The Writings of Maria Valtorta

213. A Kérioth, une prophétie de Jésus et le début de la prédication apostolique.

213. In Kerioth a prophecy of Jesus

213.1

Je vois l’intérieur de la synagogue de Kérioth, à l’endroit même où Saül mort fut couché sur le sol[1] après avoir vu la gloire future du Christ. Jésus et Judas émergent au dessus d’un groupe agglutiné ; ce sont les deux plus grands, et tous deux ont le visage rayonnant, l’un d’amour, l’autre de joie de voir que sa ville est toujours fidèle au Maître et qu’elle lui rend les honneurs solennels. Il y a là d’abord les notables de Kérioth puis, plus loin de Jésus, les habitants, serrés comme des sardines, de sorte que la synagogue est si comble qu’il y est difficile de respirer bien que les portes soient ouvertes. Et, pour faire honneur au Maître, pour l’écouter, ils finissent par créer un désordre indescriptible et tant de chahut que l’on n’entend plus rien.

Jésus supporte tout en silence. Mais les autres se fâchent, font de grands gestes et crient :

« Silence ! »

Mais ces cris se perdent dans le vacarme comme un hurlement poussé sur une plage pendant une tempête.

Judas ne tergiverse pas : il monte sur un siège élevé et donne un grand coup sur les lampes suspendues en grappes au milieu d’eux. Le métal creux résonne, et les chaînettes retentissent en se frappant, comme des instruments de musique. Les gens se calment, et on peut enfin entendre parler Jésus.

Il dit au chef de la synagogue :

« Donne-moi le dixième rouleau de cette étagère. »

Dès qu’il l’a en main, il le déroule et le présente au chef de la synagogue en lui disant :

« Lis le chapitre 4 de l’histoire, dans le second livre des Maccabées. »

Obéissant, le chef lit. Et les épreuves d’Onias, les erreurs de Jason, les trahisons et les vols de Ménélas défilent ainsi devant l’assistance. Le chapitre est terminé. Le lecteur regarde Jésus, qui a écouté attentivement.

213.2

Jésus fait signe que cela suffit, puis il se tourne vers le peuple :

« Dans la ville de mon très cher disciple, je ne ferai pas mon enseignement habituel. Nous resterons ici quelques jours et je veux que ce soit lui qui vous le rapporte. C’est en effet d’ici que je veux que commence le contact direct, le contact continuel entre les apôtres et le peuple. Cela a été décidé en Haute-Galilée et il y eut là-bas une première lueur. Mais l’humilité de mes disciples les a fait rentrer dans l’ombre parce qu’ils craignent de ne pas savoir faire et d’usurper ma place. Non. Ils doivent le faire, ils le feront bien et aideront leur Maître. C’est donc ici que doit commencer la véritable prédication apostolique, en unissant dans un seul amour les frontières galiléennes et phéniciennes avec les terres de Juda, les plus au midi, des frontières de la Palestine jusqu’aux pays du soleil et des sables. Car le Maître ne suffit plus aux besoins des foules. D’ailleurs, il est juste que les aiglons quittent le nid et fassent leurs premiers vols pendant que le Soleil est encore avec eux et que son aile robuste les conduit.

Pendant ces jours, je serai donc votre ami et votre réconfort. Eux, ils seront la parole et iront semer les graines que je leur ai données. C’est pourquoi je ne vous adresserai pas d’enseignement public, mais je vous donnerai une chose privilégiée : une prophétie. Je vous prie d’en garder le souvenir pour l’avenir lorsque l’événement le plus horrible de l’histoire humaine aura voilé le soleil et que, dans les ténèbres, les cœurs pourront être amenés à des jugements erronés. Je ne veux pas que vous soyez induits en erreur, vous qui, dès le premier instant, avez été bons avec moi. Je ne veux pas que le monde puisse dire : “ Kérioth fut l’ennemie du Christ. ” Je suis juste. Je ne peux permettre qu’une critique rancunière ou née par amour pour moi puisse, poussée par l’aiguillon de son ressentiment, vous accuser de fautes à mon égard. Dans une famille nombreuse, on ne peut exiger une égale sainteté de tous les enfants ; de la même façon, on ne peut l’exiger dans une ville bien peuplée. Mais ce serait très opposé à la charité de dire, pour un mauvais fils ou pour un habitant qui n’est pas bon : “ Toute la famille, ou toute la ville est anathème. ”

Ecoutez donc, rappelez-vous, soyez toujours fidèles et, tout comme je vous aime au point de vouloir vous défendre d’une accusation injuste, vous aussi, sachez aimer ceux qui ne sont pas coupables. Toujours. Quels qu’ils soient. Quel que soit leur lien de parenté avec les coupables.

213.3

Maintenant, écoutez. Il viendra un temps où, en Israël, il y aura des gens qui pilleront le trésor et trahiront leur patrie. Dans l’espoir de gagner l’amitié des étrangers, ils diront du mal du véritable Grand-Prêtre en l’accusant de s’allier avec les ennemis d’Israël et de mal se conduire à l’égard des fils de Dieu. Pour parvenir à leur fin, ils seront capables de commettre des crimes dont ils feront porter la responsabilité à l’Innocent. Et, toujours en Israël, il viendra un temps où, plus encore qu’au temps d’Onias, un infâme, complotant de prendre la place du Pontife, ira trouver les puissants d’Israël et les corrompra avec de l’or et, plus infâme encore, par des paroles mensongères. Qui plus est, il déformera la réalité des faits, ne parlera pas contre les fautes, mais au contraire, poursuivant son but indigne, il se mettra à changer les coutumes pour avoir plus facilement prise sur les âmes privées de l’amitié de Dieu : tout cela pour parvenir à ses fins. Et il réussira. Ah ! C’est certain ! Car, si l’on ne trouve pas les gymnases de l’impie Jason dans la demeure même sur le mont Moriah, ils sont en réalité dans les cœurs des habitants du mont qui sont disposés à vendre ce qui est bien plus qu’un terrain : leur conscience même. Les fruits de l’antique erreur sont maintenant visibles et celui qui a des yeux pour voir voit ce qui se produit là où l’on devrait trouver charité, pureté, justice, bonté, ainsi qu’une religion sainte et profonde. Mais s’il y a des fruits qui font déjà trembler, les fruits nés des semences qu’ils auront jetées ne seront pas seulement objets de crainte, mais de malédiction divine.

Et nous voilà à la prophétie proprement dite. En vérité, je vous dis que celui qui a arraché la place et la confiance grâce à un jeu prolongé et astucieux, celui-là livrera pour de l’argent le souverain Prêtre, le vrai Prêtre à ses ennemis. Trompé par des protestations d’affection, désigné aux bourreaux par un acte d’amour, celui-ci sera tué en dépit de toute justice.

Quelles accusations adressera-t-on au Christ, puisque c’est de moi que je parle, pour justifier le droit de le tuer ? Quel sort sera réservé à ceux qui agiront ainsi ? Un sort immédiat d’effroyable justice. Un sort non pas individuel, mais collectif pour les complices du traître. Un sort plus lointain et encore plus terrible que celui de l’homme que le remords amènera à couronner son âme de démon par le dernier crime contre lui-même. Ce dernier, en effet, ne durera qu’un instant. L’autre châtiment sera long, effroyable. Trouvez-le dans cette phrase : “ et, enflammé d’indignation, il ordonna qu’Andronique soit dépouillé de la pourpre et exécuté à l’endroit même où il avait commis l’impiété contre Onias. ” Oui, la caste sacerdotale sera frappée dans ses enfants, après l’avoir été dans les exécuteurs du crime. Quant au destin de la masse complice, lisez-le dans ces mots[2] : “ de la terre, la voix de ce sang crie vers moi. Tu seras donc maudit… ” Et c’est Dieu qui les prononcera à tout un peuple qui n’aura pas su protéger le don du Ciel. Car, s’il est vrai que je suis venu pour racheter, malheur à ceux qui seront des assassins et ne seront pas rachetés, parmi ce peuple qui aura eu comme première rédemption ma Parole.

J’ai dit. Gardez-en le souvenir. Et, quand vous entendrez dire que je suis un malfaiteur, répondez : “ Non, il l’a prédit : c’est l’accomplissement de ce qu’il a annoncé ; il est la Victime mise à mort pour les péchés du monde. ” »

213.4

La synagogue se vide et tout le monde parle et gesticule à propos de la prophétie et de l’estime dont Jésus fait preuve envers Judas. Les habitants de Kérioth sont flattés de l’honneur que leur a fait le Messie en choisissant la ville d’un apôtre, et précisément celle de l’apôtre de Kérioth, pour commencer le ministère apostolique, et aussi pour le don de la prophétie. Car, si triste qu’elle soit, c’est un grand honneur de l’avoir reçue, et avec elle les paroles d’amour qui précèdent…

Dans la synagogue, il ne reste que Jésus et le groupe des apôtres. Ou plutôt ils passent dans le jardinet qui se trouve entre la synagogue et la maison du chef. Judas s’est assis, en larmes.

« Pourquoi pleures-tu ? Je n’en vois pas la raison…, lui dit Jude.

– Mais voilà, je ferais bien comme lui. Vous avez entendu ? Désormais c’est à nous de parler…, dit Pierre.

– Mais nous l’avons déjà fait sur la montagne. Nous ferons toujours mieux. Jean et toi en avez été capables immédiatement, dit Jacques, fils de Zébédée, pour les encourager.

– Le pire, c’est pour moi… mais Dieu m’aidera. N’est-ce pas, Maître ? » demande André.

Jésus, qui parcourait des rouleaux qu’il avait emportés, se retourne :

« Que disais-tu ?

– Que Dieu m’aidera quand je devrai parler. J’essaierai de répéter tes paroles du mieux que je pourrai. Mais mon frère a peur et Judas pleure.

– Tu pleures ? Pourquoi ? demande Jésus.

– Parce que j’ai vraiment péché. André et Thomas peuvent le dire. J’ai médit sur ton compte, et toi, tu me récompenses en m’appelant “ mon très cher disciple ” et en voulant que j’enseigne ici… Quel amour !

– Mais ne savais-tu pas que je t’aimais ?

– Si, mais… Merci, Maître. Je ne médirai plus jamais, car je suis les ténèbres et, toi, tu es vraiment la Lumière. »

Le chef de la synagogue revient et les invite chez lui. Tout en marchant, il dit à Jésus :

« Je réfléchis à tes paroles. Si j’ai bien compris, de même que tu as trouvé à Kérioth un préféré, notre Judas, fils de Simon, tu prophétises qu’il s’y trouvera un homme indigne. Cela m’afflige. Heureusement que Judas compensera l’autre…

– J’y apporterai tout mon effort », dit Judas, qui s’est ressaisi.

Jésus garde le silence, mais il regarde ses interlocuteurs et ouvre les bras comme pour dire : « C’est comme ça. »

213.1

The inside of the synagogue of Kerioth, the very spot where on the ground they laid Saul[1], who died after seeing the future glory of Christ. In this place, in a crowd of people from which Jesus and Judas emerge — they are the tallest and both their faces are shining, one out of love, the other for the joy of seeing that his town is always faithful to the Lord and is distinguishing itself by bestowing solemn honours upon the Master — there are the notables of Kerioth and a little farther away from Jesus the citizens, packed like seeds in a sack. The synagogue is so full that it is difficult to breathe, although the doors are open. And in order to pay homage to the Master and hear Him, they end up by making such confusion and so much noise that it is impossible to hear anything.

Jesus puts up with the situation and is silent. But the others become impatient, they gesticulate and shout: «Silence!» But their voices are lost in the hubbub, like a cry on a stormy beach.

Judas wastes no time. He climbs onto a tall bench and strikes the lamps, which are hanging in a cluster, one against the other. The hollow metal resounds and the chains rattle against one another, like musical instruments. The people turn silent and at last it is possible to hear Jesus speak.

He says to the head of the synagogue: «Give Me the tenth roll from that shelf.» And once He has it, He opens it and hands it back to the head of the synagogue saying: «Read the fourth chapter of the story, the second Book of Maccabees.»

The head of the synagogue obeys and begins to read. And Onias’ vicissitudes, Jason’s errors and Menelaus’ betrayals and thefts are presented for the consideration of those present. The chapter is over. The head of the synagogue looks at Jesus Who has been listening carefully.

213.2

Jesus nods that it is enough and then turns to the people: «In the town of My dearest disciple I will not speak the usual words to teach you. We shall be staying here for a few days and I want him to say them to you, because it is from here that I want to begin the direct contact, the continuous contact between apostles and people. That was decided in upper Galilee where it had a first bright success. But the humility of My disciples caused them to withdraw into the background, because they are afraid that they are not capable and that they would be usurping My place. No. They must do it, they will do well and help their Master. The true apostolic preaching is therefore to begin here, joining in one love only the Galilean Phoenician borders to the lands of Judah, the southern ones, bordering on the countries of the sun and sands. Because the Master is no longer sufficient for the needs of the crowds. And also because it is right that the eaglets should leave their nests and make their first flights while the Sun is still with them and His strong wing can support them.

Therefore, during these days, I will be your friend and your comfort. They will be the word and will spread the seed that I gave them. Therefore I will not teach the public, but I will give you a privileged thing: a prophecy. I ask you to remember it for the future when the most dreadful event of Mankind will darken the sun and in the darkness your hearts may be led to judge erroneously. I do not want you to be led into error, because from the first moment you have been good to Me. I do not want the world to be in a position to say: “Kerioth was the enemy of Christ”. I am just and cannot allow criticism, whether spiteful against Me or fond of Me, to be able to accuse you of faults against Me, spurred by its feelings. As it is not possible to expect equal holiness in the children of a large family, so it is not possible to expect it in a large town. But it would be strongly against charity to say: “The whole family or the whole town is anathema” because of one wicked son or one bad citizen.

Listen therefore, then remember, be always faithful, and as I love you so much as to wish to defend you from an unfair accusation, so you must love those who are innocent. Always. Whoever they may be. Whatever their kindred may be with the guilty ones.

213.3

Now listen. The time will come when in Israel there will be informers of the treasury and of the country, who in the hope of making friends with foreigners, will speak ill of the true High Priest, accusing him of alliance with the enemies of Israel and of wicked deeds against the sons of God. And to achieve their objective they are capable of committing crimes, laying the responsibility on the Innocent One. And the time will come, still in Israel, even more than at the times of Onias, when an infamous man, intriguing to become the Pontiff, will go to the mighty ones in Israel and will corrupt them with the gold of false words, which is even more infamous, and will twist the truth of facts, and he will not speak against crimes, on the contrary, pursuing his shameful object, he will do his best to corrupt customs to have a firmer grip on the souls deprived of God’s friendship: everything to reach his aim. And he will succeed. Of course! Because if in the very abode on Mount Moriah there are no gymnasia of the impious Jason, in actual fact they are in the hearts of the inhabitants of the mountain, who for the sake of exemptions are willing to sell what is worth much more than a piece of ground, that is, their very conscience. The fruits of the old error can still be seen, and he who has eyes to see, can see what is happening over there, where there should be charity, purity, justice, goodness and deep holy religion. But if those fruits are already the cause of tremor, the fruits of their seeds will cause not only tremor, but God’s malediction.

And here is the true prophecy. I solemnly tell you that he who slyly achieved a position and reliance, by means of long underhand tricks, will give into the hands of His enemies, in exchange for money the High Priest, the True High Priest. Deceived by protestations of love and pointed out to His executioners with an act of love, He, the True High Priest, will be killed without any regard for justice. What charges will be made against Christ, because I am speaking of Myself, to justify the right to kill Him? Which fate will be reserved for those who do that? A fate of immediate dreadful justice. Not an individual fate, but a collective one for the accomplices of the traitor. A more remote and even more dreadful fate than the destiny of the man whom remorse will drive to crown his demoniac soul by committing a final crime against himself. Because that one will end in a moment. This last punishment will be a long and frightful one. You will find it in the sentence: “… and His indignation was aroused and he ordered Andronicus to be stripped of the purple and to be killed on the very spot where he had laid impious hands on Onias”. Yes, the sacerdotal race will be struck in its sons as well as in the executioners. And you can read the destiny of the evil associated mass of people in the following words: “The voice of this blood cries to Me from the earth. Therefore you shall be accursed…” And they will be said by God to the whole people who did not guard the gift of Heaven. Because if it is true that I have come to redeem, woe to those who will be murderers and will not be redeemed, amongst this people whose first redemption is My Word.

I have told you. Remember that. And when you hear them say that I am an evil-doer, say: “No. He warned us. And this is the sign, which is being fulfilled and He is the Victim killed for the sins of the world”.»

213.4

The people leave the synagogue and gesticulating they all speak of the prophecy and of the esteem that Jesus has of Judas. The people of Kerioth are elated at the honour conferred on them by the Messiah by choosing the town of an apostle, and precisely of the apostle of Kerioth to begin the apostolic teaching as well as at the gift of the prophecy. Although it is a sad one, it is a great honour to have received it with the loving words preceding it…

Jesus and the group of the apostles are the only ones to be left in the synagogue; they then go into the little garden between the synagogue and the house of the head of the synagogue. Judas has sat down and is weeping.

«Why are you weeping? I do not see any reason…» says the other Judas.

«Well. I almost feel like doing the same myself. Did you hear Him? We are to speak now…» says Peter.

«We have already done a little of that up on the mountain. And we will improve all the time. You and John did it successfully at once» says James of Zebedee to encourage them.

«I am the worst… but God will help me. Is that right, Master?» asks Andrew.

Jesus, Who was looking through some parchment rolls He had brought with Him, turns around and says: «What were you saying?»

«That God will help me when I have to speak. I will try and repeat Your words as best I can. My brother is afraid and Judas is weeping.»

«Are you weeping? Why?» asks Jesus.

«Because I have really sinned. Andrew and Thomas can tell You. I have been running You down and You benefit me by calling me “dearest disciple” and asking me to teach here… How much love!…»

«But did you not know that I loved you?»

«Yes. But… Thank You, Master. I will never grumble again; I am really darkness and You are the Light.»

The head of the synagogue comes back and invites them to his house, and while going there he says: «I am thinking of Your words. If I have understood You properly, as in Kerioth You found a favourite disciple, our Judas of Simon, so You prophesy You will find an unworthy one. I am sorry for that. Fortunately our Judas will make up for the other…»

«With my whole being» says Judas, who has collected himself.

Jesus does not speak, but He looks at His interlocutors and makes a gesture opening out His arms as if He wanted to say: «It is so.»


Notes

  1. où Saül mort fut couché sur le sol : en 78.8.
  2. dans ces mots, que nous pouvons lire en : Gn 4, 10-11 ; les autres citations sont tirées de 2 M 4.

Notes

  1. they laid Saul, in 78.8.