192.1
« Seigneur, cette montagne, c’est le Carmel ? demande Jacques, le cousin de Jésus.
– Oui, mon frère. C’est la chaîne du Carmel, qui doit son nom à son sommet le plus élevé.
– Le monde doit être beau, vu aussi de là-haut. Tu n’y es jamais allé ?
– Une fois. J’étais seul. C’était au commencement de ma prédication. Au pied de cette montagne, j’ai guéri mon premier lépreux. Mais nous irons ensemble pour évoquer Elie…
– Merci, Jésus. Tu m’as compris, comme toujours.
– Et comme toujours je te perfectionne, Jacques.
– Pourquoi ?
– Ce pourquoi est écrit au Ciel.
– Tu ne me le dirais pas, mon frère, toi qui lis ce qui est écrit au Ciel ? »
Jésus et Jacques avancent côte à côte et seul le petit Yabeç, que Jésus tient toujours par la main, peut entendre les confidences des cousins qui se sourient en se regardant dans les yeux.
Passant le bras sur les épaules de Jacques pour l’attirer encore plus près, Jésus lui demande :
« Tu veux vraiment le savoir ? Eh bien, je vais te le dire par énigme, et, quand tu en trouveras la clé, tu seras sage. Ecoute[1] :
“ Les faux prophètes étant réunis sur le mont Carmel, Elie s’approcha et dit au peuple : ‘ Jusqu’à quand hésiterez-vous entre les deux parties ? Si le Seigneur est Dieu, suivez-le ; si c’est Baal qui est Dieu, suivez-le, lui. ’ Le peuple ne répondit pas. Alors Elie poursuivit : ‘ Moi, je reste seul comme prophète du Seigneur ’ et l’unique force de celui qui était seul, ce fut son cri : ‘ Exauce-moi, Seigneur. Exauce-moi afin que ce peuple reconnaisse que c’est toi le Seigneur Dieu, et que tu as de nouveau converti leur cœur. ’ Alors le feu du Seigneur tomba et dévora l’holocauste. ” Mon frère, devine. »
Jacques réfléchit, la tête inclinée, et Jésus le regarde en souriant.
Ils font ainsi quelques mètres, puis Jacques dit :
« Cela se rapporte à Elie ou à mon avenir ?
– A ton avenir, naturellement… »
Jacques réfléchit encore, puis murmure :
« Serais-je destiné à inviter Israël à suivre en vérité une seule voie ? Serais-je appelé à être le seul à rester en Israël ? Si oui, tu veux dire que les autres seront persécutés et dispersés et que… et que… je te prierai pour la conversion de ce peuple… comme si j’étais un prêtre… comme si j’étais… une victime… Mais, si c’est ainsi, enflamme-moi dès maintenant, Jésus…
– Tu l’es déjà. Mais tu seras enlevé par le Feu, comme Elie[2]. C’est pour cela que nous irons, toi et moi, seuls, parler sur le Carmel.
– Quand ? Après la Pâque ?
– Après une certaine Pâque, oui. A ce moment-là, je te dirai bien des choses… »