218.1
L’haleine fraîche de l’aube réveille les dormeurs. Ils se lèvent de la couche de sable sur laquelle ils ont dormi, à l’abri d’une dune parsemée de quelques herbes sèches, et ils grimpent à son sommet. Une immense côte sableuse se trouve devant eux, alors que, tout près et un peu plus loin, des terrains portent de belles cultures. Les pierres blanches d’un torrent à sec font ressortir la couleur blonde du sable. Il descend, avec cette blancheur d’os desséchés, jusqu’à la mer qui scintille au loin. Les flots de cette dernière sont gonflés par la marée du matin, mais surtout par un léger mistral qui ride l’océan. Ils suivent le bord de la dune jusqu’au torrent à sec, le franchissent, reprennent leur marche en diagonale sur les dunes qui s’éboulent sous leurs pas. Ainsi ondulées, elles semblent continuer l’océan en vagues solides et sèches, à la place des flots agités.
Ils arrivent sur le rivage humide et marchent plus à leur aise. Jean est comme hypnotisé par le spectacle de la mer sans fin qu’illuminent les premiers rayons du soleil. Il semble boire cette beauté et ses yeux paraissent en devenir plus bleus. Pierre, plus pratique, se déchausse, relève son vêtement et patauge dans les flaques de la rive en quête de quelque crabe ou coquillage à sucer.
A deux bons kilomètres de là, une belle ville maritime s’étend le long de la rive sur une ligne de rochers en forme de demi-lune au-delà de laquelle le vent et la tempête ont transporté du sable. Maintenant que l’eau se retire avec la marée basse, cette barrière rocheuse se découvre aussi à cet endroit, les obligeant à revenir sur le sable sec pour ne pas blesser leurs pieds nus sur les écueils.
« Par où entrons-nous, Seigneur ? D’ici, on ne voit qu’une épaisse muraille. Du côté de la mer, impossible d’entrer. La ville est au point le plus profond de l’arc, dit Philippe.
– Venez, dit Jésus. Je sais par où l’on entre.
– Tu y es déjà allé ?
– Une fois, quand j’étais tout petit, mais je ne m’en souviendrais pas. Cependant, je sais par où passer.
– Etrange ! Je l’ai remarqué bien des fois… Tu ne te trompes jamais de route. Parfois, nous te faisons te tromper. Mais toi, on dirait que tu es toujours déjà venu dans le lieu où tu vas », s’extasie Jacques, fils de Zébédée.
Jésus sourit sans répondre.