Your love, which is forgiveness, has taught me. Is it not so?»

«Yes, My friend.»

«Then… take me with You. I was Felix! What irony! But give me a new name. That my past may be really dead. I will follow You like a stray dog, which finally finds a master. I will be Your slave, if You wish so. But do not leave me alone…»

«Yes, My friend.»

«What name will You give me?»

«A name dear to Me: John. Because you are grace granted by God.»

«Will You take me with You?»

«Yes, for the time being. Later you will follow Me with My disciples. But what about your house?»

«I have no house any longer. I will leave what I have to the poor. Just give me love and bread.»

«Come.» Jesus turns around and calls His apostles. «I thank you, My friends, and you in particular, Judas. Through you, Judas, through you all, a soul is coming to God. Here is a new disciple. He is coming with us until we can entrust him to our brother disciples. Be happy because you have found a heart and bless God with Me.»

But the Twelve do not really look very happy. But out of obedience and kindness they welcome him.

«If You do not mind I will go ahead. You will find me at the door of my house.»

«Yes, go.»

The man runs away. He seems another man.

«And now that we are by ourselves I order you, and this is an order, to be kind to him and not to mention his past to anybody. I will immediately reject anyone who should speak or be uncharitable to our redeemed brother. Is that clear? And see how good the Lord is! We came here for a human purpose and He allowed us to go away after achieving a supernatural deed. Oh! I rejoice because of the joy now in Heaven for the new convert.»

188.8

They reach the house. The man is there, on the threshold, wearing a clean dark tunic and a mantle to match, a pair of new sandals and carrying a large haversack over his shoulder. He closes the door and then, what is strange in a man who might be considered hard-hearted, he takes a white hen, perhaps his pet, which squats tamely in his hands, he kisses it weeping and lays it down.

«Let us go… and forgive me. But my chicken always loved me… I used to speak to them and… they understood me…»

«I understand you, too… and I love you. So much. I will give you all the love that the world denied you in thirty-five years…»

«Oh! I know! I can feel it! That is why I am coming. But be indulgent to a man who… loves an animal which has been more faithful to him than men…»

«Yes… Forget your past. You will have so much to do! And, experienced as you are, you will do it very well. Simon, come here and you, too, Matthew. See? This man was more than a prisoner, he was a leper. And this one… a sinner. And they are very dear to Me, because they know how to understand poor hearts… Is that right?»

«Thanks to Your goodness, my Lord. But you may rest assured, my friend, that everything is cancelled by serving Him. Only peace remains» says the Zealot.

«Yes. Peace and a new youth taken over from old vices and hatred. I was a tax collector. Now I am an apostle. The world is in front of us. And we know all about it. We are not absentminded children who pass near the harmful fruit and the bending plant and do not see facts. We know. We can avoid evil and teach other people how to avoid it. And we can straighten up those who bend.

Because we know what a relief it is to be supported. And we know Who supports: Him» says Matthew.

«That’s true! Quite true! You will help me. Thank you. I feel as if I were passing from a dark foul smelling place to the open in a flowery meadow… I felt something similar when I came out, at long last free, after twenty years of imprisonment and brutal work in the mines in Anatolia and I found myself – I escaped one stormy evening – on the top of a wild mountain, but in the open, in a place full of sunshine at dawn, and covered with scented woods… Freedom! But now it is better! Everything is more sublime! I had not been in chains for fifteen years. But hatred, fear and solitude were still like chains to me… But now they have been shaken off!…

188.9

Here we are at the house of the old man who brought You to me. Ehi! Man!»

The old man rushes towards them and is dumbfounded seeing the fellow blind in one eye clean, wearing new clothes and smiling.

«Here, take this. It’s the key of my house. I am going away, for good. I am grateful to you because you are my benefactor. You have given me a family. Do what you like with my property… and look after my chicken. Treat them well. A Roman comes every Sabbath and buys eggs… You will make a profit… Take care of my little hens… and may God reward you for it.»

The old man is astonished… He takes the key and stands open-mouthed.

Jesus says: «Yes, do as he told you and I will be grateful to you, too. I bless you in the name of Jesus.»

«The Nazarene! You! Mercy! I have spoken to the Lord! Women! Men! The Messiah is here!»

He screams like an eagle and people rush from everywhere.

«Bless us! Bless us!» they shout. Some shout: «Stay here!» and others: «Where are You going? At least tell us where You are going.»

«To Nain. I cannot stay.»

«We will follow You. Do You mind?»

«Come. Peace and blessing to those who remain here.»

They go towards the main road and take it.

188.10

The man, who is walking near Jesus and can hardly carry his haversack, attracts Peter’s curiosity. «What have you got in there that is so heavy?» he asks.

«My clothes… and some books… My friends after and at the same time as the chicken. I could not part with them. But they are heavy.»

«Eh! Science is heavy! Of course! And who likes it, eh?»

«They prevented me from becoming mad.»

«Eh! You must be fond of them! What books are they?»

«Philosophy, history, Greek and Roman poetry…»

«Lovely, certainly lovely. But… do you think you will be able to carry them with you?»

«Perhaps I will be able to part with them. But you cannot do everything at once, can you, Messiah?»

«Call Me Master. No, you cannot. But I will let you have a place where you will be able to keep your friends, your books. They may help you to talk about God with the heathens.»

«Oh! How free Your thought is from all restrictions!»

Jesus smiles and Peter exclaims: «No wonder! He is Wisdom!»

«And Goodness, believe me. And are you learned?»

«Me? Oh! Most learned. I can tell an allice from a carp and my erudition ends there. I am a fisherman, my friend!» and Peter smiles humbly and frankly.

«You are an honest man. It is a science you learn by yourself. And a very difficult one to learn. I like you.»

«And I like you, too. Because you are sincere. Even when you accuse yourself. I forgive everything, I help everybody. But I am a ruthless enemy of false people. They make me sick.»

«You are right. A false man is a delinquent.»

«A delinquent. You are right. Say, would you mind giving me your sack for a little while? In any case, you may be sure that I will not run away with books… I think you are finding it difficult.

«Twenty years in a mine breaks your back… But why do you want to toil?»

«Because the Master has taught us to love one another like brothers. Give them to me. And take my rags. My bag is not heavy… There is no history, no poetry in it. My history, my poetry and the other thing you mentioned, is He, my Jesus, our Jesus.»


Notes

  1. voulut aller, tel que l’on lire en : 1 S 28, 3-25 ; 1 Ch 10, 13-14 ; Si 46, 20 ; on trouve des analogies en 2 R 21, 6 ; Is 8, 19-20. L’histoire de Saül et de ses « nombreux autres » péchés, comme il est dit en 188.5 (ainsi qu’en d’autres passages tels que 263.2) se trouve essentiellement en 1 S 9-31. La pratique de la divination (ou magie, ou encore nécromancie) est interdite en Lv 19, 26.31 ; 20, 6.27 ; Dt 18, 9-14. L’appellation de pythonisse donnée à la magicienne remonte à un dieu païen (Apollon pythien). “ L’esprit pythien ” donné à la magicienne est le propre des païens (comme on l’a vu en 59.4 et en 129.3). Satan “ parle par les lèvres des pythies ” (comme on peut le lire en 420.10). Il ressort de l’Œuvre que la secte des sadducéens, fortement hostile à Jésus et opposée à son enseignement (comme on le relèvera en 356.5, 406.9 et 594.6/7), s’adonnait à de telles pratiques, vers lesquelles Judas Iscariote se sentait attiré lui aussi (comme on le voit en 334.8 et 357.6). On trouvera une invective contre les nécromanciens en 503.7.

Notes

  1. Saul… to Endor, in 1Samuel 28:3-25; 1Chronicles 10:13-14; Sirach 46:20.