The Writings of Maria Valtorta

218. Diverses rencontres à Ashqelôn, ville de Philistie.

218. Encounters in Ashkelon, a city of Philistines.

218.1

L’haleine fraîche de l’aube réveille les dormeurs. Ils se lèvent de la couche de sable sur laquelle ils ont dormi, à l’abri d’une dune parsemée de quelques herbes sèches, et ils grimpent à son sommet. Une immense côte sableuse se trouve devant eux, alors que, tout près et un peu plus loin, des terrains portent de belles cultures. Les pierres blanches d’un torrent à sec font ressortir la couleur blonde du sable. Il descend, avec cette blancheur d’os desséchés, jusqu’à la mer qui scintille au loin. Les flots de cette dernière sont gonflés par la marée du matin, mais surtout par un léger mistral qui ride l’océan. Ils suivent le bord de la dune jusqu’au torrent à sec, le franchissent, reprennent leur marche en diagonale sur les dunes qui s’éboulent sous leurs pas. Ainsi ondulées, elles semblent continuer l’océan en vagues solides et sèches, à la place des flots agités.

Ils arrivent sur le rivage humide et marchent plus à leur aise. Jean est comme hypnotisé par le spectacle de la mer sans fin qu’illuminent les premiers rayons du soleil. Il semble boire cette beauté et ses yeux paraissent en devenir plus bleus. Pierre, plus pratique, se déchausse, relève son vêtement et patauge dans les flaques de la rive en quête de quelque crabe ou coquillage à sucer.

A deux bons kilomètres de là, une belle ville maritime s’étend le long de la rive sur une ligne de rochers en forme de demi-lune au-delà de laquelle le vent et la tempête ont transporté du sable. Maintenant que l’eau se retire avec la marée basse, cette barrière rocheuse se découvre aussi à cet endroit, les obligeant à revenir sur le sable sec pour ne pas blesser leurs pieds nus sur les écueils.

« Par où entrons-nous, Seigneur ? D’ici, on ne voit qu’une épaisse muraille. Du côté de la mer, impossible d’entrer. La ville est au point le plus profond de l’arc, dit Philippe.

– Venez, dit Jésus. Je sais par où l’on entre.

– Tu y es déjà allé ?

– Une fois, quand j’étais tout petit, mais je ne m’en souviendrais pas. Cependant, je sais par où passer.

– Etrange ! Je l’ai remarqué bien des fois… Tu ne te trompes jamais de route. Parfois, nous te faisons te tromper. Mais toi, on dirait que tu es toujours déjà venu dans le lieu où tu vas », s’extasie Jacques, fils de Zébédée.

Jésus sourit sans répondre.

218.2

Sûr de lui, il avance jusqu’à un petit faubourg rural où les maraîchers cultivent des légumes pour la ville. Les petits champs et les jardins sont réguliers et bien entretenus. Femmes et hommes les cultivent et sont en train d’arroser les sillons en tirant l’eau des puits à la force des bras, ou bien à l’aide du vieux et grinçant système des seaux soulevés par un pauvre ânon qui, les yeux bandés, tourne autour du puits. Mais ils ne disent mot. Jésus salue :

« Paix à vous. »

Mais les gens restent, sinon hostiles, du moins indifférents.

« Seigneur, on court ici le risque de mourir de faim. Ils ne comprennent pas ta salutation. A mon tour d’essayer », dit Thomas.

Il aborde le premier maraîcher qu’il voit et lui demande :

« Ils coûtent chers, tes légumes ?

– Pas plus que ceux d’autres maraîchers. Chers ou bon marché, cela dépend comment la bourse est garnie.

– C’est bien dit. Mais comme tu le vois, je ne meurs pas de faim. Je suis gras et j’ai de belles couleurs, même sans tes légumes. C’est signe que ma bourse est bien garnie. Bref : nous sommes treize et nous pouvons acheter. Qu’est-ce que tu nous vends ?

– Des œufs, des légumes, des amandes nouvelles et des pommes qui sont ratatinées car ce n’est pas la saison, des olives… Tout ce que tu veux.

– Donne-moi des œufs, des pommes et du pain pour tout le monde.

– Je n’ai pas de pain. Tu en trouveras en ville.

– C’est maintenant que j’ai faim, pas dans une heure ! Je ne crois pas que tu n’aies pas de pain.

– Je n’en ai pas. Ma femme est en train d’en faire. Mais tu vois ce vieillard, là-bas ? Lui, il en a toujours une grande quantité. Comme il est sur la route, les pèlerins lui en demandent souvent. Va trouver Ananias et demande-lui du pain. Je t’apporte les œufs tout de suite, mais remarque qu’ils valent un denier les deux.

– Voleur ! Ce sont des œufs en or que pondent tes poules ?

– Non. Mais ce n’est pas agréable d’être au milieu de la puanteur des poulets et cela se paie. Et puis, est-ce que vous n’êtes pas juifs ? Payez !

– Garde-les. Comme cela, tu es bien payé. »

Et Thomas lui tourne le dos.

« Hé, l’homme, reviens ! Je te les fais meilleur marché : trois pour un denier.

– Pas même quatre. Bois-les et qu’ils te restent dans la gorge.

– Viens, écoute. Combien veux-tu m’en donner ? »

Le maraîcher suit Thomas.

« Rien. Je n’en veux plus. Je voulais casser la croûte avant d’aller en ville. Mais c’est mieux comme ça. Je ne perdrai pas ma voix et mon appétit pour chanter les histoires du roi et faire un bon repas à l’hôtellerie.

– Je te les laisse pour un didrachme les deux.

– Ouf ! Tu es pire qu’un taon ! Donne-les-moi, tes œufs. Et qu’ils soient frais, sinon je reviens et je te fais le museau plus jaune qu’il ne l’est. »

Thomas y va et revient avec au moins deux douzaines d’œufs dans le pli de son manteau.

« Tu as vu ? A partir de maintenant, c’est moi qui fais les achats dans ce pays de voleurs. Je sais comment les prendre. Ils viennent avec de l’argent plein les poches faire des achats chez nous pour leurs femmes, et les bracelets ne sont jamais assez gros, et ils marchandent à n’en plus finir. Je me venge.

218.3

Maintenant, allons voir cette autre crapule. Viens, Pierre, et toi, Jean, prends les œufs. »

Ils vont trouver le vieillard, dont le terrain borde la grand-route qui, du côté nord, conduit à la ville en longeant les maisons du faubourg. C’est une belle route, bien pavée, certainement faite par les Romains. La porte de la ville, à l’est, est maintenant proche et on aperçoit, au-delà, la route qui continue tout droit, avec un certain cachet artistique : elle se transforme en effet en un double portique ombragé soutenu par des colonnes de marbre. Les gens cheminent sous une fraîche verdure, laissant le milieu de la voie aux ânes, chameaux, chiens et chevaux.

« Salut ! Tu nous vends du pain ? » demande Thomas.

Le vieillard n’entend pas, ou ne veut pas entendre. Vraiment, le grincement de la noria est tel qu’on ne peut se comprendre.

Pierre perd patience et crie :

« Arrête ton Samson ! Laisse-le au moins souffler pour qu’il ne meure pas sous mes yeux, et écoute-nous ! »

L’homme arrête sa bourrique et regarde de travers son interlocuteur, mais Pierre le désarme en disant :

« Eh ! Est-ce que Samson n’est pas un nom approprié pour une bourrique ? Si tu es philistin, cela doit te plaire, car c’est une insulte pour Samson[1]. Si tu es d’Israël, cela doit te plaire, car cela rappelle une défaite des philistins. Tu vois donc…

– Je suis philistin et je m’en vante.

– Tu fais bien. Je te vanterai moi aussi si tu nous donnes du pain.

– Mais n’es-tu pas juif ?

– Je suis chrétien.

– Où cela se trouve-t-il ?

– Ce n’est pas un endroit. C’est une personne. J’appartiens à cette personne.

– Tu es son esclave ?

– Je suis plus libre que quiconque, car celui qui appartient à cette personne ne dépend plus que de Dieu.

– Tu dis vrai ? Pas même de César ?

– Pouah ! Qu’est-ce César devant celui à la suite de qui je marche, auquel j’appartiens et au nom de qui je te demande du pain ?

– Mais où est cet homme puissant ?

– C’est cet homme, là-bas, qui nous regarde en souriant. C’est le Christ, le Messie. Tu n’en as jamais entendu parler ?

– Si, le roi d’Israël. Il vaincra Rome ?

– Rome ? Mais le monde entier et même l’enfer !

– Et vous, vous êtes ses généraux ? Habillés comme ça ? Peut-être pour fuir les persécutions des juifs perfides ?

– Oui et non, mais donne-moi du pain et, pendant que nous mangerons, je t’expliquerai.

– Du pain ? Mais aussi de l’eau, du vin, des sièges à l’ombre, pour toi, ton compagnon et ton Messie. Appelle-le. »

Pierre court à toutes jambes vers Jésus :

« Viens, viens ! Il nous offre ce que nous voulons, ce vieux philistin. Je crois cependant qu’il va t’assaillir de questions… Je lui ai dit qui tu es… en gros, du moins. Mais il est bien disposé. »

218.4

Tous, ils se rendent dans le jardin où l’homme a déjà installé des bancs autour d’une table grossière sous une tonnelle bien garnie de vigne.

« Paix à toi, Ananias. Que, grâce à ta charité, ta terre soit féconde et te donne de beaux produits.

– Merci. Paix à toi. Assieds-toi, asseyez-vous. Anibé ! Nubi ! Du pain, du vin, de l’eau. Tout de suite ! » ordonne le vieillard à deux femmes.

Ce sont sûrement des africaines, car l’une est tout à fait noire avec de grosses lèvres et des cheveux crépus, et l’autre a le teint très foncé, bien qu’elle soit de type plus européen. Le vieil homme explique :

« ce sont les filles des esclaves de ma femme. Elle est morte, de même que celles qui étaient venues avec elle, mais leurs filles sont restées. Elles viennent du haut et du bas Nil. Mon épouse était originaire de là-bas. C’est défendu, hein ? Mais moi, je n’en ai cure. Je ne suis pas d’Israël, et les femmes de race inférieure sont douces.

– Tu n’es pas d’Israël ?

– Je le suis par force, car nous avons Israël sur le cou comme un joug. Mais… Tu es israélite et mes paroles t’offensent ?

– Non, je ne m’en offusque pas. Je voudrais seulement que tu écoutes la voix de Dieu.

– Il ne nous parle pas, à nous.

– C’est toi qui le dis. Moi, je te parle, et c’est sa voix.

– Mais toi, tu es le Roi d’Israël. »

Les femmes qui arrivent avec du pain, de l’eau et du vin et qui entendent parler de “ roi ” s’arrêtent, interdites, à la vue de l’homme blond, souriant, digne, que leur maître appelle “ roi ”, et font mine de se retirer, en se courbant presque jusqu’à terre, par respect.

« Merci, femmes, et que la paix soit avec vous aussi. »

Puis, se tournant vers le vieil homme :

« Elles sont bien jeunes… Tu peux aussi continuer ton travail.

– Non. La terre est arrosée et elle peut attendre. Parle un peu. Anibé, détache l’âne et rentre-le. Et toi, Nubi, vide les derniers seaux et puis… Tu t’arrêtes, Seigneur ?

– Ne te dérange pas davantage. Il me suffit de prendre un peu de nourriture, puis j’entrerai à Ashqelôn.

– Non, cela ne me dérange pas. Oui, va en ville, mais reviens ce soir. Nous romprons le pain et partagerons le sel. Dépêchez-vous ! Toi, au pain ! Toi, appelle Geteo pour qu’il tue un chevreau et prépare-le pour ce soir. Allez ! »

Et les deux femmes se retirent en silence.

218.5

« Alors, tu es roi ? Mais tes armes ? Hérode est cruel, de toutes manières. Il nous a reconstruit Ashqelôn, mais c’est pour sa gloire. Et maintenant… Mais tu connais mieux que moi les hontes d’Israël. Comment feras-tu ?

– Je n’ai d’autre arme que celle qui me vient de Dieu.

– L’épée de David ?

– L’épée de ma parole.

– Quel pauvre rêveur ! Elle s’émoussera et perdra son tranchant sur le bronze des cœurs.

– Tu crois ? Je ne vise pas à un royaume terrestre. Pour vous tous, je vise au Royaume des Cieux.

– Nous tous ? Même moi, qui suis philistin ? Même mes esclaves ?

– Tous. Elles et toi, et jusqu’au plus sauvage au cœur des forêts africaines.

– Tu veux faire un si grand royaume ? Pourquoi l’appelles-tu Royaume des Cieux ? Tu pourrais l’appeler : Royaume de la Terre.

– Non, ne te méprends pas. Mon Royaume est le Royaume du vrai Dieu. Dieu est au Ciel. Par conséquent, c’est le Royaume du Ciel. Tout homme est une âme revêtue d’un corps, et l’âme ne peut vivre que dans les Cieux. Je veux vous guérir l’âme, en enlever les erreurs et les rancœurs, la mener à Dieu par la bonté et l’amour.

– Cela me plaît beaucoup. Les autres – moi, je ne vais pas à Jérusalem, mais je le sais – les autres en Israël ne tiennent pas ce langage, et cela depuis des siècles. Alors, tu ne nous hais pas ?

– Je ne hais personne. »

Le vieil homme réfléchit… et demande :

« Et mes deux esclaves ont aussi une âme, comme vous, les israélites ?

– Certainement. Ce ne sont pas des bêtes qu’on a capturées. Ce sont des créatures malheureuses qu’on doit aimer. Les aimes-tu ?

– Je ne les traite pas mal. Je veux qu’elles obéissent, mais je n’emploie pas le fouet et je les nourris bien. Une bête mal nourrie ne travaille pas, dit-on. Mais l’homme mal nourri n’est pas non plus un bon travailleur. D’ailleurs, elles sont nées dans la maison. Je les ai vues toutes petites. Désormais, il ne reste qu’elles parce que je suis très vieux, sais-tu ? Presque quatre-vingts ans. Geteo et elles forment le reste de ma maison d’autrefois. J’y suis attaché comme à mes meubles. Elles me fermeront les yeux…

– Et après ?

– Après… je n’en sais rien ! Elles entreront en service et la maison se défera. Cela me déplaît. Elle est devenue riche, grâce à mon travail. Cette terre redeviendra sableuse, stérile… Cette vigne… Nous l’avons plantée, ma femme et moi. Et ce rosier… il est égyptien, Seigneur. C’est l’odeur de mon épouse que je sens en lui… Il me semble que c’est un fils… mon fils unique qui est enterré, poussière désormais à ses pieds… Douleurs… Il vaut mieux mourir jeune et ne pas voir cela ni la mort qui arrive…

– Ton fils n’est pas mort, ni ta femme. L’âme survit. La chair seule est morte. La mort ne doit pas effrayer. La mort est vie pour qui espère en Dieu et vit en juste. Penses-y… Je vais en ville. Je reviendrai ce soir et je te demanderai ce portique pour y dormir avec mes disciples.

– Non, Seigneur. J’ai plusieurs chambres vides. Je te les offre. »

Judas met de l’argent sur la table.

« Non. Je n’en veux pas. Je suis de cette terre qui vous est odieuse, mais je suis peut-être meilleur que ceux qui nous do­minent. Adieu, Seigneur.

– Paix à toi, Ananias. »

Les deux esclaves sont accourues avec Geteo, un homme musclé, ancien paysan, pour le voir partir :

« Paix aussi à vous. Soyez-bons. Adieu. »

Et Jésus effleure les cheveux crépus de Nubi et ceux, luisants et raides, d’Anibé, il sourit à l’homme et s’en va.

218.6

Peu après, ils entrent dans Ashqelôn par la rue au double portique qui mène tout droit au centre de la ville. Ashqelôn singe Rome, avec ses bassins et ses fontaines, ses places qui servent de forum, ses tours le long des murs d’enceinte, et, partout, le nom d’Hérode apposé par lui-même pour s’applaudir, puisque les habitants d’Ashqelôn ne le font pas. Il y a beaucoup de circulation et elle augmente à mesure que le temps passe et qu’on approche du centre de la cité, ouverte, aérée, avec des échappées de lumière sur la mer qui paraît enfermée comme une turquoise dans une tenaille de corail rose par les maisons éparses le long de l’arc profond qui forme la côte : ce n’est pas un golfe, mais un arc véritable, une portion de cercle que le soleil teint tout entière d’un rose très pâle.

« Partageons-nous en quatre groupes. Je pars, ou plutôt je vous laisse aller. Puis je choisirai. Allez. Après la neuvième heure, nous nous retrouverons à la Porte par laquelle nous sommes entrés. Soyez prudents et patients. »

Et Jésus les regarde partir ; il est resté seul avec Judas qui a déclaré qu’il ne leur parlerait pas sous prétexte qu’ils sont pires que des païens. Mais quand il s’est rendu compte que Jésus veut aller de-ci de-là sans parler, alors il change d’avis et dit :

« Est-ce que cela te déplaît de rester seul ? Moi, j’irais avec Matthieu, Jacques et André. Ce sont les moins capables…

– Vas-y. Adieu. »

Et Jésus, seul, fait un tour dans la ville, se promenant en long et en large, anonyme au milieu des gens affairés qui ne le re­marquent même pas. Seuls deux ou trois enfants curieux le dévisagent et une femme à la tenue provocante va résolument à sa rencontre avec un sourire plein de sous-entendus. Mais Jésus la regarde si sévèrement qu’elle rougit comme une pivoine et s’éloigne en baissant les yeux. Au coin de la rue, elle se retourne encore et, comme un homme du peuple qui a observé la scène lui lance une plaisanterie mordante et méprisante à cause de son peu de succès, elle s’enveloppe dans son manteau et s’enfuit.

Les enfants, au contraire, tournent autour de Jésus, le regardent, sourient en le voyant sourire. L’un d’eux, plus hardi, le questionne :

« Qui es-tu ?

– Jésus, répond-il en lui donnant une caresse.

– Que fais-tu ?

– J’attends des amis.

– D’Ashqelôn ?

– Non, de mon pays et de Judée.

– Es-tu riche ? Moi, oui. Mon père a une belle maison et, à l’intérieur, il fait des tapis. Viens voir. C’est tout près d’ici. »

Et Jésus part, seul avec l’enfant. Il pénètre sous un porche très long qui ressemble à un chemin couvert. Au fond, rendu plus vif par contraste avec la pénombre du porche, resplendit un coin de la mer, tout illuminé par le soleil.

218.7

Ils rencontrent une fillette chétive en larmes.

« C’est Dina. Elle est pauvre, tu sais ? Ma mère lui donne de la nourriture. Sa mère ne peut plus gagner sa vie. Son père est mort en mer : une tempête, pendant qu’il allait de Gaza au port du Grand Fleuve porter des marchandises et en prendre. Comme les marchandises étaient à mon père et que le père de Dina était l’un de nos marins, maman pense maintenant à eux. Mais les enfants restés ainsi sans père sont si nombreux… Qu’en dis-tu, toi ? Ce doit être dur, de rester orphelins et pauvres ! Voilà ma maison. Ne dis pas que j’étais dans la rue : je devais être à l’école, mais on m’a renvoyé parce que je faisais rire mes camarades avec cela… »

Et il sort de ses vêtements un pantin taillé dans le bois, dans un morceau de bois tendre, très comique réellement, pourvu d’un menton en galoche et d’un nez très caricaturaux.

Jésus esquisse un sourire, mais il le refrène — on voit à sa bouche qui tremble qu’il a du mal à se retenir —. Il dit :

« Il ne représente pas le maître, n’est-ce pas ? Ni un parent ? Ce ne serait pas bien.

– Non. C’est le chef de la synagogue des juifs. Il est vieux et laid, et nous nous moquons toujours de lui.

– Ce n’est pas bien non plus. Il est sûrement plus âgé que toi et…

– Oh ! C’est un vieux, à moitié bossu, presque aveugle et tellement laid… Ce n’est pas ma faute s’il est comme ça !

– Non, mais tu es fautif de te moquer d’un vieillard. Toi aussi, quand tu seras vieux, tu deviendras laid car tu te voûteras, tu n’auras plus beaucoup de cheveux, tu seras à moitié aveugle, tu marcheras avec un bâton, tu auras ce genre de visage. Et alors ? Cela te plaira d’être ridiculisé par un enfant irrespectueux ? Et puis, pourquoi fâcher le maître, distraire tes camarades ? Ce n’est pas bien. Si ton père le savait, il te punirait. Ta mère en souffrirait. Moi, je ne leur dirai rien. Mais toi, donne-moi tout de suite deux choses : d’une part la promesse de ne plus faire de tels manquements, et d’autre part ce pantin. Qui l’a fabriqué ?

– Moi, Seigneur… » dit l’enfant, mortifié, conscient maintenant de la gravité de ses… méfaits…

Et il ajoute :

« J’aime tellement travailler le bois ! Parfois, j’imite les fleurs des tapis ou les animaux qui s’y trouvent. Tu sais, les dragons, les sphinx, et d’autres bêtes encore…

– Cela, tu peux le faire. Il y a tant de belles choses sur la terre ! Donc, tu me fais cette promesse et tu me donnes ce pantin ? Sinon, nous ne sommes plus amis. Je le garderai en souvenir de toi et je prierai pour toi. Comment t’appelles-tu ?

– Alexandre. Et toi, qu’est-ce que tu me donnes ? »

Jésus est embarrassé. Il a toujours si peu de choses ! Mais il se rappelle qu’il a une très belle boucle au col d’un vêtement. Il cherche dans son sac, la trouve, la détache et la donne à l’enfant.

« Et maintenant, allons-y. Mais fais attention : même si je pars, cela ne m’empêche pas de tout savoir. Et si j’apprends que tu es méchant, je reviens ici et je dis tout à ta maman. »

Le pacte est scellé.

218.8

Ils entrent dans la maison. Après le vestibule, il y a une grande cour sur laquelle donnent, de trois côtés, de grandes pièces où se trouvent les métiers.

La servante qui a ouvert, étonnée de voir l’enfant avec un inconnu, prévient sa maîtresse, et celle-ci, une femme de grande taille, à l’aspect plein de douceur, accourt et demande :

« Mon fils s’est-il senti mal ?

– Non, femme. Il m’a amené ici pour voir tes tapis. Je suis étranger.

– Tu veux faire des achats ?

– Non. Je n’ai pas d’argent, mais j’ai des amis qui aiment les belles choses et qui sont riches. »

La femme regarde avec curiosité cet homme qui avoue aussi simplement sa pauvreté, et elle dit :

« Je te prenais pour un seigneur. Tu as des manières et l’aspect d’un grand seigneur.

– Pas du tout. Je suis simplement un rabbi galiléen : Jésus, le Nazaréen.

– Nous, nous faisons du commerce et nous n’avons aucune prévention. Viens et regarde. »

Elle l’emmène voir ses tapis auxquels travaillent des jeunes filles sous la direction de la maîtresse. Les tapis sont vraiment de grande valeur, pour leurs dessins comme par leurs couleurs. Grands, souples, on dirait des parterres tout en fleurs ou un kaléidoscope de pierres précieuses. D’autres mêlent aux fleurs des figures allégoriques comme des hippogriffes, des sirènes, des dragons, ou bien des griffons héraldiques semblables aux nôtres.

Jésus admire :

« Tu es très habile. Je suis content d’avoir vu tout cela. Et je suis content que tu sois bonne.

– Comment le sais-tu ?

– Cela se lit sur ton visage. Et ton enfant m’a parlé de Dina. Que Dieu t’en récompense. Même si tu ne le crois pas, tu es très proche de la Vérité car tu as la charité en toi.

– Quelle vérité ?

– Celle du Très-Haut. Celui qui aime le prochain, qui exerce la charité dans sa famille et envers ses subordonnés et qui la déploie sur les malheureux possède déjà en lui-même la Religion.

218.9

Cette fillette, c’est Dina, n’est-ce pas ?

– Oui, sa mère est mourante. Après je la prendrai, mais pas pour les tapis. Elle est trop petite et trop grêle. Viens, Dina, auprès de ce seigneur. »

La fillette, qui a le visage triste des enfants malheureux, s’approche timidement.

Jésus lui fait une caresse et lui demande :

« Tu me conduis auprès de ta mère ? Tu voudrais bien qu’elle guérisse, n’est-ce pas ? Alors, emmène-moi chez elle. Adieu, femme. Adieu à toi aussi, Alexandre, et sois bon. »

Il sort en tenant la fillette par la main.

« Tu es seule ? demande-t- il.

– J’ai trois petits frères. Le dernier n’a pas connu son père.

– Ne pleure pas. Es-tu capable de croire que Dieu peut guérir ta mère ? Tu sais, n’est-ce pas, qu’il existe un seul Dieu, qui aime les hommes qu’il a créés, et tout particulièrement les enfants qui sont bons ? Et qu’il peut tout ?

– Je le sais, Seigneur. Auparavant, mon frère Tolmé allait à l’école, et à l’école, on est mélangé aux juifs. C’est comme cela qu’on sait beaucoup de choses. Je sais qu’il existe et qu’il s’appelle Yahvé, et qu’il nous a punis parce que les Philistins ont été mauvais avec lui. Les enfants juifs nous le reprocheront toujours. Mais, à cette époque-là, je n’existais pas, ni maman ni mon père. Alors, pourquoi… »

Les larmes lui coupent la parole.

« Ne pleure pas. Dieu t’aime, toi aussi, et il m’a conduit ici pour toi et pour ta maman. Tu sais que les israélites attendent le Messie qui doit venir pour établir le Royaume des Cieux ? Le Royaume de Jésus, rédempteur et sauveur du monde ?

– Je le sais, Seigneur. Et ils nous menacent en disant : “ A ce moment-là, malheur à vous ! ”

– Et sais-tu ce que fera le Messie ?

– Il fera d’Israël un grand peuple et il nous traitera très mal.

– Non : il rachètera le monde, il enlèvera le péché, il apprendra à ne pas pécher. Il aimera les pauvres, les malades, les affligés. Il ira vers eux. Il apprendra aux hommes riches, en bonne santé ou heureux, à les aimer. Il recommandera d’être bons pour obtenir la Vie éternelle et bienheureuse au Ciel. C’est cela qu’il fera. Et il n’opprimera personne.

– Et comment comprendra-t-on que c’est lui ?

– Parce qu’il aimera tout le monde et guérira les malades qui croiront en lui, il rachètera les pécheurs et enseignera l’amour.

– Ah ! S’il venait ici avant que maman ne meure ! Comme je croirais, moi ! Comme je le prierais ! J’irais le chercher jusqu’à ce que je le trouve et je lui dirais : “ Je suis une pauvre enfant sans père, ma mère est mourante. J’espère en toi ” et je suis sûre qu’il m’accueillerait, bien que je sois philistine. »

Toute une foi, simple et forte, vibre dans la voix de la fillette. Jésus sourit en regardant la pauvre petite fille qui marche à côté de lui. Elle ne voit pas ce sourire éclatant, parce qu’elle regarde devant, du côté de la maison, maintenant proche.

218.10

Ils arrivent à un cabanon bien misérable au fond d’une impasse.

« C’est ici, Seigneur, entre… »

Une pauvre chambrette, une paillasse sur laquelle est étendu un corps épuisé, trois petits enfants, de dix à trois ans, assis près de la paillasse. Tout trahit la misère et la faim.

« Paix à toi, femme. Ne t’agite pas. Ne te dérange pas. J’ai trouvé ta fille et je sais que tu es malade. Je suis venu. Voudrais-tu guérir ? »

La femme n’a qu’un filet de voix pour répondre :

« Oh ! Seigneur !… Mais pour moi c’est fini !… »

Elle pleure.

« Ta fille est arrivée à croire que le Messie pourrait te guérir. Et toi ?

– Ah ! Moi, je le croirais aussi, mais où est le Messie ?

– C’est moi, qui te parle. »

Et Jésus qui était penché sur la paillasse pour murmurer ses paroles près du visage de la malade, se redresse et s’écrie :

« Je le veux. Sois guérie ! »

Les enfants ont presque peur de son air majestueux et, la surprise sur le visage, ils se tiennent autour du grabat de la mère.

Dina serre ses mains sur sa petite poitrine. Une lueur d’espoir, de béatitude brille sur son petit visage. Elle halète, pour ainsi dire, si grande est son émotion. Elle a la bouche ouverte pour dire quelque chose que déjà son cœur murmure. Quand elle voit sa mère, auparavant au teint cireux et abandonnée, se redresser pour s’asseoir comme si une force l’attirait et pénétrait en elle, puis se lever sans quitter un instant des yeux le Sauveur, Dina pousse un cri de joie : « Maman ! » Le mot qui gonflait son cœur est dit !… Un autre suit : « Jésus ! » tout en embrassant sa mère, elle l’oblige alors à s’agenouiller en disant :

« Adore ! Adore ! C’est lui, celui que le maître de Tolmé appelait : le Messie annoncé par les prophètes.

– Adorez le vrai Dieu, soyez bons, souvenez-vous de moi. Adieu. »

Et il sort rapidement pendant que les deux femmes, tout à leur bonheur, restent prosternées par terre…

218.1

The fresh dawn breath wakes the sleeping apostles. They rise from their sand beds, where they slept close to a dune strewn with small tufts of dry grass, and they climb to the top. A large sandy coast appears before them, whereas a little farther away and a little closer to them there are beautiful well cultivated fields. The white stones of a dry torrent are conspicuous against the golden sand and their whiteness — the whiteness of dry bones — stretches as far as the sea, the surface of which glitters in the distance, rippled by the morning tide and a light mistral. They walk on the edge of the dune as far as the dry torrent, which they cross, and they carry on walking across the dunes, which crumble under their feet and are so undulated that they seem a solid continuation of sea.

They reach the shore-line, where they can walk faster, and while John is hypnotised by the boundless ocean beginning to shine in the rising sun, and he seems to be drinking in its beauty as his eyes become bluer and bluer, Peter who is more practical, takes his sandals off, pulls up his tunic and paddles in the shallow water looking for little crabs or shells to suck. A beautiful sea town is about two miles away, stretched along the coast above a semilunar rocky barrier beyond which sands have been carried by storms and blown by winds. And the rocks of the barrier, now that the water recedes at low tide, appear here as well, compelling thus the apostles to walk on the dry sand in order not to cut their bare feet on the sharp rocks.

«Where is the entrance to the town, my Lord? I can only see a very solid wall from here. It is not possible to enter by sea. The town is in the inner most spot of the gulf» says Philip.

«Come. I know where the entrance is.»

«Have You already been here?»

«Once, when I was a child, but I would not remember. But I know where to go.»

«How strange! I have noticed that many a time… You never take the wrong road. Sometimes we make You go wrong. One would think that You have already been to the places we go to» remarks James of Zebedee.

Jesus smiles but does not reply.

218.2

He walks confidently as far as a little rural suburb where market gardeners grow vegetables for the town. The fields and market gardens are tidy and well looked after and men and women are working in them, pouring water in the furrows, after drawing it laboriously from wells by hand, or in the old squeaky method by means of buckets pulled up by a poor blindfolded donkey walking around the well. But they do not say anything. Jesus greets them. «Peace be with you.» But if they are not hostile, they are certainly indifferent.

«My Lord, we are running the risk of dying of hunger here. They do not understand Your greetings. I will try now» says Thomas. And he starts a conversation with the first market gardener he sees: «Are your vegetables expensive?»

«Not more than other market gardeners’. Dear or not dear, according to how thick a purse is.»

«Well said. But, as you can see, I am not dying of starvation. I am fat and rosy even without your vegetables. Which means that my purse is well stocked. Listen: we are thirteen and we have money to spend. What can you sell us?»

«Eggs, vegetables, early almonds, apples flabby by age, olives… Whatever you want.»

«Give me some eggs, apples and bread for everybody.»

«I have no bread. You will find it in town.»

«I am hungry now, not in an hour’s time. I don’t believe that you have no bread.»

«I have not got any. The women are making it. See that old man over there? He always has plenty, because as he is closer to the road, pilgrims often ask him for it. Go to Ananiah and ask him. I will bring you the eggs now. But, mind you, they cost a coin a pair.»

«What a thief you are! Do your hens perhaps lay golden eggs?»

«No. But it is not pleasant to be in the middle of the stench of poultry, and one does not do it for nothing. In any case, you are Jews, are you not? So pay!»

«You can keep your eggs. And that’s you paid!» and Thomas turns his back to him.

«Ehi! man! Come here. I will give you them for less. Three for a coin.»

«Not even four. You can eat them yourself and may they choke you.»

«Come here. Listen. How much are you prepared to give me?» The market gardener chases Thomas.

«Nothing. I don’t want them anymore. I wanted to have a snack before going to town. But it is better so. I will not lose my voice or my appetite before singing the king’s stories and I will have a good meal at the hotel.»

«I will give you them for a didrachma a pair.»

«Ugh! You are worse than a horse-fly. Give me your eggs. And make sure they are new laid ones. Otherwise I will bring them back and I will make your snout yellower than it already is.» And Thomas comes away with at least two dozen eggs in the fold of his mantle. «See? From now on I will do the shopping in this land of thieves. I know how to deal with them. They are lousy with money when they come to purchase our goods for their women and our bracelets are never heavy enough and they haggle over prices for days. I will avenge myself.

218.3

Now let us go and see that other nasty piece of work. Come, Peter. Here, John, take the eggs.»

They go to the old man whose market garden is near the main road, which from the north leads to the town running near the houses of the suburb. It is a fine well paved road, certainly Roman work. The eastern town gate is now quite near and beyond it one can see that the road proceeds straight and becomes really artistic, with a shady porch on each side, supported by marble columns, in the cool shade of which people walk leaving the middle of the road to donkeys, camels, dogs and horses.

«Hail! Will you sell us some bread?» asks Thomas.

The old man either does not hear or does not want to hear. In actual fact the squeaking of the water-wheel is such that it can cause confusion.

Peter loses his temper and shouts: «Stop your Samson! At least it will be able to catch its breath and not die under my eyes. And listen to us!»

The man stops the donkey and casts a side glance at his interlocuter, but Peter disarms him saying: «Eh! Is it not right to give the name of Samson[1] to a donkey? If you are a Philistine, you should like it because it is an insult to Samson. If instead you come from Israel, you should like it because it reminds you of a defeat of the Philistines. So you can see…»

«I am a Philistine and am proud of it.»

«You are right. And I will be proud of you if you give us some bread.»

«But are you not a Judaean?»

«I am a Christian.»

«What place is that?»

«It is not a place. It is a person. I belong to that person.»

«Are you His slave?»

«I am more free than any other man because he who belongs to that person does not depend on anybody, except God.»

«Are you speaking the truth? Not even on Caesar?»

«Phew! What is Caesar as compared to Him Whom I follow, and to Whom I belong, and in Whose name I ask you to give me some bread?»

«But where is that powerful man?»

«That man over there, the One looking here and smiling. He is the Christ, the Messiah. Have you never heard of Him?»

«Yes, the king of Israel. Will He defeat Rome?»

«Rome? The whole world, also Hell.»

«And you are His generals? Dressed like that? Perhaps to evade the persecutions of the wicked Jews.»

«Well… it is, and it isn’t. But give me some bread and while eating I will explain the situation to you.»

«Bread? But I will also give you water, and wine, and seats in the shade, for you and for your companion and for your Messiah. Call Him.»

And Peter rushes towards Jesus. «Come, come. He will give us what we want… that old Philistine. But I think he will assail You with questions… I told him Who You are… I more or less told him… But he is favourably disposed.»

218.4

They all go to the market garden where the man has already arranged benches round a coarse table under a thick vine pergola.

«Peace to you, Ananiah. May your ground be fertile because of your charity and may it bear you rich fruit.»

«Thank You. Peace to You. Sit down. Anibe! Nubi! Bring bread, wine and water at once» the old man orders two women who are certainly African, because one is absolutely black with thick lips and frizzly hair and the other is very dark but more of a European type.

And the old man explains: «They are the daughters of my wife’s slaves. She is dead and the slaves who came with her are also dead. But the daughters are here. They come from the High and Low Nile. My wife came from there. It’s forbidden, eh? But I don’t care. I am not an Israelite and the women of inferior race are meek.»

«Are you not from Israel?»

«I am by force, because Israel oppresses us like a yoke. But… You are an Israelite and You will feel insulted at what I say?…»

«No. I am not offended. I would only like you to listen to the voice of God.»

«It does not speak to us.»

«That is what you say. I am speaking to you, and that is His voice.»

«But You are the King of Israel.»

The women who are arriving with bread, water and wine when they hear «king» being mentioned, stop dumbfounded looking at the smiling dignified young man, whom their master calls «King», and they are about to withdraw, almost creeping out of respect.

«Thank you, women. Peace to you, too.» Then, addressing the old man: «They are young… You may go on with your work.»

«No. The soil is wet and can wait. Speak to us a little. Anibe, unharness the donkey and take it to the stable. And you, Nubi, pour the last buckets of water and then… Are you stopping here, Lord?»

«Do not go to any further trouble. I only want to take some food and then I will go to Ashkelon.»

«It is no trouble. Go to town, but come back here in the evening. We will share our bread and salt. You two, hurry up. You see to the bread, you call Jetheo, tell him to kill a kid and prepare it for this evening. Go.» And the two women go away without speaking.

218.5

«So You are a king. But Your army? Herod is cruel in every possible way. He rebuilt Ashkelon. But for his own glory. And now!… But You know the disgraceful things of Israel better than I do. What will You do?»

«I have but the weapon that comes from God.»

«David’s sword?»

«The sword of My word.»

«Oh! You have some hopes! It will become blunt against bronze hearts.»

«Do you think so? I am not aiming at a kingdom in this world. I am aiming at the Kingdom of Heaven on behalf of all of you.»

«Us all? Me, as well, a Philistine? And my slaves?»

«For everybody. You and them. And for the most uncivilised man in the centre of African forests.»

«Do You want to establish such a wide kingdom? Why do You call it of Heaven? You could call it: Kingdom of the Earth.»

«No, do not misunderstand me. My Kingdom is the Kingdom of the True God. God is in Heaven. So it is the Kingdom of Heaven. Every man is a soul clad with a body and a soul can live but in Heaven. I want to cure your souls, remove their errors and hatred and lead them to God through goodness and love.»

«I like that very much. I do not go to Jerusalem, but I know that no one in Israel has spoken like that for ages. So You do not hate us?»

«I do not hate anyone.»

The old man is pensive… then he asks: «And have the two slaves got a soul the same as you people of Israel?»

«Of course they have. They are not captured wild beasts. They are unhappy creatures. They deserve love. Do you love them?»

«I do not ill-treat them. I want them to obey, but I never use a lash and I feed them well. They say that an ill-fed animal will not work. But also an ill-fed man is bad business. And they were born in the house. I saw them when they were babies. They are the only ones who will be left, because I am very old, You know? Almost eighty. They and Jetheo are what is left of my old household. I am fond of them as I am of my property. They will close my eyes…»

«And then?»

«And then… Who knows! I don’t know. They will go and work as maidservants and the house will fall to pieces. I am sorry. I made it wealthy by my work. This ground will be covered with sand again and become sterile… This vineyard… My wife and I planted it. And that rosery… It’s Egyptian, Lord. I smell the perfume of my wife in it… It seems my son… the only son who is buried under it and is now dust… Sorrows… It is better to die young and not see all that and death which is approaching…»

«Your son is not dead, neither is your wife, their souls survive. Their flesh is dead. Death must not frighten you. Death is life for those who hope in the Lord and live righteously. Think about it… I am going to town. I will come back this evening and I will ask you to allow Me to sleep under that porch with My disciples.»

«No, my Lord. I have many empty rooms. I offer them to You.»

Judas puts some coins on the table.

«No. I don’t want them. They are of this country that is hateful to you. But perhaps they are better than those who rule over us. Goodbye, my Lord.»

«Peace to you, Ananiah.»

The two slaves together with Jetheo, a brawny elderly peasant, have come to see Him leave. «Peace to you as well. Be good. Goodbye» and Jesus touches lightly Nubi’s frizzy hair and the shiny straight hair of Anibe, He smiles at the man and departs.

218.6

Shortly afterwards they enter Ashkelon along the road of the double porch, which goes straight to the centre of the town. The town is an imitation of Rome, with fountains and basins, squares in the style of the Forum, towers along the wall and Herod’s name everywhere, which he obviously had placed to praise himself since the population of Ashkelon do not applaud him. The town is busy and becomes more so as the time passes and one approaches its centre, which is spacious and airy, with the sea as a bright background like a turquoise enclosed in the pink coral tongues of the houses spread in the deep arc of the coast. Rather than a gulf it is indeed a true arc, a section of a circle made very pale pink by the sunshine.

«Let us divide into four groups. I will go, or rather I will let you go. Then I will make My choice. Go. After the ninth hour we will meet at the gate where we came in. Be wise and patient.»

And Jesus looks at them going away and remains alone with Judas Iscariot who has stated that he will give nothing to the people here because they are worse than heathens. But when Judas hears that Jesus wishes to wander about in silence, he changes his mind and says: «Do You mind being alone? I would go with Matthew, James and Andrew as they are the least capable ones…»

«You may go. Goodbye.»

And Jesus all alone, wanders far and wide in the town, a seeming non-entity amongst busy people who pay no attention to Him. Only two or three children look at Him curiously and a woman provokingly dressed comes resolutely towards Him smiling alluringly. But Jesus looks at her so severely that she becomes purple, lowers her eyes and goes away. At the corner she turns around again, and as a man who watched the scene jeers at her bitingly, laughing at her defeat, she wraps herself in her mantle and runs away.

The children, instead, walk around Jesus, looking at Him and smiling in response to His smiles. One more daring than the others asks: «Who are You?»

«Jesus» He replies caressing him.

«What are You doing?»

«I am waiting for some friends.»

«From Ashkelon?»

«No, from My country and from Judaea.»

«Are You rich? I am. My father has a beautiful house and he makes carpets in it. Come and see. It is not far.»

And Jesus goes with the boy and they enter a long archway, which is a kind of covered road. At the other end they catch a glimpse of the sea, which is very bright in the sunshine and looks even more lively in the dim light of the archway.

218.7

They meet a haggard little girl who is weeping. «That is Dinah. She is poor, You know? My mother gives her food. Her mother cannot work any more. Her father died, at sea. In a storm while going from Gaza to the harbour of the Great River to take goods there and to collect some. And as the goods belonged to my father and Dinah’s father was one of our sailors, my mother now sees to them. But there are so many of them who have been left fatherless thus… What do You say? It must be dreadful to be orphans and poor. Here is my house. Don’t tell my mother that I was in the street. I should have been at school. But I was expelled because I was making my companions laugh with this…» and he pulls out from his clothes a puppet carved in wood, set in a thin piece of wood, which is really very comical, with its slipper chin and its very queer nose.

Jesus’ lips tremble as if He were on the point of smiling, but He controls Himself and says: «That is not your school teacher, is it? Or a relative? It is not right.»

«No. It’s the head of the synagogue of the Jews. He is old and ugly and we always make fun of him.»

«That is not right either. He is certainly much older than you are and…»

«Oh! He is very old, he is almost humpbacked and blind, but he is so ugly looking!… It’s no fault of mine, if he is so ugly!»

«No. But you are wrong in making fun of an old man. You will be ugly too, when you are old, because you will be bent with age; you will be bald, almost blind, you will need a stick to walk, your face will be like that one. So? Will you be happy if an ill-mannered boy makes fun of you? And why should you worry your master and disturb your companions? It is not right. If your father knew, he would punish you and your mother would be upset. I will not tell them anything. But you will give Me two things immediately: your promise that you will no longer commit such offences and that puppet. Who made it?»

«I did, Lord…» says the humiliated boy, who is now conscious of the seriousness of his… misdeeds… And he goes on: «I like to carve wood very much! Sometimes I carve the flowers or the animals which are on the carpets. You know?… dragons, Sphynxes and other animals…»

«You may do that. There are so many beautiful things on the earth! So are you going to promise and will you give me that puppet? Otherwise we are no longer friends. I will keep it as a souvenir and I will pray for you. What is your name?»

«Alexander. And what will You give me?»

Jesus is embarrassed. He always has so little! But He remembers that He has a beautiful buckle on the collar of one of his tunics. He looks for it in His bag, finds it, takes it off and gives it to the boy. «And now let us go. But, mind you, even if I go away, I will know everything just the same. And if I know that you are a bad boy, I will come back here and tell your mother everything.» The agreement is made.

218.8

They enter the house. Beyond the hall there is a large yard on three sides of which there are large rooms with the looms.

The maidservant who opened the door is amazed seeing the boy with a stranger and informs the landlady, a tall kind looking woman who comes immediately asking: «But has my son not been well?»

«No, woman. He brought Me here to see your looms. I am a stranger.»

«Do You wish to make some purchases?»

«No. I have no money. But I have friends who love beautiful things and have money.»

The woman looks curiously at the man who so candidly admits that he is poor and she says: «I thought You were a rich man. Your manners and aspect are those of a lord.»

«Instead I am only a Galilean rabbi: Jesus, the Nazarene.»

«We are in business and we are unprejudiced. Come and see.»

And she takes Him to see her looms where young women are working under her guidance. The rugs are really valuable both in terms of design and shade: they are deep, soft and look like flower beds in bloom or kaleidoscopes of gems. On others there are allegorical figures, such as hyppogryphs, mermaids, dragons or heraldic gryphons like ours, intermingled with flowers.

Jesus admires them. «You are very clever. I am glad I have seen all this. And I am glad that you are a good woman.»

«How do you know?»

«It is written on your face and the boy told Me about Dinah. May God reward you for it. Even if you do not believe it, you are very close to the Truth, because there is charity in you.»

«Which truth?»

«The Most High Lord. He who loves his neighbour and practices charity both towards his family and his subjects, and extends it to unhappy people, has already Religion in himself.

218.9

That is Dinah, is it not?»

«Yes. Her mother is dying. Later, I will take her, but not for the looms. She is too young and too delicate. Dinah, come to this gentleman.»

The little girl, with the sad look of unhappy children, approaches Jesus shyly.

Jesus caresses her and says: «Will you take Me to your mother? You would like her to be cured, would you not? Well, then, take Me to her. Goodbye, woman. And goodbye, Alexander. And be good.»

He goes out holding the girl’s hand. «Are you alone?» He asks her.

«I have three little brothers. The last one never knew his father.»

«Do not weep. Can you believe that God can cure your mother? You know, do you not, that there is only one God Who loves the men that He created and especially good children? And that He can do everything?»

«Yes, I know, Lord, My brother Tolme used to go to school and at school he was mixed with Jewish boys. That is why we know many things. I know that God exists and His name is Jehovah and that He punished us because the Philistines were bad to Him. The Jewish children always reproach us for that. But I was not there then, neither was my mother or my father. So why…» tears choke her words.

«Do not weep. God loves you, too, and He brought Me here, for you and for your mother. Do you know that the Israelites are expecting the Messiah Who is to come to establish the Kingdom of Heaven? The Kingdom of Jesus, the Redeemer and Saviour of the world?»

«I know, my Lord. And they threaten us saying: “Then there will be trouble for you”.»

«And do you know what the Messiah will do?»

«He will make Israel a great country and will treat us very badly.»

«No. He will redeem the world, He will remove sin, He will teach people not to sin, He will love the poor, the sick, the afflicted, He will go to them, and He will teach the rich, the healthy, the happy to love them and He will tell everybody to be good to reach the blissful eternal life in Heaven. That is what He will do. And He will not oppress anybody.»

«And how will people know Him?»

«Because He will love everybody and will cure the sick people that believe in Him, He will redeem sinners and teach love.»

«Oh! I wish He came before my mother dies! How I would believe in Him! How I would pray Him! I would go and look for Him until I found Him and I would say to Him: “I am a poor girl without father and my mother is dying, I hope in You” and I am sure that, although I am a Philistine, He would hear me.» Her voice throbs with simple deep faith.

Jesus smiles looking at the poor girl walking beside Him. She cannot see His bright smile as she is looking ahead, towards the house which is now close at hand…

218.10

They arrive at a poor little house, at the end of a blind alley. «It’s here, my Lord. Come in…» A small miserable room, a straw mattress with a worn out body on top of it, three little ones between three and ten years of age, sitting near the mattress. Misery and starvation are portrayed everywhere.

«Peace to you, woman. Do not get excited. Do not trouble yourself. I found your daughter and I know that you are not well. I have come. Would you like to be cured?»

In a small voice the woman replies: «Oh! My Lord!… It’s the end for me!…» and she weeps.

«Your daughter believes that the Messiah could cure you. And what about you?»

«Oh! I believe that, too. But where is the Messiah?»

«It is I, Who am speaking to you.» And Jesus, Who was bending over the mattress whispering His word to the poor woman, stands up and shouts: «I want it. Be cured.»

The children are almost afraid of His majesty, and the three amazed faces remain around their mother’s pallet. Dinah presses her hands against her little breast. A light of hope, of beatitude shines on her face. She is so touched, that she is almost panting. Her mouth is open to utter a word which her heart is already whispering and when she sees that her mother, so far wan and exhausted, sits up, as if she were supported by a strength infused into her, and then stands up, with her eyes staring all the time at the Saviour, Dinah utters a cry of joy: «Mummy!». The word filling her heart has been spoken!… And then another one: «Jesus!» And embracing her mother she compels her to kneel down saying: «Adore Him, adore Him! It is He, the prophesied Saviour of Whom Tolme’s teacher spoke.»

«Worship the True God, be good, remember Me. Goodbye.» And He goes out quickly while the two happy women are still prostrated on the floor…


Notes

  1. Samson : nous trouvons le récit de ses entreprises contre les Philistins en : Jg 14-16. En outre, les combats entre Israël et les Philistins dont il est fait mention dans ce chapitre et dans les suivants (jusqu’en 221.9) sont le sujet dominant de 1 S 4-7 ; 13-14 ; 17 ; 23 ; 28 ; 31.

Notes

  1. Samson: his feats are narrated in Judges 14-16. While accounts of the conflicts between Jews and Philistines constitute most of the book First Samuel.